S. f. (Histoire des Inventions modernes) art de tirer sur du papier l'empreinte des lettres, des caractères mobiles, jetés en fonte, et qui servent de moule. On l'appelle autrement art typographique, et c'est un fort bon terme. Venons à la chose.

L'Imprimerie, cet art si favorable à l'avancement des Sciences, qui acquièrent toujours de la perfection à mesure que les connaissances se multiplient, fut trouvée vers le milieu du quinzième siècle, à-peu-près dans le temps que la Gravure fut connue, et les Romains n'avaient qu'un pas à faire pour en avoir la gloire.


Les auteurs qui ont écrit sur cette matière s'accordent assez à fixer l'époque de cet art depuis l'année 1440, et à faire honneur à la ville de Mayence de l'avoir Ve naître dans son sein. Harlem, qui se vante de cette gloire, a des partisans, et entr'autres Boxhorn. Enfin, la ville de Strasbourg a les siens, et en particulier MM. Mentel et Schefflin.

Toutefais, si l'on en juge impartialement, on ne peut guère douter que Guttenberg ne soit le véritable auteur de l'Imprimerie. Il était natif de Mayence, et sortait d'une famille patricienne de cette ville, qui parait avoir porté différents noms, celui de Zumjungen-aben, et celui de Gensfleisch. On trouve dans des contrats passés à Strasbourg, en 1441 et 1442, qu'il est appelé Joannes dictus Gensfleisch, aliàs nuncupatus Guttenberg, de Moguntia.

On assure que Guttenberg, étant à Strasbourg en 1439, passa un acte avec trois bourgeois de cette ville, pour mettre en œuvre plusieurs arts, et secrets merveilleux qui tiennent du prodige. Ce sont, dit M. Schefflin, les termes du traité (écrit en allemand) sans toutefois spécifier en quoi consistaient ces arts ; cependant il est permis de soupçonner que l'art d'imprimer était du nombre de ces secrets qualifiés de merveilleux.

En effet, l'invention de l'Imprimerie a été regardée, dans les commencements, comme tenant du prodige, et même du sortilege. Les parties contractantes n'auront pas jugé à propos de s'expliquer plus clairement, dans l'espérance de tirer un profit considérable d'un art pour lequel il n'y avait pas même encore de terme consacré.

En 1450, Guttenberg étant à Mayence pour chercher des amis qui vinssent au secours de ses fonds épuisés, fit dans cette année une nouvelle association avec Faust de Mayence. Voilà pourquoi Pierre Schoeffer, associé et gendre de Faust, a mis l'époque de l'origine de l'Imprimerie à Mayence dans ladite année 1450.

En 1452, le même Pierre Schoeffer, domestique de Faust, trouva le secret de jeter en fonte les caractères, et mit par conséquent la dernière main à la perfection de l'Imprimerie ; car jusqu'alors Guttenberg et Faust n'avaient imprimé qu'avec des lettres sculptées en relief sur le bois et sur le métal : il fallait des lettres mobiles fondues, et c'est ce que Schoeffer exécuta.

En 1465, l'électeur de Mayence Adolphe II. honora Guttenberg de ses bonnes grâces, eut soin de sa fortune, et le reçut au nombre des gentilshommes de sa maison, avec une pension honnête. Guttenberg ne jouit pas longtemps de ces avantages ; il mourut trois ans après à Mayence en 1468, et fut enterré dans l'église des Cordeliers de cette ville.

Je n'entrerai point ici dans un plus grand détail sur la vie des trois hommes qui ont les premiers imprimé des livres, et je ne dirai rien de la manière dont se fait l'Imprimerie. Voyez cet article.

Je remarquerai seulement que ceux qui ne sont pas instruits de ce qui constitue essentiellement cet art admirable, ont fixé son origine ou à l'invention des tables gravées en bois, ou à celle des lettres fixes ; tandis qu'il est aisé de concevoir que la découverte des lettres mobiles, gravées en relief et jetées en fonte, en est la vraie base. Si donc la mobilité des caractères fait le fondement de l'Imprimerie, ce ne sont ni les Chinois qui impriment à-peu-près de la même façon qu'on imprime aujourd'hui les estampes, ni ceux de Harlem dont la prétention ne saurait s'étendre au-delà des tables de bois gravées, qui peuvent s'attribuer la gloire de l'invention. Ainsi le speculum humanae salvationis, gardé précieusement dans leur ville comme un monument incontestable de l'Imprimerie inventée chez eux par Laurent Coster, ne décide rien. Plusieurs autres ouvrages de cette espèce, qu'on trouve chez des curieux, sont imprimés dans le même goût de gravure.

On sait comment l'Imprimerie s'est répandue depuis 1462, par la révolution que Mayence éprouva cette même année. Adolphe, comte de Nassau, soutenu par le pape Pie II. ayant surpris cette ville impériale, lui ôta ses libertés et ses privilèges. Alors, tous les ouvriers, qu'elle avait dans son sein, à l'exception de Guttenberg, s'enfuirent, se dispersèrent, et portèrent leur art dans les lieux et les pays où il n'était pas connu. C'est à cet événement que tous les historiens réunis à Jean Schoeffer, fils de Pierre et petit-fils de Faust, placent l'époque de la dispersion, dont l'Europe profita.

En effet, par cette dispersion, les ouvriers de Mayence portèrent leur industrie de toutes parts. Udalric, Han, Suvenheim, et Arnold Pannarts, se rendirent à Rome, où on les logea dans le palais des Maximes. Ils y imprimèrent en 1467 le traité de S. Augustin de la cité de Dieu, une Bible latine, les offices de Ciceron, et quelques autres livres. En 1468, on vit un ouvrage sortir de l'Imprimerie d'Angleterre. A Venise, Jean de Spire et Vandelein publièrent les épitres de S. Cyprien en 1471. Dans la même année, Sixtus Rufinger fit paraitre à Naples quelques ouvrages pieux. A Milan, Philippe de Lavagna mit au jour un Suétone en 1475.

A Paris, Ulric Gering, Martin Grantz, et Michel Fribulger, commencèrent à imprimer dans une salle de la maison de Sorbonne ; et quatre ans après, Pierre Maufer, natif de Rouen, mit au jour dans sa patrie Alberti Magni de lapidibus et mineralibus.

A Strasbourg, selon le témoignage de Gebweiler et de Wimphelinge, Jean de Cologne et Jean Mentheim se distinguèrent par leurs caractères de fonte, et eurent pour successeur Henri Eggestein.

On vit paraitre à Lyon en 1478, les pandectes medicinales de Matthaeus Sylvaticus. On imprima la même année dans Geneve, un traité des anges du cardinal Ximenès.

Abbeville fit voir en 1486, en 2 volumes in-fol. l'ouvrage de la cité de Dieu de S. Augustin, traduit par Raoul de Presles en 1375. C'est le premier et peut-être l'unique livre qui ait été imprimé dans cette ville.

Jean de Westphalie mit au jour à Louvain, Petrus Crescentius de agriculturâ. A Anvers, Gérard Leeuw publia en 1489, ars epistolaris Francisci Nigri. A Déventer, Richard Pasraer imprima itinerarium Johannis de Hese.

Enfin, à Seville même, Paul de Cologne, et ses associés tous allemands, publièrent un Floretum S. Matthaei en 1491.

Dans ce temps-là, Jean Amerbach faisait imprimer de bons ouvrages à Basle, en caractères ronds et parfaits. Mais dix ans auparavant, l'Italie donnait déjà des éditions précieuses en caractères grecs. Milan, Venise, ou Florence, en eurent l'honneur.

Ainsi non-seulement l'on est parvenu rapidement, par le secours de l'impression, à multiplier les connaissances, mais encore à fixer et à transmettre jusqu'à la fin des siècles les pensées des hommes, tandis que leurs corps sont confondus avec la matière, et que leurs âmes se sont envolées au séjour des esprits.

Tous les autres arts qui servent à perpétuer nos idées, périssent à la longue. Les statues tombent finalement en poussière. Les édifices ne subsistent pas aussi longtemps que les statues, et les couleurs durent moins que les édifices. Michel Ange, Fontana et Raphael sont ce que Phidias, Vitruve et Appelles étaient dans la sculpture, et les travaux de ceux-ci n'existent plus.

L'avantage que les auteurs ont sur ces grands maîtres, vient de ce qu'on peut multiplier leurs écrits, en tirer, en renouveller sans-cesse le nombre d'exemplaires qu'on désire, sans que les copies le cedent en valeur aux originaux.

Que ne payerait-on pas d'un Virgile, d'un Horace, d'un Homère, d'un Cicéron, d'un Platon, d'un Aristote, d'un Pline, si leurs ouvrages étaient confinés dans un seul lieu, ou entre les mains d'une personne, comme peut l'être une statue, un édifice, un tableau ?

C'est donc à la faveur du bel art de l'Imprimerie que les hommes expriment leurs pensées dans des ouvrages qui peuvent durer autant que le soleil, et ne se perdre que dans le bouleversement universel de la nature. Alors seulement, les œuvres inimitables de Virgile et d'Homère périront avec tous ces mondes qui roulent sur nos têtes.

Puisqu'il est vrai que les livres passent d'un siècle à l'autre, quel soin ne doivent pas avoir les auteurs d'employer leurs talents à des ouvrages qui tendent à perfectionner la nature humaine ? si par notre condition de particuliers nous ne pouvons pas faire des choses dignes d'être écrites, disait Pline le jeune, tâchons du moins d'en écrire qui soient dignes d'être lues.

Les personnes qui seraient avides de discussions détaillées sur l'origine de l'Imprimerie, et sur ses inventeurs, pourront se satisfaire dans Baillet, Chevillier, la Caille, Mallinkroot, Mentel, Pancirole, Polydore Virgile de rerum inventoribus, Michael Mayer verba Germanorum inventa, Almeloveen de novis inventis, les Transact. philosoph. etc. Schefflin, Fournier.

Mais les personnes curieuses d'acquérir la connaissance des premières et des meilleures éditions des livres en tout genre, doivent feuilleter la plume à la main, la bibliothèque de Fabricius et les annales typographiques de Maittaire. Cette étude fait une branche d'érudition, qu'on aime beaucoup dans les pays étrangers, et à laquelle je ne me repens pas de m'être autrefois attaché. Elle est du-moins indispensable aux bibliothécaires des rais, et aux libraires qui recherchent l'acquisition des livres précieux, ou qui s'adonnent à en faire des catalogues. (D.J.)

IMPRIMERIE, c'est l'art de rendre le discours, parlé ou écrit, par des caractères mobiles convenablement assemblés et contenus, et d'en attacher l'empreinte sur des feuilles de papier.

La main d'œuvre de l'Imprimerie en lettres, ou Typographie, consiste dans deux opérations principales ; savoir la composition ou l'assemblage des caractères, et l'impression ou l'empreinte des caractères sur le papier. On appele, dans l'Imprimerie, compositeur ou ouvrier de la casse celui qui travaille à l'assemblage des caractères ; on appelle imprimeur ou ouvrier de la presse celui qui travaille à l'impression ou à l'empreinte des caractères sur le papier par le moyen de la presse.

Nous allons commencer par les opérations du compositeur, qui sont la distribution, l'assemblage des lettres ou la composition, l'imposition, et la correction.

Il prend d'abord dans les rayons ou tablettes de l'imprimerie, deux casses du caractère destiné pour l'ouvrage sur lequel il doit travailler, une casse de romain et une d'italique. Il dresse ces deux casses dans le rang ou la place qu'il doit occuper. Le rang le plus clair est le plus avantageux ; et il doit être arrangé de façon que quand le compositeur travaille à sa casse, il présente le côté gauche à l'endroit d'où il tire son jour. Le caractère romain étant ordinairement celui dont il entre le plus dans la composition, la casse de romain se place le plus près du jour, et la casse d'italique à côté. S'il y a quelque temps que les casses n'ont servi et qu'elles soient poudreuses, le compositeur prend un soufflet, et souffle tous les cassetins l'un après l'autre pour en faire sortir la poussière, en commençant par le haut de la casse. Il regarde ensuite s'il n'y a point dans ses deux casses quelques lettres d'un autre corps ; s'il en trouve, il les ôte et les donne au prote (qui est celui qui a soin des caractères et des ustenciles de l'imprimerie) pour les mettre à leur place. S'il y a quelques sortes de trop, il les survuide et les met dans des cornets. Voyez l'article CASSE, et nos Planches d'Imprimerie.

Distribution. Après que le compositeur a donné à ses deux casses le plus de propreté qu'il lui a été possible, il doit distribuer. Pour cela le prote lui donne des paquets de lettres si le caractère est en paquet. Le compositeur en ôte l'enveloppe, les arrange sur le marbre (voyez MARBRE) ou sur un ais, l'oeil en dessus et le cran tourné de son côté, prend de l'eau claire avec une éponge, en mouille la quantité qui lui est nécessaire pour emplir sa casse, et délie les paquets à mesure qu'il les distribue. Si le caractère est en forme, le prote indique au compositeur une forme de distribution. Il Ve la prendre, l'apporte, met sur le marbre un grand ais ou le plus souvent deux demi-ais, met la forme sur ces ais, l'oeil du caractère en-dessus, prend un marteau, l'y desserre, mouille le caractère avec l'éponge, ôte le châssis (voyez CHASSIS), ôte aussi la garniture (voyez GARNITURE), la met arrangée sur un autre ais, garde ce châssis et cette garniture s'ils doivent lui servir, sinon il les donne au prote pour les serrer. Le compositeur prend une réglette (voyez REGLETTE), qui doit être un peu plus longue que les lignes de distribution, et enlève les titres courants des pages, les lignes de quadrats (voyez QUADRATS), les vignettes (voyez VIGNETTES), les réglets doubles ou simples (voyez REGLETS), en un mot tout ce qu'il croit pouvoir lui servir dans sa composition, et le met dans une galée. Voyez GALEE.

