S. m. (Littérature) écrit composé par quelque personne intelligente sur quelque point de science, pour l'instruction et l'amusement du lecteur. On peut encore définir un livre, une composition d'un homme de lettres, faite pour communiquer au public et à la postérité quelque chose qu'il a inventée, vue, expérimentée, et recueillie, et qui doit être d'une étendue assez considérable pour faire un volume. Voyez VOLUME.

En ce sens, un livre est distingué par la longueur d'un imprimé ou d'une feuille volante, et d'un tome ou d'un volume comme le tout est de sa partie ; par exemple, l'histoire de Grèce de Temple Stanyan, est un fort bon livre, divisé en trois petits volumes.

Isidore met cette distinction entre liber et codex, que le premier marque particulièrement un ouvrage séparé, faisant seul un tout à part, et que le second signifie une collection de livres ou d'écrits. Isid. orig. lib. VI. cap. XIIIe Mais Scipion Maffei prétend que codex signifie un livre de forme carrée, et liber un livre en forme de registre. Voyez Maffei, histor. diplom. lib. II. bibliot. italiq. tom. II. p. 244. Voyez aussi Saalbach, de lib. veter. parag. 4. Reimm. idea system. ant. litter. pag. 230.

Selon les anciens, un livre différait d'une lettre non seulement par sa grosseur, mais encore parce que la lettre était pliée, et le livre seulement roulé. Voyez Pitisc. L. ant. tom. II. pag. 84. voc. libri. Il y a cependant divers livres anciens qui existent encore sous le nom de lettres : tel est l'art poétique d'Horace. Voyez ÉPITRE, LETTRE.

On dit un vieux, un nouveau livre, un livre grec, uu livre latin ; composer, lire, publier, mettre au jour, critiquer un livre ; le titre, la dédicace, la préface, le corps, l'index ou la table des matières, l'errata d'un livre. Voyez PREFACE, TITRE, etc.

Collationner un livre, c'est examiner s'il est correct, si l'on n'en a pas oublié ou transposé les feuillets, s'il est conforme au manuscrit ou à l'original sur lequel il a été imprimé.

Les relieurs disent, plier ou brocher, coudre, battre, mettre en presse, couvrir, dorer, lettrer un livre. Voyez RELIURE.

Une collection considérable de livres pourrait s'appeler improprement une librairie : on la nomme mieux bibliothèque. Voyez LIBRAIRIE et BIBLIOTHEQUE. Un inventaire de livres fait à dessein d'indiquer au lecteur un livre en quelque genre que ce soit s'appelle un catalogue. Voyez CATALOGUE.

Cicéron appelle M. Caton hellus librorum, un dévoreur de livres. Gaza regardait les livres de Plutarque, et Hermol. Barbaro ceux de Pline comme les meilleurs de tous les livres. Gentsken, hist. philos. pag. 130. Harduin. praefat. ad Plin.

Barthol. de libr. legend. dissert. III. pag. 66. a fait un traité sur les meilleurs livres des auteurs : selon lui, le meilleur livre de Tertullien est son traité de pallio : de S. Augustin, la cité de Dieu : d'Hippocrate, coacae praenotiones : de Cicéron, le traité de officiis : d'Aristote, de animalibus : de Galien, de usu partium : de Virgile le sixième livre de l'Enéïde : d'Horace, la première et la septième de ses épitres : de Catulle, Coma Berenices : de Juvenal, la sixième satyre : de Plaute, l'Epidicus : de Théocrite, la vingt-septième Idylle : de Paracelse, chirurgia : de Séverinus, de abcessibus : de Budé, les Commentaires sur la langue grecque : de Joseph Scaliger, de emendatione temporum : de Bellarmin, de scriptoribus ecclesiasticis : de Saumaise, exercitationes Plinianae : de Vossius, institutiones oratoriae : d'Heinsius, aristharcus sacer : de Casaubon, exercitationes in Baronium.

Il est bon toutefois d'observer que ces sortes de jugements, qu'un auteur porte de tous les autres, sont souvent sujets à caution et à reforme. Rien n'est plus ordinaire que d'apprécier le mérite de certains ouvrages, qu'on n'a pas seulement lus, ou qu'on préconise sur la foi d'autrui.

Il est néanmoins nécessaire de connaître par soi-même, autant qu'on le peut, le meilleur livre en chaque genre de Littérature : par exemple, la meilleure Logique, le meilleur Dictionnaire, la meilleure Physique, le meilleur Commentaire sur la Bible, la meilleure Concordance des évangelistes, le meilleur Traité de la religion chrétienne, etc. par ce moyen on peut se former une bibliothèque composée des meilleurs livres en chaque genre. On peut, par exemple, consulter pour cet effet le livre de Pople, intitulé, censura celebrium auctorum, où les ouvrages des plus considérables écrivains et des meilleurs auteurs en tout genre sont exposés : connaissance qui conduit à en faire un bon choix. Mais pour juger de la qualité d'un livre, il faut selon quelques-uns, en considérer l'auteur, la date, les éditions, les traductions, les commentaires, les épitomes qu'on en a faits, le succès, les éloges qu'il a mérités, les critiques qu'on en a faites, les condamnations ou la suppression dont on l'a flétri, les adversaires ou les défenseurs qu'il a eus, les continuateurs, etc.

L'histoire d'un livre renferme ce que le livre contient, et c'est ce qu'on appelle ordinairement extrait ou analyse, comme font les journalistes ; ou ses accessoires, ce qui regarde les littérateurs et les bibliothécaires. Voyez JOURNAL.

Le corps d'un livre consiste dans les matières qui y sont traitées ; et c'est la partie de l'auteur : entre ces matières il y a un sujet principal à l'égard duquel tout le reste est seulement accessoire.

Les incidents accessoires d'un livre sont le titre, l'épitre dédicatoire, la préface, les sommaires, la table des matières, qui sont la partie de l'éditeur ; à l'exception du titre, de la première page ou du frontispice, qui dépend quelquefois du libraire. Voyez TITRE.

Les sentiments doivent entrer dans la composition d'un livre, et en être le principal fondement : la méthode ou l'ordre des matières doivent y régner ; et enfin, le style qui consiste dans le choix et l'arrangement des mots, est comme le coloris qui doit être répandu sur le tout. Voyez SENTIMENT, STYLE, METHODE.

On attribue aux Allemands l'invention des histoires littéraires, comme les journaux, les catalogues, et autres ouvrages, où l'on rend compte des livres nouveaux ; et un auteur de cette nation (Jean-Albert Fabricius) dit modestement que ses compatriotes sont en ce genre supérieurs à toutes les autres nations. Voyez ce qu'on doit penser de cette prétention au mot JOURNAL. Cet auteur a donné l'histoire des livres grecs et latins : Wolfius celle des livres hébreux : Boècler celle des principaux livres de chaque science : Struvius celle des livres d'Histoire, de Lois et de Philosophie : l'abbé Fabricius celle des livres de sa propre bibliothèque : Lambecius celle des livres de la bibliothèque de Vienne : Lelong celle des livres de l'écriture : Maittaire celle des livres imprimés avant 1550. Voyez Reimm. Bibl. acroam. in praefat. parag. 1 pag. 3 : Bos. ad. not. script. eccles. cap. iv. parag. XIIIe pag. 124 et seq. Mais à cette foule d'auteurs, sans parler de la Croix-du-Maine, de Duverdier, de Fauchet, de Colomiez, et de nos anciens bibliothécaires, ne pouvons-nous pas opposer MM. Baillet, Dupin, dom Cellier, les auteurs du Journal des savants, les journalistes de Trévoux, l'abbé Desfontaines, et tant d'autres, que nous pourrions revendiquer, comme Bayle, Bernard, Basnage, &c ?

Bruler un livre : sorte de punition et de flétrissure fort en usage parmi les Romains : on en commettait le soin aux triumvirs, quelquefois aux préteurs ou aux édiles. Un certain Labienus, que son génie tourné à la satyre fit surnommer Rabienus, fut, dit-on, le premier contre les ouvrages duquel on sévit de la sorte. Ses ennemis obtinrent un senatus-consulte, par lequel il fut ordonné que tous les ouvrages qu'avait composé cet auteur pendant plusieurs années, seraient recherchés pour être brulés : chose étrange et nouvelle, s'écrie Séneque, sévir contre les Sciences ! Res nova et insueta, supplicium de studiis sumi ! exclamation au reste froide et puérîle ; puisqu'en ces occasions ce n'est pas contre les Sciences, mais contre l'abus des Sciences que sévit l'autorité publique. On ajoute que Cassius Servius ami de Labienus, entendant prononcer cet arrêt, dit qu'il fallait aussi le bruler, lui qui avait gravé ces livres dans sa mémoire : nunc me vivum comburi oportet, qui illos didici ; et que Labienus ne pouvant survivre à ses ouvrages, s'enferma dans le tombeau de ses ancêtres, et y mourut de langueur. Voyez Tacit. in Agric. cap. IIe n. j. Val. Max. lib. I. cap. j. n. XIIe Tacit. Annal. lib. IV. c. xxxv. n. iv. Seneq. Controv. in praefat. parag. 5. Rhodig. antiq. Lect. cap. XIIIe lib. II. Salm. ad Pancirol. tom. I. tit. xxij. pag. 68. Pitiscus, Lex. antiq. tom. II. pag. 84. On trouve plusieurs autres preuves de cet usage de condamner les livres au feu dans Reimm. Idea system. ant. litter. pag. 389. et suiv.

