S. f. (Ordre encyclopédique, Entendement, Raison, Philosophie ou Science, Science de la nature, Mathématiques, Mathématiques mixtes, Optique, Perspective) c'est l'art de représenter sur une surface plane les objets visibles tels qu'ils paraissent à une distance ou à une hauteur donnée à-travers un plan transparent, placé perpendiculairement à l'horizon entre l'oeil et l'objet, La Perspective est ou spéculative ou pratique.

La spéculative est la théorie des différentes apparences ou représentations de certains objets, suivant les différentes positions de l'oeil qui les regarde.


La pratique est la méthode de représenter ce qui parait à nos yeux ou ce que notre imagination conçoit, et de le représenter sous une forme semblable aux objets que nous voyons.

La Perspective, soit spéculative, soit pratique a deux parties, l'Ichnographie, qui est la représentation des surfaces, et la Scénographie qui est celle des solides. Voyez ICHNOGRAPHIE et SCENOGRAPHIE.

Nous trouvons dans quelques ouvrages des anciens, et principalement dans Vitruve, des traces des connaissances qu'ils avaient de la Perspective, mais il ne nous est resté d'eux aucun écrit en forme sur ce sujet. Ainsi si cette science a été, pour ainsi dire, recréée par les modernes, Albert Durer et Pietro del Borgo en ont les premiers donné les règles : Balthasar Perruzzi les a perfectionnées ; Guido Ubaldi, en 1600, étendit et simplifia la théorie de cette science ; après lui une foule d'auteurs y ont travaillé, entre lesquels nous nommerons le P. Deschales, le P. Lamy, et surtout l'essai de Perspective de M. Gravesande, et celui du savant Taylor, les deux meilleurs ouvrages que nous ayons sur cette matière. Voyez l'hist. des Mathémat. de M. Montucla, tome I. p. 632.

La perspective s'appelle plus particulièrement perspective linéaire, à cause qu'elle considère la position, la grandeur, la forme, etc. des différentes lignes, ou des contours des objets ; elle est une branche des Mathématiques : quelques-uns en font une partie de l'Optique, et les autres en font simplement une science dérivée de l'Optique ; ses opérations sont toutes géométriques. Voyez OPTIQUE.

Pour en donner une idée plus précise, supposons un plan transparent H I, Pl. perspect. fig. 1., élevé perpendiculairement sur un plan horizontal, et que le spectateur S dirige son oeil O au triangle A B C ; si l'on conçoit présentement que les rayons A O, O B, O C, etc. en passant par le tableau H I laissent des traces de leur passage aux points a b c sur le plan, on aura sur ce plan l'apparence du triangle a b c, laquelle venant à l'oeil par les mêmes rayons a o, b o, c o, qui apportent à ce même oeil l'apparence du triangle A B C, fera voir la véritable apparence de ce triangle sur le tableau, quand même on supprimerait l'objet, en conservant néanmoins la même distance et la même hauteur de l'oeil. Voyez VERSION, etc.

On enseigne donc dans la perspective des règles sures et infaillibles, pour trouver géométriquement les points a, b, c, etc. et par conséquent l'on y donne la méthode de dessiner très-exactement un objet quelconque, puisqu'il ne s'agit pour dessiner un objet que d'en tracer exactement le contour. Voyez DESSEIN.

Avant que d'entrer dans un plus grand détail, il est à-propos de savoir qu'on appelle plan géométral un plan parallèle à l'horizon, sur lequel est situé l'objet qu'on veut mettre en perspective ; plan horizontal, un plan aussi parallèle à l'horizon, et passant par l'oeil ; ligne de terre ou fondamentale, la section du plan géométral et du tableau ; ligne horizontale, la section du plan horizontal et du tableau ; point de vue ou point principal, le point du tableau sur lequel tombe une perpendiculaire menée de l'oeil ; ligne distante, la distance de l'oeil à ce point, etc.

Par cette seul idée que nous venons de donner de la perspective linéaire, il est aisé de juger combien elle est nécessaire à la Peinture, et combien par conséquent il est essentiel de savoir les règles de la perspective pour exceller dans le dessein. Un tableau n'est autre chose que la perspective d'une multitude d'objets revêtus de leurs couleurs naturelles. On ne saurait donc trop recommander aux Peintres de s'appliquer à la Perspective ; car les fautes grossières qu'on remarque souvent dans des tableaux d'ailleurs très-beaux, sont souvent la suite de l'ignorance où était l'artiste sur les règles de la Perspective. Le P. Bernard Lamy de l'Oratoire, auteur de différents ouvrages élémentaires de Mathématique, a fait un traité de Perspective, où il s'étend beaucoup sur la nécessité indispensable d'en connaître les règles pour exceller dans l'art de la Peinture. De plus, en apprenant ces règles, le peintre ne doit pas se borner à une pratique aveugle ; il est bon qu'il en apprenne aussi les démonstrations, et qu'il se les rende familières pour être en état de se guider surement lorsqu'il aura des perspectives singulières à représenter.