Ensuite il pose le plat de sa réglette contre le corps du caractère du côté du cran, et du côté de la main gauche le bout de la réglette au niveau des lignes de distribution ; il appuie le doigt annullaire de chaque main contre la réglette ; et pressant les lignes de côté également en sens contraire avec l'indicateur et le doigt du milieu aussi de chaque main, et tirant un peu vers lui, il sépare, puis enlève une quantité de caractère qui s'appelle une poignée, plus ou moins grosse à proportion de la longueur des lignes de distribution. La main droite soutient seule un instant cette poignée, pendant lequel la gauche s'ouvre et se présente les doigts écartés pour la recevoir et la soutenir sur le doigt annullaire ou sur le petit doigt, appuyée contre le pouce dans toute sa hauteur. Le compositeur commence à distribuer. Il prend avec le doigt du milieu, l'index et le pouce de la main droite, en commençant par la fin de la ligne qui se trouve la première en-dessus, un, deux ou trois mots de la distribution, à proportion de leur longueur ; et soutenus sur le doigt annullaire, il les lit, et par un petit mouvement du pouce, de l'index et du doigt du milieu, en met chaque lettre l'une après l'autre dans le cassetin (voyez CASSETIN) de la casse, qui lui est destiné. Il prend ensuite deux ou trois autres mots, il les distribue de même, et encore deux ou trois autres après jusqu'à-ce que la première ligne soit finie. Il entame de même la ligne suivante qui se trouve la première en-dessus, et ainsi successivement les autres lignes jusqu'à-ce que la poignée soit entièrement distribuée. Ensuite il prend plusieurs autres poignées et les distribue de même, jusqu'à-ce que la casse se trouve remplie. En distribuant, le cran doit être dessous, et l'oeil de la lettre tourné du côté du compositeur, à cause de la commodité évidente qui en résulte dans la distribution, malgré la méthode contraire de quelques étrangers, qui distribuent le cran dessus, et le pied du caractère tourné de leur côté. Le compositeur doit en distribuant éviter avec le plus grand soin de faire ce qu'on appelle dans l'Imprimerie des coquilles, c'est-à-dire de mettre dans un cassetin les lettres qui sont d'un autre cassetin. Les lettres de la distribution devant entrer dans la composition, il arrive de ce mélange, que le compositeur qui porte la main dans un cassetin pour prendre une lettre, en prend une autre, ce qui charge l'épreuve de fautes et le compositeur de corrections. Si en distribuant il lui échappe quelque lettre et qu'elle tombe dans un autre cassetin, il doit la chercher aussi-tôt, et faire en sorte de la trouver pour la mettre à sa place. Quand le compositeur a fini de distribuer, il voit si sa casse est bien assortie ; s'il lui manque quelque sorte, il la cherche dans les autres casses du même caractère ; s'il en a quelqu'une de trop, il la survuide.

Il prend ensuite la justification. Prendre la justification, c'est desserrer, avec le dos de la lame d'un couteau, la vis d'un composteur, et en faire mouvoir les branches, c'est-à-dire les avancer ou reculer dans toute la longueur de la lame, en portant la vis et l'écrou d'un trou à un autre, à proportion de la longueur des lignes de l'ouvrage, et serrer la vis. Voyez COMPOSTEUR, et les mots marqués en caractères italiques. Voyez aussi les Planches d'Imprimerie. Si l'ouvrage est commencé, il faut prendre la justification sur une ligne bien justifiée (c'est-à-dire ni forte ni faible) d'une nouvelle composition. Il ne faut point la prendre sur une ligne de distribution ; on risquerait de la prendre trop faible, parce que les lignes se resserrent et se retrécissent plus ou moins à proportion du plus ou moins de temps qu'elles restent en châssis, et les lignes de petit caractère plus que les lignes de gros caractère. Si la copie est imprimée, et que la réimpression se fasse du même format et du même caractère, il faut en présentant le composteur sur une page, prendre la justification tant soit peu plus large que les lignes, par exemple d'un t, parce que le papier, qui a été trempé pour l'impression, s'est retréci en séchant : ou bien le compositeur choisit une ligne un peu serrée de cette page imprimée, la compose, et prend la justification sur cette même ligne. Quand on prend la justification d'un ouvrage de longue haleine, on détermine ordinairement la longueur des lignes sur un nombre d'm m du caractère ; par exemple la justification des lignes à deux colonnes de l'Encyclopédie est de 20 couchées et un ç droit. Au moyen de cette détermination, si l'on est obligé de déjustifier le composteur pour un autre ouvrage, on est sur en reprenant de trouver juste la justification, et de ne point varier.

La justification prise, le compositeur prend une galée ou in-fol. ou in-4 °. ou in-8 °. suivant le format de l'ouvrage sur lequel il Ve travailler, et la place sur les petites capitales de sa casse de romain.

Composition. Le prote lui donne une quantité de copie plus ou moins considérable, après avoir marqué l'alinéa où il doit commencer ; c'est une attention à laquelle il ne faut point manquer quand il y a plusieurs compositeurs sur un ouvrage, pour éviter de composer deux fois la même chose, comme cela arrive quelquefois. Si cette copie est in-fol. ou in-4°. le compositeur la plie en deux, en met le bas dans la crenure de son visorion (voyez l'article VISORION et nos Planches), et en arrête le haut avec le mordant (voyez l'article MORDANT), précisément au-dessus de la ligne où il doit commencer. Ensuite tenant son composteur de la main gauche, le rebord en-dessus et en-dedans de la main, les quatre doigts dessous, et le pouce dans le vide que forment le rebord des coulisses et l'équerre qui est au bout du composteur, il lit trois ou quatre mots de la copie, puis avec le pouce, le doigt index et le doigt du milieu de la main droite, il lève toutes les lettres de ces trois ou quatre mots, l'une après l'autre dans chaque cassetin où elle se trouve, après avoir donné un coup-d'oeil pour en voir le cran, et les arrange dans le vide du composteur sous le pouce de la main gauche qui les maintient, l'oeil de la lettre en haut, et le cran en-bas et en-dessous, observant de mettre un espace moyen ou deux minces entre chaque mot, et d'avancer le pouce et les doigts de la main gauche vers le bout du composteur à mesure qu'il s'emplit. Quand ces trois ou quatre mots sont composés, il en lit trois ou quatre autres, en lève de même toutes les lettres, et les met dans le composteur jusqu'à-ce qu'il soit plein ou à peu de chose près. Alors le mot qui se trouve au bout de la ligne est fini, ou il ne l'est pas ; si le mot est fini, le compositeur justifie sa ligne, c'est-à-dire la fait de la longueur déterminée dans le composteur par la justification qu'il a prise, en mettant également des espaces plus ou moins entre chaque mot, jusqu'à-ce que le composteur soit tout à fait plein, et que la ligne s'y trouve un peu serrée. Si le mot n'est pas fini, le compositeur peut le diviser par syllabes, et avant une syllabe au moins de deux lettres, en mettant une division au bout de la ligne, plus ou moins forte, suivant la place qu'il a. Si la ligne est d'un petit format, c'est-à-dire in-12, in-16, in-18, etc. le compositeur peut la mettre dans la galée avec les doigts de la main droite seulement, sans le secours de la réglette, en pressant le commencement de la ligne avec le pouce, pressant la fin en sens contraire avec le doigt index, la ligne appuyée sur le côté du doigt du milieu dans sa longueur. Si la ligne est in-8°. ou in-4°. le compositeur prend sa réglette de la main droite, la pose à plat sur la ligne qui est dans le composteur, appuie un bout de la réglette contre le talon de la coulisse du composteur ; et avec le pouce en-dessus sur la réglette, le doigt annullaire ou le petit doigt qui arrête le commencement de la ligne, le doigt index qui en maintient la fin, et le doigt du milieu qui la soutient par le milieu en-dessous, il transporte la ligne du composteur dans la galée. Si la ligne est in-fol. le compositeur est obligé de se servir des deux mains pour la mettre dans la galée. Il commence ensuite la seconde ligne, la finit, la justifie, la met dans la galée de la même manière, puis la troisième, la quatrième et les suivantes de la même manière, observant d'espacier également les mots et de bien justifier les lignes, à cause de l'égal inconvénient qui résulte d'une ligne trop forte ou d'une ligne trop faible. Une ligne trop faible ne peut pas être serrée dans l'imposition par les bois de la garniture, et met les lettres de cette ligne dans le cas de s'écarter les unes des autres, et même de tomber dans le transport qu'on fait de la forme, du marbre sur la presse aux épreuves, et de la presse aux épreuves sur le marbre pour corriger. Une ligne trop forte empêche les lignes de dessus et les lignes de dessous d'être serrées, et les met dans l'inconvénient des lignes trop faibles. Le compositeur doit aussi avoir l'attention de jeter la vue sur chaque ligne avant de la justifier ou en la justifiant, pour voir s'il n'a point en composant oublié ou doublé quelque lettre ou quelque mot, s'il n'a point renversé ou mis quelque lettre pour une autre, comme cela arrive très-souvent : alors il ajoutera dans la ligne ce qui sera oublié, ôtera ce qui sera doublé, et changera les lettres qui devront être changées avant de mettre la ligne dans la galée. Le compositeur n'oubliera pas non plus de baisser son mordant sur la copie à mesure qu'il compose, pour faire en sorte de ne rien oublier, et pour trouver du premier coup d'oeil la ligne et le mot où il en est.

Quand il a composé le nombre de lignes qu'il faut pour former une page ou un paquet, et même une ligne de plus, qui est celle qui doit commencer la page suivante, et qu'il laisse dans le composteur pour se retrouver plus facilement sur la copie, il prend de la main droite une ficelle plus ou moins fine, suivant le corps du caractère, et coupée de longueur à pouvoir faire deux tours et demi ou trois tours autour de la page ; il en saisit un bout avec le pouce et le doigt index de la main gauche, pour le mettre au coin que forme le dernier mot de la dernière ligne de la page, et l'y maintient pendant que la main droite après avoir fait avec la ficelle un tour entier autour de la page, vient arrêter ce bout en passant par-dessus, serre la ficelle en appuyant contre le rebord de la galée, pendant que la main gauche maintient la page ; fait un second tour entier avec la ficelle au-dessous du premier, en la maintenant de même, et la serre encore, et vient l'arrêter en tête de la page, en passant par-dessous les tours la partie de la ficelle qui est avant l'autre bout, et la serrant dans le coin que forme le dernier mot de la première ligne. Quand la ficelle est plus longue, le compositeur fait un tour de plus ; quand elle ne l'est pas assez, il ne fera que deux tours, et l'arrêtera au bas de la page, au commencement de la dernière ligne. Il évitera de l'arrêter à côté de la page si le caractère est petit, à cause du vide qui se fait en ce cas entre le côté de la page et la ficelle, et qu'il peut s'échapper quelques lettres. En quelque part qu'il l'arrête, il doit toujours faire en sorte qu'il en reste un bout long d'un pouce ou deux, et qu'en tirant ce bout, la ficelle puisse se dégager facilement.

Quand la page est liée, le compositeur la met au milieu de la galée, pour baisser la ficelle en tête et au commencement des lignes, un peu plus bas que la moitié du corps de la lettre, le rebord de la galée en ayant empêché. Si la page est d'un grand format, par exemple in-fol. ou in-4°. le compositeur la laisse sur la coulisse, et la met sur les planches qui sont sous son rang. Si la page est in-8°. in-12. in-18. etc. il lève de la main gauche le bout de la galée, pour donner la facilité à la main droite de saisir la page et de la soutenir, pendant que la main gauche, après avoir quitté la galée, prend un porte-page, et se présente les doigts étendus pour recevoir la page. Le compositeur reprend alors de la main droite la page soutenue sur le porte-page, (le porte-page est une feuille de papier pliée à peu-près du format de la page, qui sert à soutenir les pages liées, pour les transporter sans risque d'un endroit à l'autre), et la met dessous son rang. Il met ensuite la galée à sa place sur les petites capitales, prend son composteur dans lequel il trouve la première ligne de la seconde page, la met dans la galée, compose la seconde ligne et les suivantes, forme la seconde page, la lie avec une ficelle, et la met aussi soutenue sur un porte-page sous son rang à côté de la première. Quand la troisième est faite, il la met sur la seconde, observant de mettre ensuite l'une sur l'autre, la quatre et la cinq, la six et la sept, la huit et la neuf, etc. jusqu'à la dernière, qui doit être seule, ou qu'on pose sur la première. Cet arrangement est nécessaire pour ne se point tromper dans l'imposition.

Imposition. Aussi-tôt que le compositeur a, soit de sa composition, soit de celle des autres compositeurs qui travaillent avec lui sur le même ouvrage, le nombre de pages suffisant pour faire une feuille (voyez METTRE EN PAGE, et tous les mots marqués en lettres italiques) ; c'est-à-dire quatre pages pour un in-fol. huit pages pour un in-4°. seize pages pour un in-8°. vingt-quatre pages pour un in-12. etc. il doit imposer, c'est-à-dire partager en deux formes (voyez l'article FORME) les pages qui doivent entrer dans la feuille, une forme servant pour imprimer un côté du papier, et l'autre forme servant pour l'autre côté. Ces deux formes ont chacune un nom différent : l'une s'appelle le côté de la première, parce que la première page y entre ; l'autre s'appelle la deux et trois, ou le côté de la deux et trois, parce que la deuxième et la troisième pages y entrent.

Supposons donc que ce soit un in-8°. On choisit ce format comme étant plus compliqué que l'in-fol. et l'in-4°. et l'étant moins que l'in-12. l'in-18. etc. Voyez IMPOSITION ; et aux Planches d'Imprimerie, les différentes espèces d'impositions. Supposons que ce soit un in 8°. que le compositeur ait à imposer, et qu'il veuille commencer par la deux et trois : il laisse la première, et prend ensemble dessous son rang, de la main droite, la deux et la trois, qu'il met dans sa main gauche ; laisse la quatre et la cinq, et prend la six et la sept : il les apporte sur le marbre, ôte à chacune son porte-page, met la deux sous sa main droite, la trois sous sa main gauche, le bas de ces deux pages de son côté ; la six, tête contre tête au-dessus de la trois, et la sept, tête contre tête au-dessus de la deux, en sorte que les quatre coins de la forme se trouvent occupés. Il retourne ensuite à son rang : laisse la huit et la neuf, et prend la dix et la onze ; laisse la douze et la treize, et prend la quatorze et la quinze. Il vient au marbre, met la dix à côté de la sept, et la onze à côté de la six ; met la quatorze à côté de la trois, et la quinze à côté de la deux. Voilà les huit pages de la forme deux et trois rangées sur le marbre comme elles doivent être pour l'imposition. Le compositeur collationne les folio de ces huit pages, et en mouille les bords avec une éponge, pour éviter que les lettres ne tombent étant debout ; ce qui peut arriver surtout si le caractère est petit. Il pose d'abord son châssis, dont la barre du milieu étant du haut en bas, partage la forme en deux parties de quatre pages chacune. La partie du côté gauche du compositeur, s'appelle le premier coup ; la partie du côté droit s'appelle le second coup. Il place ensuite les bois de la garniture et les biseaux, qui se trouvent proportionnés au format et à la grandeur des pages, observant de ne point engager sous les bois le bout de la ficelle qui lie chaque page. Il serre un peu les pages entre les bois, et délie chaque page l'une après l'autre, en commençant par celles qui sont le plus près de la barre du milieu du châssis. Pour cela il prend de la main droite le bout de la ficelle d'une page, tire un peu pour dégager l'avant-bout de cette ficelle, en appuyant de la main gauche sur le bord de la page où il trouve quelque résistance, et prenant garde d'enlever aucune lettre, jusqu'à ce que la page soit entièrement déliée. Il met cette ficelle à part, approche les bois de la page déliée autant qu'il est possible, et délie de même celle qui en est la plus proche ; ensuite il délie les pages qui sont dans le même côté du châssis, les serre dans les bois de garniture, en appuyant les doigts contre le dedans du châssis, et poussant les biseaux avec le pouce. Puis il redresse les lettres qui paraissent n'être pas droites, en frappant doucement avec le bout des doigts sur l'oeil de la lettre, et parcourt des yeux toutes les extrémités des pages, pour voir s'il y a quelque lettre dérangée ; alors il la redresse avec la pointe, serre le côté de la forme avec les doigts le plus qu'il peut, et le garnit de coins. Ensuite il délie les pages de l'autre côté du châssis, avec la même précaution et la même attention, serre avec les doigts, et y met les coins. Puis il prend un taquoir (voyez l'article TAQUOIR et les Planches), taque la forme, c'est-à-dire porte le taquoir sur toutes les pages de la forme l'une après l'autre, en frappant doucement dessus avec le manche d'un marteau, pour abaisser les lettres hautes ; ensuite en frappant avec la masse du même marteau sur les coins, il les serre peu-à-peu, et par degrés l'un après l'autre, en commençant par ceux du pied et par les plus petits. Après avoir serré, il soulève tant-sait-peu la forme, pour voir s'il y a quelque lettre qui branle, et qui puisse tomber en levant la forme. Si cet inconvénient vient d'un défaut des bois de garniture ou du châssis, il est facîle d'y remédier, en poussant un peu avec la pointe les lettres de dessus ou de dessous sur celles qui veulent tomber. Si au contraire l'inconvénient vient de quelque ligne mal justifiée, c'est-à-dire trop faible par elle-même, ou parce qu'elle se trouve précédée ou suivie d'une ligne trop forte, qui l'empêche d'être serrée par le bois de la garniture, le compositeur est obligé de desserrer, de justifier la ligne, ou celle de dessus ou de dessous qui cause l'inconvénient, de serrer, et de sonder la forme : alors si rien ne branle, il la leve, regarde sur le marbre si rien n'est tombé, la porte auprès de la presse aux épreuves, et la met de champ contre un mur ou quelque chose de stable, de façon qu'elle ne présente que le pied de la lettre.