A l'égard de la matière des livres, on croit que d'abord on grava les caractères sur de la pierre ; témoins les tables de la loi données à Moïse, qu'on regarde comme le plus ancien livre dont il soit fait mention : ensuite on les traça sur des feuilles de palmier, sur l'écorce intérieure et extérieure du tilleul, sur celle de la plante d'Egypte nommée papyrus. On se servit encore de tablettes minces enduites de cire, sur lesquelles on traçait les caractères avec un stylet ou poinçon, ou de peaux, surtout de celles des boucs et des moutons dont on fit ensuite le parchemin. Le plomb, la toile, la soie, la corne, et enfin le papier, furent successivement les matières sur lesquelles on écrivit. Voyez Calmet, dissert. I. sur la Gen. Comment. t. I. diction. de la Bible, t. I. p. 316. Dupin Libr. Dissert. IV. pag. 70. hist. de l'acad. des Inscript. Bibliot. eccles. tom. XIX. p. 381. Bartholin, de legend. t. III. p. 103. Schwartz, de ornam. Libr. Dissert. I. Reimm. Idea syst. antiq. Litter. pag. 235. et 286. et suiv. Montfaucon, Paleogr. lib. II. cap. VIIIe p. 180. et suiv. Guiland. papir. memb. 3. Voyez l'article PAPIER.

Les parties des végétaux furent longtemps la matière dont on faisait les livres, et c'est même de ces végétaux que sont pris la plupart des noms et des termes qui concernent les livres, comme le nom grec : les noms latins folium, tabulae, liber, d'où nous avons tiré feuillet, tablette, livre, et le mot anglais book. On peut ajouter que cette coutume est encore suivie par quelques peuples du nord, tels que les Tartares Kalmouks, chez lesquels les Russes trouvèrent en 1721 une bibliothèque dont les livres étaient d'une forme extraordinaire. Ils étaient extrêmement longs et n'avaient presque point de largeur. Les feuillets étaient fort épais, composés d'une espèce de coton ou d'écorces d'arbres, enduits d'un double vernis, et dont l'écriture était blanche sur un fond noir. Mém. de l'acad. des Bell. Lettr. tom. V. pag. 5 et 6.

Les premiers livres étaient en forme de bloc et de tables dont il est fait mention dans l'écriture sous le nom de sepher, qui a été traduit par les Septante , tables carrées. Il semble que le livre de l'alliance, celui de la loi, le livre des malédictions, et celui du divorce aient eu cette forme. Voyez les Commentaires de Calmet sur la Bible.

Quand les anciens avaient des matières un peu longues à traiter, ils se servaient plus commodément de feuilles ou de peaux cousues les unes au bout des autres, qu'on nommait rouleaux, appelés pour cela par les Latins volumina, et par les Grecs , coutume que les anciens Juifs, les Grecs, les Romains, les Perses, et même les Indiens ont suivie, et qui a continué quelques siècles après la naissance de Jesus-Christ.

La forme des livres est présentement carrée, composée de feuillets séparés ; les anciens faisaient peu d'usage de cette forme, ils ne l'ignoraient pourtant pas. Elle avait été inventée par Attale, roi de Pergame, à qui l'on attribue aussi l'invention du parchemin. Les plus anciens manuscrits que nous connaissions sont tous de cette forme carrée, et le P. Montfaucon assure que de tous les manuscrits grecs qu'il a vus, il n'en a trouvé que deux qui fussent en forme de rouleau. Paleograp. graec. lib. I. cap. iv. p. 26. Reimm. idea system. antiq. litter. pag. 227. Item pag. 242. Schwartz, de ornam. lib. Dissert. II. Voyez l'article RELIURE.

Ces rouleaux ou volumes étaient composés de plusieurs feuilles attachées les unes aux autres et roulées autour d'un bâton qu'on nommait umbilicus, qui servait comme de centre à la colonne ou cylindre que formait le rouleau. Le côté extérieur des feuilles s'appelait frons, les extrémités du bâton se nommaient cornua, et étaient ordinairement décorés de petits morceaux d'argent, d'ivoire, même d'or et de pierres précieuses ; le mot était écrit sur le côté extérieur. Quand le volume était déployé, il pouvait avoir une verge et demie de large sur quatre ou cinq de long. Voyez Salmuth ad Pancirol. part. I. tit. XLII. pag. 153. et suiv. Wale. parerg. acad. pag. 72. Pitisc. lex. ant. tom. II. pag. 48. Barth. advers. l. XXII. c. 28. et suiv. Idem pag. 251. auxquels on peut ajouter plusieurs autres auteurs qui ont écrit sur la forme et les ornements des anciens livres rapportés dans Fabricius, Bibl. antiq. cap. xix. §. 7. pag. 607.

A la forme des livres appartient aussi l'arrangement de leur partie intérieure, ou l'ordre et la disposition des points ou matières, et des lettres en lignes et en pages, avec des marges et d'autres dépendances. Cet ordre a varié ; d'abord les lettres étaient seulement séparées en lignes, elles le furent ensuite en mots séparés, qui furent distribués par points et alinea, en périodes, sections, paragraphes, chapitres, et autres divisions. En quelques pays, comme parmi les orientaux, les lignes vont de droite à gauche ; parmi les peuples de l'occident et du nord, elles vont de gauche à droite. D'autres, comme les Grecs, du moins en certaines occasions, écrivaient la première ligne de gauche à droite, la seconde de droite à gauche, et ainsi alternativement. Dans d'autres pays les lignes sont couchées de haut en bas à côté les unes des autres, comme chez les Chinois. Dans certains livres les pages sont entières et uniformes, dans d'autres elles sont divisées par colonnes ; dans quelques-uns elles sont divisées en texte et en notes, soit marginales, soit rejetées au bas de la page. Ordinairement elles portent au bas quelques lettres alphabétiques qui servent à marquer le nombre des feuilles, pour connaître si le livre est entier. On charge quelquefois les pages de sommaires ou de notes : on y ajoute aussi des ornements, des lettres initiales, rouges, dorées, ou figurées ; des frontispices, des vignettes, des cartes, des estampes, etc. A la fin de chaque livre on met fin ou finis ; anciennement on y mettait un appelé coronis, et toutes les feuilles du livre étaient lavées d'huîle de cèdre, ou parfumées d'écorce de citron, pour préserver les livres de la corruption. On trouve aussi certaines formules au commencement ou à la fin des livres, comme parmi les Juifs, esto fortis, que l'on trouve à la fin de l'exode, du Lévitique, des nombres, d'Ezéchiel, par lesquels on exhorte le lecteur (disent quelques-uns) à lire les livres suivants. Quelquefois on trouvait à la fin des malédictions contre ceux qui falsifieraient le contenu du livre, et celle de l'apocalypse en fournit un exemple. Les Mahométans placent le nom de Dieu au commencement de tous leurs livres, afin d'attirer sur eux la protection de l'être suprême, dont ils croient qu'il suffit d'écrire ou de prononcer le nom pour s'attirer du succès dans ses entreprises. Par la même raison plusieurs lois des anciens empereurs commençaient par cette formule, In nomine Dei. Voyez Barthol. de libr. legend. Dissert. V. pag. 106. et suiv. Montfaucon Paleogr. lib. I. c. xl. Reimm. Idea system. antiq. litter. p. 227. Schwartz de ornam. libror. Dissert. II. Reimm. Id. system. pag. 251. Fabricius Bibl. graec. lib. X. c. Ve p. 74. Revel. c. xxij. Alkoran, sect. III. pag. 59. Barthol. lib. cit pag. 117.

A la sin de chaque livre les Juifs ajoutaient le nombre de versets qui y étaient contenus, et à la fin du Pentateuque le nombre des sections, afin qu'il put être transmis dans son entier à la postérité ; les Massoretes et les Mahométans ont encore fait plus. Les premiers ont marqué le nombre des mots, des lettres, des versets et des chapitres de l'ancien Testament, et les autres en ont usé de même à l'égard de l'alcoran.

Les dénominations des livres sont différentes, selon leur usage et leur autorité. On peut les distinguer en livres humains, c'est-à-dire, qui sont composés par des hommes, et livres divins, qui ont été dictés par la Divinité même. On appelle aussi cette dernière sorte de livres, livres sacrés ou inspirés. Voyez REVELATION, INSPIRATION.

Les Mahométans comptent cent quatre livres divins, dictés ou donnés par Dieu lui-même à ses prophetes, savoir dix à Adam, cinquante à Seth, trente à Enoch, dix à Abraham, un à Moïse, savoir le Pentateuque tel qu'il était avant que les Juifs et les Chrétiens l'eussent corrompu ; un à Jesus-Christ, et c'est l'Evangîle ; à David un, qui comprend les Pseaumes ; et un à Mahomet, savoir l'alcoran : quiconque parmi eux rejette ces livres soit en tout soit en partie, même un verset ou un mot, est regardé comme infidèle. Ils comptent pour marque de la divinité d'un livre, quand Dieu parle lui-même et non quand d'autres parlent de Dieu à la troisième personne, comme cela se rencontre dans nos livres de l'ancien et du nouveau Testament, qu'ils rejettent comme des compositions purement humaines, ou du moins fort altérées. Voyez Reland de relig. Mohammed. lib. I. c. iv. pag. 21. et suiv. Idem ibid. lib. II. §. 26. pag. 231.

Livres sibyllins ; c'étaient des livres composés par de prétendues prophétesses du paganisme, appelées Sibylles, lesquels étaient déposés à Rome dans le capitole, sous la garde des duumvirs. Voyez Lomeier, de Bibl. c. XIIIe pag. 377. Voyez aussi SIBYLLE.

Livres canoniques ; ce sont ceux qui sont reçus par l'Eglise, comme faisant partie de l'Ecriture sainte : tels sont les livres de l'ancien et du nouveau Testament. Voyez CANON, BIBLE.

