S. m. (Belles Lettres) louange que l'on donne à quelque personne ou à quelque chose, en considération de son excellence, de son rang, ou de ses vertus, etc.

La vérité simple et exacte devrait être la base et l'âme de tous les éloges, ceux qui sont outrés et sans vraisemblance, font tort à celui qui les reçoit, et à celui qui les donne. Car tous les hommes se croient en droit jusqu'à un certain point, d'établir la réputation des autres, ou d'en décider ; ils ne peuvent souffrir qu'un panégyriste s'en rende le maître, et en fasse pour ainsi dire une espèce de monopole ; la louange les indispose, leur donne lieu de discuter les qualités prétendues de la personne qu'on loue, souvent de les contester, et de démentir l'orateur. (G)

Voyez au mot DICTIONNAIRE, les réflexions qui ont été faites sur les éloges qu'on peut donner dans les dictionnaires historiques : ces réflexions s'appliquent à quelque éloge que ce puisse être. Bien pénétrés de leur importance et de leur vérité, les Editeurs de l'Encyclopédie déclarent qu'ils ne prétendent point adopter tous les éloges qui pourront y avoir été donnés par leurs collègues, soit à des gens de lettres, soit à d'autres, comme ils ne prétendent pas non plus adopter les critiques, ni en général les opinions avancées ou soutenues ailleurs que dans leurs propres articles. Tout est libre dans cet ouvrage, excepté la satyre ; mais par la raison que tout y est libre, chacun doit y répondre au public de ce qu'il avance, de ce qu'il blâme, et de ce qu'il loue. Voyez EDITEUR. C'est en partie pour cette raison que nous nous sommes fait la loi de nommer dorénavant nos collègues sans aucun éloge ; la reconnaissance est sans-doute un sentiment que nous leur devons, mais c'est au public à apprécier leur travail.

Qu'il nous soit permis à cette occasion de déplorer l'abus intolérable de panégyriques et de satyres, qui avilit aujourd'hui la république des Lettres. Quels ouvrages que ceux dont plusieurs de nos écrivains périodiques ne rougissent pas de faire l'éloge ? quelle ineptie, ou quelle bassesse ? Que la postérité serait surprise de voir les Voltaire et les Montesquieu déchirés dans la même page où l'écrivain le plus médiocre est célébré ! Mais heureusement la postérité ignorera ces louanges et ces invectives éphémères, et il semble que leurs auteurs l'aient prévu, tant ils ont eu peu de respect pour elle. Il est vrai qu'un écrivain satyrique, après avoir outragé les hommes célèbres pendant leur vie, croit réparer ses insultes par les éloges qu'il leur donne après leur mort ; il ne s'aperçoit pas que ses éloges sont un nouvel outrage qu'il fait au mérite, et une nouvelle manière de se déshonorer lui-même. (O)

ELOGE, LOUANGE, synon. (Grammaire) ces mots différent à plusieurs égards l'un de l'autre. Louange au singulier et précédé de l'article la, se prend dans un sens absolu ; éloge au singulier et précédé de l'article, se prend dans un sens relatif. Ainsi on dit : la louange est quelquefois dangereuse ; l'éloge de telle personne est juste, est outré, etc. Louange au singulier ne s'emploie guère, ce me semble, quand il est précédé du mot une ; on dit un éloge plutôt qu'une louange : du moins louange en ce cas, ne se dit guère que lorsqu'on loue quelqu'un d'une manière détournée et indirecte. Exemple : Tel auteur a donné une louange bien fine à son ami. Il semble aussi que lorsqu'il est question des hommes, éloge dise plus que louange, du moins en ce qu'il suppose plus de titres et de droits pour être loué ; on dit de quelqu'un qu'il a été comblé d'éloges, lorsqu'il a été loué beaucoup et avec justice ; et d'un autre qu'il a été accablé de louanges, lorsqu'on l'a loué à l'excès ou sans raison. Au contraire, en parlant de Dieu, louange signifie plus qu'éloge ; car on dit les louanges de Dieu. Eloge se dit encore des harangues prononcées, ou des ouvrages imprimés à la louange de quelqu'un ; éloge funèbre, éloge historique, éloge académique. Enfin ces mots différent aussi par ceux auxquels on les joint : on dit faire l'éloge de quelqu'un, et chanter les louanges de Dieu. (O)

