sub. m. (Littérature) Hymne vient de , louer, célébrer ; l'hymne est donc, suivant la force du mot, une louange, soit qu'il emploie le langage de la Poésie, comme les hymnes d'Homère et de Callimaque, soit qu'il se borne au langage ordinaire, comme les hymnes de Platon, et d'Aristide ; mais si l'on fait attention à son principal et plus noble emploi, c'est une louange à l'honneur de quelque divinité.

Les hymnes ont fait dans tous les temps une partie essentielle du culte religieux ; sans parler encore des Grecs ni des Romains, en orient les Chaldéens et les Perses ; les Gaulois, les Lusitaniens en occident ; toutes les nations enfin, soit barbares, soit policées, ont également célébré par des hymnes ou des cantiques, les louanges de leurs divinités.

L'homme, suivant l'expression de Sophocle, se fit des dieux autant qu'il ressentit de besoins. Il pria ces dieux d'écarter les maux qui le menaçaient, et de lui accorder les biens qu'il désirait. Il les remercia lorsqu'il crut avoir éprouvé les effets de leur protection, et il s'efforça de les apaiser, lorsqu'il se persuada qu'ils étaient irrités contre lui. Telle est l'origine des hymnes ; et ces hymnes furent plus ou moins parfaits dans leur genre, à mesure que les siècles qui les produisirent, furent plus ou moins éclairés.

Les critiques partagent ordinairement les hymnes anciens en diverses classes, qu'ils fondent sur la différence des noms, parce qu'outre les termes d'hymne et de paean, tous deux génériques, les Grecs avaient des noms affectés à leurs différents hymnes, selon les divinités qui en faisaient l'objet. C'était des lithierses pour Cybele, des jules pour Cérès, des paeans proprement dits pour Apollon, des dithyrambes pour Bacchus. Mais comme l'inutilité d'une telle division, et autres semblables, saute aux yeux, nous partagerons les hymnes anciens en théurgiques ou religieux, en poétiques ou populaires, en philosophiques ou propres aux seuls Philosophes ; trois espèces d'hymnes réelles, dont nous avons des exemples dans les ouvrages de l'antiquité. Telle est aussi la division que M. Souchay a fait des hymnes anciens, dans deux mémoires très-curieux sur cette matière. On les trouvera parmi ceux du recueil de Littérature ; nous n'en donnerons ici que le précis.

Les hymnes théurgiques ou religieux, sont ces hymnes que les initiés chantaient dans leurs cérémonies religieuses ; les hymnes d'Orphée sont les seuls de ce caractère, qui soient venus jusqu'à notre temps, et ce sont les plus anciens de tous. Pausanias nous apprend que les initiés aux mystères orphiques, avaient leurs hymnes composés par Orphée même ; que ces hymnes étaient moins travaillés, moins agréables, que ceux d'Homère, mais plus religieux et plus saints ; et que les Lycomides qui rapportaient leur origine à Lycus fils de Pandion, les apprenaient aux initiés.

En effet, c'est pour eux seuls qu'ils semblent composés ; les initiés n'y sont occupés que de leurs propres intérêts ; soit qu'ils veuillent apaiser les mauvais génies, ou se les rendre favorables ; soit qu'ils demandent aux dieux les biens de l'esprit, du corps, ou les biens extérieurs, comme la salubrité des eaux, la température de l'air, la fertilité des saisons, ils rapportent tout à eux, et jamais ils ne parlent pour les profanes. " Accordez à vos initiés une santé durable, une vie heureuse, une longue et lente vieillesse ; détournez de vos initiés, les vains phantomes, les terreurs paniques, les maladies contagieuses ". , ils ne connaissent point d'autres formules dans leurs demandes.

Les hymnes dont nous parlons, sont aussi plus religieux que les hymnes d'Homère, de Callimaque, et des tragiques ; les seuls qui nous restent des Grecs, dans le genre que nous avons nommé poétique, ou populaire. Ils ne renferment avec l'invocation que des surnoms multipliés, qui expriment le pouvoir, ou les attributs des dieux. Le soleil y est nommé resplendissant, agîle dans sa course, père et modérateur des saisons, l'oeil et le maître du monde, les délices des humains, la lumière de la vie. On y donne à Cybele, les titres de mère des dieux, d'auguste épouse de Saturne, de principe des élements. Voilà ce qui fait la sainteté de ces hymnes, et par où ils remplissent l'idée que Pausanias attache aux hymnes d'Orphée.

Les invocations dans ce genre d'hymnes, frappent encore davantage : rien de plus énergique et de plus pressant, que ces invocations. Ecoutez-moi, exaucez-moi, , je vous invoque, je vous appele, .