Livres apocryphes ; ce sont ceux qui sont exclus du rang des canoniques, ou faussement attribués à certains auteurs. Voyez APOCRYPHE.

Livres authentiques ; l'on appelle ainsi ceux qui sont véritablement des auteurs auxquels on les attribue, ou qui sont décisifs et d'autorité ; tels sont parmi les livres de Droit le code, le digeste. Voyez Bacon, de aug. Scient. lib. VIII. c. IIIe Works, t. I. pag. 257.

Livres auxiliaires ; sont ceux qui quoique moins essentiels en eux-mêmes, servent à en composer ou à en expliquer d'autres, comme dans l'étude des lais, les livres des instituts, les formules, les maximes, etc.

Livres élémentaires ; on appelle ainsi ceux qui contiennent les premiers et les plus simples principes des sciences, tels sont les rudiments, les méthodes, les grammaires, etc. par où on les distingue des livres d'un ordre supérieur, qui tendent à aider ou à éclairer ceux qui ont des sciences une teinture plus forte. Voyez les mém. de Trévoux, ann. 1734, pag. 804.

Livres de bibliothèque ; on nomme ainsi des livres qu'on ne lit point de suite, mais qu'on consulte au besoin, comme les dictionnaires, les commentaires, etc.

Livres exotériques ; nom que les savants donnent à quelques ouvrages destinés à l'usage des lecteurs ordinaires ou du peuple.

Livres acroamatiques ; ce sont ceux qui traitent de matières sublimes ou cachées, qui sont seulement à la portée des savants ou de ceux qui veulent approfondir les sciences. Voyez Reimm. Idea system. ant. litter. pag. 136.

Livres défendus ; on appelle ainsi ceux qui sont prohibés et condamnés par les évêques, comme contenant des hérésies ou des maximes contraires aux bonnes mœurs. Voyez Bingham, orig. eccles. lib. XVI. cap. XIe part. 11. Pasc. de Var. moderne mor. trad. c. IIIe p. 250. et 298. Dictionnaire univers. de Trev. tom. III. pag. 1507. Pfaff. Introd. hist. theolog. tom. II. p. 65. Heuman, Via ad hist. litt. cap. iv. parag. 63. p. 162. Voyez INDEX.

Livres publics, libri publici ; ce sont les actes des temps passés et des transactions gardées par autorité publique. Voyez le Dictionnaire de Trevoux t. I. p. 1509. Voyez aussi ACTES.

Livres d'église ; ce sont ceux dont on se sert dans les offices publics de la religion, comme sont le pontifical, l'antiphonier, le graduel, le lectionnaire, le pseautier, le livre d'évangile, le missel, l'ordinal, le rituel, le processional, le cérémonial, le bréviaire ; et dans l'église grecque, le monologue, l'euchologue, le tropologue, etc. Il y a aussi un livre de paix qu'on porte à baiser au clergé pendant la messe : c'est ordinairement le livre des évangiles.

Livres de-plein-chant ; sont ceux qui contiennent les pseaumes, les antiennes, les répons et autres prières que l'on chante et qui sont notées.

Livres de liturgie ; ce sont ceux qui contiennent, non toutes les liturgies de l'église grecque, mais seulement les quatre qui sont présentement en usage, savoir les liturgies de S. Basile, de S. Chrysostome, celle des Présanctifiés, , et celle de saint Jacques, qui n'a lieu que dans l'église de Jérusalem, et seulement une fois l'année. Voyez Pfaff. Introd. histor. theolog. lib. IV. parag. 8. tom. III. pag. 287. Dictionnaire univ. de Trev. tom. III. pag. 1597.

Les livres d'église en Angleterre qui étaient en usage dès le milieu du Xe siècle, étaient selon qu'ils sont nommés dans les canons d'Elsric, la Bible, le Pseautier, les Epitres, l'Evangile, le livre de Messe, le livre de plein-chant, autrement Antiphonier, le Manuel, le Calendrier, le Martyrologe, le Pénitentiel, et le livre des Leçons. Voyez Johns, lois ecclés. ann. 957. parag. 21.

Les livres d'église chez les Juifs, sont le livre de la Loi, l'Hagiographe, les Prophètes, etc. Le premier de ces livres s'appelle aussi le livre de Moïse, parce que ce législateur l'a composé, et le livre de l'Alliance, parce qu'il contient l'alliance de Dieu avec les Juifs. Dans un sens plus absolu, le livre de la Loi signifie l'original ou l'autographe qui fut trouvé dans le trésor du temple sous le règne de Josias.

On peut distinguer les livres selon leur dessein ou le sujet qu'ils traitent, en historiques, qui racontent les faits ou de la nature ou de l'humanité, et en dogmatiques, qui exposent une doctrine ou des vérités générales. D'autres sont mêlés de dogmes et de faits ; on peut les nommer historico-dogmatiques. D'autres recherchent simplement des vérités, ou tout au plus indiquent les raisons par lesquelles ces vérités peuvent être prouvées comme la Géométrie de Mallet. On peut les ranger sous la même classe ; mais on donnera le titre de scientifico-dogmatiques, aux ouvrages qui non-seulement enseignent une science, mais encore qui la démontrent comme les éléments d'Euclide. Voyez Volf, Philos. prat. sect. III. cap. j. parag. 7. pag. 750.

Livres pontificaux, libri pontificales, ; c'étaient parmi les Romains les livres de Numa qui étaient gardés par le grand-prêtre, et dans lesquels étaient décrites les cérémonies des fêtes, des sacrifices, les prières, et tout ce qui avait rapport à la religion. On les appelait aussi indigitamenta, parce qu'ils servaient, pour ainsi dire, à désigner les dieux dont ils contenaient les noms, aussi-bien que les formules et les invocations usitées en diverses occasions. Voyez Lomeier, de Bibl. c. VIe pag. 107. Pitisci, L. Ant. tom. II. pag. 85. voc. libri.

Livres rituels, libri rituales ; c'étaient ceux qui enseignaient la manière de bâtir et de consacrer les villes, les temples et les autels, les cérémonies des consécrations des murs, des portes principales, des familles, des tribus, des camps. Voyez Lomeier, loc. cit. cap. VIe Pitisc. ubi suprà.

Livres des augures, libri augurales, appelés par Ciceron reconditi : c'étaient ceux qui contenaient la science de prévoir l'avenir par le vol et le chant des oiseaux. Voyez Ciceron, orat. pro domo suâ ad pontif. Servius, sur le V. liv. de l'Enéid. Ve 738. Lomeier, lib. cit. lib. VI. pag. 109. Voyez aussi AUGURE.

Livres des aruspices, libri haruspicini ; c'étaient ceux qui contenaient les mystères et la science de deviner par l'inspection des entrailles des victimes. Voyez Lomeier, loc. cit. voyez ARUSPICE.

Livres achérontiques ; c'étaient ceux dans lesquels étaient contenues les cérémonies de l'acheron ; on les nommait aussi libri etrusci, parce qu'on en faisait auteur Tagés l'Etrurien, quoique d'autres les attribuassent à Jupiter même. Quelques-uns craient que ces livres étaient les mêmes que ceux qu'on nommait libri fatales, et d'autres les confondent avec ceux des aruspices. Voyez Servius, sur le V. liv. de l'Enéid. Ve 398. Lomeier, de Bibl. c. VIe pag. 152. Lindenbrog. ad Censorin. cap. xiv.

Livres fulminans, libri fulgurantes ; c'étaient ceux qui traitaient du tonnerre, des éclairs, et de l'interprétation qu'on devait donner à ces météores. Tels étaient ceux qu'on attribuait à Bigoïs, nymphe d'Etrurie, et qui étaient conservés dans le temple d'Apollon. Voyez Servius sur le VI. liv. de l'Enéid. Ve 73. Lomeier, Ibid. pag. 3.

Livres fatals, libri fatales, qu'on pourrait appeler autrement livres des destins. C'étaient ceux dans lesquels on supposait que l'âge ou le terme de la vie des hommes était écrit selon la discipline des Etruriens. Les Romains consultaient ces livres dans les calamités publiques, et on y recherchait la manière d'expiation propre à apaiser les dieux. Voyez Censorin. de die natal. c. xiv. Lomeier, cap. VIe pag. 112. et Pitiscus, pag. 85.

Livres noirs ; ce sont ceux qui traitent de la magie. On donne aussi ce nom à plusieurs autres livres, soit par rapport à la couleur dont ils sont couverts, soit par rapport aux choses funestes qu'ils contiennent. On en appelle aussi d'autres livres rouges, ou papiers rouges, c'est-à-dire livres de jugement et de condamnation. Voyez JUGEMENT.

Bons livres ; ce sont communément les livres de dévotion et de piété, comme les soliloques, les méditations, les prières. Voyez Shaftsbury, tom. I. caract. pag. 165. et tome III. pag. 327.

Un bon livre, selon le langage des Libraires, est un livre qui se vend bien ; selon les curieux, c'est un livre rare ; et selon un homme de bon sens, c'est un livre instructif. Une des cinq principales choses que Rabbi Akiba recommanda à son fils fut, s'il étudiait en Droit, de l'apprendre dans un bon livre, de peur qu'il ne fût obligé d'oublier ce qu'il aurait appris. Voyez Crenius, de furib. Librar. Voyez aussi au commencement de cet article le choix qu'on doit faire des livres.

Livres spirituels : on appelle ainsi ceux qui traitent plus particulièrement de la vie spirituelle, pieuse, et chrétienne, et de ses exercices, comme l'oraison mentale, la contemplation, etc. Tels sont les livres de S. Jean Climaque, de S. François de Sales, de sainte Thérese, de Thomas a Kempis, de Grenade, etc. Voyez MYSTIQUE.