ELOGES ACADEMIQUES, sont ceux qu'on prononce dans les académies et sociétés littéraires, à l'honneur des membres qu'elles ont perdus. Il y en a de deux sortes, d'oratoires et d'historiques. Ceux qu'on prononce dans l'académie française, sont de la première espèce. Cette compagnie a imposé à tout nouvel académicien le devoir si noble et si juste de rendre à la mémoire de celui à qui il succede, les hommages qui lui sont dû.. Cet objet est un de ceux que le récipiendaire doit remplir dans son discours de reception. Dans ce discours oratoire on se borne à louer en général les talents, l'esprit, et même, si on le juge à-propos, les qualités du cœur de celui à qui l'on succede, sans entrer dans aucun détail sur les circonstances de sa vie. On ne doit rien dire de ses défauts ; du moins, si on les touche, ce doit être si légèrement, si adroitement et avec tant de finesse, qu'on les présente à l'auditeur ou au lecteur par un côté favorable. Au reste, il serait peut-être à souhaiter que dans les receptions à l'académie Française, un seul des deux académiciens qui parlent, savoir le récipiendaire ou le directeur, se chargeât de l'éloge du défunt ; le directeur serait moins exposé à répéter une partie de ce que le récipiendaire a dit, et le champ serait par ce moyen un peu plus libre dans ces sortes de discours, dont la matière n'est d'ailleurs que trop donnée : sans s'affranchir entièrement des éloges de justice et de devoir, on serait plus à portée de traiter des sujets de littérature intéressants pour le public. Plusieurs académiciens, entr'autres M. de Voltaire, ont déjà donné cet exemple, qui parait bien digne d'être suivi.

Les éloges historiques sont en usage dans nos académies des Sciences et des Belles-Lettres, et à leur exemple dans un grand nombre d'autres : c'est le secrétaire qui en est chargé. Dans ces éloges on détaille toute la vie d'un académicien, depuis sa naissance jusqu'à sa mort ; on doit néanmoins en retrancher les détails bas, puérils, indignes enfin de la majesté d'un éloge philosophique.

Ces éloges étant historiques, sont proprement des mémoires pour servir à l'histoire des Lettres : la vérité doit donc en faire le caractère principal. On doit néanmoins l'adoucir, ou même la taire quelquefois, parce que c'est un éloge, et non une satyre, que l'on doit faire, mais il ne faut jamais la déguiser ni l'altérer.

Dans un éloge académique on a deux objets à peindre, la personne et l'auteur : l'une et l'autre se peindront par les faits. Les réflexions philosophiques doivent surtout être l'âme de ces sortes d'écrits, elles seront tantôt mêlées au récit avec art et briéveté, tantôt rassemblées et développées dans des morceaux particuliers, où elles formeront comme des masses de lumière qui serviront à éclairer le reste. Ces réflexions séparées des faits, ou entre-mêlées avec eux, auront pour objet le caractère d'esprit de l'auteur, l'espèce et le degré de ses talents, de ses lumières et de ses connaissances, le contraste ou l'accord de ses écrits et de ses mœurs, de son cœur et de son esprit, et surtout le caractère de ses ouvrages, leur degré de mérite, ce qu'ils renferment de neuf ou de singulier, le point de perfection où l'académicien avait trouvé la matière qu'il a traitée, et le point de perfection où il l'a laissée, en un mot, l'analyse raisonnée des écrits ; car c'est aux ouvrages qu'il faut principalement s'attacher dans un éloge académique ; se borner à peindre la personne, même avec les couleurs les plus avantageuses, ce serait faire une satyre indirecte de l'auteur et de sa compagnie ; ce serait supposer que l'académicien était sans talents, et qu'il n'a été reçu qu'à titre d'honnête homme, titre très-estimable pour la société, mais insuffisant pour une compagnie littéraire. Cependant comme il n'est pas sans exemple de voir adopter par les académies des hommes d'un talent très-foible, soit par faveur et malgré elles, soit autrement, c'est alors le devoir du secrétaire de se rendre pour ainsi dire médiateur entre sa compagnie et le public, en palliant ou excusant l'indulgence de l'une sans manquer de respect à l'autre, et même à la vérité. Pour cela il doit réunir avec choix et présenter sous un point de vue avantageux, ce qu'il peut y avoir de bon et d'utîle dans les ouvrages de celui qu'il est obligé de louer. Mais si ces ouvrages ne fournissent absolument rien à dire, que faire alors ? Se taire. Et si par un malheur très-rare, la conduite a déshonoré les ouvrages, quel parti prendre ? Louer les ouvrages.