1°. L'apparence d'une ligne droite est toujours une ligne droite ; ainsi les deux extrémités de l'apparence de cette ligne étant données, l'apparence de toute la ligne est donnée. 2°. Si une ligne F G, placée dans le tableau qu'on suppose vertical, fig. 12, est perpendiculaire à quelque ligne droite N I, tirée sur le plan horizontal, elle sera perpendiculaire à toute autre ligne droite tirée par le même point sur le même plan. 3°. La hauteur du point apparent sur le plan est à la hauteur de l'oeil, comme la distance du point objectif au plan, est à la somme de cette distance et de la distance de l'oeil au tableau.

Lais de la projection des figures planes, ou l'Ichnographie perspective. Représenter l'apparence perspective h d'un point objectif H, fig. 2. du point donné, tirez H I perpendiculairement à la ligne fondamentale D E, c'est-à-dire à la ligne de base du tableau ; de la ligne fondamentale D E retranchez I K = I H : par le point de vue F, c'est-à-dire par le point où tombe la perpendiculaire menée de l'oeil O au tableau, tirez une ligne horizontale F P ; faites F P égale à la distance S L de l'oeil ; enfin du point I au point de vue F tirez F I, et du point K au point de distance P la ligne P K. L'intersection h est l'apparence du point objectif.

En effet, 1°. il est facîle de voir que l'apparence du point H doit être dans la ligne F I, puisque cette ligne F I est la section du plan O H I, avec le plan du tableau. 2°. Si on tire par les points N S et H la ligne H M S, on aura à cause des triangles semblables, F P ou S L est à K I ou H I, comme N h est à h M ; par conséquent S M est à M H, comme N h est à h M ; d'où il s'ensuit que S H est à M H, comme la somme de N h et de h M, c'est-à-dire N M est à h M, donc V H : I H : : F I : h I ; d'où l'on voit que les points O, h, H, sont dans la même ligne, et qu'ainsi h est l'apparence ou l'image de l'objet H.

C'est pourquoi, 1°. puisque l'apparence des extrémités d'une ligne droite étant donnée, l'apparence de toute la ligne est donnée, on peut avoir par cette méthode la projection ichnographique d'une figure quelconque rectiligne. 2°. Puisque l'on peut avoir par ce moyen la projection d'un nombre quelconque des points d'une courbe sur le plan du tableau ; on peut avoir pareillement la projection des lignes courbes, en suivant la même méthode. 3°. Ainsi en quoi cette méthode s'étend aux figures mixtilignes ; elle est par conséquent universelle. A la vérité d'autres auteurs ont donné d'autres méthodes, mais celle-ci est la plus usitée ; pour en concevoir tout l'avantage, il est bon de l'éclaircir par quelques exemples.

Trouver l'apparence perspective d'un triangle A B C fig. 3. n. 2. dont la base A B est parallèle à la ligne fondamentale D E.

A la ligne fondamentale D E tirez une parallèle H R à un intervalle égal à la hauteur de l'oeil. Prenez le point de vue ou un point principal V ; portez la distance de l'oeil du point V au point K : des différents angles du triangle A C B abaissez les perpendiculaires A 1, C 2, B 3 ; transportez ces perpendiculaires sur la ligne de terre ou fondamentale D E de l'autre côté du point de distance K. Des points 1, 2, 3, tirez des lignes droites au point fondamental ou principal V 1, V 2, V 3. Des points A, B, C, de la ligne fondamentale D E, tirez au point de distance ces autres lignes droites A K, B K, C K.

Par la construction précédente les points a, b, c, sont les apparences des points A, B, C, dont ayant tiré les lignes droites c a, a b, b c, a c b sera l'apparence du triangle A B C.

On fait de même la projection d'un triangle sur un plan, quand le sommet C est opposé à l'oeil ; il n'est besoin que de changer la situation du triangle sur le plan géométral, et de tourner le sommet C vers la ligne de terre E D.

Représenter l'apparence perspective d'un carré A B D C Ve obliquement (figure 4.) et dont un des côtés A B est sur la ligne de terre D E, puisque le carré est Ve obliquement ; prenez dans la ligne horizontale H R le point principal V, de manière qu'une perpendiculaire à la ligne de terre puisse tomber au-dehors du côté du carré A B, ou qu'au-moins elle ne le coupe pas en deux parties égales ; et soit V K la distance de l'oeil au tableau ; transportez les perpendiculaires A C et B D sur la ligne de terre D E ; et tirez les lignes droites K B, K D, comme aussi A V, V C ; alors les points A et B seront eux-mêmes leurs propres apparences ; c et d les apparences des points C et D ; par conséquent A c d B est l'apparence du carré A B D C.

Si le carré A C D B était à quelque distance de la ligne de terre D E, il faudrait aussi transporter sur la ligne de terre les distances des angles A et B, ainsi qu'il est évident par le problème précédent.

Comme le cas des objets vus obliquement n'est pas fort commun ; nous supposerons toujours dans la suite que la figure est dans une situation directement opposée à l'oeil, à moins que nous n'avertissions expressément du contraire.

Représenter l'apparence d'un carré A B C D, (fig. 5.) dont la diagonale A B est perpendiculaire à la ligne de terre.