Il n'y a encore qu'une forme imposée, qui est celle appelée la deux et trois ; il faut présentement imposer le côté de la première. Le compositeur Ve prendre sous son rang les huit pages qui restent, qui sont la première, la quatre et la cinq, la huit et la neuf, la douze et la treize, et la seize, qui est la dernière, et les apporte sur le marbre. Il place la première sous sa main gauche, la quatre sous sa main droite, la cinq, tête contre tête au-dessus de la quatre, la huit, tête contre tête au-dessus de la première, la neuf à côté de la huit, la douze à côté de la cinq, la treize à côté de la quatre, et la seize à côté de la première ; la première et la dernière d'une feuille étant toujours dans l'imposition à côté l'une de l'autre, excepté dans le cas où la feuille forme plusieurs cartons séparés ; alors la première et la dernière de chaque carton doivent être placées à côté l'une de l'autre, ainsi qu'à toutes les impositions quelconques. Le compositeur rêvait les folio de ses pages, les mouille avec une éponge, couche son châssis, met la garniture, délie ses pages, garnit de coins un côté, puis en fait autant de l'autre côté, taque la forme, la serre, la sonde pour voir si rien ne branle, la leve, la porte où il a mis l'autre, et la met avec elle pied contre pied.

Aussitôt que ces deux formes sont imposées, le compositeur avertit les ouvriers de la presse (voyez l'article PRESSE et les Planches) de faire épreuve (voyez l'article EPREUVE), leur indique où il a mis les formes, et de quel format elles sont, et leur en donne la copie (voyez l'article COPIE) pour la remettre au prote avec l'épreuve. Celui des deux ouvriers de la presse qui doit faire l'épreuve, prend les balles (voyez l'article BALLE et nos Planches) et une feuille de papier blanc ramoitie, enveloppée (si c'est l'été) dans une feuille de papier gris aussi ramoitie, pour empêcher la feuille blanche de secher, Ve à la presse aux épreuves (dans presque toutes les imprimeries, il y en a une destinée à cet usage), met les balles sur les chevilles, et les feuilles ramoities sur le tympan, déroule la presse si elle est roulée, regarde s'il y a dessus quelques lettres tombées de la forme dont on a fait précédemment épreuve, et les ôte s'il en trouve. Pendant cet intervalle le second ouvrier de la presse prend une des formes à faire épreuve, celle qui se trouve devant, la met de champ sur la presse de façon que le côté de l'oeil soit tourné du côté des jumelles, et la présente au premier imprimeur, qui la reçoit, la couche, l'ajuste bien au milieu de la presse, roule un peu la presse pour voir si la forme se trouve précisément sous le milieu de la platine, déroule la presse, prend de l'encre, en appuyant légérement une des balles sur le bord de l'encrier, les distribue en les faisant plusieurs fois passer et repasser l'une sur l'autre, en les tournant en sens contraire ; touche la forme, c'est-à-dire l'empreint d'une couche d'encre très-légère, en appuyant deux ou trois fois les balles sur l'oeil du caractère, et remet les balles sur les chevilles. Comme en touchant la forme avec les balles, les bois de la garniture ont été un peu atteints d'encre, et qu'ils pourraient noircir les marges de la feuille destinée pour l'épreuve, les deux ouvriers de la presse couvrent ces bois avec des bandes de maculature, ou avec une braie, qui est une maculature découpée suivant la grandeur des pages ; puis ils regardent avec attention si la braie ou les bandes ne portent pas sur la lettre, ce qui ferait mordre l'épreuve, c'est-à-dire qu'il y aurait sur l'épreuve quelqu'endroit qui ne viendrait pas, ou ne paraitrait pas imprimé ; à quoi on remédie facilement en éloignant la bande ou la braie autant qu'il est nécessaire. Celui qui fait l'épreuve, couche sa feuille de papier blanc sur la forme, en prenant garde à la bien marger ; couche aussi sur cette feuille la feuille de papier gris, s'il craint que la feuille blanche ne soit pas assez moite, ou qu'elle seche trop tôt ; met par-dessus un blanchet, abaisse dessus le tympan dégarni pour maintenir le blanchet ; roule la presse à moitié, et tire le barreau deux ou trois fais, plus ou moins fort, en raison de la grandeur du format et de la petitesse du caractère ; roule encore la presse plus ou moins avant, suivant la grandeur de la forme, et tire le barreau deux ou trois fois ; déroule assez pour que le milieu de la forme se trouve sous le milieu de la platine, et tire encore le barreau deux ou trois fais. L'ouvrier de la presse déroule alors entièrement la presse, lève le tympan et les blanchets seulement, et regarde son épreuve. S'il s'aperçoit qu'il y ait quelqu'endroit qui n'ait point été imprimé, il monte ou descend, avance ou recule la forme sur la presse, sans déranger aucunement la feuille qui tient encore à l'oeil du caractère, remet le blanchet, abaisse le tympan, fait repasser sous la platine l'endroit qui n'a point été foulé, et tire le barreau deux ou trois fais. S'il n'y a que quelque inégalité dans le foulage, il y supplée en appuyant la racine du pouce sur les endroits qui paraissent avoir été moins foulés ; puis il lève la feuille de dessus la forme doucement et avec précaution, crainte de la déchirer, et la remet dans son enveloppe pour la maintenir moite et en état de recevoir l'impression de l'autre côté, n'étant encore imprimée que d'un seul côté. Il lève la forme de dessus la presse, l'y maintient de champ un instant avec une main, reçoit de l'autre main l'autre forme qui lui est présentée par le second ouvrier qui saisit celle qui vient de passer sous la presse, et la porte auprès du compositeur. Le premier ouvrier abaisse la seconde forme sous la presse, en regarde la signature pour voir si son compagnon ne s'est point trompé, et ne lui a point apporté une forme pour une autre, parce qu'en ce cas il faudrait faire une autre épreuve, l'ajuste bien au milieu de la presse, prend un peu d'encre s'il est nécessaire, distribue les balles, touche la forme, met les bandes ou la braie sur les bois de garniture, pose la feuille du côté qu'elle est blanche sur la forme, de façon que les pages à imprimer puissent se rencontrer juste sur celles qui viennent de l'être, et prenant garde de transposer, c'est-à-dire intervertir l'ordre des pages en renversant la feuille au lieu de la retourner, ou la retournant au lieu de la renverser ; met la feuille de papier gris ; met le blanchet par-dessus, abaisse le tympan, roule la presse, imprime le second côté comme il a imprimé le premier ; déroule la presse, lève le tympan et le blanchet, observe le foulage, remédie aux défauts, lève la feuille, la plie en trois ou quatre, selon le format, la presse un peu avec la main sur le tympan pour abaisser le foulage, et la porte au prote avec la copie, tandis que le compagnon porte la seconde forme auprès du compositeur, et la met avec la première. Il y a de l'art à faire une bonne épreuve ; tous les ouvriers qui travaillent à la presse n'y réussissent pas également, parce qu'ils négligent souvent les précautions indiquées ici.

Le prote déploie l'épreuve et la laisse sécher : quand elle est seche, il la plie et la coupe : alors il fait venir un lecteur, qui est ordinairement un apprenti, qui lit la copie, pendant que le prote le suit attentivement mot à mot sur l'épreuve, et marque à la marge, au moyen de différents signes usités dans l'Imprimerie, et qu'on voit dans nos Planches, les fautes que le compositeur a faites en composant, comme les lettres renversées, les coquilles, les fautes d'orthographe, les fautes de grammaire et de ponctuation, les bourdons ou omissions, les doublons ou répétitions ; observant de rendre ses corrections intelligibles, de les placer par ordre, et autant que faire se peut, à côté des lignes où elles se trouvent. Après que l'épreuve a été lue sur la copie, le prote la repasse encore seul, s'il en a le temps, et marque les fautes qui lui ont échappé à la première lecture. Enfin il vérifie les folio, les signatures et la réclame ; après quoi il porte l'épreuve au compositeur, et lui explique les endroits où par la multiplicité des corrections il pourrait y avoir quelque difficulté, et qui ont besoin d'explication.

Correction. Le compositeur examine son épreuve : c'est là qu'il trouve ou la récompense de sa capacité et de son application, ou la peine dû. à son impéritie et à son inattention. Etant obligé de corriger ses fautes, moins il y en a sur son épreuve, plutôt il en est quitte ; au lieu que quand l'épreuve est chargée de corrections, il faut y employer un temps considérable, ce qui le fatigue beaucoup, la correction étant la fonction la plus pénible du compositeur ; encore est-il presqu'impossible que l'ouvrage n'en souffre. Après donc avoir examiné son épreuve et bien compris toutes les corrections, il Ve prendre une de ses formes à corriger, la première qui se présente, s'il n'y a point dans la correction à reporter d'une forme à l'autre : s'il y a à reporter d'une forme à l'autre, le compositeur ne commence pas à corriger celle dans laquelle il y aura à reporter, pour éviter de desserrer deux fois la même forme. Il prend donc une des deux formes, la met sur un marbre, l'y couche, et la desserre avec le marteau. Il revient ensuite à sa casse, prend un composteur, et lève sa correction, c'est-à-dire prend dans sa casse les lettres dont il aura besoin pour faire les corrections marquées sur son épreuve. En levant sa correction exactement, le compositeur ne peut manquer de tout corriger ; car s'il oublie de faire quelque correction, les lettres qu'il trouve dans son composteur, autres que celles qu'il a ôtées dans la forme corrigée, l'avertissent de l'omission. On suppose encore que l'ouvrage est in-8°. et que la forme desserrée sur le marbre est le côté de deux et trois. Il commence par lever les lettres qui sont marquées à la deux, puis il Ve à la trois ; passe la quatre et la cinq, lève la correction de la six et la sept ; passe la huit et la neuf, lève la correction de la dix et la onze ; passe la douze et la treize, lève la correction de la quatorze et de la quinze, et laisse la seize. Il met ensuite une pincée ou deux d'espaces sur un papier, prend sa pointe, et Ve au marbre pour corriger. Il regarde si les coins de la forme sont assez desserrés pour donner tant-sait-peu de jeu au caractère, sans cependant qu'aucune lettre puisse se déplacer.

Le compositeur tenant donc de la main gauche le composteur dans lequel sont les lettres nécessaires pour la correction, et la pointe de la main droite, exécute sur la forme de la façon que nous allons l'expliquer, les corrections marquées sur son épreuve, dans le même ordre qu'il en a levé les lettres : il commence par corriger la deux, puis il Ve à la trois, à la six et à la sept, à la dix et à la onze, à la quatorze et à la quinze. Chaque ligne où il y a de la correction (à-moins que ce ne soit simplement un espace à abaisser, ce qui se corrige en appuyant sur cet espace le bout de la pointe), il faut l'élever tant-sait-peu au-dessus des autres, en pressant avec le bout de la pointe une extrémité de la ligne (le commencement ou la fin, selon que la page est tournée relativement au compositeur) et en pressant en sens contraire l'autre extrémité avec le bout du doigt du milieu ou du doigt annullaire de la main gauche. Au moyen de cette petite élévation, il peut piquer avec sa pointe les lettres à changer, sans craindre d'affecter l'oeil des lettres qui se trouvent au-dessus ou au-dessous. Il est cependant mieux d'enlever la lettre que l'on veut ôter avec le pouce et l'index de la main droite ; on ne risque nullement alors de gâter la lettre ; les bons compositeurs l'exécutent ainsi. Quand donc il n'y a qu'une lettre à changer, il pique cette lettre du côté du cran ou du côté opposé, relativement à la position de la page, il l'enleve, la met dans le composteur après les lettres de la correction, prend la lettre qui se trouve la première dans le composteur, la met à la place de celle qu'il vient d'ôter, et l'enfonce avec le bout du doigt du milieu de la main droite, ou avec le bout du manche de la pointe, en frappant légèrement dessus. Si cette lettre substituée est precisément de la même force, il n'y a rien à ajouter ni à diminuer dans la ligne. Si la lettre substituée est plus forte, il faut diminuer à proportion dans les espaces de la ligne : si au contraire cette lettre substituée est plus faible, il faut ajouter aux espaces dans la même proportion ; il en est de même quand il y a dans la ligne quelque lettre à ajouter ou à supprimer. S'il y a à ajouter quelque lettre, il faut autant diminuer dans les espaces qui sont entre les mots : s'il y a quelque lettre à supprimer, il faut ajouter dans les espaces. Quand il y a quelque mot à changer, et que le mot à substituer est à-peu-près égal en nombre de lettres, cette correction est très-facîle à faire, et s'exécute le plus souvent dans la même ligne et sans aucun remaniment, c'est-à-dire sans aucun mouvement d'une ligne à l'autre. Mais s'il y a quelque mot à ajouter ou à supprimer, cela ne peut se faire qu'en remaniant plusieurs lignes, et quelquefois même toutes les lignes jusqu'à la fin de l'alinéa. S'il y a un mot à ajouter, le compositeur enlève la ligne de la forme, la met dans le composteur de la justification, ôte de la fin de la ligne autant de syllabes qu'il est nécessaire pour faire place au mot à ajouter, met ces syllabes à part, justifie la ligne et la met à sa place. Il prend ensuite ce qu'il a mis à part, le met d'abord dans son composteur, enlève de la forme la ligne suivante, en met ce qu'il peut dans le composteur, diminue dans les espaces le plus qu'il lui est possible, s'il croit par ce moyen pouvoir s'exempter de remanier le reste de l'alinéa, ôte le surplus de la ligne, le met encore à part, justifie cette ligne, et la met dans la forme. Il continue ainsi de porter d'une ligne à l'autre ce qu'il a de trop, jusqu'à-ce qu'il ne lui reste plus rien et qu'il tombe juste en ligne. Quand au contraire il y a quelque mot à supprimer, il faut mettre la ligne dans le composteur, ôter ce qui est à supprimer, rapprocher les mots qui doivent se suivre, tirer de la forme la ligne suivante, la mettre couchée sur le bord du châssis, en prendre le nombre de syllabes nécessaire pour remplir la ligne où est la suppression, justifier cette ligne en ajoutant quelques espaces de plus entre les mots, et la remettre dans la forme. Il faut ensuite remettre dans le composteur le restant de la ligne dans laquelle on a pris pour remplir la précédente, tirer de la forme la ligne suivante, la mettre de même couchée sur le bord du châssis, en prendre ce qui sera nécessaire pour parfaire la ligne qui la précède, la justifier en mettant quelques espaces de plus entre les mots, la remettre dans la forme, et continuer ainsi d'emprunter d'une ligne à l'autre jusqu'à-ce qu'il soit tombé juste en ligne. Il est presque impossible que ces deux inconvénients ne nuisent à l'économie de l'ouvrage. Les lignes où l'on a été obligé d'ajouter quelque mot, sont plus serrées que les autres, c'est-à-dire qu'il y a moins d'espace entre les mots ; au contraire dans celles dont on a retranché quelque chose, les lignes en paraissent plus au large. Il vaut mieux dans l'un et l'autre cas remanier quelques lignes de plus, pour éviter toute difformité. Ce ne sont jusqu'ici que les corrections ordinaires. Quand le compositeur a corrigé la première forme, que nous avons supposé être le côté de la deux et trois, il compose les lettres qui sont restées de sa correction, les Ve distribuer, lève la correction de la seconde forme, en commençant par la première page de la feuille ; passe la deux et la trois, lève la correction de la quatre et de la cinq ; passe la six et la sept, lève la correction de la huit et la neuf ; passe la dix et la onze, lève la correction de la douze et la treize ; passe la quatorze et la quinze, lève la correction de la seize qui est la dernière. Il retourne au marbre, regarde s'il n'est rien resté sur la forme, serre les coins avec la main, taque la forme, la serre avec le marteau, la sonde, la lève sur le marbre, regarde s'il n'en est rien tombé, et la porte aux environs de la presse aux épreuves. Ensuite il desserre l'autre forme qui est le côté de la première, et la corrige de même et dans le même ordre qu'il a corrigé l'autre forme qui était le côté de la deux et trois.

