adject. (Mathématiques) terme dont quelques anciens auteurs se servent pour exprimer la même chose que pratique, mécanique, ou problématique.

Stevin, dans ses éléments d'hydrostatique, donne le nom d'exemples pragmatiques, à certaines expériences mécaniques ou pratiques, et les autres auteurs se servent quelquefois du mot pragmatique dans le même sens. Ce mot au reste, n'est plus usité. Chambers.

PRAGMATIQUE SANCTION, (Jurisprudence) qu'on appelle aussi quelquefois simplement pragmatique, est le nom que l'on donne à certaines ordonnances.

Dans les trois premiers siècles de la troisième race de nos rais, on ne connaissait pour véritables ordonnances, que celles qu'on appelait pragmatiques sanctions ; on entendait par-là une constitution faite par le prince de concert avec les grands de l'état ; comme encore en Allemagne, on n'admet pour pragmatique sanction, que les résolutions de la diete générale de l'empire. Lett. hist. sur les Parlements.

Hoffman dit que l'on entendait par le terme de pragmatique sanction, un rescrit du prince, non pas sur l'affaire d'un simple particulier, mais qui concernait quelque corps, communauté ou province.

On appelait un tel règlement pragmatique, soit parce qu'il prescrivait les formes que l'on devait pratiquer dans une certaine matière, soit parce que ce règlement n'était interposé qu'après avoir pris l'avis des gens pragmatiques, c'est-à-dire des meilleurs praticiens, des personnes les plus expérimentées ; sanction était le terme qui caractérisait une ordonnance ; en effet sanctio dans la loi est la partie qui prononce quelque peine contre les contrevenans.

Les lettres de l'an 1105, par lesquelles Philippe I. défendit de s'emparer des meubles des évêques de Chartres décédés, sont par lui qualifiées en deux endroits, pragmatica sanctio.

Mais les deux plus fameuses ordonnances qui soyent connues sous le nom de pragmatique sanction, sont la pragmatique de saint Louis, du mois de Mars 1268 ; l'autre est la pragmatique sanction faite à Bourges par Charles VII. au mois de Juillet 1438.

La pragmatique de saint Louis ne contient que six articles ; elle ordonne :

Que les églises du royaume, les prélats, patrons et collateurs ordinaires, jouissent pleinement de leur droit, et que la juridiction qui appartient à chacun lui soit conservée.

Que les églises cathédrales et autres, aient la liberté des élections.

Elle défend le crime de simonie.

Elle veut aussi que les promotions, collations, provisions et dispositions des prélatures, dignités et autres bénéfices et offices ecclésiastiques, soyent faites selon le droit commun, la disposition des conciles et l'institution des saints Peres.

Saint Louis défend ensuite qu'il soit exigé dans son royaume aucune imposition ni levée de deniers de la part de la cour de Rome. Ces sortes d'exactions et de charges très-pesantes ayant, dit-il, très-misérablement appauvri le royaume, il n'excepte que le cas où ce serait pour une cause raisonnable et pour urgente nécessité, et du consentement du roi et de l'église de France.

Enfin il confirme toutes les libertés, franchises, immunités, prérogatives, droits et privilèges accordés par lui et les rois ses prédécesseurs, aux églises, monastères, lieux de piété, religieux et personnes ecclésiastiques.

Pour expliquer maintenant ce qui donna occasion à la pragmatique sanction faite par Charles VII, il faut d'abord rappeler quel était alors l'état de l'église.

L'extension que les fausses decrétales avaient donnée à l'autorité des papes, avait bien-tôt dégénéré en abus ; ce fut la source des désordres qui inondèrent l'Eglise dans les douzième et treizième siècles ; ces malheurs s'accrurent encore pendant le grand schisme sous les antipapes.

Le concîle de Constance entreprit une réforme sous le titre de reformatione in capite et in membris ; mais dès qu'il vint à toucher aux prétentions du pape, aux privilèges des cardinaux, aux nouveaux usages utiles à la cour de Rome, il y eut tant d'opposition, qu'on fut obligé de se séparer sans en venir à-bout.

L'Eglise croyait voir finir les malheurs où le schisme l'avait plongée, par l'élection de Martin V. les antipapes étaient morts ou avaient cédé.

Martin V. avait promis devant et après son sacre, de travailler à la réforme de l'Eglise dans son chef et dans ses membres. Il avait été ordonné au concîle de Constance, de tenir fréquemment des conciles généraux ; on en avait indiqué un à Pavie ; la contagion qui était dans cette ville le fit transférer à Sienne, d'où Martin V. le fit transférer à Basle.

Eugène IV. successeur de Martin V. lequel mourut avant la première session du concîle de Basle, voulut dissoudre ce concile, parce qu'il avait déclaré que le pape même était soumis aux decrets des conciles généraux.