Prolongez les côtés D C et D B jusqu'à ce qu'ils rencontrent la ligne de terre aux points 1, 2, du point principal V ; transportez la distance de l'oeil en K et en L. De K aux points K et I tirez les droites K A et K I ; et de L aux points A et 2, les lignes droites L A, L 2. Les intersections de ces lignes représenteront l'apparence du carré A B C D Ve par l'angle.

Représenter l'apparence d'un carré A B C D (fig. 6.) dans lequel on en a inscrit un autre I M G H le côté du plus grand A B étant sur la ligne de terre, et la diagonale du plus petit perpendiculaire à cette même ligne. Du point principal V transportez de part et d'autre, sur la ligne horizontale H R, les distances V L et V K ; tirez V A et V B, K A et L B ; alors A c d B sera l'apparence du carré A C D B. Prolongez le côté du carré inscrit I H, jusqu'à ce qu'il rencontre la ligne de terre au point I, et tirez les lignes droites K I et K L, alors i h g m sera la représentation du carré inscrit I H G M ; d'où l'on conçoit aisément la projection de toutes sortes de figures inscrites dans d'autres figures.

Mettre en perspective un plancher fait de pierres carrées vues directement. Divisez le côté A B (fig. 7.) transporté sur la ligne de terre D E en autant de parties égales, qu'il y a de pierres dans un rang du carré ; des différents points de division tirez des lignes droites au point principal V ; de A au point de distance K tirez une ligne droite A K ; et de B à l'autre point de distance L, tirez une autre ligne L B. Par les points des intersections des lignes correspondantes tirez des lignes droites parallèles à A B, que vous prolongerez jusqu'aux lignes droites A V et B V ; alors A f g B sera l'apparence du plancher A F G B.

Mettre en perspective un cercle ; si le cercle est petit, circonscrivez lui un carré. Après avoir tiré les diagonales du carré, et avoir mené outre cela dans le cercle les diamètres h a et d e (fig. 8.) qui s'entrecoupent à angles droits, tracez les lignes droites f g et b e parallèles au diamètre d e par les points b et f, de même que par les points c et g ; tirez des lignes droites qui rencontrent la ligne de terre D E aux points 3 et 4. Au point principal V tirez les lignes droites V 1, V 3, V 4, V 2, et aux points de distance L et K menez les lignes droites L 2 et K I : enfin joignez les points d'intersection a, b, d, f, h, g, e, c, par les arcs a b, b d, d f ; de cette manière a b d f h g e c a sera l'apparence du cercle.

Si le cercle est considérable, sur le milieu de la ligne de terre A B (fig. 9.) décrivez un demi-cercle, et de différents points de la circonférence C, F, G, H, I, etc. que vous prendrez en assez grand nombre, abaissez sur la ligne de terre les perpendiculaires C 1, F 2, G 3, H 4, I 5, etc. Des points A, 1, 2, 3, 4, 5, etc. tirez des lignes droites au point principal V ; tirez-en aussi une de B au point de distance L, et une autre de A au point de distance K ; par les points d'intersection communs, tracez des lignes droites comme dans le problème précédent ; par-là vous aurez les points a, c, f, h, i, qui sont les représentations des points A, C, F, G, H, I, et en les joignant comme ci-dessus ils donneront la projection du cercle.

Il est à remarquer qu'on peut se tromper en joignant par des arcs les points trouvés suivant la méthode que nous venons d'enseigner ; car ces arcs ne sont point des arcs de cercle, mais des arcs d'une autre courbe connue par les Géomètres sous le nom d'ellipse, et dont la description géométrique n'est pas fort facile, surtout lorsqu'il est question de la faire passer par plusieurs points : c'est pourquoi il est presque impossible que la perspective du cercle soit parfaitement juste, en la traçant suivant les règles que nous venons d'enseigner, mais ces règles suffisent dans la pratique.

La raison pour laquelle la perspective d'un cercle est une ellipse, au moins presque toujours, c'est que la perspective d'un cercle est la section du plan du tableau avec le cône qui a l'oeil pour sommet et pour base le cercle. Or la section d'un cône par un plan qui coupe tous ses côtés est presque toujours une ellipse. Voyez SECTIONS CONIQUES.

Au reste ; la méthode que nous venons de proposer pour mettre un cercle en perspective, a cela de commode, qu'elle peut être employée également pour mettre en perspective une courbe ou une figure curviligne quelconque ; car il n'y a qu'à inscrire et circonscrire à cette figure des carrés ou des rectangles, si la figure n'est pas fort grande, ou si elle l'est, mettre en perspective plusieurs de ses points, que l'on joindra ensuite par des lignes courbes : on peut se servir de la même méthode pour mettre un plancher en perspective, quelle que soit la figure des pierres dont il est composé.

On voit de quel usage le carré peut être dans la perspective, car même dans le second cas où l'on s'est contenté de tracer la perspective du cercle par plusieurs points, on fait réellement usage d'un carré, divisé en un certain nombre d'aréoles, et circonscrit au cercle, quoiqu'il ne soit pas tracé sur le plan géométral dans la figure que l'on s'est proposée.