Livres profanes ; ce sont ceux qui traitent de toute autre matière que de la Religion. Voyez PROFANE.

Par rapport à leurs auteurs, on peut distinguer les livres en anonymes, c'est-à-dire qui sont sans nom d'auteur, Voyez ANONYME ; et en cryptonimes, dont le nom des auteurs est caché sous un anagramme, etc. pseudonymes, qui portent faussement le nom d'un auteur ; posthumes, qui sont publiés après la mort de l'auteur ; vrais, c'est-à-dire, qui sont réellement écrits par ceux qui s'en disent auteurs, et qui demeurent dans le même état où ils les ont publiés ; faux ou supposés, c'est-à-dire, ceux que l'on croit composés par d'autres que par leurs auteurs ; falsifiés, ceux qui depuis qu'ils ont été faits sont corrompus par des additions ou des insertions fausses. Voyez Pasch. de variis moderne moral. trad. lib. III. pag. 187. Heuman, via ad histor. litter. cap. VIe parag. 4 pag. 334.

Par rapport à leurs qualités, les livres peuvent être distingués en

Livres clairs et détaillés, qui sont ceux du genre dogmatique, où les auteurs définissent exactement tous leurs termes, et emploient ces définitions dans tout le cours de leurs ouvrages.

Livres obscurs, c'est-à-dire, dont tous les mots sont trop génériques, et qui ne sont point définis ; en sorte qu'ils ne portent aucune idée claire et précise dans l'esprit du lecteur.

Livres prolixes, qui contiennent des choses étrangères et inutiles au dessein que l'auteur parait s'être proposé ; comme si dans un traité d'arpentage un auteur donnait tout Euclide.

Livres utiles, qui traitent des choses nécessaires ou aux connaissances humaines, ou à la conduite des mœurs.

Livres complets, qui contiennent tout ce qui regarde le sujet traité. Relativement complets, c'est-à-dire, qui renferment tout ce qui était connu sur le sujet traité pendant un certain temps ; ou si un livre est écrit dans une vue particulière, on peut dire de lui qu'il était complet, s'il contient justement ce qui est nécessaire peut atteindre à son but. Au contraire on appelle incomplets, les livres qui manquent de cet ornement. Voyez Wolf. Log. parag. 815. pag. 818. 20. et 25. etc.

On peut encore donner une division de livres, d'après la matière dont ils sont composés, et les distinguer en

Livres en papier qui sont écrits sur du papier fait de toîle ou de coton, ou sur le papyrus des Egyptiens ; mais il en reste peu d'écrits de cette dernière manière. Voyez Montfaucon, Paleograph. graec. lib. I. c. IIe pag. 14. Voyez aussi PAPIER.

Livres en parchemin, libri in membranâ, ou membranae, qui sont écrits sur des peaux d'animaux, et principalement de moutons. Voyez PARCHEMIN.

Livres en toile, libri lintei, qui chez les Romains étaient écrits sur des blocs ou des tables couvertes d'une toile. Tels étaient les livres des sibylles, et plusieurs lais, les lettres des princes, les traités, les annales. Voyez Plin. hist. natur. lib. XIII. cap. XIIe Dempster, ad Rosin. lib. III. ch. xxiv. Lomeier, de bibl. cap. VIe pag. 166.

Livres en cuir, libri in corio, dont fait mention Ulpien, lit. 52. ff. de leg. 3. Guilandus prétend que ce sont les mêmes que ceux qui étaient écrits sur de l'écorce, différente de celle dont on se servait ordinairement, et qui était de tilleul. Scaliger pense plus probablement que ces livres étaient composés de feuilles faites d'une certaine peau, ou de certaines parties de peaux de bêtes, différentes de celles dont on se servait ordinairement, et qui étaient les peaux ou les parties de la peau du dos des moutons. Guiland. papir. membr. 3. n. 5. Salmuth, ad Pancirol. p. II. tit. XIII. pag. 252. Scaliger, ad Guiland. p. 17. Pitisc. L. Ant. tom. II. pag. 84. voc. libri.

Livres en bois, tablettes, libri in schedis : ces livres étaient écrits sur des planches de bois ou des tablettes polies avec le rabot, et ils étaient en usage chez les Romains. Voyez Pitisc. loco citato.

Livres en cire, libri in ceris, dont parle Pline : les auteurs ne sont pas d'accord sur la manière dont étaient faits ces livres. Hermol. Barbaro croit que ces mots in ceris sont corrompus, et qu'il faut lire in schedis, et il se fonde sur l'autorité d'un ancien manuscrit. D'autres rejettent cette correction, et se fondent sur ce qu'on sait que les Romains couvraient quelquefois leurs planches ou schedae, d'une légère couche de cire, afin de faire plus aisément des ratures ou des corrections, avantage que n'avaient point les livres in schedis, et conséquemment ceux-ci étaient moins propres aux ouvrages qui demandaient de l'élégance et du soin, que les livres en cire, qui sont aussi appelés libri cerae, ou cerei. Voyez Pitisc. ubi suprà.

Livres en ivoire, libri elephantini ; ces livres, selon Turnebe, étaient écrits sur des bandes ou des feuilles d'ivoire. Voyez Salmuth, ad Pancirol. p. II. tit. XIIIe pag. 255. Guiland. papyr. membr. 2°. n °. 48. selon Scaliger, ad Guiland. pag. 16. ces livres étaient faits d'intestins d'éléphans. Selon d'autres, c'étaient les livres dans lesquels étaient inscrits les actes du sénat, que les empereurs faisaient conserver. Selon d'autres, c'étaient certaines collections volumineuses en 35 volumes qui contenaient les noms de tous les citoyens des trente-cinq tribus romaines. Fabricius, descript. urb. c. VIe Donat, de urb. rom. lib. II. c. xxiij. Pitisci L. Ant. loc. cit pag. 84. et suiv.

Par rapport à leur manufacture, ou au commerce qu'on en fait, on peut distinguer les livres en

Manuscrits qui sont écrits soit de la main de l'auteur, et on les appelle autographes, soit de celle des bibliothécaires et des copistes. Voyez MANUSCRITS, BIBLIOTHECAIRE.

Imprimés, qui sont travaillés sous une presse d'imprimeur et avec des caractères d'imprimerie. Voyez IMPRIMERIE.

Livres en blanc, qui ne sont ni liés ni cousus : livres in-folio, dans lesquels une feuille n'est pliée qu'une fais, et forme deux feuillets ou quatre pages ; in-quarto, où la feuille fait quatre feuillets : in-octavo, où elle en fait huit ; in-douze, où elle en fait douze ; in-seize, où elle en fait seize, et in-24. où elle en fait vingt-quatre.

Par rapport aux circonstances ou aux accidents des livres, on peut les diviser en

Livres perdus, qui sont ceux qui ont péri par l'injure du temps, ou par la malice et par le faux zèle des hommes. Tels sont plusieurs livres, même de l'Ecriture qui avaient été composés par Salomon, et d'autres livres des Prophètes. Voyez Fabric. cod. pseudepig. veter. testam. tom. II. pag. 171. Joseph. Hypotim. liv. V. c xx. apud Fabric. lib. cit. p. 247.

Livres promis, ceux que des auteurs ont fait attendre, et n'ont jamais donné au public. Janson ab Almeloveen a donné un catalogue des livres promis, mais qui n'ont jamais paru. Voyez Struv. introd. ad notit. rei litter. c. VIIIe part. XXI. p. 754.

Livres imaginaires, ce sont ceux qui n'ont jamais existé : tel est le livre de tribus impostoribus, dont quelques-uns ont fait tant de bruit, et que d'autres ont supposé existant, auxquels on peut ajouter divers titres de livres imaginaires, dont il est parlé dans M. Baillet et dans d'autres auteurs. Loescher a publié un grand nombre de plans ou de projets de livres, dont plusieurs pourraient être utiles et bien faits, s'ils étaient exécutés d'après ces plans, s'il est possible de faire quelque chose de bien d'après les idées d'un autre, ce qu'on n'a pas encore vu. Voyez Pasch. de var. moderne moral. trad. c. IIIe pag. 283. Baillet, des satyres personnelles, Loesch. arcan. litter. projets littéraires. Journal littér. tome I. p. 470.

Livres d'ana et d'anti. Voyez ANA et ANTI.

Le but ou le dessein des livres sont différents, selon la nature des ouvrages : les uns sont faits pour montrer l'origine des choses ou pour exposer de nouvelles découvertes ; d'autres pour fixer et établir quelque vérité, ou pour pousser une science à un plus haut degré ; d'autres pour dégager les esprits des idées fausses, et pour fixer plus précisément les idées des choses ; d'autres pour expliquer les noms et les mots dont se servent différentes nations ou qui étaient en usage en différents âges ou parmi différentes sectes ; d'autres ont pour but d'éclaircir, de constater la vérité des faits, des événements, et d'y montrer les voies et les ordres de la providence ; d'autres n'embrassent que quelques-unes de ces parties, d'autres en réunissent la plupart et quelquefois toutes. Voyez Loesch. de Caus. ling. hebr. in praefat.

Les usages des livres ne sont ni moins nombreux ni moins variés : c'est par eux que nous acquérons des connaissances : ils sont les dépositaires des lais, de la mémoire, des événements, des usages, mœurs, coutumes, etc. le véhicule de toutes les Sciences ; la religion même leur doit en partie son établissement et sa conservation. Sans eux, dit Bartholin, " Deus jam silet, Justitia quiescit, torpet Medicina, Philosophia manca est, litterae mutae, omnia tenebris involuta cimmeriis. " De lib. legend. dissert. I. p. 5.