C'est apparemment par ces raisons que les académies des Sciences et des Belles-Lettres n'imposent point au secrétaire la loi rigoureuse de faire l'éloge de tous les académiciens : il serait pourtant juste, et désirable même, que cette loi fût sévérement établie ; il en résulterait peut-être qu'on apporterait dans le choix des sujets, une sévérité plus constante et plus continue : le secrétaire, et sa compagnie par contre-coup, seraient plus intéressés à ne choisir que des hommes louables.

Concluons de ces réflexions, que le secrétaire d'une académie doit non-seulement avoir une connaissance étendue des différentes matières dont l'académie s'occupe, mais posséder encore le talent d'écrire perfectionné par l'étude des Belles-Lettres, la finesse de l'esprit, la facilité de saisir les objets et de les présenter, enfin l'éloquence même. Cette place est donc celle qu'il est le plus important de bien remplir, pour l'avantage et pour l'honneur d'un corps litteraire. L'académie des Sciences doit certainement à M. de Fontenelle une partie de la réputation dont elle jouit : sans l'art avec lequel ce célèbre écrivain a fait valoir la plupart des ouvrages de ses confrères, ces ouvrages, quoiqu'excellents, ne seraient connus que des savants seuls, ils resteraient ignorés de ce qu'on appelle le public : et la considération dont jouit l'académie des Sciences, serait moins générale. Aussi peut-on dire de M. de Fontenelle, qu'il a rendu la place dont il s'agit très-dangereuse à occuper. Les difficultés en sont d'autant plus grandes, que le genre d'écrire de cet auteur célèbre est absolument à lui, et ne peut passer à un autre sans s'altérer ; c'est une liqueur qui ne doit point changer de vase ; il a eu, comme tous les grands écrivains, le style de sa pensée ; ce style original et simple ne peut représenter agréablement et au naturel un autre esprit que le sien ; en cherchant à l'imiter (j'en appelle à l'expérience) on ne lui ressemblera que par les petits défauts qu'on lui a reprochés, sans atteindre aux beautés réelles qui font oublier ces taches legeres. Ainsi pour réussir après lui, s'il est possible, dans cette carrière épineuse, il faut nécessairement prendre un ton qui ne soit pas le sien : il faut de plus, ce qui n'est pas le moins difficile, accoutumer le public à ce ton, et lui persuader qu'on peut être digne de lui plaire en se frayant une route différente de celle par laquelle il a coutume d'être conduit ; car malheureusement le public, semblable aux critiques subalternes, juge d'abord un peu trop par imitation ; il demande des choses nouvelles, et se révolte quand on lui en présente. Il est vrai qu'il y a cette différence entre le public et les critiques subalternes, que celui-là revient bientôt, et que ceux-ci s'opiniatrent. (O)

ELOGE, (Droit civil) elogium, dans le droit écrit, signifie le blâme, et non pas la louange ; de sorte que ce mot, chez les jurisconsultes romains, déshonore ou du moins flétrit la probité et la réputation de celui qu'un testateur rappelle dans son testament avec éloge. Un père, selon les lois romaines, doit ou instituer ses enfants dans une certaine somme, ou les deshériter nommément, à peine de nullité du testament. Dans ce dernier cas, la raison que le père donne pour autoriser l'exhérédation de son enfant, est appelée elogium dans la jurisprudence romaine. Cicéron plaidant pour Cluentius, fait mention du testament de Cn. Egnatius, qui avait deshérité son fils avec cet éloge (c'est-à-dire avec opprobre), que son fils avait pris de l'argent pour condamner Oppiniacus.

Ce seul passage peut suffire pour prouver l'usage que les jurisconsultes ont fait du mot elogium dans un sens contraire à sa signification naturelle ; mais les lois qui sont dans le Digeste et dans le Code, sous les titres de liber. et posth. et de Carbon. edicto, ainsi que les déclamations de Quintilien, en fournissent une infinité d'autres exemples. Dictionnaire de Richelet, dernière édition. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.