Représenter en perspective un pentagone régulier ayant un bord ou limbe fort large, et terminé par des lignes parallèles, 1°. des différents angles du pentagone extérieur B, C, D, E, (fig. 10.) abaissez sur la ligne de terre T S les perpendiculaires B 1, C 2, D 3, E 4, que vous transporterez comme ci-dessus, sur la ligne de terre, après quoi des points 1, 2, 3, 4, tirant des lignes au point principal V, et de ces mêmes points tirant d'autres lignes au point de distance K, les communes intersections de ces lignes représenteront l'apparence du pentagone extérieur. Maintenant si des angles intérieurs G, H, L, I, vous abaissez pareillement les perpendiculaires G 0, H 5, K 6, I 7, L 8, et que vous acheviez le reste comme dans le premier cas, vous aurez la représentation du pentagone intérieur : ainsi le pentagone A B C D E sera représenté en perspective avec son bord.

On a mis ici ce problème, afin que l'on eut un exemple d'une figure en perspective, terminée par un bord large.

Il faut observer ici, que si les grandeurs des différentes parties d'un objet étaient données en nombres avec la hauteur et la distance de l'oeil, on doit premièrement en construire la figure avec une échelle géométrique, et y déterminer, par le même moyen, le point fondamental et & le point de distance.

Il n'est pas toujours nécessaire que l'objet soit tracé sous la ligne de terre, quand on fait la projection des carrés et des planchers, il est mieux de s'en passer ; mais quand cela est nécessaire et que l'espace manque, on le trace en particulier, et après avoir trouvé les divisions dont on a besoin, on les transporte sur la ligne de terre qui est dans le tableau.

Si l'on attache des fils au point principal et au point de distance, et qu'on les étende au point de division sur la ligne de terre, la commune section de ces fils donnera très-distinctement la projection des différents points, et cette méthode peut souvent être employée avec succès, car il est fort difficîle d'éviter la confusion quand on est obligé de tracer un grand nombre de lignes.

La perspective scénographique, ou la projection des corps sur un plan, est la représentation d'un corps sur un plan avec toutes ses dimensions, tel qu'il parait aux yeux. Voyez l'article SCENOGRAPHIE.

Toute la difficulté se réduit au problème suivant : sur un point donné C (fig. 1. et 2.) élever une hauteur perspective correspondante à la hauteur objective P Q donnée.

Sur la ligne de terre élevez une perpendiculaire P Q, égale à la hauteur objective donnée. Des points P et Q menez à un point quelconque, tel que T, les lignes droites P T et Q T. Du point donné C tirez une ligne C K parallèle à la ligne de terre D E, et qui rencontre en K la ligne droite Q T : au point K élevez une perpendiculaire I K sur K C ; cette ligne I K ; ou son égale C B, est la hauteur scénographique que l'on demandait.

De la perspective d'un bâtiment. Dans la pratique de cette perspective on considère deux choses, le plan et l'élevation du bâtiment : le plan est ce qu'on appelle autrement ichnographie. Voyez ICHNOGRAPHIE. On trace ce plan de manière que les parties les plus éloignées soient plus petites, suivant la proportion qu'on y veut mettre et qui dépend de la position du point de vue, et on élève ensuite sur ce point les perpendiculaires qui marquent les hauteurs correspondantes des différentes parties du bâtiment ; après quoi on ajoute à la figure de la carcasse du bâtiment les ornements des différentes parties. Ainsi on voit que le problème qui consiste à mettre un bâtiment en perspective se réduit à mettre en perspective des surfaces ou des solides placés à des distances connues.

PERSPECTIVE A VUE D'OISEAU, est la représentation que l'on fait d'un objet en supposant l'oeil fort élevé au-dessus du plan où cet objet est représenté, en sorte que l'oeil en aperçoive un très-grand nombre de dimensions à-la-fais : par exemple, le plan d'une ville avec ses rues et ses maisons, est un plan à vue d'oiseau ; tel est le plan en grand de Paris qui a été fait il y a quelques années par ordre de la ville. (E)

PERSPECTIVE AERIENNE, est celle qui représente les corps diminués et dans un moindre jour à proportion de leur éloignement.

La perspective aérienne dépend surtout de la teinte des objets que l'on fait plus ou moins forte, ou plus ou moins claire, selon qu'on veut représenter l'objet plus ou moins proche. Voyez COULEUR et CLAIR-OBSCUR. Cette méthode est fondée sur ce que plus est longue la colonne d'air à-travers laquelle on voit l'objet, plus est faible le rayon visuel que l'objet envoye à l'oeil. Voyez VISION.

PERSPECTIVE, se dit aussi d'une espèce de peinture que l'on voit ordinairement dans les jardins, ou au fond des galeries, qui est faite exprès pour tromper la vue, en représentant la continuation d'une allée, d'un bâtiment, d'un paysage, d'un lointain, ou de quelque chose semblable.

PERSPECTIVE, (Peinture) la perspective est l'art de représenter les objets qui sont sur un plan, selon la différence que l'éloignement y apporte, soit pour la figure, soit pour la couleur ; elle est fondée sur la grandeur des angles optiques et des images qu'ils portent à différentes distances.