Les éloges qu'on a donnés aux livres sont infinis : on les représente comme l'asîle de la vérité, qui souvent est bannie des conversations ; comme des conseillers toujours prêts à nous instruire chez nous et quand nous voulons, et toujours désintéressés. Ils suppléent au défaut des maîtres, et quelquefois au manque de génie ou d'invention, et élèvent quelquefois ceux qui n'ont que de la mémoire au-dessus des personnes d'un esprit plus vif et plus brillant. Un auteur qui écrivait fort élégamment, quoique dans un siècle barbare, leur donne toutes ces louanges. Voyez Lucas de Penna, apud Morhof. Polyhist. liv. I. ch. IIIe p. 27. Liber, dit-il, est lumen cordis, speculum corporis, virtutum magister, vitiorum depulsor, corona prudentum, comes itineris, domesticus amicus, congerro jacentis, collega et consiliarius praesidentis, myrothecium eloquentiae, hortus plenus fructibus, pratum floribus distinctum, memoriae penus, vita recordationis. Vocatus properat, jussus festinat, semper praesto est, nunquam non morigerus, rogatus confestim respondet, arcana revelat, obscura illustrat, ambigua certiorat, perplexa resolvit, contra adversam fortunam defensor, secundae moderator, opes adauget, jacturam propulsat, &c.

Peut-être leur plus grande gloire vient-elle de s'être attiré l'affection des plus grands hommes dans tous les âges. Cicéron dit de M. Caton : Marcum Catonem vidi in bibliotecâ sedentem multis circumfusum stoïcorum libris. Erat enim, ut scis, in eo inexhausta aviditas legendi, ne satiari poterat. Quippe qui, nec reprehensionem vulgi inanem reformidants, in ipsâ curiâ soleret légère saepe dum senatus cogeretur, nihil operae reipublicae detrahens. De finibus lib. III. n °. 2. Pline l'ancien, l'empereur Julien, et d'autres dont il serait trop long de rapporter ici les noms fameux, étaient aussi fort passionnés pour la lecture : ce dernier a perpétué son amour pour les livres, par quelques épigrammes grecques qu'il a fait en leur honneur. Richard Bury, évêque de Durham, et grand chancelier d'Angleterre, a fait un traité sur l'amour des livres. Voyez Pline, epist. 7. lib. III. Philobiblion sive de amore librorum. Fabricii, bibl. lat. med. aevi, tom. I. p. 832 et suiv. Morhof. Polyhist. liv. I. ch. XVIIe pag. 190. Salmuth ad Pancirol. lib. I. tit. 22. p. 67. Barthol. de lib. legend. dissert. I. p. 1. et suiv.

Les mauvais effets qu'on peut imputer aux livres, c'est qu'ils emploient trop de notre temps et de notre attention, qu'ils engagent notre esprit à des choses qui ne tournent nullement à l'utilité publique, et qu'ils nous inspirent de la répugnance pour les actions et le train ordinaire de la vie civîle ; qu'ils rendent paresseux et empêchent de faire usage des talents que l'on peut avoir pour acquérir par soi-même certaines connaissances, en nous fournissant à tous moments des choses inventées par les autres ; qu'ils étouffent nos propres lumières, en nous faisant voir par d'autres que par nous-mêmes ; outre que les caractères mauvais peuvent y puiser tous les moyens d'infecter le monde d'irréligion, de superstition, de corruption dans les mœurs, dont on est toujours beaucoup plus avide que des leçons de sagesse et de vertu. On peut ajouter encore bien des choses contre l'inutilité des livres ; les erreurs, les fables, les folies dont ils sont remplis, leur multitude excessive, le peu de certitude qu'on en tire, sont telles, qu'il parait plus aisé de découvrir la vérité dans la nature et la raison des choses, que dans l'incertitude et les contradictions des livres. D'ailleurs les livres ont fait négliger les autres moyens de parvenir à la connaissance des choses, comme les observations, les expériences, etc. sans lesquelles les sciences naturelles ne peuvent être cultivées avec succès. Dans les Mathématiques, par exemple, les livres ont tellement abattu l'exercice de l'invention, que la plupart des Mathématiciens se contentent de résoudre un problème par ce qu'en ont dit les autres, et non par eux-mêmes, s'écartant ainsi du but principal de leur science, puisque ce qui est contenu dans les livres de Mathématiques n'est seulement que l'histoire des Mathématiques, et non l'art ou la science de résoudre des questions, chose qu'on doit apprendre de la nature et de la réflexion, et qu'on ne peut acquérir facilement par la simple lecture.

A l'égard de la manière d'écrire ou de composer des livres, il y a aussi peu de règles fixes et universelles que pour l'art de parler, quoique le premier soit plus difficîle que l'autre ; car un lecteur n'est pas si aisé à surprendre ou à éblouir qu'un auditeur, les défauts d'un ouvrage ne lui échappent pas avec la même rapidité que ceux d'une conversation. Cependant un cardinal de grande réputation réduit à très-peu de points les règles de l'art d'écrire ; mais ces règles sont-elles aussi aisées à pratiquer qu'à prescrire ? Il faut, dit-il, qu'un auteur considère à qui il écrit, ce qu'il écrit, et comment et pourquoi il écrit. Voyez August. Valer. de caut. in edend. libr. Pour bien écrire et pour composer un bon livre, il faut choisir un sujet intéressant, y réfléchir longtemps et profondément ; éviter d'étaler des sentiments ou des choses déjà dites, ne point s'écarter de son sujet, et ne faire que peu ou point de digressions ; ne citer que par nécessité pour appuyer une vérité, ou pour embellir son sujet par une remarque utîle ou neuve et extraordinaire ; se garder de citer, par exemple, un ancien philosophe pour lui faire dire des choses que le dernier des hommes aurait dit tout aussi bien que lui, et ne point faire le prédicateur, à moins que le sujet ne regarde la chaire. Voyez la nouv. républ. des Lettres, tome XXXIX. p. 427.

Les qualités principales que l'on exige d'un livre, sont, selon Salden, la solidité, la clarté et la concision. On peut donner à un ouvrage la première de ces qualités, en le gardant quelque temps avant que de le donner au public, le corrigeant et le revoyant avec le conseil de ses amis. Pour y répandre la clarté, il faut disposer ses idées dans un ordre convenable, et les rendre par des expressions naturelles. Enfin on le rendra concis, en écartant avec soin tout ce qui n'appartient pas directement au sujet. Mais quels sont les auteurs qui observent exactement toutes ces règles, qui les remplissent avec succès ?

Vix totidem quot

Thebarum portae vel divitis ostia Nili.

Ce n'est pas dans ce nombre qu'il faut ranger ces écrivains qui donnent au public des six ou huit livres par an, et cela pendant le cours de dix ou douze années, comme Lintenpius, professeur à Copenhague, qui a donné un catalogue de 72 livres qu'il composa en douze ans ; savoir six volumes de Théologie, onze d'histoire ecclésiastique, trois de Philosophie, quatorze sur divers sujets, et trente-huit de Littérature. Voyez Lintenpius relat. incend. Berg. apud nov. litter. Lubec. ann. 1704, p. 247. On n'y comprendra pas non plus ces auteurs volumineux qui comptent leurs livres par vingtaines, par centaines, tel qu'était le P. Macedo, de l'ordre de saint Français, qui a écrit de lui-même qu'il avait composé 44 volumes, 53 panégyriques, 60 (suivant l'anglais) speeches latins, 105 épitaphes, 500 élégies, 110 odes, 212 épitres dédicatoires, 500 épitres familières, poèmata epica juxta bis mille sexcenta : on doit supposer que par-là il entend 2600 petits poèmes en vers héroïques ou hexamètres, et enfin 150 mille vers. Voyez Noris, miles macedo. Journ. des Savants, tome XLVII. p. 179.

Il serait également inutîle de mettre au nombre des écrivains qui liment leurs productions, ces auteurs enfants qui ont publié des livres dès qu'ils ont été en âge de parler, comme le jeune duc du Maine, dont les ouvrages furent mis au jour lorsqu'il n'avait encore que sept ans, sous le titre d'œuvres diverses d'un auteur de sept ans, Paris, in-quarto 1685. Voyez le journ. des Sav. tom. XIII. p. 7. Daniel Heinsius publia ses notes sur Silius Italicus, si jeune qu'il les intitula ses hochets, crepundia siliana, Lugd. Batav. ann. 1600. On dit de Caramuel qu'il écrivit sur la sphère avant que d'être assez âgé pour aller à l'école ; et ce qu'il y a de singulier, c'est qu'il s'aida du traité de la sphère de Sacrobosco, avant que d'entendre un mot de latin. Voyez les enfants célèbres de M. Baillet, n °. 81. p. 300. A quoi l'on peut ajouter ce que Placcius raconte de lui-même, qu'il commença à faire ses collections étant encore sous le gouvernement de sa nourrice, et n'ayant d'autres secours que le livre des prières de cette bonne-femme. Placc. de ant. excerpt. p. 190.

M. Cornet avait coutume de dire que pour écrire un livre il fallait être très-fou ou très-sage. Vigneul Marville. Dictionnaire univ. de Trév. tome III. p. 1509. au mot livre. Parmi le grand nombre des auteurs, il y en a sans doute beaucoup de l'une et de l'autre espèce ; il semble cependant que le plus grand nombre n'est ni de l'une ni de l'autre.