Nous n'avons parlé jusqu'à présent, comme nous venons de le dire, que des corrections ordinaires. Quand il y en a d'extraordinaires, c'est-à-dire que le compositeur a fait quelque bourdon ou omission considérable, par exemple de huit lignes ; alors, après avoir fait dans les deux formes les corrections ordinaires, telles que celles dont nous venons de parler, il faut composer le bourdon tout simplement, si c'est un alinéa qui a été omis : si au contraire le bourdon est au milieu d'un alinéa et au milieu d'une ligne, il faut prendre dans la forme la ligne où il est marqué, la mettre dans le composteur, mettre à part ce qui ne doit aller qu'après le bourdon, le composer, et faire en sorte en mettant un peu plus ou un peu moins d'espaces entre les mots, de tomber en ligne juste avec ce qui a été mis à part. Ensuite il faut mouiller les deux formes avec l'éponge, les desimposer, c'est-à-dire en ôter la garniture, et remanier en cette sorte. Supposons donc, comme nous avons dit, que le bourdon soit de huit lignes, et qu'il tombe à la neuvième page de la feuille, il faut y placer les huit lignes du bourdon, puis ôter huit lignes du bas de cette page, pour les mettre au haut de la dix, ôter huit lignes du bas de la dix, et les mettre au haut de la onze, et ainsi porter du bas d'une page au haut de la suivante, jusqu'à la dernière de la feuille, et même jusqu'à la dernière qui sera en page, à-moins qu'il ne se trouve au bas d'une page quelque blanc occasionné par un titre qui n'a pas pu entrer, ou qu'il a fallu faire commencer en page ; en ce cas s'il se trouve assez de place pour les huit lignes qu'il y a de trop, le compositeur ne touchera point aux pages suivantes.

Si au contraire le compositeur a fait un doublon, c'est-à-dire s'il a composé deux fois la même chose, et que ce doublon soit d'un alinéa entier, il faut séparer la page en deux dans sa longueur, soit avec un couteau, soit en pressant les lignes par les extrémités en sens contraire, et enlever le doublon, puis rapprocher les lignes qui doivent se suivre. Mais si le doublon se trouve au milieu d'un alinéa et au milieu d'une ligne, il faut mettre cette ligne dans le composteur, ôter de cette ligne ce qu'il y a à supprimer, ôter les lignes suivantes jusqu'à la fin du doublon, parfaire la ligne qui est dans le composteur, et faire en sorte en remaniant quelques lignes, s'il est nécessaire, et mettant un peu plus ou un peu moins d'espaces entre les mots, de tomber en ligne ; ensuite en supposant toujours le doublon de huit lignes, et qu'il se trouve à la neuvième page de la feuille, il faut prendre huit lignes du haut de la dix, et les mettre au bas de la neuf pour la complete r ; prendre huit lignes du haut de la onze, et les mettre au bas de la dix, et ainsi prendre du haut d'une page pour porter au bas de la précédente, jusqu'à la dernière de la feuille, dont il faudra remplir le vide avec de la nouvelle composition ; à moins, comme nous venons de le dire, qu'il ne se trouve au haut d'une page un titre qui ne puisse entrer dans le vide de la précédente, ou qui doive absolument commencer en page ; en ce cas on met un petit fleuron au bas de la page qui précéde le titre, et les pages suivantes restent dans le même état. Les mouvements tant pour l'augmentation que pour la suppression se peuvent faire aisément sur le marbre quand les pages ne sont pas additionnées ; mais quand elles le sont, et qu'il y a des additions à porter d'une page à l'autre, il faut mettre les pages dans la galée ; il ne serait guère possible de justifier sur le marbre les colonnes d'addition.

Quand le bourdon n'est que d'une, deux, trois, et même de quatre lignes, le compositeur peut s'exempter de remanier la feuille entièrement, en regagnant quelques lignes, s'il est possible, c'est-à-dire en supprimant les lignes qui à la fin d'un alinéa ne sont composées que d'une, ou de deux syllabes, et en faisant entrer ces syllabes dans la ligne précédente en diminuant les espaces. Il peut aussi faire deux pages longues, c'est-à-dire y mettre une ligne de plus, pourvu que ces deux pages se rencontrent l'une sur l'autre, l'une au folio recto, l'autre au folio verso ; mais cela ne peut se faire qu'aux pages où il n'y a point de signature. Il en est de même quand le compositeur n'a doublé que deux ou trois lignes ; il pourra en allonger quelqu'une, s'il se trouve que la fin d'un alinéa remplisse justement la ligne, et que cette ligne, ou même celle qui la précéde se trouve un peu serrée : alors il ne sera pas difficîle de rejeter une syllabe de la pénultième ligne de cet alinéa dans la dernière, et de prendre dans cette dernière ligne une syllabe ou deux pour former une ligne de plus. Il pourra aussi faire deux pages courtes, c'est-à-dire y mettre une ligne de moins, soit qu'il y ait une signature, soit qu'il n'y en ait point, en observant aussi que les deux pages courtes se rencontrent l'une sur l'autre, c'est-à-dire l'une au folio recto, l'autre au folio verso. Au moyen de cette ressource qui est un peu contraire à la régularité de l'ouvrage, le compositeur trouve le moyen, sans remanier beaucoup de pages, de placer un bourdon et de remplir un doublon de quelques lignes.

Voilà enfin la première épreuve corrigée. Le compositeur serre les deux formes, les porte à la presse aux épreuves, et avertit les imprimeurs qu'il y a une seconde à faire. Les imprimeurs font cette seconde épreuve comme nous avons Ve qu'ils ont fait la première, reportent les formes à la place du compositeur, et donnent l'épreuve au prote, qui l'envoye avec la copie à l'auteur ou au correcteur. Cette seconde épreuve ne devrait servir que pour suppléer à ce qui a été omis à la première, soit de la part du prote en lisant, soit de la part du compositeur en corrigeant : mais il y a des auteurs qui par négligence ou autrement attendent l'épreuve pour mettre la dernière main à leur ouvrage, et font des changements, des augmentations, des suppressions qui rendent la correction de la seconde épreuve beaucoup plus épineuse que celle de la première ; en sorte qu'il faut une troisième et même quelquefois une quatrième épreuve. Le compositeur est obligé de corriger la seconde épreuve, mais c'est quand il n'y a que quelques lettres à changer et que les corrections sont légères : quand elles sont considérables, elles se font ordinairement par les compositeurs en conscience, qui sont des ouvriers capables d'aider le prote dans ses fonctions ; ou si c'est le compositeur qui les fait, il en est dédommagé à proportion du temps qu'il y a employé. La dernière épreuve étant corrigée, il porte les formes aux ouvriers de la presse qui doivent les tirer, et son ministère est entièrement rempli pour cette feuille. Voyez COMPOSITION, COMPOSITEUR, et les mots marqués en lettres italiques. Voyez aussi, pour tout ce qui entre dans la composition, comme règlets, filets, vignettes, fleurons, lettres de deux points, etc. ces articles à leur ordre alphabétique.

Impression. Quoique les opérations du compositeur pour la préparation des formes soient longues et demandent beaucoup d'attention, cependant son travail demeurerait dans l'obscurité sans le secours des ouvriers de la presse ; c'est la presse qui donne pour ainsi dire le jour et la publicité à l'ouvrage du compositeur : mais auparavant il y a plusieurs fonctions à faire, qui se partagent entre les deux compagnons, y ayant ordinairement deux ouvriers à chaque presse ; on les distingue par les noms de premier et de second.

Les fonctions des ouvriers de la presse sont de tremper le papier et le remanier, préparer les cuirs pour les balles, monter les balles et les démonter, laver les formes, mettre en train, etc.

Préparation du papier. L'imprimeur, après avoir mis des cuirs dans l'eau, pour l'usage dont nous parlerons dans la suite, doit tremper son papier ; et il le doit faire avec d'autant plus d'attention, que la bonne préparation du papier est une des choses qui contribuent principalement à la bonté de l'impression. Mais avant de le tremper, il doit s'informer, s'il y en a eu déjà d'employé, combien de fois il le faut tremper la main. Si c'est la première fois qu'on en emploie, il examinera le format et le caractère de l'ouvrage ; parce que si le format est grand et le caractère petit, le papier doit être plus trempé que quand le format est petit et le caractère gros. Il y a même quantité de petits ouvrages, comme billets de mariage, billets de bout-de-l'an, avertissements de communauté, quittances, etc. qui s'impriment à sec. Il examinera ensuite la qualité du papier, s'il est collé ou s'il ne l'est pas, une main de papier collé devant être trempée plus de fois qu'une main de papier non-collé, parce que le papier collé prend beaucoup moins d'eau, et que l'eau le pénètre peu. Il compte ensuite son papier et le partage par dix mains, qui doivent faire quand les mains sont à 25, deux cent cinquante feuilles ou une marque : les quatre marques font un mille. C'est un soin que l'imprimeur doit prendre pour savoir si son papier est juste, et si celui qui le lui a donné ne s'est pas trompé. S'il lui manque quelques mains, il doit les demander, pour éviter les défets, qui malgré les soins ne sont toujours que trop considérables.

Dans toutes les imprimeries il y a une bassine de cuivre ou un bacquet de bois ou de pierre, qui peut contenir trois ou quatre voies d'eau ; l'eau doit être nette : l'eau de fontaine ou de rivière est préférable à l'eau de puits. L'imprimeur étend d'abord une maculature grise sur une table ou sur un ais à côté de la bassine. Cette table doit être unie et ne doit pancher d'aucun côté, afin qu'en trempant le papier, l'eau ne se porte pas plus d'un côté que d'un autre. Dessus la maculature grise l'imprimeur doit mettre une maculature blanche, parce que la feuille blanche ou imprimée qui se trouve immédiatement dessus ou dessous la maculature grise, est presque toujours gâtée, la maculature grise lui communiquant des taches. L'imprimeur jette avec la main un peu d'eau sur ces deux maculatures, plus ou moins selon qu'il le juge à propos. Ensuite d'une main il prend une main de papier par le dos, et par la tranche de l'autre main ; il la plonge d'une main par le dos dans l'eau, plus ou moins profondément et plus ou moins vite en raison du caractère de l'ouvrage et de la qualité du papier, la retire de l'eau, et avec les deux mains la met vite sur la maculature blanche, le dos de la main au milieu, en sépare sept à huit feuilles, les étend ; reprend par le dos le reste de la main, le plonge dans l'eau, le retire, le met sur la partie qui vient d'être trempée, en sépare sept à huit feuilles et les étend ; reprend encore par le dos le reste de la main, le plonge dans l'eau, le retire, l'ouvre juste par le milieu, et l'étend sur les deux parties qui viennent d'être trempées. Il prend une autre main de papier et la trempe de même, puis encore une autre, et la trempe encore de même, et ainsi de suite jusqu'à la quantité de quatre ou cinq marques, qui font mille ou douze cent cinquante feuilles, observant à chaque marque de plier une feuille en biais par le coin, de façon que le coin déborde le papier de huit ou dix lignes ; cette feuille ainsi pliée sert à marquer le papier, c'est-à-dire à le partager en marques, prenant garde qu'il ne se fasse des plis au papier, et ayant grand soin d'appuyer de temps en temps les deux mains sur le milieu du papier pour abaisser les dos : sans cette attention il se ferait une élévation au milieu qui empêcherait l'eau d'y pénétrer, et qui la ferait s'écouler uniquement vers les bords ; d'où il s'ensuivrait que les bords du papier seraient plus trempés que le milieu. Nous avons supposé que le papier devait être trempé trois fois la main. Quand il ne faut le tremper que deux fais, après avoir plongé la main dans l'eau, on en sépare dix ou douze feuilles, et on les étend ; on prend le reste de la main, on le plonge dans l'eau, on l'ouvre juste par le milieu, on l'étend, et la main est trempée deux fais. Il y a du papier qu'on ne trempe qu'une fois la main ; il y en a d'autre qu'on trempe trois fois les deux mains ; pour cela on trempe alternativement une main deux fais, et l'autre main une fais. Quand l'imprimeur a trempé son papier, il met dessus une maculature blanche, puis une maculature grise, sur laquelle il jette de l'eau avec la main autant qu'il le juge nécessaire ; ensuite il le met sur un ais aux environs de sa presse, met un autre ais par dessus, avec une pierre ou un poids de quarante ou cinquante livres pour le charger. Si le papier est collé, l'imprimeur ne le charge pas tout de suite ; il le laisse quelque temps pour prendre son eau.