Je passe aux hymnes poétiques ou populaires, que nous nommons ainsi, parce qu'ils renferment la créance du peuple, et qu'ils sont l'ouvrage des poètes ses théologiens. En effet, le peuple parmi les Grecs et les Romains, avait reçu tous les dieux que les Poètes avaient présentés, comme il avait adopté toutes les aventures qu'ils en racontaient. Les dieux anciens furent les premiers objets des hymnes populaires ; car Jupiter n'était considéré que comme un roi puissant, qui gouverne un peuple céleste ; et les autres dieux partageant avec lui les attributs de la divinité, devaient aussi partager les mêmes honneurs. Or, au langage des Poètes, les hymnes sont la récompense, le salaire des immortels.

Les héros participèrent ensuite au même tribut de louanges que les dieux ; le temps nous a conservé beaucoup d'hymnes, soit grecs, soit latins, pout Hercule, et pour ces autres demi-dieux, qu'Hesiode appelle race humaine et divine, parce qu'on les supposait nés d'un dieu et d'une mortelle, ou d'un mortel et d'une déesse.

On étendit encore plus loin les hymnes populaires, la politique et la flatterie en multiplièrent les objets. La politique des Grecs produisit ce phénomène, en déifiant les hommes extraordinaires, dont on célébra les talents ou les vertus utiles à la société, la flatterie des Romains, en décernant le même honneur aux Césars.

Enfin, l'orgueil de quelques princes, tels que Démétrius-Poliorcete, et tel que ce roi de Syrie qui fut appelé dieu par les Milésiens, les porta à faire composer des hymnes pour eux-mêmes, comme on l'assure d'Auguste, et de quelques-uns de ses successeurs, à souffrir du moins qu'on leur en adressât.

En général, la matière des hymnes populaires n'avait pas moins d'étendue que l'histoire même des dieux. Les prétendues merveilles de leur naissance, leurs intrigues amoureuses, leurs aventures, leurs amusements, tout jusqu'aux actions les plus indécentes, devint entre les mains des Poètes, comme un fonds inépuisable de louanges pour les dieux. Ainsi la naissance de Vénus fournit à Homère, ou à l'auteur des hymnes qui portent son nom, la matière d'un hymne peu religieux sans-doute, mais plein d'images agréables, " La déesse à peine sortie de la met, est portée sur les eaux par un zéphir ; elle arrive en Cypre : les heures filles de Thémis et de Jupiter, accourent sur le rivage pour la recevoir ; et après l'avoir parée comme une immortelle, elles la conduisent au palais des dieux, qui frappés de sa beauté, recherchent à l'envi son alliance ". Un autre hymne à la même déesse est employé tout en entier à peindre ses amours avec Anchise, et les couleurs n'y sont que trop assorties au sujet.

Les hymnes qui s'adressent à Mercure, roulent communément sur son adresse inimitable à dérober. " Vous n'étiez encore qu'enfant, dit Horace, dans l'hymne qu'il lui adresse, lorsque vous dérobâtes si finement les bœufs d'Apollon ; il eut beau prendre un ton menaçant pour vous forcer à les rendre, il ne put s'empêcher de rire, en se voyant sans carquois ".

Il est pourtant vrai, que les hymnes poétiques ne sont pas toujours de ce caractère. On trouve quelquefois, et principalement dans ceux de Callimaque, des traits propres à inspirer la vertu, ou le respect pour les dieux. Si dans l'hymne à Diane, cet aimable poète décrit les plaisirs et les amusements de la déesse, il peint aussi, mais d'une manière vive et touchante le bonheur du juste, et le malheur des mécans. S'il dit ailleurs, que Jupiter prit naissance en Arcadie, il ajoute incontinent, que ce dieu tire de lui seul toute sa puissance, qu'il est le maître et le juge des rais, et qu'il distribue à son gré les couronnes et les empires.

Il est même arrivé que la plupart des hymnes poétiques, ceux de Callimaque surtout, passèrent dans le culte public. On les chantait dans les solennités durant la cérémonie du sacrifice, et dans les veillées qui précédaient ces solennités, pendant que le peuple s'assemblait. L'hymne de Callimaque pour Jupiter, dont nous venons de parler, fut chanté, tandis qu'on offrait au dieu le sacrifice, ou les libations ordinaires, etc. L'hymne intitulé Pervigilium Veneris, et qu'un magistrat illustre dans les Lettres, M. Bouhier, rapporte au siècle des premiers Césars, semble être un de ces cantiques, que l'on chantait aux veillées de Vénus.

On sait que ceux qui chantaient les hymnes, s'appelaient hymnodes ; et que ceux qui les composaient, se nommaient hymnographes. Voyez HYMNODES, MNOGRAPHESPHES.

J'entends par hymnes philosophiques, ceux que les Philosophes ont composés suivant leur système religieux ; non que les Philosophes eussent un culte particulier, différent du culte populaire ; ils se conformaient au peuple dans la pratique, et venaient par bienséance, ramper avec lui aux pieds des idoles ; mais ils différaient bien du peuple par la croyance. Ils reconnaissaient un Dieu suprême, source et principe de tous les êtres. Plusieurs admettaient avec ce Dieu suprême, des êtres subalternes, qui faisaient mouvoir les ressorts de la nature, et en réglaient les opérations. Pour les aventures des dieux poétiques, les idoles, et les apothéoses, ils les mettaient au rang des fictions insoutenables.