On s'est bien éloigné de la manière de penser des anciens, qui apportaient une attention extrême à tout ce qui regarde la composition d'un livre ; ils en avaient une si haute idée, qu'ils comparaient les livres à des trésors, thesauros oportet esse, non libros. Il leur semblait que le travail, l'assiduité, l'exactitude d'un auteur n'étaient point encore des passeports suffisans pour faire paraitre un livre : une vue générale, quoiqu'attentive sur l'ouvrage, ne suffisait point à leur gré. Ils considéraient encore chaque expression, chaque sentiment, les tournaient sur différents points de vue, n'admettaient aucun mot qui ne fût exact : en sorte qu'ils apprenaient au lecteur, dans une heure employée comme il faut, ce qui leur avait peut-être couté dix ans de soins et de travail. Tels sont les livres qu'Horace regarde comme dignes d'être arrosés d'huîle de cedre, linenda cedro, c'est-à-dire dignes d'être conservés pour l'instruction de la postérité. Les choses ont bien changé de face : des gens qui n'ont rien à dire, ou qu'à répéter des choses inutiles ou déjà dites mille fais, pour composer un livre ont recours à divers artifices ou stratagèmes : on commence par jeter sur le papier un dessein mal digéré, auquel on fait revenir tout ce qu'on sait et qu'on sait mal, traits vieux ou nouveaux, communs ou extraordinaires, bons ou mauvais, intéressants ou froids et indifférents, sans ordre et sans choix, n'ayant d'autre attention, comme le rhéteur Albutius, que de dire tout ce que l'on peut sur un sujet, et non ce que l'on doit. Curabant, dit Bartholin, cum Albutio rhetore, de omni causâ scribere, non quae debeant sed quae poterant. Voyez Salmuth ad Pancirol. p. 1. tit. XLII. p. 144. Guiland. de papyr. memb. 24. Reimm. idea system. ant. litter. p. 296. Bartholi, de l'huomo di litt. p. 11. p. 318.

Un auteur moderne a pensé qu'en traitant un sujet, il était quelquefois permis de saisir les occasions de détailler toutes les autres connaissances qu'on peut avoir, et les ramener à son dessein. Par exemple, un auteur qui écrit sur la goutte, comme a fait M. Aignan, peut insérer dans son ouvrage la nature des autres maladies et leurs remèdes, y entremêler un système de médecine, des maximes de théologie et des règles de morale. Celui qui écrit sur l'art de bâtir, imitera Caramuel, qui ne s'est pas renfermé dans ce qui concerne uniquement l'Architecture, mais qui a traité en même temps de plusieurs matières de Théologie, de Mathématiques, de Géographie, d'Histoire, de Grammaire, etc. Ensorte que si nous ajoutons foi à l'auteur d'une pièce insérée dans les œuvres de Caramuel, si Dieu permettait que toutes les sciences du monde vinssent à être perdues, on pourrait les retrouver dans ce seul livre. Mais, en bonne foi, est-ce là faire ce qu'on appelle des livres ? Voyez Aignan, Traité de la goutte, Paris 1707. Journal des Savants, tome XXXIX. p. 421. et suiv. Architecture civil recta y obliqua. Consid. nel temp. de Jerusal. trois vol. in-fol. Vegev. 1678. Journal des Savants, tome X. pag. 348. Nouv. républ. des Lettres, tome I. p. 103.

Quelquefois les auteurs débutent par un préambule ennuyeux et absolument étranger au sujet, ou communément par une digression qui donne lieu à une seconde, et toutes deux écartent tellement l'esprit du sujet qu'on le perd de vue : ensuite on nous accable de preuves pour une chose qui n'en a pas besoin : on forme des objections auxquelles personne n'eut pu penser ; et pour y répondre on est souvent forcé de faire une dissertation en forme, à laquelle on donne un titre particulier ; et pour allonger davantage, on y joint le plan d'un ouvrage qu'on doit faire, et dans lequel on promet de traiter plus amplement le sujet dont il s'agit, et qu'on n'a pas même effleuré. Quelquefois cependant on dispute en forme, on entasse raisonnements sur raisonnements, conséquences sur conséquences, et l'on a soin d'annoncer que ce sont des démonstrations géométriques ; mais quelquefois l'auteur le pense et le dit tout seul : ensuite on arrive à une chaîne de conséquences auxquelles on ne s'attendait pas ; et après dix ou douze corollaires dans lesquels les contradictions ne sont point épargnées, on est fort étonné de trouver pour conclusion une proportion ou entièrement inconnue ou si éloignée qu'on l'avait entièrement perdue de vue, ou enfin qui n'a nul rapport au sujet. La matière d'un pareil livre est vraisemblablement une bagatelle, par exemple, l'usage de la particule Et, ou la prononciation de l'êta grec, ou la louange de l'âne, du porc, de l'ombre, de la folie ou de la paresse, ou l'art de boire, d'aimer, de s'habiller, ou l'usage des éperons, des souliers, des gants, etc.

Supposons, par exemple, un livre sur les gants, et voyons comment un pareil auteur dispose son ouvrage. Si nous considérons sa méthode, nous verrons qu'il commence à la manière des lullistes, et qu'il débute par le nom et l'étymologie du mot gant, qu'il donne non-seulement dans la langue où il écrit, mais encore dans toutes celles qu'il sait ou même qu'il ignore, soit orientales, soit occidentales, mortes ou vivantes, dont il a des dictionnaires ; il accompagne chacun de ces mots de leur étymologie respective, et quelquefois de leurs composés et de leurs dérivés, citant pour preuve d'une érudition plus profonde les dictionnaires dont il s'est aidé, sans oublier le chapitre ou le mot et la page. Du nom il passe à la chose avec un travail et une exactitude considérables, n'oubliant aucun des lieux communs, comme la matière, la forme, l'usage, l'abus, les accessoires, les conjonctifs, les disjonctifs, etc. des gants. Sur chacun de ces points il ne se contentera pas du nouveau, du singulier, de l'extraordinaire ; il épuisera son sujet, et dira tout ce qu'il est possible d'en dire. Il nous apprendra, par exemple, que les gants préservent les mains du froid, et prononcera que si l'on expose ses mains au soleil sans gants, on s'expose à les avoir perdues de taches de rousseur ; que sans gants on gagne des engelures en hiver ; que des mains crevassées par les engelures sont desagréables à la vue, ou que ces crevasses causent de la douleur. Voyez Nicolaï, disquisitio de chirotecarum usu et abusu. Giess. 1702. Nouv. républ. des Lettr. Aout 1702. page 158 et suiv. Cependant cet ouvrage part d'un auteur de mérite, et qui n'est point singulier dans sa manière d'écrire : ne peut-on pas dire que tous les auteurs tombent dans ce défaut, aussi-bien que M. Nicolaï, les uns plus, les autres moins ?

La forme ou la méthode d'un livre dépend de l'esprit et du dessein de l'auteur, qui lui applique quelquefois des comparaisons singulières. L'un suppose que son livre est un chandelier à plusieurs branches, dont chaque chapitre est une bobeche. Voyez Wolf Bibl. hebr. tom. III. p. 987. L'autre le compare à une porte brisée qui s'ouvre à deux battants pour introduire le lecteur dans une dichotomie. R. Schabsaï, labra dormientium apud Wolf. lib. cit. in praef. p. 12.

Waltherus regarde son livre, officina biblica, comme une boutique ; en conséquence, il divise et arrange ses matériaux sur plusieurs tablettes, et considère le lecteur comme un chaland. Un autre compare le sien à un arbre qui a un tronc, des branches, des fleurs, et des fruits. Les vingt-quatre lettres de l'alphabet formant les branches, les différents mots tenant lieu de fleurs, et cent-vingt discours qui sont insérés dans ce livre en étant comme le fruit. Cassian. à S. Elia, arbor opinionum omnium moralium quae ex trunco pullulant, tot ramis quot sunt litterae alphabeti, cujus flores sunt verba, fructus sunt 120 conciones, etc. Venet. 1688. fol. Voyez giorn. di Parma ann. 1688. pag. 60.

Nous n'avons rien d'assuré sur la première origine des livres. De tous ceux qui existent, les livres de Moïse sont incontestablement les plus anciens, mais Scipion Sgambati et plusieurs autres soupçonnent que ces mêmes livres ne sont pas les plus anciens de tous ceux qui ont existé, et qu'avant le déluge il y en a eu plusieurs d'écrits par Adam, Seth, Enos, Caïnan, Enoch, Mathusalem, Lamech, Noé et sa femme, Cham, Japhet et sa femme, outre d'autres qu'on croit avoir été écrits par les démons ou par les anges. On a même des ouvrages probablement supposés sous tous ces noms, dont quelques modernes ont rempli les bibliothèques, et qui passent pour des réveries d'auteurs ignorants, ou imposteurs, ou mal-intentionnés. Voyez les Mém. de l'Acad. des bell. Lettr. tom. VI. pag. 32. tom. VIII. pag. 18. Sgambat. archiv. veter. testam. Fabricius cod. pseudepig. veter. testam. passim. Heuman, via ad hist. litt. c. IIIe parag. III. pag. 29.

Le livre d'Enoch est même cité dans l'épitre de S. Jude, vers. 14. et 15. sur quoi quelques-uns se fondent pour prouver la réalité des livres avant le déluge. Mais le livre que cite cet apôtre est regardé par les auteurs anciens et modernes, comme un livre imaginaire, ou du moins apocryphe. Voyez Saalbach. sched. de libr. vet. parag. 42. Reimm. idea syst. ant. litter. pag. 233.

Les Poèmes d'Homère sont de tous les livres profanes, les plus anciens qui soient passés jusqu'à nous. Et on les regardait comme tels dès le temps de Sextus Empiricus, Voyez Fabric. bibl. graec. lib. I. c. j. part. I. tom. I. pag. 1. quoique les auteurs grecs fassent mention d'environ soixante-dix livres antérieurs à ceux d'Homère, comme les livres d'Hermès, d'Orphée, de Daphné, d'Horus, de Linus, de Musée, de Palamède, de Zoroastre, etc. mais il ne nous reste pas le moindre fragment de la plupart de ces livres, ou ce qu'on nous donne pour tel est généralement regardé comme supposé. Le P. Hardouin a porté ses prétentions plus loin, en avançant que tous les anciens livres, tant grecs que latins, excepté pourtant Ciceron, Pline, les géorgiques de Virgile, les satyres et les épitres d'Horace, Hérodote et Homère, avaient été supposés dans le treizième siècle par une société de savants, sous la direction d'un certain Severus Archontius. Harduini de numm. herodiad. in prolus. Act. erud. Lips. ann. 1710. pag. 170.