Le concîle déposa Eugène, et élut en sa place Amédée VIII. duc de Savoye, sous le nom de Felix V.

Eugène de son côté, après avoir transféré le concîle à Ferrare, et de Ferrare à Florence, excommunia les pères du concîle de Basle, en sorte que le schisme recommença de nouveau ; le concîle et le pape envoyèrent chacun de leur côté des ambassadeurs dans les différentes cours pour les attirer dans leur parti.

La France et l'Allemagne désapprouvèrent également les sentences du pape contre le concile, et celles du concîle contre le pape.

Charles VII. qui se trouvait alors à Bourges, y fit assembler les états ; il fit examiner dans l'assemblée les vingt-trois decrets que le concîle de Basle avait déjà faits.

Le clergé de France, qui tenait le premier rang dans cette assemblée, accepta tous les decrets du concîle de Basle ; mais néanmoins avec certaines modifications, non pas que le roi ni l'Eglise de France aient voulu diminuer l'autorité de ce concile, mais parce que les decrets des conciles, en ce qui concerne la discipline, ne doivent être reçus qu'eu égard aux circonstances des temps et des lieux.

Pour autoriser les decrets du concîle de la manière dont ils étaient acceptés, le roi donna le 14 Juillet 1438, une ordonnance qui fut appelée la pragmatique sanction.

Cette ordonnance est composée de trois sortes de decrets ou dispositions.

La plus grande partie a été tirée du concîle de Basle, sauf les modifications qui y ont été ajoutées. Le clergé de France en recevant les decrets du concîle de Basle, y en ajouta plusieurs ; et le roi Charles VII. en confirmant le tout, y a joint aussi quelques règlements, tant en forme de préface que de conclusion. Le tout ensemble forme la pragmatique sanction.

Entr'autres dispositions qu'elle renferme, elle rétablit les élections aux bénéfices, prive les papes des annates, et maintient que les conciles généraux ont le pouvoir de réformer le chef et les membres.

Le clergé arrêta par une délibération solennelle, de faire ses instances auprès du roi Charles VII. pour l'exécution des decrets de la pragmatique, et de supplier S. M. de donner ordre à ses parlements et à ses autres officiers, de les observer et de les faire observer inviolablement. Le roi étant à Bourges le 7 Juillet 1437, en ordonna l'enregistrement dans toutes ses cours, et l'exécution dans tous les pays de son obéissance ; elle fut registrée au parlement le 13 Juillet 1439.

Le même prince, par sa déclaration du 7 Aout 1441, aussi registrée au parlement, ordonna que les decrets du concîle de Basse, rapportés dans la pragmatique, n'auraient exécution que du jour de la date de la pragmatique, sans avoir égard à la date des decrets du concile.

Plusieurs ont cru que la pragmatique avait été faite pendant le schisme ; ils se sont fondés sur le témoignage de Louis XI. qui le dit ainsi dans une lettre au pape Pie II. et sur une lettre de Léon X. qui le dit de même, laquelle est rapportée dans le cinquième concîle de Latran, et dans le titre I. du concordat ; mais le parlement de Paris dans ses remontrances, et le plus grand nombre de nos meilleurs auteurs, ont soutenu que la pragmatique n'a point été faite pendant le schisme. La manière de concilier ces différents sentiments est expliquée dans les mémoires du clergé, tome X. pag. 77 et 78.

Eugène IV. voulut en faire réformer la pragmatique, du-moins en quelques articles ; mais Charles VII. en prescrivit plus étroitement l'observation par une ordonnance de l'an 1453.

Pie II. après avoir fortement déclamé contre la pragmatique dans l'assemblée de Mantoue, fit ses decrétales execrabilis et inauditus contre ceux qui appellent du pape au concile. Mais Jean Dauvet, procureur-général, en appela au futur concîle en 1461.

Louis XI, fils de Charles VII. voulant se concilier la faveur de Pie II. par rapport à la Sicîle qu'il voulait faire avoir à René d'Anjou, révoqua la pragmatique-sanction par des lettres adressées au pape le 27 Novembre 1461.

Pie II. charmé de cette nouvelle, fit présent au Roi d'une épée garnie de pierreries ; il fit publier les lettres de Louis XI. et trainer dans toutes les rues de Rome la pancarte qui contenait la pragmatique-sanction qu'il avait reçue avec le paquet des lettres de révocation.

Mais les lettres de révocation ne furent point vérifiées au parlement, et depuis le Roi étant mécontent du pape, ne fit point exécuter cette révocation. Le cardinal d'Arras qui avait obtenu le chapeau à mener cette intrigue, étant fâché de son côté de ce que le pape ne lui avait pas permis de tenir ensemble l'archevêché de Besançon et l'évêché d'Alby, se mit encore moins en peine de presser l'exécution des lettres qui avaient révoqué la pragmatique.

