S. f. (Belles-lettres) art de parler sur quelque sujet que ce soit avec éloquence et avec force. D'autres la définissent l'art de bien parler, ars bene dicendi ; mais comme le remarque le P. Lami dans la préface de sa rhétorique, il suffit de la définir l'art de parler ; car le mot rhétorique n'a point d'autre idée dans la langue grecque d'où il est emprunté, sinon que c'est l'art de dire ou de parler. Il n'est pas nécessaire d'ajouter que c'est l'art de bien parler pour persuader ; il est vrai que nous ne parlons que pour faire entrer dans nos sentiments ceux qui nous écoutent ; mais puisqu'il ne faut point d'art pour mal faire, et que c'est toujours pour aller à ses fins qu'on l'emploie, le mot d'art dit suffisamment tout ce qu'on voulait dire de plus.

Ce mot vient du grec , qui est formé de , dico, je parle, d'où l'on a fait , orateur.

Si l'on en croit le même auteur, la rhétorique est d'un usage fort étendu, elle renferme tout ce qu'on appelle en français belles-lettres, en latin et en grec philologie ; savoir les belles-lettres, ajoute-t-il, c'est savoir parler, écrire, ou juger de ceux qui écrivent ; or cela est fort étendu ; car l'histoire n'est belle et agréable que lorsqu'elle est bien écrite ; il n'y a point de livre qu'on ne lise avec plaisir quand le style en est beau. Dans la philosophie même, quelque austère qu'elle sait, on veut de la politesse, et ce n'est pas sans raison ; car l'éloquence est dans les sciences ce que le soleil est au monde ; les sciences ne sont que ténèbres, si ceux qui les traitent ne savent pas écrire. L'art de parler est également utîle aux philosophes et aux mathématiciens ; la théologie en a besoin, puisqu'elle ne peut expliquer les vérités spirituelles, qui sont son objet, qu'en les revêtant de paroles sensibles. En un mot, ce même art peut donner de grandes ouvertures pour l'étude de toutes les langues, pour les parler purement et poliment, pour en découvrir le génie et la beauté ; car quand on a bien connu ce qu'il faut faire pour exprimer ses pensées, et les différents moyens que la nature donne pour le faire, on a une connaissance générale de toutes les langues qu'il est facîle d'appliquer en particulier à celle qu'on voudra apprendre. Préface de la rhétorique du P. Lami, pag. 12, 13, et 14.

Le chancelier Bacon définit très-philosophiquement la rhétorique, l'art d'appliquer et d'adresser les préceptes de la raison à l'imagination, et de les rendre si frappans pour elle, que la volonté et les désirs en soient affectés. La fin ou le but de la rhétorique, selon la remarque du même auteur, est de remplir l'imagination d'idées et d'images vives qui puissent aider la nature sans l'accabler. Voyez IMAGE et IMAGINATION.

Aristote définit la rhétorique, un art ou une faculté qui considère en chaque sujet ce qui est capable de persuader. Arist. rhétoriq. liv. I. ch. 2. et Vossius la définit de même après ce philosophe, l'art de découvrir dans chaque sujet ce qu'il peut fournir pour la persuasion. Or chaque auteur doit chercher et trouver des arguments qui fassent valoir le plus qu'il est possible la matière qu'il traite ; il doit ensuite disposer ces arguments entr'eux dans la place qui leur convient à chacun, les embellir de tous les ornements du langage dont ils sont susceptibles, et enfin si le discours doit être débité en public, le prononcer avec toute la décence et la force la plus capable de frapper l'auditeur. De-là on a divisé la rhétorique en quatre parties, savoir l'invention, la disposition, l'élocution, et la prononciation. Voyez INVENTION, DISPOSITION, etc.

La rhétorique est à l'éloquence ce que la théorie est à la pratique, ou comme la poétique est à la poésie. Le rhéteur prescrit des règles d'éloquence, l'orateur ou l'homme éloquent fait usage de ces règles pour bien parler ; aussi la rhétorique est-elle appelée l'art de parler, et ses règles, règles d'éloquence.

Il est vrai, dit Quintilien, que sans le secours de la nature, ces préceptes ou règles ne sont d'aucun usage ; mais il est vrai aussi qu'ils l'aident et la fortifient beaucoup, en lui servant de guides ; ces préceptes ne sont autre chose que des observations qu'on a faites sur ce qu'il y avait de beau et de défectueux dans les discours qu'on entendait ; car comme le dit fort bien Ciceron, l'éloquence n'est point née de l'art, mais l'art est né de l'éloquence ; ces réflexions mises par ordre, ont formé ce qu'on appelle rhétorique. Quintil. in Proem. l. I. Cicer. 1. de orat. n°. 146.

RHETORIQUE, s. f. terme d'école, c'est la classe où l'on enseigne aux jeunes gens les préceptes de l'art oratoire. On fait la réthorique avant la philosophie, c'est-à-dire qu'on apprend à être éloquent, avant que d'avoir appris aucune chose, et à bien dire, avant que de savoir raisonner. Si jamais l'éloquence devient de quelque importance dans la société, par le changement de la forme du gouvernement, on renversera l'ordre des deux classes appelées rhétorique et philosophie.