On remarque que les plus anciens livres des Grecs sont en vers ; Hérodote est le plus ancien de leurs auteurs qui ait écrit en prose, et il était de quatre cent ans postérieur à Homère. Le même usage se remarque presque chez toutes les autres nations, et donne pour ainsi parler, le droit d'ainesse à la poésie sur la prose, au moins dans les monuments publics. Voyez Struv. geogr. lib. I. Heuman lib. cit. parag. 20. pag. 50. parag. 21. pag. 52. Voyez aussi l'article POESIE.

On s'est beaucoup plaint de la multitude prodigieuse des livres, qui est parvenue à un tel degré, que non-seulement il est impossible de les lire tous, mais même d'en savoir le nombre et d'en connaître les titres. Salomon se plaignait il y a trois mille ans de ce qu'on composait sans fin des livres ; les savants modernes ne sont ni plus retenus, ni moins féconds que ceux de son temps. Il est plus facile, dit un des premiers, d'épuiser l'océan que le nombre prodigieux de livres, et de compter les grains de sable, que les volumes qui existent. On ne pourrait pas lire tous les livres, dit un autre, quand même on aurait la conformation que Mahomet donne aux habitants de son paradis, où chaque homme aura 70000 têtes, chaque tête 70000 bouches, dans chaque bouche 70000 langues, qui parleront toutes 70000 langages différents. Mais comment ce nombre s'augmente-t-il ? Quand nous considérons la multitude de mains qui sont employées à écrire, la quantité de copistes répandus dans l'orient, occupés à transcrire, le nombre presqu'infini de presses qui roulent dans l'occident ; il semble étonnant que le monde puisse suffire à contenir ce que produisent tant de causes. L'Angleterre est encore plus remplie de livres qu'aucun autre pays, puisqu' outre ses propres productions, elle s'est enrichie depuis quelques années de celles des pays voisins. Les Italiens et les François se plaignent, que leurs meilleurs livres sont enlevés par les étrangers. Il semble, disent-ils, que c'est le destin des provinces qui composaient l'ancien empire romain, que d'être en proie aux nations du nord. Anciennement elles conquéraient un pays et s'en emparaient ; présentement elles ne vexent point les habitants, ne ravagent point les terres, mais elles en emportent les sciences. Commigrant ad nos quotidiè callidi homines, pecuniâ instructissimi, et praeclaram illam musarum supellectilem, optima volumina nobis abripiunt ; artes etiam ac disciplinas paulatim abducturi aliò, nisi studio et diligentiâ resistatis. Voyez Barthol. de libr. legend. dissertat. 5. pag. 7. Heuman, via ad histor. litter. c. VIe parag. 43. pag. 338. Facciol. orat. 1. mem. de Trev. ann. 1730. pag. 1793.

Les livres élémentaires semblent être ceux qui se sont le moins multipliés, puisqu'une bonne grammaire ou un dictionnaire, ou des institutions en quelque genre que ce sait, sont rarement suivis d'un double dans un ou même plusieurs siècles. Mais on a observé qu'en France seulement, dans le cours de trente ans, il a paru cinquante nouveaux livres d'éléments de Géométrie, plusieurs traités d'Algèbre, d'Arithmétique, d'Arpentage, et dans l'espace de quinze années on a mis au jour plus de cent grammaires, tant françaises que latines, des dictionnaires, des abrégés, des méthodes, etc. à proportion. Mais tous ces livres sont remplis des mêmes idées, des mêmes découvertes, des mêmes vérités, des mêmes faussetés. Mém. de Trév. année 1734. page 804.

Heureusement on n'est pas obligé de lire tout ce qui parait. Grâce à Dieu, le plan de Caramuel qui se proposait d'écrire environ cent volumes in-folio, et d'employer le pouvoir spirituel et temporel des princes, pour obliger leurs sujets à les lire, n'a pas réussi. Ringelberg avait aussi formé le dessein d'écrire environ mille volumes différents. Voyez M. Baillet, enfants célébres, sect. 12. jug. des sav. tom. V. part. I. pag. 373. et il y a toute apparence, que s'il eut vécu assez longtemps pour composer tant de livres, il les eut donnés au public. Il aurait presqu'égalé Hermès Trismégiste, qui, selon Jamblique, écrivit trente-six mille cinq cent vingt-cinq livres : supposé la vérité du fait, les anciens auraient eu infiniment plus de raison que les modernes, de se plaindre de la multitude des livres.

Au reste de tous ceux qui existent, combien peu méritent d'être sérieusement étudiés ? Les uns ne peuvent servir qu'occasionnellement, les autres qu'à amuser les lecteurs. Par exemple, un mathématicien est obligé de savoir ce qui est contenu dans les livres de Mathématique ; mais une connaissance générale lui suffit, et il peut l'acquérir aisément en parcourant les principaux auteurs, afin de pouvoir les citer au besoin ; car il y a beaucoup de choses qui se conservent mieux par le secours des livres, que par celui de la mémoire. Telles sont les observations astronomiques, les tables, les règles, les théoremes, etc. qui, quoiqu'on en ait eu connaissance, ne s'impriment pas dans le cerveau, comme un trait d'histoire ou une belle pensée. Car moins nous chargeons la mémoire de choses, et plus l'esprit est libre et capable d'invention. Voyez Cartes. Epist. à Hogel. apud Hook, phil. collect. n °. 5. p. 144. et suiv.

Ainsi un petit nombre de livres choisis est suffisant. Quelques-uns en bornent la quantité au seul livre de la bible, comme contenant toutes les sciences. Et les Turcs se réduisent à l'alcoran. Cardan croit que trois livres suffisent à une personne qui ne fait profession d'aucune science, savoir, une vie des saints et des autres hommes vertueux, un livre de poésie pour amuser l'esprit, et un troisième qui traite des régles de la vie civile. D'autres ont proposé de se borner à deux livres pour toute étude ; savoir l'écriture, qui nous apprend ce que c'est que Dieu, et le livre de la création, c'est-à-dire, cet univers qui nous découvre son pouvoir. Mais toutes ces régles, à force de vouloir retrancher tous les livres superflus, donnent dans une autre extrémité, et en retranchent aussi de nécessaires. Il s'agit donc dans le grand nombre de choisir les meilleurs, et parce que l'homme est naturellement avide de savoir, ce qui parait superflu en ce genre peut à bien des égards avoir son utilité. Les livres par leur multiplicité nous forcent en quelque sorte à les lire, ou nous y engagent pour peu que nous y ayons de penchant. Un ancien père remarque que nous pouvons retirer cet avantage de la quantité des livres écrits sur le même sujet : que souvent ce qu'un lecteur ne saisit pas vivement dans l'un, il peut l'entendre mieux dans un autre. Tout ce qui est écrit, ajoute-t-il, n'est pas également à la portée de tout le monde, peut-être ceux qui liront mes ouvrages comprendront mieux la matière que j'y traite, qu'ils n'auraient fait dans d'autres livres sur le même sujet. Il est donc nécessaire qu'une même chose soit traitée par différents écrivains, et de différentes manières ; quoiqu'on parte des mêmes principes, que la solution des difficultés soit juste, cependant ce sont différents chemins qui mènent à la connaissance de la vérité. Ajoutons à cela, que la multitude des livres est le seul moyen d'en empêcher la perte ou l'entière destruction. C'est cette multiplicité qui les a préservés des injures du temps, de la rage des tyrants, du fanatisme des persécuteurs, des ravages des barbares, et qui en a fait passer au moins une partie jusqu'à nous, à-travers les longs intervalles de l'ignorance et de l'obscurité.

Solaque non norunt haec monumenta mori.

Voyez Bacon, de augment. Scient. lib. I. t. III. pag. 49. S. Augustin. de Trinit. lib. I. c. IIIe Barthol. de lib. legend. dissertat. I. pag. 8. et suiv.

A l'égard du choix et du jugement que l'on doit faire d'un livre, les auteurs ne s'accordent pas sur les qualités nécessaires pour constituer la bonté d'un livre. Quelques-uns exigent seulement d'un auteur qu'il ait du bon sens, et qu'il traite son sujet d'une manière convenable. D'autres, comme Salden, désirent dans un ouvrage la solidité, la clarté et la concision ; d'autres l'intelligence et l'exactitude. La plupart des critiques assurent qu'un livre doit avoir toutes les perfections dont l'esprit humain est capable : en ce cas y aurait-il rien de plus rare qu'un bon livre ? Les plus raisonnables cependant conviennent qu'un livre est bon quand il n'a que peu de défauts : optimus ille qui minimis urgetur vitiis ; ou du-moins dans lequel les choses bonnes ou intéressantes excédent notablement les mauvaises ou les inutiles. De même un livre ne peut point être appelé mauvais, quand il s'y rencontre du bon à-peu-près également autant que d'autres choses. Voyez Baillet, jug. des scav. t. I. part. I. c. VIe p. 19. et suiv. Honoré, reflex. sur les règles de crit. dissert. 1.