Pie II. étant décédé trois années après, l'an 1464, Louis XI. sur les remontrances du parlement, rétablit en quelque sorte la pragmatique-sanction. Paul III. fit ensuite varier Louis XI ; mais Jean de Saint-Romain, procureur-général, s'opposa à l'enregistrement des dernières lettres que le roi avait données contre la pragmatique, l'université en appela au futur concile, et fit enregistrer ses protestations au Châtelet.

Sous le règne de Charles VIII. la pragmatique-sanction fut observée ; Jean de Nanterre, procureur-général, fit un appel du pape, de sa légation, du pape même au pape mieux conseillé, et protesta contre tout ce qui avait été fait pour détruire la pragmatique.

Louis XII. ordonna en 1499, que la pragmatique serait inviolablement observée. Jules II. suscita contre lui toute l'Italie ; la France et l'Allemagne sommèrent Jules II. d'assembler un concile, et à son refus, les cardinaux l'indiquèrent à Pise ; alors le pape, pour parer le coup, indiqua le concîle à Rome à St. Jean de Latran, il cita le roi, les cours et le clergé de venir défendre la pragmatique dans un certain délai, faute de quoi elle serait déclarée nulle, schismatique, et comme telle, abrogée.

Le concîle de Pise avait déjà fait beaucoup de décrets qu'on avait reçus en France. On était à la veille de voir un schisme ; mais la mort de Jules II. arrivée le 26 Février 1513, le prévint.

Louis XII. fut plus doux à l'égard de Léon X. successeur de Jules II ; il reconnut le concîle de Latran ; mais Louis XII. lui-même étant mort le premier Janvier 1514, les affaires changèrent de face.

Français I. victorieux en Italie, ayant pris Milan, Léon X. chercha à faire sa paix avec ce prince. Le pape proposa au roi une entrevue à Boulogne ; là le roi demanda au pape, ou d'approuver la pragmatique, ou de faire un traité. Léon X. préféra ce second parti. Ils firent donc ensemble un traité en 1517, qu'on appelle le concordat.

Par ce concordat la pragmatique-sanction, pour le soutien de laquelle on avait tant bataillé, fut abolie, du moins pour la plus grande partie, au grand contentement de la cour de Rome, et au regret perpétuel des universités et de tout l'ordre ecclésiastique de France.

Suivant la pragmatique, tous les bénéfices consistants en dignités, comme archevêchés, évêchés, abbayes et prieurés conventuels, étaient sujets à élection ; savoir, les archevêchés et évêchés à l'élection des chapitres, les abbayes et prieurés conventuels à l'élection des religieux et couvent ; au lieu que, suivant le concordat, les bulles et déclarations qui ont été données en interprétation, le roi nomme aux archevêchés, évêchés, abbayes et prieurés conventuels. Voyez ci-devant CONCORDAT.

Quelques auteurs ont avancé qu'au moyen du concordat, la pragmatique était entièrement abrogée dans l'église de France : ils se fondent sur le discours que fit le pape Pie II. dans l'assemblée de Mantouè, sur la bulle de Léon X. qui commence par ces mots, Pastor aeternus, et sur la lettre de Louis XI. à Jules II. Il est certain que ce prince eut en certaines conjonctures intention d'abolir la pragmatique ; mais on a Ve que lui-même l'a rétablie en quelque sorte sur les remontrances du parlement ; et quoique Paul III. l'eut fait varier, le dessein d'abolir la pragmatique ne fut pas totalement exécuté, et la doctrine du royaume est que les articles de la pragmatique, qui ne sont point contraires à ceux que l'on y suit du concordat, n'ont pas été abrogés ; plusieurs ont même été confirmés par d'autres ordonnances, et par la jurisprudence des arrêts ; et les articles dont le concordat ne parle point, ont pareillement été conservés. Voyez sur la pragmatique Guymier, Probus, Pinson, le quatrième plaidoyer de Patru, Joly, Fontanon, les mémoires du Clergé.

Pour ce qui est des pragmatiques d'Allemagne, ce sont des règlements ou concordats que l'empereur fait agréer par la diete. La pragmatique-sanction de l'empereur Charles VI. est un pacte de famille pour la succession de ses états héréditaires qu'il déclare indivisibles, et pour le droit de succession de mâle en mâle, au défaut desquels il appelle ses filles, à leur défaut ses nièces, à leur defaut ses sœurs ; elle fut acceptée en 1724, dans la plupart des états héréditaires d'Autriche, et présentée à la diete de Ratisbonne en 1731, où l'empereur en demanda la garantie. Voyez le tableau de l'empire germanique, p. 154. (A)