On distingue donc deux sortes de perspectives, la linéaire, et l'aérienne. La perspective linéaire consiste dans le juste raccourcissement des lignes ; l'aérienne, dans une juste dégradation des couleurs ; car dégrader, c'est en terme de peinture, ménager le fort et le faible des jours, des ombres et des teintes, selon les divers degrés d'éloignement. C'est par cette sorte d'illusion que la peinture séduit les sens, et qu'on attribue du relief à ce qui n'en a pas. Voici le mécanisme qui produit cette erreur agréable.

Le jugement que l'instinct porte de la grandeur et des dimensions des corps, se mesure par leurs éloignements apparents, et par leurs différents degrés de clarté. Un objet qui se trouve placé à une grande distance de l'oeil qui le voit, parait sous des dimensions diminuées, mais l'instinct habituel frappé de la distance corrige cette altération, et rend à l'objet sa véritable grandeur.

Ainsi pour séduire le jugement involontaire, il doit suffire de donner sur un tableau les apparences des distances réelles. Ces apparences sont décidées et par la diminution de l'objet, et par l'affoiblissement de sa clarté. Une extrémité de paysages dont les traits sont diminués et incertains, les couleurs mal décidées et la lumière affoiblie, ne peut rappeler que des objets éloignés. L'instinct involontaire transporte au loin ces représentations qui par la faiblesse de leur clarté ne peuvent être supposées qu'à de grandes distances.

La distance apparente peut être encore augmentée par le nombre d'objets réels ou apparents et intermédiaires. Dans un tableau où les traits ne seraient point terminés, ni la lumière fixe, il paraitrait qu'on eut peint de petits objets dans le crépuscule ; mais si on décide le jour par la vivacité de certaines couleurs, par la force et la correction du dessein de certaines parties, alors ce qui est sur la surface plate et dont la clarté est affoiblie, frappe l'instinct comme il ferait dans l'éloignement. Le jugement involontaire sépare ces objets de ce qui est fixement éclairé.

Pour rendre sur une surface plate un lointain dans lequel la vue puisse se perdre, on peint une suite d'objets dégradés par nuances. Ce sont ou des palais, ou des campagnes, ou des figures qui dans leurs successions suivent les diminutions optiques, et qui à proportion d'un plus grand éloignement, où l'on veut les faire paraitre, ont des desseins moins arrêtés et une lumière plus affoiblie. Cette imitation de l'éloignement séduisant l'instinct, le tableau prend du relief, les objets y paraissent séparés et à de grandes distances ; il n'est pas même possible à la réflexion de détruire ces effets mécaniques.

Il est constant que l'imitation est non-seulement la première règle de la Peinture, mais qu'elle est son principe, sa source, enfin ce qui lui a donné la naissance ; il est constant encore qu'il ne faut pas avoir eu une connaissance et une pratique bien étendues dans ce même art pour avoir exprimé ou indiqué dès le premier instant qu'il a été exercé, le fuyant, la diminution et la dégradation que la nature présente et dessine de tous les côtés ; c'est-là, comme nous l'avons dit, ce qu'on appelle perspective, c'est-à-dire le changement et la diminution que l'air pour la couleur et la distance pour le trait apportent sur les objets exposés à notre vue.

La perspective de la couleur a peut-être été plus longtemps à s'établir ; les peintres auront été plus longtemps retenus par le défaut des moyens ; et quand la pratique et l'usage leur ont fourni ces mêmes moyens, il est vraisemblable qu'ils ont Ve quelque temps cette diminution de la couleur, et même les dégradations du trait les plus compliquées et les moins naturelles, sans oser les exprimer, dans la crainte de n'être point entendus. En effet quelle devait être à cet égard la réserve des anciens peintres, puisque même encore aujourd'hui l'on est obligé d'éviter des figures telles que la perspective peut les donner, parce qu'elles ne sont point heureuses ? N'entend-on pas tous les jours les gens du monde dire, en considérant le fond d'un tableau : " mais ce n'est point-là tel bâtiment, je n'en ai point Ve de cette couleur, jamais il n'y a eu de si petites maisons, &c " ? Car ces mêmes gens, qui d'ailleurs ont de l'esprit, mais qui n'ont jamais réfléchi sur la nature et moins encore sur l'imitation, ne reconnaitront pas leur ami dessiné de profil, ou des trois quarts, parce qu'ils n'en ont jamais été frappés qu'en face. Mais laissons ces gens du monde qui font le malheur des arts et de toutes les connaissances qu'ils n'ont pas ; et revenons à la perspective, après être convenus que les premiers peintres ont été longtemps sans oser exprimer celle de la couleur et peut-être celle du trait.

Il faut remarquer que la perspective s'étend sur tous les objets les plus voisins de l'oeil, et que le monde en général ne connait que celles qui représentant des bâtiments et des architectures sur des plans dégradés, en portent le nom par excellence. Pour se convaincre de la facilité avec laquelle tous les hommes ont pu remarquer la perspective, et par conséquent l'exprimer, il suffit de regarder par l'angle un bâtiment un peu élevé, et de quelque étendue dans sa longueur, on sera frappé de l'abaissement proportionnel de son trait dans toutes ses parties, ainsi que la dégradation de sa couleur ; et dès-lors on concevra que tout peintre, sans être obligé de passer par les règles, a dû nécessairement exprimer ce qu'il voyait aussi clairement et aussi constamment.