Remanier le papier. Sept à huit heures après que le papier a été trempé, il faut le remanier, c'est-à-dire changer la position des feuilles relativement les unes aux autres, afin que la moiteur du papier se distribue également dans toutes ses parties ; car c'est dans cette égalité que consiste la bonne préparation du papier. Pour cela l'imprimeur décharge son papier, le transporte sur une table, le découvre, étale d'abord sur la table la maculature grise, puis la blanche, prend une poignée de trois ou quatre mains, la met à deux mains sur la maculature blanche, ne la quitte point d'une main, pendant que l'autre passe et repasse plusieurs fois sur le papier pour en ôter les rides. Il coupe sa poignée à huit ou dix feuilles en dessous, qu'il laisse sur la maculature blanche, reprend ce qui reste de la poignée, le renverse, passe et repasse la main sur le papier qui se trouve en dessus. Il coupe encore son papier à huit ou dix feuilles en dessous, qu'il laisse sur celles qu'il a déjà laissées, reprend le reste de la poignée, le renverse, passe et repasse la main sur le papier qui se trouve en dessus. Il réitère cette manœuvre de couper son papier à sept à huit feuilles en dessous, de les laisser sur le tas, de renverser ou retourner ce qui reste de la poignée, passer la main sur le papier qui se trouve en dessus pour en ôter les rides, et frapper dessus s'il y a quelques endroits plus élevés, jusqu'à ce que la poignée soit entièrement remaniée. Après cette poignée il en prend une autre, puis encore une autre jusqu'à la fin du papier. S'il s'aperçoit qu'il soit trop trempé, il le partage en plusieurs poignées, et les laisse exposées à l'air dans l'Imprimerie autant de temps qu'il faudra ; ensuite il le remanie. Si au contraire il n'était pas assez trempé, il pourra jeter de l'eau dessus avec la main ou avec l'éponge à chaque poignée, plus ou moins grosse, autant qu'il le jugera à propos, ensuite le charger, puis le remanier. Il y a du papier qu'il faut remanier plusieurs fais. L'inconvénient est égal quand le papier est trop trempé, ou qu'il ne l'est pas assez. Quand il est trop trempé il refuse l'encre, ou reste dessus la forme, l'emplit, et l'impression est pochée. Quand il ne l'est pas assez, les lettres ne viennent qu'à moitié, et l'impression parait égratignée. Après que le papier a été remanié, il faut le couvrir avec la maculature blanche, puis avec la maculature grise, mettre un ais par-dessus, le charger, et le laisser encore sept à huit heures avant de l'employer.

Si la peau du tympan n'est pas bonne, l'imprimeur en prend une bien saine, sans tache autant que faire se peut, d'égale épaisseur par-tout. Il la met tremper une demi-heure ou une heure dans la bassine, la retire, en exprime l'eau, et la met pliée une heure ou deux sous du papier trempé ; puis après avoir arraché la vieille peau, il enduit de colle le châssis du tympan, et la tringle de fer ; il pose dessus la nouvelle peau du côté de la chair, et la queue en bas, l'étend, et l'applique bien tout-autour ; la découpe en haut pour laisser sortir les petits couplets, y passe les brochettes, et la laisse sécher. Quand elle est seche, il la perce avec la pointe de ses ciseaux à l'endroit qui répond aux trous du châssis, et y passe la vis, qui avec l'écrou, sert à maintenir les pointures en état.

Quand l'imprimeur veut faire une braie, qui n'est autre chose qu'une peau plus petite que celle que l'on vient d'employer, il coupe avec ses ciseaux la vieille peau tout-autour du châssis en dedans, enduit le châssis de colle et y applique la braie. L'imprimeur fait alternativement un tympan et une braie, c'est-à-dire qu'il emploie alternativement une grande et une petite peau.

La peau du petit tympan se colle comme celle du grand. La différence qu'il y a c'est que la peau du petit tympan doit être plus forte et plus épaisse, et qu'après l'avoir collée, on met un bois de longueur (on appelle ainsi les bois à l'usage de l'Imprimerie) au long de chaque bande en dedans, et un autre bois en travers, que l'on fait entrer un peu à force, pour maintenir ces bandes en état ; sans cette précaution les bandes n'étant que de fer mince, rentreraient en dedans à mesure que la peau se banderait en séchant.

Préparation des cuirs. Il faut aussi préparer les cuirs pour les balles. Ces cuirs sont taillés dans des peaux de moutons, que l'on prend chez les Mégissiers, après avoir été quelque temps dans le plein pour en faire tomber la laine. Les cuirs ne durent point quand les peaux ont resté trop longtemps dans le plein, parce que la chaux les consume. On choisit ordinairement les plus épaisses.

Pour tailler ces cuirs, on met une peau de mouton sur une table, le côté de la chair en-dessous ; on l'étend ; on a un rond de bois ou de maculature, de deux pieds et demi de circonférence, que l'on applique sur le milieu de la peau, en commençant par la tête ; on décrit une ligne tout-autour du rond avec la pointe des ciseaux ; on pose ensuite le rond au-dessous de la ligne ronde que l'on vient de décrire, et on en décrit une seconde ; on en décrit une troisième au-dessous de la seconde. Ensuite en coupant avec de bons ciseaux dans ces lignes rondes, on a trois cuirs dans chaque peau. Si la peau est grande, on coupe dans les côtés des espèces de cuirs, qui étant plus minces, ne sont bons qu'à faire ce qu'on appelle dans l'Imprimerie des doublures, qui sont un double cuir qu'on met sous le principal. Quand les cuirs sont coupés, on les étend pour les faire sécher ; sans cela ils se corrompraient, et on ne pourrait pas les garder ; mais quand on les garde trop longtemps ils se racornissent et deviennent difficiles à apprêter. Quand on veut s'en servir, on les met tremper dans de l'eau nette, comme nous avons dit que l'imprimeur doit faire avant de tremper son papier.

Après qu'un cuir a trempé sept ou huit heures, plus ou moins, à proportion du temps qu'il y a que les cuirs ont été coupés, l'imprimeur le corroie, c'est-à-dire le tire de l'eau, le met sur une planche, l'arrête avec un pied, et de l'autre le crosse en appuyant de toute sa force, pour en exprimer l'eau et le rendre souple et maniable. Ensuite il le ramasse, l'étend tant qu'il peut avec les deux mains, le frappe plusieurs fois contre le mur, et le corroie encore. Il le met tremper une seconde fais, et le corroie de la même manière. Il le met tremper une troisième fais, s'il est nécessaire, et le corroie, jusqu'à ce que presque toute l'humidité en soit exprimée, et qu'il soit doux et souple comme un gant. Il enduit ensuite de petit vernis, qui est de l'huîle de noix ou de lin recuite, le cuir du côté de la laine, et le laisse s'imbiber pendant quelque temps, enveloppé d'une maculature humide si c'est l'été. Il en faut faire autant à l'autre cuir. En préparant ainsi deux cuirs pour les deux balles, on a soin de préparer aussi deux doublures, qui sont ou deux autres cuirs plus minces de même espèce, et qui ne demandent d'autres préparations que d'être souples et ramoitis, ou deux vieux cuirs qu'on fait servir en doublures, après les avoir brossés dans la lessive pour en ôter l'encre. Cette sorte de doublure est préférable et conserve mieux les cuirs. La doublure maintient le cuir dans une douce humidité pendant cinq ou six heures, plus ou moins selon la saison, et l'empêche de se racornir.

Il faut aussi de la laine telle qu'on l'achète chez les marchands, on la tire quand elle est neuve, ou on la carde quand elle a servi quelque temps. Il en faut environ une demi-livre pour chaque pain. On appelle dans l'Imprimerie un pain de laine, la quantité de laine qui se met dans chaque balle.

Monter les balles. Quand les cuirs sont bien préparés, et qu'il y a de la laine tirée ou cardée, un des ouvriers de la presse monte ses balles. Pour cela il commence par attacher légèrement le cuir et la doublure au bois de balle, avec un clou qu'il met sur le bord du bois de balle, et au bord du cuir et de la doublure, de façon que le côté de la laine se trouve en-dessus ; puis il fait faire un demi-tour à son bois de balle, étale bien le cuir et la doublure ; ensuite le bois de balle couché et le manche tourné de son côté, il prend avec ses deux mains la quantité de laine qu'il juge nécessaire pour former son pain de laine, et la met dans la capacité du bois de balle appuyé contre son estomac. Il prend l'extrémité du cuir et de la doublure diamétralement opposée à celle qu'il a déjà attachée, et l'attache aussi. Il examine ensuite s'il a pris assez de laine pour donner à sa balle une figure ronde, et qu'elle soit un peu ferme ; il attache un troisième clou au milieu des deux qui viennent d'être attachés. Ces trois clous sont seulement pour maintenir le cuir et la doublure, pendant que l'imprimeur les attache plus solidement sur le bord du bois de balle, au moyen de dix ou douze clous qu'il met à la distance de trois doigts l'un de l'autre en plissant les extrémités du cuir et de la doublure l'un sur l'autre, et en les appliquant le plus ferme qu'il peut dessus le bord du bois de balle, afin qu'en touchant la laine ne sorte pas.

Quand les balles sont montées, il faut les ratisser pour enlever les ordures qui se sont attachées aux cuirs en les corroyant, et en montant les balles : l'imprimeur verse sur le milieu du cuir d'une balle environ plein une cuillière à bouche de petit vernis, tourne la balle pour que le vernis ne tombe point, prend l'autre balle, les met l'une sur l'autre, et les distribue comme après avoir pris de l'encre, pour que ce vernis s'étende bien sur toute la surface des cuirs des deux balles, et en détache les ordures. Ensuite il en met une sur les chevilles de la presse, prend un couteau dont la lame soit non tranchante, et avec cette lame il enlève le petit vernis et toutes les ordures qui se rencontrent sur la superficie du cuir d'une balle. Il met cette balle aux chevilles, et prend l'autre qu'il ratisse de même, puis la suspend au-dessus de la première à une corde attachée à la jumelle. L'imprimeur ratisse les balles toutes les fois qu'il les a montées ; il doit les ratisser aussi dans le courant de la journée, pour enlever de dessus les cuirs les ordures qui s'y attachent en travaillant, et qui viennent de l'encre et du papier. En un mot il ne doit rien négliger pour avoir de bonnes balles, car elles sont l'âme de l'ouvrage ; et il est impossible de faire de bonne impression avec de mauvaises balles.

Pendant la préparation des balles et du papier, un des deux imprimeurs a dû coller une frisquette, c'est-à-dire coller au châssis de la frisquette un parchemin ou deux ou trois feuilles de papier fort, pour l'usage dont nous allons parler. On se sert ordinairement de vieilles peaux de tympan ; on colle par-dessus une feuille de papier blanc.

Laver les formes. L'imprimeur doit aussi laver les formes avant que de les mettre sous presse. Comme il n'y a point de forme prête, sur laquelle il n'y ait eu deux ou trois épreuves, et même davantage, et qu'il faut plus d'encre pour une épreuve que pour une feuille ordinaire quand la forme est en train, l'oeil du caractère se trouve encré ; ce qui rendrait l'impression pâteuse, si on n'avait pas le soin de laver les formes auparavant. Un des deux imprimeurs prend donc une forme une heure ou deux avant de la mettre sous presse, pour qu'elle ait le temps de sécher, la porte au bacquet, en bouche le trou avec un tampon, la couche, verse dessus une quantité de lessive pour la couvrir, la brosse jusqu'à ce que l'oeil du caractère soit net, et le châssis et la garniture propres, débouche le trou pour laisser écouler la lessive, lève la forme, la laisse égoutter quelque temps, regarde attentivement s'il n'en est rien tombé, la retire du bacquet, la rince avec de l'eau nette, et la laisse sécher. La lessive dont on se sert pour laver les formes n'est autre chose que de la lessive de blanchisseuse, dans laquelle on met de la potasse ou une espèce de sel blanc qu'on appelle drogue, qui fond dans la lessive, et qui la rend plus douce. Quand le tirage d'une forme est fini, l'imprimeur est obligé de la laver. Il doit y avoir dans toutes les imprimeries un endroit destiné à tremper le papier, laver les formes, laisser les formes de distribution, mettre les cuirs tremper, etc. on le nomme tremperie. Voyez ce mot et nos Pl.

Il doit ensuite préparer son encre ; cette fonction n'est pas longue ; il ne faut que bien nettoyer l'encrier, prendre avec la palette une quantité d'encre dans le barril, la mettre dans l'encrier, la bien broyer avec le broyon, la ramasser avec la palette, la broyer encore, puis la mettre dans un des coins de l'encrier. Un ouvrier de la presse curieux de son ouvrage, ne manque pas le matin de broyer toute l'encre qu'il a dans son encrier, avant que de se mettre au travail, pour l'entretenir dans un état de liquidité convenable.

Nous avons laissé les balles, l'une aux chevilles de la presse, et l'autre suspendue à la jumelle ; il faut leur faire prendre l'encre ; l'imprimeur en broie sur le bord de l'encrier, et en prend avec une de ses balles, puis avec l'autre, et les distribue, c'est-à-dire les fait passer et repasser l'une sur l'autre, en les frottant et les appuyant avec force l'une contre l'autre, jusqu'à ce que toute la surface des deux cuirs, de grise qu'elle était, soit d'un beau noir luisant, et également noire par tout. Si l'imprimeur voit qu'il y ait quelqu'endroit sur les cuirs qui n'a pas bien pris l'encre, et qu'il s'aperçoive que cela vient de ce que les cuirs sont humides, il brule une feuille de papier, et passe les cuirs par-dessus la flamme, en distribuant les balles. Si après cela les cuirs refusent encore de prendre, il les frotte sur une planche ou dans les cendres, pour en dissiper l'humidité, puis y met du petit vernis, les ratisse, prend de l'encre, et les distribue jusqu'à ce que les cuirs paraissent bien pris également. Quand les cuirs n'ont pas été bien corroyés, ils ont de la peine à prendre, surtout l'hiver temps pendant lequel les imprimeries sont fort humides ; de façon que l'imprimeur est quelquefois obligé de les démonter, c'est-à-dire de les détacher entièrement du bois de balle, et de les corroyer de nouveau. Pour éviter cet inconvénient qui fait perdre du temps, il ne s'agit que de les bien corroyer avant de les monter. Dans les imprimeries où il y a d'autres ouvriers de la presse, ceux qui ont des cuirs bien pris, pour faire plaisir à ceux qui en ont deux nouveaux, prennent une de leurs balles, et leur en donnent une des leurs ; au moyen de cet arrangement les deux cuirs neufs sont bientôt pris, les deux vieux cuirs aidant à faire prendre les nouveaux.