Le Dieu suprême est donc en général l'objet des hymnes philosophiques ; il est seulement quelquefois déguisé sous le nom de Jupiter, ou du soleil ; et quelquefois caché sous le voîle de l'allégorie. Sa toute-puissance, son immensité, sa providence, et ses autres attributs, en sont la matière ordinaire.

Nous aurions un exemple ancien et précieux, d'un hymne philosophique simple, si l'hymne que les pères de l'Eglise défenseurs de notre foi, S. Julien, S. Clément, Eusebe, et autres, ont cité sous le titre de Palinodie, était véritablement d'Orphée. Je dis que cet exemple serait précieux, car il surprend pour le fond des choses, et la grandeur des images. " Tel est (dit cet hymne) l'Etre suprême, que le ciel tout entier ne fait que sa couronne ; il est assis sur son trone entouré d'anges infatigables ; ses pieds touchent la terre ; de sa droite, il atteint jusqu'à l'extrémité de l'Océan ; à son aspect, les plus hautes montagnes tremblent, et les mers frissonnent dans leurs profonds abîmes ". Mais la critique range cette pièce parmi les fraudes pieuses qui ne furent pas inconnues aux premiers siècles du Christianisme.

Si l'hymne qu'on vient de lire appartient au péripatéticien Aristobule, comme on le croit, il est encore moins ancien qu'un autre hymne semblable que Stobée nous a conservé, et que l'on attribue à Cléanthe, second fondateur du Portique ; c'est d'ailleurs un des plus beaux monuments qui nous soit resté en ce genre, le lecteur en Ve juger.

" O père des dieux (dit Cléanthe) vous qui réunissez plusieurs noms, et dont la vertu est une et infinie ; vous qui êtes l'auteur de cet univers, et qui le gouvernez suivant les conseils de votre sagesse ; je vous salue, ô roi tout-puissant ; car vous daignez nous permettre de vous invoquer. Vous serez, ô Jupiter, la matière de mes louanges, et votre souveraine puissance sera le sujet ordinaire de mes cantiques. Tout plie sous votre empire ; tout redoute les traits dont vos mains invincibles sont armées ; sans vous rien n'a été fait, rien ne se fait dans la nature : vous voulez les biens et les maux selon les conseils de votre loi éternelle. Grand Jupiter, qui faites entendre votre tonnerre dans les nues, daignez éclairer les faibles humains, ôtez-leur cet esprit de vertige qui les égare, donnez-leur une portion de cette sagesse avec laquelle vous gouvernez le monde. Alors ils ne chériront d'autre occupation, que celle de chanter éternellement cette loi universelle qu'ils méconnaissent ".

Tel est le caractère des hymnes philosophiques ; je recueille tout ce détail en deux mots.

Les hymnes théurgiques n'étaient propres qu'aux initiés, et ils ne renferment, avec des invocations singulières, que les attributs divins, exprimés par des noms mystiques. Les hymnes poétiques ou populaires, en général, faisaient partie du culte public, et ils roulent sur les aventures fabuleuses des dieux. Enfin, les hymnes philosophiques ou n'étaient point chantés, ou ils l'étaient seulement dans les festins décrits par Athénée ; et ils sont, à proprement parler, un hommage secret que les Philosophes ont rendu à la divinité.

Je laisse à des mains savantes le soin de prouver les avantages qu'on peut tirer des différentes espèces d'hymnes qui ont passé jusqu'à nous. Il me suffit de dire que les hymnes théurgiques peuvent répandre de la lumière sur les initiations ; que les hymnes poétiques d'Homère et de Callimaque donnent au-moins pour les temps où ils furent composés, une idée de la croyance populaire des anciens par rapport à la religion publique ; enfin, que les hymnes philosophiques sont de quelque secours pour nous instruire de la croyance religieuse des Philosophes. J'ajoute que les hymnes de Callimaque, de Pindare, d'Horace, et d'autres poètes, outre des dogmes et des usages religieux, renferment encore des traits pour l'Histoire prophane, dont les Littérateurs, vraiment éclairés sauront toujours habilement profiter.

Dans notre usage moderne, nous entendons par hymne, une ode, un petit poème consacré à la louange de Dieu, ou des mystères. Mais nous avons très-peu d'hymnographes recommandables. Santeuil s'est quelquefois distingué dans cette carrière, car tous ses hymnes ne sont pas également bons, une vue d'intérêt en a gâté la plus grande partie, et les connaisseurs sentent bien que les inspirations de sa muse étaient souvent réglées par le profit qu'elle en retirait. Les odes sacrées de Rousseau nous offrent tout ce que nous avons de plus parfait en ce genre. Pour les hymnes rimés du douze et treizième siécle, ils sont le sceau de la barbarie ; ce n'était pas sur ce ton qu'Horace chantait les jeux séculaires. (D.J.)