L'imitation seule, un raisonnement des plus simples, enfin l'art lui-même nous prouvent donc incontestablement que tous les peuples qui ont connu le dessein, ont dû avoir une idée plus ou moins juste, et plus ou moins étendue, mais toujours constante de la perspective. Cependant on a voulu en refuser la connaissance aux Grecs, les peuples de la terre qui ont poussé le plus loin le sentiment, la finesse et l'exécution des arts. S'ils n'eussent point connu la perspective, auraient-ils conduit l'imitation jusqu'à tromper les hommes mêmes ? Auraient-ils élevé ces superbes scènes et décoré ces immenses théâtres d'Athènes avec tant de grandeur et tant de dépense ? Un peuple si fin et si délié en toutes choses aurait-il soutenu la vue d'un amas confus d'arbres, de bâtiments, enfin celle d'un spectacle de désordre, tel qu'il aurait été nécessairement sans ce premier principe, dont la nature fournit à chaque instant des exemples si faciles à comparer ?

M. Perrault admirateur outré de son siècle, est un de ceux qui a porté le plus loin la prévention contre les anciens, n'ayant cherché dans ses écrits qu'à les abaisser presqu'en toutes choses ; mais il n'a pas eu plus de succès que tous ceux qui ont couru la même carrière, en soutenant d'aussi mauvaises thèses que les siennes. Cet homme peu philosophe, dans quelque sens qu'on veuille prendre ce mot, a avancé deux propositions également fausses ; l'une que les peintres ou les sculpteurs n'avaient aucune idée de la perspective, qu'ils en ignoraient les règles, qu'ils n'étaient point conduits par la vue de ces principes qui dirigent aujourd'hui nos peintres ; l'autre qu'ils n'avaient point par conséquent le secret de dégrader les figures, ni par la forme, ni par les couleurs, et qu'ils n'avaient jamais fait de tableau où cette dégradation fût sensible.

Nous ne prétendons pas assurer que les anciens aient eu une théorie aussi étendue de la perspective que celle que nous avons aujourd'hui. Peut-être que cette intelligence parfaite des mystères de la perspective devait être le fruit des réflexions, du goût et du travail de tant de génies extraordinaires qui ont paru depuis 1500 ans. Comme les sciences et les arts se prêtent un secours mutuel, les découvertes qu'on a faites en plusieurs de ces arts qui ont rapport à la peinture, ont bien pu servir à mieux développer nos connaissances, et à produire des ouvrages plus réguliers et plus parfaits. Chaque siècle ajoute aux lumières des siècles précédents. Si donc M. Perrault s'était contenté d'accorder à notre siècle quelque supériorité en ce genre, il n'aurait rien dit qui ne fût raisonnable ; mais en ravalant le mérite des peintres anciens jusqu'à leur refuser toute connaissance de la perspective, c'est se montrer par trop ridicule. Comment se peut-il que la peinture ait eu tant d'éclat, sous le règne d'Alexandre le grand, et que les plus habiles n'aient eu aucune idée de la perspective, sans le secours de laquelle on convient que la peinture ne peut pas tirer une ligne, ni donner un seul coup de pinceau ?

Ludius, dit Pline, peignit le premier sur les murailles des ouvrages d'architecture et des paysages. Or quelle idée pourrait-on se faire de ces sortes de tableaux, si l'on refusait aux anciens la connaissance de la perspective ? Apaturius fit une décoration de théâtre dans une ville de Lydie, célèbre par son temple de la Victoire, et cette décoration était faite dans toutes les règles établies par Agatharque de Samos qui l'avait inventée. Léonard de Vincy, en expliquant ces mêmes règles, n'en a pas mieux fait sentir les effets, que Platon dans un dialogue du sophiste, et Socrate dans son dixième livre de la République.

En effet, Apaturius peignit à Tralles dans un petit théâtre une scène où il représenta, au lieu de colonnes, des statues, des centaures qui soutenaient les architraves, des toits en rond, des dômes ; sur tout cela il peignit encore un second ordre, où il y avait d'autres dômes, des faites que l'on ne voyait qu'à demi, et toutes les autres choses qui sont aux toits des édifices. " Tout l'aspect de cette scène paraissait fort beau, dit Vitruve, liv. VII. c. Ve à cause que le peintre y avait si bien ménagé les différentes teintes, qu'il semblait que cette architecture eut toutes ses saillies ". Le texte signifie à la lettre que l'aspect de cette scène flattait agréablement la vue à cause de son âpreté, propter asperitatem, ou plutôt à cause de son inégalité ; ce qui venait de ce que la lumière étant bien choisie et bien répandue sur certaines masses, elles avaient un grand relief, et semblaient s'avancer ; la toîle quelqu' unie qu'elle fût, paraissait raboteuse. Mais il était impossible que certaines parties de cette peinture eussent une apparence de saillies, qu'il n'y en eut d'autres plongées dans l'enfoncement et dans un lointain, ce qui est tout le secret de la perspective.