Mettre en train. Après que le compositeur a corrigé la dernière épreuve d'une feuille, il porte les formes auprès de la presse des imprimeurs qui doivent les tirer, et leur donne en même temps cette épreuve. Le premier des deux ouvriers, qui est celui qui doit mettre en train, essuie le marbre de la presse avec un morceau de papier, prend une forme (on commence ordinairement par le côté de deux et trois), la met sur la presse, l'ajuste bien au milieu de la presse et sous le milieu de la platine, et l'arrête avec six coins par le moyen des cornières. Il abaisse ensuite le tympan sur la forme, le mouille en dedans avec une éponge, le laisse quelque temps prendre son eau, pendant lequel il frotte ses blanchets, puis après avoir pressé son éponge pour en faire sortir l'eau, il ramasse avec cette éponge toute l'eau qui peut-être dans le tympan, met dedans les blanchets bien étendus, et le carton, et par-dessus le petit tympan pour les maintenir en état.

L'imprimeur lève son tympan et fait la marge. Nous continuons de supposer que la forme est in 8°. Il prend une feuille de son papier, la plie en deux, en marque bien le pli, la porte bien au milieu sur un côté de la forme, de manière que le pli de cette feuille se trouve au milieu de la barre du milieu du châssis, déplie la feuille et l'étend, et tâte avec son doigt si sa marge est égale tout-autour. Il porte ensuite légèrement l'éponge sur le tympan, l'abaisse sur la feuille, passe la main sur le petit tympan en appuyant un peu afin que la feuille s'attache au grand tympan, et enlève la feuille. C'est cette feuille qui règle la marge de toutes les autres, c'est-à-dire que c'est sur cette feuille que l'on pose toutes les autres avant que de les imprimer en papier blanc ou du premier côté. Puis il déchire deux doigts de l'angle de cette feuille qui se trouve en bas du tympan sous sa main gauche, parce que cet angle l'empêcherait d'enlever de dessus le tympan les feuilles à mesure qu'elles s'impriment.

Il pose ses pointures de façon que l'ardillon se rencontre juste sur le pli du milieu de la feuille, et réponde à la mortaise de la barre du milieu du châssis. Pour en être sur, il couvre sa marge d'une mauvaise feuille, abaisse le tympan sur la forme, et appuie la main sur le petit tympan vers le bout des pointures ; s'il ne trouve point de résistance c'est signe que l'ardillon répond juste à la mortaise du châssis. On arrête les pointures sur chaque côté du tympan au moyen d'une vis et d'un écrou. Elles servent au moyen des trous qu'elles font à chaque feuille qui s'imprime du premier côté, à faire rencontrer les pages de la seconde forme exactement sur les pages de la première forme tirée.

Il taille sa frisquette quand elle est seche. Il l'attache au tympan par le moyen des brochettes, et l'abaisse ; puis après avoir touché la forme, il abaisse le tympan, roule la presse, et imprime le parchemin ou le papier collé sur la frisquette. Il déroule, lève le tympan, et avec des ciseaux découpe dans la frisquette ce qui doit être imprimé, et laisse tout ce qui doit être blanc. Puis il appuie le doigt tout autour des pages découpées, pour voir si rien ne mord, c'est-à-dire s'il a bien coupé tout ce qui doit être imprimé, et si quelque partie de la frisquette ne porte pas sur le caractère, ce qui l'empêcherait de venir. Il doit aussi éviter de couper plus qu'il ne faut, car cela barbouillerait, et il faudrait en collant la frisquette, y remettre ce qu'il en aurait ôté de trop. Au moyen de la frisquette, les feuilles passent sous la presse, et en reviennent sans avoir la moindre atteinte d'encre dans les marges.

Quand l'imprimeur a taillé sa frisquette, quelquefois même avant de la tailler, il fait son registre en papier blanc. Il prend une feuille de son papier, la marge, la couvre d'une mauvaise feuille, abaisse le tympan, et la fait passer sous presse pour l'imprimer, quoique la forme n'ait point été touchée. Il déroule la presse, lève le tympan, lève aussi la feuille, la retourne in-8°., c'est-à-dire de haut-en-bas et sens-dessus-dessous, la pointe ou la met dans les mêmes trous, la couvre de la mauvaise feuille, et la fait passer une seconde fois sous presse sans avoir été touchée ; puis il déroule la presse, lève le tympan, et voit sur cette feuille, sur laquelle il n'y a des deux côtés que l'empreinte en blanc des caractères, si les huit pages de cette même forme se rencontrent exactement les unes sur les autres. Si les pages se rencontrent exactement les unes sur les autres, le registre en papier blanc est fait ; et cela doit être quand le châssis est juste, quand les garnitures sont bonnes, et les pointures bien au milieu. Si les pages ne se rencontrent pas, il examine si le défaut vient du châssis, de la garniture, ou des pointures. Il remédie aux défauts du châssis et de la garniture en y ajoutant quelques règlettes, et à l'égard des autres défauts, il y remédie aussi en faisant mouvoir les pointures. Après cela il tire une seconde feuille en blanc, pour être plus sur de la rencontre juste des pages de sa forme les unes sur les autres. Quand l'imprimeur a bien fait son registre en papier blanc, sa forme est en train ; et il lui est beaucoup plus facîle de faire le registre de la retiration, c'est-à-dire de la seconde forme.

Il fait la tierce, jette avec l'éponge de l'eau sur le tympan, et desserre la forme. La tierce est la première feuille qu'il tire après avoir mis sa forme en train. Il porte cette feuille avec la dernière épreuve au prote, qui examine avec attention si rien ne mord ou si rien ne barbouille, si la marge est bonne, si toutes les fautes marquées par l'auteur ou le correcteur sur la dernière épreuve ont été exactement corrigées, et s'il n'y a point dans la forme des lettres mauvaises, dérangées, hautes ou basses, tombées, etc. S'il y a quelque chose à corriger, le prote le marque sur la tierce, et le corrige, après quoi il avertit les imprimeurs qu'ils peuvent aller leur train.

Alors l'imprimeur prend le taquoir, taque la forme, la serre un peu moins que quand il faut la lever, et décharge le tympan, en mettant dessus deux ou trois mauvaises feuilles de papier sec, et les tirant comme pour les imprimer. Puis les deux compagnons partagent le travail : l'un prend le barreau, l'autre prend les balles, et cela pendant le tirage d'une rame, qui contient cinq cent feuilles ; après quoi celui qui était au barreau prend les balles, et celui qui avait les balles prend le barreau : quand la presse est rude, la mutation se fait plus souvent.

L'office de celui qui a les balles est de broyer de l'encre, d'en prendre, de distribuer les balles, de toucher et de veiller à l'ouvrage. Pour broyer de l'encre, il pose le bord du broyon sur le tas d'encre ; il s'y en attache un peu qu'il étend sur le bord de l'encrier. Il vaut mieux en broyer peu à la fois et en broyer plus souvent. Quand on en broie peu à la fais, elle s'étend plus facilement sur l'encrier, et se distribue mieux. Il prend de l'encre en approchant le cuir d'une des balles du bord de l'encrier. Il en faut prendre plus ou moins souvent, en raison du format et du caractère ; puis il distribue les balles, c'est-à-dire qu'il les passe et repasse plusieurs fois l'une sur l'autre en les tournant en sens contraire. C'est une fonction qu'il ne doit point se lasser de faire ; car rien ne contribue plus à faire une impression égale, que de prendre peu d'encre à la fais, et de distribuer souvent les balles. Ensuite il touche la forme, c'est-à-dire qu'il empreint l'oeil du caractère d'une couche d'encre légère, en faisant passer et repasser les balles successivement sur toutes les parties de la forme, en observant de bien appuyer les balles sur le caractère, de ne presque point le quitter en touchant, et de toucher du milieu des balles en les tenant bien droites. Enfin après avoir touché, il doit regarder attentivement l'ouvrage, pour voir si la frisquette ne mord point, ou si rien ne barbouille, si tout vient également, et quand on est en papier blanc, si la marge est bonne. Quand il y a quelque ordure sur la forme, ce qui arrive souvent, aussi-tôt qu'il s'en aperçoit sur le papier, il doit la chercher sur la forme et l'enlever avec la pointe. S'il voit quelque défaut, il doit y remédier, en avertir son compagnon. Par exemple, s'il y a quelques endroits sur la forme qui viennent plus faibles, on met sur le tympan quelques hausses de papier gris, précisément de la grandeur de l'endroit faible ; on les fait tenir avec un peu de salive, et on les mouille avec l'éponge. Si au contraire il y a quelques endroits qui viennent trop fort, et qui fassent sur la feuille comme une espèce de bouquet, il faut mettre un support, qui est une réglette plus ou moins forte, pour empêcher le trop de foulage.

L'ouvrier de la presse qui est au barreau est celui qui imprime. Il prend la feuille, la porte sur le tympan, la pose sur la marge le plus juste qu'il peut, en jetant un coup d'oeil tout-autour, abaisse la frisquette, abat le tympan, roule la presse à moitié de la main gauche, prend le barreau de la main droite, tire le premier coup, c'est-à-dire imprime la moitié de la forme, laisse le barreau s'en retourner sans le quitter, roule la presse tout au fond ou à peu près, suivant le format de l'ouvrage, tire le second coup, c'est-à-dire imprime l'autre moitié de la forme ; laisse le barreau s'en retourner seul et de son propre mouvement sous le chevalet, déroule la presse, lève le tympan et la frisquette, prend la feuille imprimée avec les deux mains, et la pose à côté du papier blanc ; observant, quand il a bien réglé son coup, de ne point aller ni plus ni moins avant, et de veiller aussi à l'ouvrage.

Quand donc les compagnons sont en train, tout le travail se partage de façon qu'ils sont également occupés tous les deux, et que ni l'un ni l'autre ne perd un moment. Pendant que le second imprimeur touche, le premier prend une feuille, la marge et abaisse la frisquette. Après que la forme est touchée, il abat le tympan, roule la presse, tire son premier et son second coup, déroule la presse et lève le tympan. Aussi-tôt que le tympan est levé, le second imprimeur touche pour une autre feuille ; et pendant qu'il touche, le premier lève la frisquette, prend la feuille imprimée, la met à côté du papier à imprimer, prend une feuille blanche, la marge, et abaisse la frisquette, et après que la forme a été touchée, abat le tympan, roule la presse, imprime la feuille, déroule la presse, et lève le tympan. Pendant que le premier imprimeur abat le tympan, roule la presse, imprime la feuille, déroule la presse, et lève le tympan, le second a alternativement le temps de broyer de l'encre, d'en prendre, de distribuer les balles, et de regarder l'ouvrage ; car aussitôt que le tympan est levé, si rien n'arrête, le second imprimeur doit toucher, afin que son compagnon n'attende pas après lui. Cette manœuvre se continue ainsi pendant tout le tirage d'une forme. Voyez au mot PRESSE, le détail et la description de toutes ses parties, et les Planches d'Imprimerie.

Quand tout le papier blanc est tiré d'un côté, le premier imprimeur serre la forme, ôte trois coins de registre, ordinairement les deux d'en bas et un des côtés près de la platine, lève la forme, et la donne au second imprimeur qui la reçoit, et lui présente en même temps la retiration, c'est-à-dire la forme du côté de la première. Le premier imprimeur couche cette forme sur le marbre de la presse, et doit avoir attention à la mettre dans la même position que l'autre. Ce qui se fait au moyen d'un clou qui est au coffre, et qui indique le milieu de la presse ; et au moyen du compas, avec lequel il a dû prendre la hauteur de la première forme avant de la lever. Puis il voit si l'ardillon de ses pointures entre dans la mortaise du châssis en abaissant le tympan, et appuyant la main sur le bout des pointures. Ensuite l'imprimeur retourne son papier de haut-en-bas et sens-dessus-dessous, en sorte que le côté imprimé se trouve dessous, et le côté à imprimer dessus ; puis il fait son registre en retiration. Il prend une feuille de son papier imprimé d'un côté, il la pointe, c'est-à-dire il la met dans les mêmes trous qui ont été faits en imprimant le premier côté, la couvre d'une mauvaise feuille, et la tire en blanc. Sur cette feuille il voit si les pages de la seconde forme se rencontrent justes sur les pages de la première forme. Si elles se rencontrent, le registre est fait : si elles ne se rencontrent pas, il faut y remédier, comme nous avons dit au registre en papier blanc, en ajoutant au châssis ou à la garniture, et en faisant mouvoir les pointures. Ensuite il fait la tierce du second côté, et la porte au prote qui la voit comme il a Ve la tierce du premier côté, et qui la corrige s'il trouve quelque chose à corriger. Pendant que le prote voit la tierce, l'imprimeur met une feuille de papier de décharge ou de papier gris sur son tympan, par-dessous les pointures sans les remuer, la mouille avec l'éponge, et l'étend bien en passant le dos de la main par-dessus, déchire l'angle qui se trouve de son côté au bas du tympan, et arrête la feuille aux quatre coins avec un peu de colle, comme il a fait à la marge.

Pendant que le premier imprimeur fait les fonctions dont nous venons de parler, le second n'est pas aisif. D'abord il lave la forme qui sort de dessous la presse ; puis si les balles sont seches, il les démonte, rafraichit les cuirs, remonte les balles et les ratisse ; ou bien il prépare du papier, soit en le trempant, soit en le remaniant, pour une autre feuille à tirer, après que celle qui est sous presse sera finie. Pour démonter les balles et rafraichir les cuirs, il prend le pié-de-chèvre, détache seulement quatre ou cinq clous de suite, ceux qui paraissent le moins bien attachés, sépare le cuir de la doublure, et passe, sans ôter le pain de laine, l'éponge mouillée sur l'envers du cuir et sur le côté de la doublure qui touche au cuir, puis remonte les balles et les ratisse.

Le premier imprimeur, dès que la tierce est corrigée, taque la forme, la serre, et décharge le tympan. Le second touche, et le premier tire ; ils font tous deux la même manœuvre qui a été expliquée au tirage de la première forme, et avec le même soin et la même attention. Toute la différence qu'il y a, c'est qu'au lieu de marger les feuilles, on les pointe, et qu'au lieu de prendre garde à la marge, on prend garde si le registre ne se dérange point, c'est-à-dire si les pages du premier et du second côté se rencontrent bien les unes sur les autres ; en observant de retourner de temps en temps une feuille, pour voir la couleur de l'impression du premier côté, afin de donner au second côté la même teinte ; au moyen de cette attention, l'impression sera égale et suivie des deux côtés. Il observera aussi de changer la feuille de décharge à chaque rame plus ou moins, à proportion que le premier côté décharge sur cette feuille ; sans cela l'impression maculerait.

Tous les soirs en quittant l'ouvrage, celui des deux imprimeurs qui est au barreau, décharge la forme, si le tirage n'en est pas fini, en mettant sur le tympan deux ou trois mauvaises feuilles seches et les tirant, il retourne ces feuilles et les tire une seconde fois : ou bien il trempe superficiellement la brosse dans la lessive, en donne quatre ou cinq tours à la forme, et la décharge comme nous venons de voir, ou bien, s'il y a encore beaucoup à tirer sur la forme, il la porte au bacquet, la lave, la laisse sécher pendant la nuit, et le lendemain matin la met sur la presse.