Quoique cette conséquence soit évidente, quoiqu'elle sait, pour ainsi dire, renfermée toute entière dans ces termes mêmes du passage, je vais la faire envisager dans un autre encore plus précis. C'est toujours Vitruve qui parle dans sa préface, et la traduction de Claude Perrault. " Démocrite et Anaxagore ont écrit sur ce sujet, principalement par quel artifice on peut, ayant mis un point en un certain lieu, imiter si bien la naturelle disposition des lignes qui sortent des lieux en s'élargissant, que bien que cette disposition des lignes nous soit inconnue, on ne laisse pas de rencontrer à représenter fort bien les édifices dans les perspectives que l'on fait aux décorations des théâtres, et on fait que ce qui est peint seulement sur une surface plate parait avancer en des endroits, et se reculer en d'autres ". Les anciens n'ignoraient donc pas la perspective !

Il est malheureux que la peinture ancienne, au moins la plus parfaite et la plus terminée, n'existe plus, pour nous convaincre du degré auquel les anciens ont porté la perspective. On sait qu'au siècle même d'Auguste les tableaux de Zeuxis, d'Apelle, de Protogène et des autres grands peintres du bon temps de la Grèce, se distinguaient à peine, tant la peinture en était évaporée, effacée, et le bois vermoulu. Il ne nous reste aujourd'hui, pour établir notre jugement que quelques peintures sur la muraille, que nous sommes trop heureux d'avoir, mais que notre goût pour l'antique ne doit pas nous faire admirer également. Toutes belles qu'elles puissent être à de certains égards, il est certain qu'on ne peut les comparer à ces superbes tableaux dont les auteurs anciens ont fait de si grands éloges, dont ils parlaient à ceux même qui les admiraient avec eux, à ceux qui sentaient tout le mérite des chefs-d'œuvre de sculpture, sur lesquels on ne peut soupçonner ces auteurs de prévention, puisque nous en jugeons et que nous les admirons tous les jours, et qu'enfin nous savons qu'ils étaient également employés à la décoration des temples et des autres lieux publics. Ces arts se suivent au point qu'il est physiquement impossible que l'un fût élégant et sublime, tandis que l'autre aurait été réduit à un point de platitude et d'imperfection, telle que serait en effet une peinture sans relief, sans dégradation, enfin dans ce qu'on appelle l'intelligence et l'harmonie, parties de l'art, qui toutes, quoiqu'elles ne paraissent pas appartenir directement à notre objet, doivent cependant être comprises sous le nom de la perspective dont elles font partie. Après tout, les peintures à fresque déterrées d'Herculanum suffisent pour justifier que la perspective était bien connue des anciens.

Avant même que le roi d'Espagne, alors roi de Naples, nous en eut donné cette preuve, en retirant de cette ville un prodigieux nombre de peintures, les hachures qui expriment les ombres dans la noce Aldobrandine, nous apprenaient bien que son auteur n'ignorait point cette partie de l'art. Ce n'est pas tout, le sujet traité dans un intérieur de maison représente dix figures sur le même plan ; elles sont posées simplement et naturellement, sans aucune attitude forcée et sans la recherche ni l'affectation d'aucun contraste. Si d'un côté elles ne sont point obligées d'avoir aucune diminution de trait ou de couleur, le peintre n'en a pas moins indiqué la perspective dans toutes les parties où elle était nécessaire, non seulement par la rondeur des corps, et par le sentiment de l'intervalle qui les sépare du fond, mais par la juste dégradation des corps que son sujet lui demandait, tels que l'autel, le lit, le plancher, etc. Or si toutes ces parties ne sont pas de la perspective aux yeux d'un homme d'art, je ne sais où il en faut chercher, aujourd'hui même que cette science est assurément plus connue qu'elle ne l'a jamais été.

Si l'on veut bien encore examiner plusieurs peintures antiques du tombeau des Nazoni, et principalement une chasse de cerf qu'on trouvera dessinée à la planche XXX, ainsi que tout le recueil mis au jour par Pietro Santo Bartoli, édition de Rome 1680, on sera frappé des connaissances que les anciens avaient fait dans la perspective depuis Pausias.

Les sacrifices peints par ce célèbre artiste donnent une idée complete de la perspective ; c'est Pline qui en parle, liv. XXXV. c. XIe en ces mots : Cum omnes quae volunt eminentia videri, candicantia faciant, coloremque condant nigro, hic totum bovem atri coloris fecit ; c'est-à-dire, loin de faire, comme on le pratique ordinairement, les corps saillans blancs avec des oppositions noires, il peignit le bœuf absolument noir. On ne peut mieux décrire l'intelligence, l'harmonie et la ruption des couleurs, d'autant que le même Pline ajoute : umbraeque corpus ex ipso dedit (scilicet nigro) ; il tira les ombres et le corps (du bœuf) de cette seule couleur (noire). Il dit ensuite : Magnâ prorsus arte, in quo extantia ostendents, et in confracto solida omnia : faisant voir avec un art infini sur une surface toute l'étendue et la solidité des corps par des traits rompus. Il est impossible de donner plus parfaitement l'idée des corps mis en perspective.

M. Perrault fonde une de ses preuves de l'ignorance des anciens, en fait de perspective, sur les bas-reliefs de la colonne trajane où en effet toutes les règles de la perspective sont violées : mais il a eu grand tort de ne pas distinguer la différence des siècles de l'antiquité. Peut-il y avoir quelque rapport entre la sculpture des Romains du temps de Trajan, et celle des Grecs dans l'éclat de leurs arts ? D'ailleurs fonder une induction générale sur un exemple particulier, est un vice de raisonnement contraire aux préceptes de tous les logiciens du monde. Mais on peut opposer à M. Perrault des faits incontestables contre son opinion, et qu'il ne devait pas ignorer. Le recueil de Rossi qui a pour titre, admiranda veteris sculpturae vestigia, nous présente plusieurs bas-reliefs qui sont une preuve évidente de la connaissance des anciens dans la perspective.

M. Perrault donne aussi les médailles des anciens pour preuve de leur ignorance dans la perspective ; il assure même que l'on n'en connait aucune trace sur ces monnaies ; mais c'est un reproche trop outré ; car quoiqu'il soit vrai que la plus grande partie des médailles anciennes manque du côté des règles de la perspective, il n'est pas vrai qu'elles soient toutes dans ce cas-là. On a plusieurs médailles, et surtout des médaillons dans lesquels non-seulement on fait plus que d'entrevoir la perspective, mais elle s'y trouve entièrement prononcée. Tel est un médaillon de Seleucus I. roi de Syrie, représentant d'un côté la tête de Jupiter, et au revers Pallas dans un char tiré par quatre éléphans, lançant d'une main un javelot, et de l'autre tenant un bouclier ; cette Pallas est dégradée avec toute l'intelligence nécessaire, les éléphans se distinguent sans confusion, et la roue du char est vue de côté, même avec une grande finesse de perspective, ce qu'il faut voir sur le médaillon ; car tous ceux qui l'ont gravé n'ayant point été sensibles à cette partie ne l'ont point fait sentir. Au reste, ce médaillon, qui est du cabinet du roi, se trouve gravé dans l'histoire des rois de Syrie par M. Vaillant, dans les annales de Syrie du P. Froelich, et dans plusieurs autres recueils d'antiquité. Tels sont encore deux médaillons de bronze de la suite du roi. Le premier est de Faustine mère : d'un côté la tête de cette princesse, de l'autre l'enlevement des Sabines ; ce revers représente plusieurs femmes dans le trouble naturel à leur situation, mais grouppées avec tout l'art du dessein et de la perspective. Le second est de Lucius Verus ; le revers représente Marc-Aurele, et ce prince dans un char tiré par quatre chevaux, est précédé par plusieurs soldats posés sur différents plans, avec des dégradations convenables à leur éloignement. M. de Caylus a fait graver toutes ces médailles à la suite de son discours sur la perspective des anciens dans les mémoires de littérature, tome XXIII. pag. 341.

La perspective des fonds est plus rare dans les pierres gravées, que dans les médailles ; la raison en est bien simple, nous avons moins de sujets de comparaison, et l'un ne se multiplie pas comme l'autre : néanmoins si l'on regarde dans le recueil des pierres gravées du roi, que M. Mariette a donné au public avec tant de soin, les numeros 95, 102 et 112, l'on verra que les anciens n'ignoraient pas l'art de marquer la dégradation dans les figures, suivant l'endroit du plan où elles sont placées. La fameuse pierre connue sous le nom de cachet de Michel Ange, suffirait seule pour le justifier. Il résulte invinciblement de tout ce discours que les anciens ont connu la perspective, et qu'il n'était pas possible qu'ils l'ignorassent. Mais il faut lire les mémoires mêmes de M. l'abbé Sallier et de M. de Caylus sur cette matière ; ils sont insérés dans le recueil de littérature, tom. VIII. et XXIII. J'en ai tiré tout l'usage que me permettait ce Dictionnaire pour l'étendue d'un article. (D.J.)

PERSPECTIVE MILITAIRE, (Fortification) c'est l'art de dessiner sur un plan un objet tel qu'il se présente à l'oeil, placé à une certaine hauteur et à une certaine distance, et Ve sur un tableau transparent, qu'on met entre l'oeil et l'objet. Exemple, soit un pentagone A B D E F, entre lequel et l'oeil C est élevé perpendiculairement le tableau V P sur le plan horizontal H R. En s'imaginant que de tous les points passent des rayons dans l'oeil par le tableau, comme C A, C B, C D, etc. et qu'ils laissent sur le tableau V P, de façon que les rayons qui en sortent vers l'oeil, feront le même effet que si le pentagone A B D E F y était réellement. La perspective enseigne donc la manière de trouver par des règles géométriques, les points A B D E F sur le tableau V P ; c'est-à-dire à dessiner un objet suivant qu'il se présente à la vue, eu égard à la distance et à la position de l'oeil. Quoique pour établir ces règles on ait écrit des volumes entiers, on peut cependant les renfermer dans peu de principes. (D.J.)