L'autre imprimeur démonte les balles, mais il y fait un peu plus de façon que pour les rafraichir pendant la journée. Après avoir détaché cinq ou six clous, il ôte le pain de laine, le presse entre ses deux mains en tournant pour le desaplatir, sépare le cuir de la doublure, plie le cuir en deux du côté qu'il est encré ; prend de l'eau nette dans une jatte, y plonge plusieurs fois la doublure en la maniant pour la rendre douce ; y plonge aussi le cuir à l'envers, et le frotte à deux mains principalement quand il est neuf ; étale la doublure et le cuir par-dessus, et les roule l'un sur l'autre jusque sur l'extrèmité du bois de balle : le cuir et la doublure roulés ensemble font alors comme une espèce de bourlet, que l'imprimeur plonge plusieurs fois dans l'eau et presse avec la main. Il en fait autant à l'autre balle ; puis il les met l'une auprès de l'autre à terre dans un lieu humide, et les couvre d'un vieux blanchet ramoiti.

Quand il y a mille ou douze cent cinquante de papier tiré des deux côtés, les imprimeurs le chargent. On le met entre deux ais, sous un poids de quarante ou cinquante livres, plus que moins, et on l'y laisse pendant cinq ou six heures. Après que le papier a été chargé, le foulage étant aplati, l'impression parait plus unie, plus nourrie, et sort davantage. Cet article est du Prote de l'Imprimerie de M. LE BRETON.

Il nous reste à parler de l'impression en rouge et noir, c'est-à-dire de celle dans laquelle on imprime sur la même forme avec ces deux couleurs. Pour y procéder, quand les épreuves ont été faites en noir, on doit laver la forme avec une plus grande attention qu'à l'ordinaire, de façon qu'il ne reste point de noir sur le caractère ; on doit la laver avec de la lessive bien chaude. De-là on la met en train sur la presse avec une grande précaution : on serre bien les coins de registre, de manière que la forme ne puisse nullement se déranger ; on fait en sorte que les couplets du tympan et de la frisquette ne puissent vaciller aucunement. On découpe ensuite sur la frisquette la partie qui doit venir en rouge, et les morceaux de parchemin que l'on en ôte doivent se coller sur le tympan, au même endroit où ils étaient à la frisquette ; ou on les met sous chacun des mots de la forme qui doivent se trouver en rouge ; c'est ce qu'on appelle taquonner, ces morceaux détachés de la frisquette se nomment taquons. Par ce moyen on donne plus de hauteur au caractère. (Dans les imprimeries où l'on fait souvent des livres d'église, et autres où cette impression est plus usitée, il y a des caractères plus hauts destinés à cet usage.). On imprime comme à l'ordinaire la partie rouge ; quand elle est finie sur une forme, on la lave encore fortement pour détacher le rouge, on ôte les mots ou les lignes qui ont été imprimés, on y substitue des quadrats, on reporte la forme sur la presse, et avec les mêmes précautions on imprime la partie noire. Il n'est pas aisé de faire rencontrer exactement et en ligne cette sorte d'impression ; le moindre dérangement dans le jet du tympan ou de la frisquette, ou dans les pointures, suffit pour la gâter. Peu d'imprimeurs y réussissent ; et c'est ce qu'ils ont de plus difficîle à exécuter.

Les peaux dont on se sert pour les balles à l'impression rouge sont des peaux blanches. Pour la composition de cette espèce d'encre, voyez au mot ENCRE d'imprimerie.

IMPRIMERIE EN TAILLE DOUCE, (Art mécanique) c'est l'art de porter sur une feuille de papier, un morceau de satin, ou quelqu'autre substance semblable, l'empreinte des traits qu'on a tracés à l'eau-forte, ou au burin, ou autrement sur une planche de cuivre ou de bois.

Cette opération se fait par le moyen de deux rouleaux, entre lesquels on fait passer la planche, après qu'elle est encrée. Ces rouleaux font partie d'une machine qu'on appelle la presse.

L'action des rouleaux attache l'encre qui remplit les traits dont la planche est gravée, à la feuille de papier, au vélin, ou au satin dont on l'a couverte.

La feuille chargée de ces traits, s'appelle une estampe.

La fonderie en caractères, et l'Imprimerie proprement dite, ont concouru pour multiplier à l'infini les productions de l'esprit, ou plutôt les copies de ces productions. La gravure et l'imprimerie en taille douce ont rendu à la peinture le même service, ou à peu près. Je dis à peu près, parce que l'estampe ne conserve pas tout le mérite du tableau.

Grace à ces deux derniers arts, avec un peu de gout, on peut sans grande opulence renfermer dans quelques porte-feuilles choisis, plus de morceaux en gravure, que le potentat le plus riche ne peut avoir de tableaux dans ses galeries. La gloire des grands maîtres ne passe pas tout à fait.

Description de la presse. La presse des imprimeurs en taille douce est composée de deux forts assemblages de charpente A, B, C, D, Planche de l'imprimerie en taille douce, fig. 6. Ces assemblages sont entretenus l'un avec l'autre par deux traverses. Ils sont composés chacun d'un patin A, B, aux extrémités duquel sont des billots ou calles l, m, qui élèvent la presse.

La face supérieure du patin est percée de cinq mortaises. Celle du milieu reçoit le tenon de la jumelle C. D. Les deux plus voisines sont destinées aux tenons inférieurs des jambettes I K, qui maintiennent les jumelles dans la position verticale. Les deux autres sont les lieux des tenons inférieurs des colonnes G H, qui portent les bras O F de la presse.

Il faut imaginer un assemblage tout à fait semblable à celui-ci, et tenu parallellement par les deux traverses dont nous avons parlé.

Dans ces deux assemblages, chaque jumelle est percée des deux grandes ouvertures quadrangulaires r s Xe y z Xe arrondies en plein ceintre du côté qu'elles se regardent. C'est dans ces ouvertures que passent les tourillons des rouleaux, comme nous l'expliquerons plus bas.

Chaque jumelle est encore percée sur chaque face latérale de deux mortaises ; l'une, qui est la supérieure, est double, et reçoit le double tenon du bras, dont l'autre extrémité est portée par la colonne. La mortaise inférieure reçoit le tenon supérieur de la jambette.

Les deux assemblages ou fermes de l'un desquels on vient de donner la description, sont arrêtés ensemble par deux traverses de deux pieds de longueur. La traverse inférieure qu'on voit en P O, fig. 5, et en P, fig. 1, est fixée par un tenon et une vis L dans chaque jumelle. On voit, fig. 1 et 6, cette place L. La traverse supérieure H H, fig. 5 et 6, que l'on nomme aussi le sommier, l'est par des queues d'aronde et communément ornée de quelques moulures. Le tout est fait de bon bois de chêne ou de noyer.

Les rouleaux, fig. 7 et 8, qui ont environ sept pouces de diamètre, et sont terminés par des tourillons, dont le diamètre est de quatre pouces et demi, doivent être de bon bois de noyer sans aubier, de quartier, et non de rondin. On peut aussi y employer l'orme.

Un des tourillons du rouleau supérieur, fig. 7, est terminé par un carré, auquel on adapte un moulinet croisé, par le moyen duquel on fait tourner ce rouleau, comme on le dira plus bas.

Les tourillons des rouleaux, fig. 7 et 8, s'appliquent aux parties arrondies des ouvertures r s Xe y z x des jumelles, fig. 6 ; et le reste de leur espace est rempli des boètes, des hausses et des calles.

Les boètes O P, fig. 9, au nombre de quatre, sont des pièces de bois de même dimension, soit en largeur, soit en épaisseur, que l'ouverture de la jumelle. Elles ont trois pouces et demi ; elles sont évuidées cylindriquement pour s'appliquer sur le tourillon. On les garnit intérieurement d'une plaque de fer blanc, dont les oreilles a, b, fig. 9, percées chacune d'un trou, entrent dans les entailles a, b, pratiquées aux faces latérales de la boète, où elles sont fixées par des clous.

Les hausses K K sont aussi au nombre de quatre. Ce sont de petites planches d'un pouce environ d'épaisseur, et des mêmes dimensions du reste que la base des boètes auxquelles elles doivent s'appliquer.

Les calles sont des pièces de carton, dont le nombre est indéterminé, et dont les dimensions correspondent à celles des hausses auxquelles on les appliquera.

Les deux fermes étant assemblées, pour achever de monter la presse, on fera entrer les tourillons des rouleaux dans les ouvertures des jumelles ; savoir, ceux du rouleau dont un des tourillons est terminé par un carré, fig. 7, dans les ouvertures supérieures r s Xe fig. 6 ; et ceux de l'autre rouleau, fig. 8, dans les ouvertures inférieures y z Xe fig. 6. On placera aussi les tenons de la traverse P O, fig. 5. et 1, dans les mortaises des jumelles, destinées à les recevoir, et où ils seront fixés par les vis L, fig. 1 et 6, et l'on couronnera cette charpente du sommier H H, fig. 5 et 6. La fonction du sommier est d'empêcher l'écartement des jumelles.

Cela fait, on introduira dans l'entaille inférieure de chaque jumelle, et du côté de x y, fig. 6, une boète o, fig. 9, garnie de sa plaque de fer blanc, et préalablement enduite de vieux-oing. On enduira de la même matière le tourillon du rouleau. On placera sous cette boète une hausse, en sorte que le tourillon du rouleau accole la partie concave x de l'ouverture y z Xe Sur les tourillons du rouleau supérieur, on place de semblables boètes, surmontées par des hausses recouvertes de calles, jusqu'à ce que les ouvertures r s x soient suffisamment garnies.

On ajustera ensuite deux petits ais dans les rainures des bras de la presse, au-dessous desquels on placera une traverse terminée par des queues d'aronde, qui entreront dans les entailles pratiquées aux extrémités des bras. Ces traverses en empêcheront l'écartement.

Une attention essentielle, c'est que la ligne de jonction des deux rouleaux soit plus élevée d'environ un pouce, que la surface supérieure des petits ais dont on vient de parler.

On adapte le moulinet au rouleau supérieur, en faisant entrer le tenon carré de ce rouleau dans l'ouverture de même forme qu'on voit au centre de la croisée du moulinet, fig. 10, et bientôt la presse sera prête à marcher. Il ne s'agit plus que d'y ajuster la table.

La table de la presse est une planche de noyer, d'un pouce et demi environ plus étroite que l'intervalle qui est entre les jumelles. Elle a environ trois pieds et demi de longueur ; les faces doivent en être parfaitement dressées, surtout celle de dessus ; on l'introduit entre les rouleaux, ôtant pour cet effet, s'il est nécessaire, quelques-unes des calles qui remplissent les ouvertures supérieures des jumelles, ou en faisant, au moyen du moulinet, tourner le rouleau supérieur. Une des extrémités de la table étant amincie, elle sera prise par les rouleaux, et entrainée entr'eux dans leur mouvement. Les rouleaux doivent la comprimer fortement. Elle ne doit toucher à aucune autre partie de la presse ; c'est par cette raison qu'on a fait la partie supérieure du rouleau de dessous d'environ un pouce plus élevée que la table dormante, composée des petits ais placés entre les bras de la presse.

Outre la presse qui est à la vérité l'instrument principal, l'attelier de l'imprimeur en taille-douce doit encore être pourvu,

1°. de langes.

2°. de linges ou torchons.

3°. d'un tampon ou d'une balle.

4°. de noir de fumée, ou noir d'Allemagne.

5°. d'une marmite de fer pour cuire l'huîle de noix.

6°. d'un marbre et de sa molette pour broyer le noir.

7°. d'une poêle à feu et d'un gril pour chauffer la planche.

8°. de différents ais et de bacquets pour la trempe du papier.

Des langes. Ils sont de laine blanche, d'un bon drap bien foulé sans aucune inégalité. On en emploie quelquefois de serge fine que l'on applique les premiers sur la planche, et qu'on recouvre de langes plus grossiers. Ils n'auront ni ourlet ni lisière. On s'en pourvoira de deux ou trois grandeurs différentes, pour les changer au besoin selon l'étendue des planches et des papiers ; mais comme à force de passer sous le rouleau, ils deviennent durs, et se chargent d'humidité, il est à propos de les étendre le soir ; et le matin, lorsqu'ils seront secs, on les maniera, froissera ou foulera en tous sens, pour les bien assouplir. Il faut aussi en avoir de rechange, afin de pouvoir, sans interruption de travail, laver ceux qui sont devenus trop durs, et les débarrasser de la colle qu'ils ont prise du papier mouillé, sur lequel on les a posés si souvent dans le cours du tirage.

Des linges ou torchons. Ce sont des lambeaux de vieux linges dont on se servira pour essuyer la planche, lorsqu'elle aura été encrée.

Du tampon ou de la balle. On la fait d'un bon linge de chanvre, doux et fin, à demi usé ; on le coupe par bandes larges de cinq à six pouces ; on roule ces bandes fort serré, comme on roulerait un ruban, mais le plus fermement possible ; on en forme comme une molette de peintre. En cet état on les coud avec du bon fil, en plusieurs doubles, qu'on fait passer à-travers dans tous les sens. On s'aide dans ce travail d'une alene. Le tampon ou la balle bien cousue, et réduite à environ trois pouces de diamètre, on la rogne avec un couteau bien tranchant ; l'autre côté sera arrondi en demi-boule, afin que le creux de la main s'y puisse appliquer commodément lorsqu'il s'agira d'encrer la planche.

Du noir de fumée ou du noir d'Allemagne. Le meilleur noir qui soit à l'usage des Imprimeurs en taille-douce se fait par la combustion des matières résineuses ; c'est une véritable suite. Voyez l'article NOIR DE FUMEE. Le bon noir doit avoir l'oeil velouté ; en le froissant entre les doigts, il s'y écrasera comme l'amidon. Le noir commun n'aura pas un oeil si beau ; au lieu de l'éprouver doux entre les doigts, on le trouvera rude et graveleux. Il use fort les planches ; on le tire des lies du vin brulées.

De la marmite à cuire l'huile. Elle sera de fer, assez grande ; il faut que son couvercle s'y ajuste bien exactement. On y mettra la quantité qu'on voudra d'huîle de noix, la meilleure et la plus pure, en sorte toutefois qu'il s'en manque au moins quatre à cinq doigts qu'elle ne soit pleine. On la couvrira, et l'on fera bouillir l'huile, ayant attention qu'elle ne se répande et ne s'enflamme. On la remuera souvent, soit avec une pince, soit avec des cuilleres de fer, jusqu'à ce que le feu y prenne légèrement de lui-même. On pourra l'allumer avec un morceau de papier enflammé qu'on y jettera, lorsqu'elle sera chaude au point requis ; alors on retirera la marmite de dessus le feu, on la placera dans un coin de la cheminée, observant de remuer l'huile. Cette ignition durera au moins une demi-heure, et l'on aura fait la première huile, celle qu'on appelle huîle faible.

On arrêtera la combustion, en fermant la marmite de son couvercle, ou en appliquant à la surface un linge mouillé qui empêche la communication avec l'air.

Cela fait, on aura un vaisseau net, dans lequel on versera l'huîle qu'on conservera.

On préparera l'huîle forte comme on a préparé l'huîle faible, on la laissera seulement bruler beaucoup plus de temps. On poussera l'inflammation jusqu'à ce qu'elle soit devenue épaisse et gluante, ce qu'on reconnaitra en en laissant tomber quelques gouttes sur une assiette ; si ces gouttes refroidies filent comme un syrop très fort, l'huîle forte est faite.

Il y en a qui jettent dans l'huîle bouillante, ou qui font bouillir en même temps et avec elle, une croute de pain ou de la terre d'ombre.

S'il arrivait que l'huîle fût trop brulée, on ajouterait dans la marmite une quantité convenable d'huîle non brulée.

Il est prudent de faire cette opération dans un jardin, une cour, ou quelque lieu découvert.

De la manière de broyer le noir. On nettoyera bien le marbre et sa molette, qu'on voit fig. 4, on écrasera la quantité de noir qu'on veut broyer. On aura à côté de soi de l'huîle faible, on en arrosera peu à-peu le noir ; on observera de ne pas mettre trop d'huîle à la fois sur le noir, qui veut être broyé le plus à sec qu'il est possible.

Cette détrempe étant faite, on retirera avec le couteau ou l'amassette le noir sur un des angles de la pierre, et reprenant petite portion à petite portion le noir qui n'a été broyé qu'en gros, on le rétendra sur toute la pierre, en repassant dessus la molette en tout sens, jusqu'à ce que le broyement et l'affinage soient achevés.

Le broyement et l'affinage parfaits, on relevera de-rechef avec le couteau ou l'amassette ce noir. On donnera le même apprêt à celui qu'on aura détrempé, puis on reviendra sur le tout ; on le remettra au milieu de la pierre ; on y ajoutera en deux ou trois tours de molette une certaine quantité d'huîle forte.

Il faut moins d'huîle forte lorsque l'encre apprêtée doit servir à des planches usées, ou dont la gravure n'est pas profonde ; un peu d'usage et d'expérience dirigeront là-dessus.

De la poêle à feu et du gril. On aura une poêle de fer ou de fonte, sur laquelle on placera un gril ; c'est sur ce gril qu'on posera les planches pour les échauffer médiocrement. Il doit y avoir un peu d'intervalle entre le gril et la poêle, pour donner un libre accès à l'air entre la planche et le feu, qui doit être couvert de cendres chaudes.

De la manière de tremper le papier. Pour tremper de grand papier, il faut avoir un bacquet plein d'eau claire, et deux forts ais barrés par derrière ; que ces ais soient de la grandeur du papier déployé. Les barrures fortifieront les ais et les empêcheront de coffiner, et seront une commodité lorsqu'il s'agira d'enlever les ais avec le papier dont ils seront chargés.

Cela préparé, on prendra cinq ou six feuilles de papier avec les deux mains. On les tiendra par les angles, et on les passera toutes ensemble, deux ou trois fais, dans l'eau claire du bacquet, selon que le papier sera plus ou moins fort, plus ou moins collé ; ensuite on les étendra sur un des ais, par-dessus celles-ci les cinq ou six autres qu'on aura trempées, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on ait épuisé la quantité de papier qu'on veut tremper.

Le papier trempé mis sur un des ais on le couvrira de l'autre ais, son côté uni appliqué au papier, et l'on chargera le tout d'un poids pesant, ou l'on serrera les ais dans une presse ; cette opération produira deux effets contraires, elle fera entrer dans le papier l'eau dont il a besoin, et elle en chassera celle qui est superflue.

Il faut laisser en cet état le papier jusqu'à ce qu'on veuille tirer. Le papier trempé le soir peut servir le lendemain, et s'il arrive qu'on en ait trempé plus qu'on n'en pourrait employer, on met ce qui en reste entre celui qu'on trempe le soir, et le lendemain on l'emploie le premier.

On trempera plus longtemps le papier fort et bien collé, moins longtemps le papier faible et le moins collé.

On alune quelquefois le papier ou les étoffes sur lesquelles on veut imprimer ; l'encre s'y attache plus facilement. Pour cet effet, on dissout de l'alun dans de l'eau bouillante, et l'on trempe le papier de cette eau.

De la manière d'encrer et d'imprimer. L'ouvrier premier de la vignette imprime ; l'ouvrier second encre.

La planche gravée ayant été limée par les bords, on en pose l'envers sur le gril, qui est au-dessus de la poêle à feu. On la laisse modérément chauffer ; on a un torchon blanc et net ; on la prend par un des angles ; on la porte sur une table bien affermie, et prenant le tampon, et avec le tampon du noir, on applique le tampon et le noir sur la planche, coulant, pressant, frappant en tous sens sa surface, jusqu'à ce que ses traits soient bien chargés de noir.

Si l'on se sert d'un tampon neuf, il faut prendre trois ou quatre fois plus de noir que quand le tampon sera vieux, aura servi, et sera bien abreuvé.

Une attention qu'il ne faut pas négliger, c'est de tenir le tampon et le noir en lieu propre, et où ils ne soient point exposés à la poussière et aux ordures, car en encrant on ferait des rayures sur la planche.

Lorsque le tampon a beaucoup servi, et qu'il est devenu dur par le noir qui s'y est attaché et séché, il faut en enlever quelques rouelles, et le traiter ensuite comme un tampon neuf.

Ayant donc bien rempli de noir les tailles de la planche, on essuie légèrement le plus gros du noir, le superflu qu'on emporte avec un torchon qu'on passe aussi sur les bords de la planche. On a un autre torchon blanc, on y essuie la paume de sa main ; on passe ensuite cette main essuyée sur la planche même, hardiment et en tous sens ; on réitère cet essuiement sur la planche, et à chaque fois on essuie sa main au torchon blanc, on parvient ainsi à ne laisser à la planche aucun noir superflu ; il n'en reste que dans ses tailles, et elle est disposée à l'impression.

Alors on étendra sur la table de la presse, que l'on aura fait venir par le moyen du moulinet de l'un ou de l'autre côté, une feuille du même papier sur lequel on doit imprimer ; sur cette feuille de papier on placera un lange fin, sur celui-ci un plus gros, et ainsi de suite jusqu'au dernier, observant que les extrémités des langes ne répondent pas vis-à-vis les unes des autres ; que, par exemple, si le premier lange est à sept ou huit pouces loin du rouleau, le second qui le couvre en soit moins éloigné d'un ou deux pouces, et ainsi du troisième, du quatrième, etc. on le pratique de cette manière, pour former par les épaisseurs graduées de tous ces langes comme un plan mesuré qui facilite leur passage sous le rouleau.

Ayant donc tourné le moulinet du sens convenable, et fait par ce moyen passer les langes bien étendus de l'autre côté de la presse, sans toutefois qu'ils en sortent tout à fait et qu'ils ne soient plus sous le rouleau, on relevera les langes sur le rouleau, pour découvrir la feuille de papier qui y a passé avec eux, et prenant la planche encrée et essuyée, comme on l'a prescrit, et l'ayant modérément réchauffée, on la posera par l'envers sur la feuille de papier qui est sur la table, observant de laisser des marges parallèles et égales aux côtés opposés. Sur la planche ainsi placée, on posera une feuille de papier trempé. Le papier trempé, pour la commodité de l'imprimeur, sera sur un ais, au sommet de la presse. Sur la feuille de papier trempé on mettra une feuille de maculature ; on rabattra sur celle-ci les langes, et en tournant le moulinet d'un mouvement doux et uniforme, ce qui est essentiel, le tout sera entrainé entre les rouleaux. La forte pression attachera l'encre dont les tailles de la planche sont chargées, à la feuille de papier trempé, et l'estampe sera tirée. La feuille qu'on aura mise dessous la planche, de même grandeur que la feuille trempée, guidant l'ouvrier, l'estampe sera bien margée. On prend aussi la maculature de même grandeur que la feuille trempée.

L'imprimeur relève ensuite les langes sur le rouleau pour découvrir l'estampe, qu'il enlève de dessus la planche, et qu'il place sur la table, fig. 3. Il recommence ensuite à encrer la planche ; il la replace, et il tire une seconde épreuve, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il ait entièrement employé son papier trempé.

On fait quelquefois passer et repasser plusieurs fois la planche entre les rouleaux, surtout lorsque le noir a été détrempé avec de l'huîle forte. Dans les autres cas, la planche n'y passe qu'une seule fais.

Alors l'imprimeur a deux tables, sur l'une il met les estampes tirées, et sur l'autre celles qui sortent de l'autre côté.

Il arrive encore que l'on pose premièrement les langes sur la table ; sur les langes une maculature, ensuite le papier ; sur le papier, la planche gravée ; sur la planche gravée, deux ou trois gros langes, et que tout étant ainsi disposé on tire l'estampe.

On imprime aussi les estampes en plusieurs couleurs. Voyez là-dessus l'article GRAVURE.

Si la planche est inégale, c'est-à-dire plus ou moins épaisse en un endroit qu'en un autre, on met dessous, entre la planche et la table, des morceaux de carton ou de gros papier déchiré, suivant la forme de ces inégalités, on parvient à rendre par ce moyen la pression égale par-tout.

S'il arrive que les tailles d'une planche soient remplies de noir séché, il faut la faire bouillir dans de la lessive, ou bien poser la planche à l'envers sur deux petits chenets, et couvrir toute sa surface d'environ un doigt d'épaisseur de cendres sassées, tamisées et détrempées avec de l'eau, puis avec de mauvais papier, ou de la paille, faire du feu par-dessous, en sorte que la cendre mouillée soit comme bouillante ; en bouillant elle dissoudra et prendra tout le noir des tailles.

Après cela on jettera de l'eau claire sur la planche, jusqu'à ce qu'on n'y aperçoive aucun vestige de cendres. Si on essuyait la planche sans cette précaution, on ne manquerait pas de la rayer.

La planche étant ainsi nettoyée, on la serrera dans un endroit sec.

C'est à l'art d'imprimer, comme nous l'avons dit en commençant cet article, que nous devons la multiplication des chefs-d'œuvres des grands Peintres.

Si les anciens qui connaissaient l'art de graver avaient su tirer des épreuves de leurs planches, il est vraisemblable qu'ils auraient transporté cette invention à l'impression des livres ; il n'eut fallu pour cela qu'exercer des écrivains à écrire à rebours une écriture cursive sur des planches vernies ; mais peut-être l'art de forger, laminer et planer les planches de cuivre ; celui de préparer l'eau, leur étaient-ils inconnus. Du moins il parait que la plupart des ouvrages en cuivre qui nous sont parvenus d'eux ont été fondus. Si cela est, ceux qui connaissent ces sortes de travaux, jugeront de la difficulté qu'il y aurait eu à préparer, sans le secours des machines modernes, la quantité nécessaire de planches pour former l'édition d'un livre un peu considérable. Avec ce secours même, on emploie rarement la gravure à l'impression de la lettre, à moins qu'il ne s'agisse que de quelques lignes, ou tout au plus de quelques pages.

IMPRIMERIE, on appelle aussi de ce nom le lieu où l'on imprime. Ce lieu ne peut être trop clair ; il doit être solidement bâti : les imprimeries de Paris en général sont tenues dans des endroits fort incommodes, parce qu'un grand espace de terrain de plain-pié est fort-rare. Les maîtres Imprimeurs de Paris sont obligés par leurs règlements de tenir leurs imprimeries dans l'enceinte de l'université.

IMPRIMERIE-ROYALE, (Histoire, Littérature) elle a été établie par François I. en 1531. Ce prince fit fondre des caractères hébreux, grecs et latins, dont il confia la garde à Robert Etienne son imprimeur ordinaire, auquel son fils de même nom succéda en 1559.

L'Imprimerie royale fut perfectionnée sous Louis XIII. placée aux galeries du Louvre, et dirigée par Sebastien Cramaisi. Il eut la garde des poinçons, des matrices et de tout ce qui appartient à l'art d'imprimerie. Sebastien Mabre fils d'une de ses filles, lui succéda ; celui-ci mourut en 1687. Sa veuve fut continuée dans sa place.

En 1690 M. de Louvois appela de Lyon Jean Anisson ; dans les provisions expédiées en 1691 à Jean Anisson, il est qualifié de recteur et conducteur de son imprimerie royale, et garde des poinçons, matrices, caractères, planches gravées, presses et autres ustensiles servant aux impressions.

Jean Anisson céda sa place en 1707 à Claude Rigaud son beau-frère.

Louis Laurent Anisson neveu de Jean Anisson obtint le 19 Mars 1723, la concurrence avec Rigaud ; et la survivance de celui-ci. Rigaud mourut au mois de Juillet suivant.

Le 22 Aout 1735 Jacques Anisson du Perron entra en fonction avec Louis Laurent Anisson son frère.

C'est ce dernier qui préside maintenant à l'imprimerie royale qui, de quelque côté qu'on la considère, est une des mieux disposées, des plus occupées, des plus riches, des plus vastes, et des plus belles qu'il y ait au monde.

C'est-là qu'on imprime presque tous les papiers publics qui émanent du ministère.

On y a fait, et on y fait encore des éditions très-précieuses d'auteurs renommés, en toutes langues et en tous caractères.

Les mémoires des académies, et quelquefois les ouvrages des académiciens s'impriment à l'imprimerie royale.

Lorsqu'il plait au Roi d'honorer et de gratifier spécialement un auteur, il ordonne l'impression de son ouvrage à son imprimerie, et lui fait présent de son édition.

Quelquefois lorsqu'un ouvrage important est d'une grande exécution et d'une dépense considérable, le Roi, en qualité de protecteur des lettres, s'en charge, et les exemplaires restent entre les mains et à la garde de l'imprimeur du roi. On en fait des présents aux ambassadeurs, aux ministres, aux grands et aux gens de lettres qui sollicitent cette grâce, et à qui il est rare qu'on la refuse.

IMPRIMERIE de Constantinople, (Hist turq.) elle a été dressée par les soins du grand-vizir Ibrahim bacha, qui aimait la paix et les sciences. Il employa tout son crédit auprès de Achmet III. pour former cet établissement, et en ayant eu la permission au commencement de ce siècle, il se servit d'un hongrois éclairé, et d'un juif nommé Jones pour diriger l'entreprise. Il fit fondre toutes sortes de caractères au nombre de plus de deux cent mille, et l'on commença en 1727 par l'impression d'un dictionnaire turc, dont on a vendu les exemplaires jusqu'à 30 piastres. Cette imprimerie contient six presses, quatre pour les livres, et deux pour les cartes.

La révolution arrivée en 1730 par la déposition du grand-seigneur, et la mort de son vizir qui fut sacrifié, n'a point détruit cet établissement, quoiqu'il soit contraire aux maximes du gouvernement, aux préceptes de l'alcoran, et aux intérêts de tant de copistes qui gagnaient leur vie à copier.

On sait aussi que les Juifs ont la liberté d'imprimer en Turquie les livres de leur religion. Ils obtinrent en 1576 d'avoir à Constantinople une imprimerie pour cet objet, et dès-lors ils répandirent en Orient les exemplaires de la loi qui y étaient fort peu connus. (D.J.)

IMPRIMERIE, c'est ainsi que les Tanneurs appellent une grande cuve de bois, dans laquelle ils mettent rougir les cuirs ; c'est ce qu'on appelle aussi les mettre en coudrement. Voyez TANNEUR.