Depuis la décadence de la langue latine, les auteurs semblent être moins curieux de bien écrire que d'écrire de bonnes choses ; de sorte qu'un livre est communément regardé comme bon, s'il parvient heureusement au but que l'auteur s'était proposé, quelques fautes qu'il y ait d'ailleurs. Ainsi un livre peut être bon, quoique le style en soit mauvais ; par conséquent un historien bien informé, vrai et judicieux ; un philosophe qui raisonne juste et sur des principes surs ; un théologien orthodoxe, et qui ne s'écarte ni de l'Ecriture, ni des maximes de l'Eglise primitive, doivent être regardés comme de bons auteurs, quoique peut-être on trouve dans leurs écrits des défauts dans des matières peu essentielles, des négligences, même des défauts de style. Voyez Baillet, jug. des sav. t. I. c. VIIe p. 24. et suiv.

Ainsi plusieurs livres peuvent être considérés comme bons et utiles, sous ces diverses manières de les envisager, de sorte que le choix semble être difficile, non pas tant par rapport aux livres qu'on doit choisir, que par rapport à ceux qu'il faut rejetter. Pline l'ancien avait coutume de dire qu'il n'y avait point de livre quelque mauvais qu'il fût, qui ne renfermât quelque chose de bon : nullum librum tam malum esse, qui non aliquâ ex parte prosit. Mais cette bonté a des degrés, et dans certains livres elle est si médiocre qu'il est difficîle de s'en ressentir ; elle est ou cachée si profondément, ou tellement étouffée par les mauvaises choses, qu'elle ne vaut pas la peine d'être recherchée. Virgile disait qu'il tirait de l'or du fumier d'Ennius ; mais tout le monde n'a pas le même talent, ni la même dextérité. Voyez Hook, collect. n. 5. pag. 127 et 135. Pline, epist. 5. l. III. Reimman, bibl. acroam. in praesat. parag. 7. pag. 8. et suiv. Sacchin, de ration. lib. legend. c. IIIe pag. 10 et suiv.

Ceux-là semblent mieux atteindre à ce but, qui recommandent un petit nombre des meilleurs livres, et qui conseillent de lire beaucoup, mais non pas beaucoup de choses ; multum légère, non multa. Cependant après cet avis, la même question revient toujours comment faire ce choix ? Pline, epist. 9. l. VII.

Ceux qui ont établi des règles pour juger des livres, nous conseillent d'en observer le titre, le nom de l'auteur, de l'éditeur, le nom des éditions, les lieux et les années où elles ont paru, ce qui dans les livres anciens est souvent marqué à la fin, le nom de l'imprimeur, surtout si c'en est un célèbre. Ensuite il faut examiner la préface et le dessein de l'auteur ; la cause ou l'occasion qui le détermine à écrire ; quel est son pays, car chaque nation a son génie particulier. Barth. diss. 4. pag. 19. Baillet, c. VIIe p. 228 et suiv. Les personnes par l'ordre desquelles l'ouvrage a été composé, ce qu'on apprend quelquefois par l'épitre dédicatoire. Il faut tâcher de savoir quelle était la vie de l'auteur, sa profession, son rang ; si quelque chose de remarquable a accompagné son éducation, ses études, sa manière de vivre ; s'il était en commerce de lettres avec d'autres savants ; quels éloges on lui a donné (ce qui se trouve ordinairement au commencement du livre). On doit encore s'informer si son ouvrage a été critiqué par quelque écrivain judicieux. Si le dessein de l'ouvrage n'est pas exposé dans la préface, on doit passer à l'ordre et à la disposition du livre ; remarquer les points que l'auteur a traités ; observer si le sentiment et les choses qu'il expose sont solides ou futiles, nobles ou vulgaires, fausses ou puisées dans le vrai. On doit pareillement examiner si l'auteur suit une route déjà frayée, ou s'il s'ouvre des chemins nouveaux, inconnus ; s'il établit des principes jusqu'alors ignorés ; si sa manière d'écrire est une dichotomie ; si elle est conforme aux règles générales du style, ou particulier et propre à la matière qu'il traite. Struv. introd. ad notit. rei litter. c. Ve parag. 2. p. 338. et suiv.

Mais on ne peut juger que d'un très petit nombre de livres par la lecture, Ve d'une part la multitude immense des livres, et de l'autre l'extrême briéveté de la vie. D'ailleurs il est trop tard pour juger d'un livre d'attendre qu'on l'ait lu d'un bout à l'autre. Quel temps ne s'exposerait-on pas à perdre par cette patience ? Il parait donc nécessaire d'avoir d'autres indices, pour juger d'un livre même sans l'avoir lu en entier. Baillet, Stollius et plusieurs autres, ont donné à cet égard des règles, qui n'étant que des présomptions et conséquemment sujettes à l'erreur, ne sont néanmoins pas absolument à mépriser. Les journalistes de Trévoux disent que la méthode la plus courte de juger d'un livre, c'est de le lire quand on est au fait de la matière, ou de s'en rapporter aux connaisseurs. Heuman dit à-peu-près la même chose, quand il assure que la marque de la bonté d'un livre, est l'estime que lui accordent ceux qui possèdent le sujet dont il traite, surtout s'ils ne sont ni gagés pour le préconiser, ni ligués avec l'auteur, ni intéressés par la conformité de religion ou d'opinions systématiques. Budd. de criteriis boni libri passim. Wate, hist. critic. ling. lat. c. VIIIe pag. 320. Mém. de Trev. ann. 1752. art. 17. Heuman, comp. dup. litter. c. VIe part. 11. pag. 280 et suiv.

Disons quelque chose de plus précis. Les marques plus particulières de la bonté d'un livre, sont

1°. Si l'on sait que l'auteur excelle dans la partie absolument nécessaire pour bien traiter tel ou tel sujet qu'il a choisi, ou s'il a déjà publié quelqu'ouvrage estimé dans le même genre. Ainsi l'on peut conclure que Jules-César entendait mieux le métier de la guerre que P. Ramus ; que Caton, Palladius et Columelle savaient mieux l'Agriculture qu'Aristote, et que Ciceron se connaissait en éloquence tout autrement que Varron. Ajoutez qu'il ne suffit pas qu'un auteur soit versé dans un art, qu'il faut encore qu'il possède toutes les branches de ce même art. Il y a des gens par exemple, qui excellent dans le droit civil, et qui ignorent parfaitement le Droit public. Saumaise, à en juger par ses exercitations sur Pline, est un excellent critique, et parait très-inférieur à Milton dans son livre intitulé defensio regia.

2°. Si le livre roule sur une matière qui demande une grande lecture, on doit présumer que l'ouvrage est bon, pourvu que l'auteur ait eu les secours nécessaires, quoiqu'on doive s'attendre à être accablé de citations, surtout, dit Struvius, si l'auteur est jurisconsulte.

3°. Un livre, à la composition duquel un auteur a donné beaucoup de temps, ne peut manquer d'être bon. Villalpand, par exemple, employa quarante ans à faire son commentaire sur Ezéchiel ; Baronius en mit trente à ses annales ; Gousset n'en fut pas moins à écrire ses commentaires sur l'hébreu, et Paul Emîle son histoire. Vaugelas et Lamy en donnèrent autant, l'un à sa traduction de Quinte-Curce, l'autre à son traité du temple. Em. Thesaurus fut quarante ans à travailler son livre intitulé idea argutae dictionis, aussi-bien que le Jésuite Carra, à son poème appelé colombus. Cependant ceux qui consacrent un temps si considérable à un même sujet, sont rarement méthodiques et soutenus, outre qu'ils sont sujets à s'affoiblir et à devenir froids ; car l'esprit humain ne peut pas être tendu si longtemps sur le même sujet sans se fatiguer, et l'ouvrage doit naturellement s'en ressentir. Aussi a-t-on remarqué que dans les masses volumineuses, le commencement est chaud, le milieu tiede, et la fin froide : apud vastorum voluminum autores, principia fervent, medium tepet, ultima frigent. Il faut donc faire provision de matériaux excellents, quand on veut traiter un sujet qui demande un temps si considérable. C'est ce qu'observent les écrivains espagnols, que cette exactitude distingue de leurs voisins. Le public se trempe rarement dans les jugements qu'il porte sur les auteurs, à qui leurs productions ont couté tant d'années, comme il arriva à Chapelain qui mit trente ans à composer son poème de la Pucelle, ce qui lui attira cette épigramme de Montmaur.

Illa Capellani dudum expectata puella

Post tanta in lucem tempora prodit anus.

Quelques-uns, il est vrai, ont poussé le scrupule à un excès misérable, comme Paul Manuce, qui employait trois ou quatre mois à écrire une épitre, et Isocrate qui mit trois olympiades à composer un panégyrique. Quel emploi ou plutôt quel abus du temps !

4°. Les livres qui traitent de doctrine, et sont composés par des auteurs impartiaux et désintéressés, sont meilleurs que les ouvrages faits par des écrivains attachés à une secte particulière.

5°. Il faut considérer l'âge de l'auteur. Les livres qui demandent beaucoup de soin, sont ordinairement mieux faits par de jeunes gens que par des personnes avancées en âge. On remarque plus de feu dans les premiers ouvrages de Luther, que dans ceux qu'il a donné sur la fin de sa vie. Les forces s'énervent avec l'âge ; les embarras d'esprit augmentent ; quand on a déjà vécu un certain temps, on se confie trop à son jugement, on néglige de faire les recherches nécessaires.

6°. On doit avoir égard à l'état et à la condition de l'auteur. Ainsi l'on peut regarder comme bonne une histoire dont les faits sont écrits par un homme qui en a été témoin oculaire, ou employé aux affaires publiques ; ou qui a eu communication des actes publics ou autres monuments authentiques, ou qui a écrit d'après des mémoires surs et vrais, ou qui est impartial, et qui n'a été ni aux gages des grands, ni honoré, c'est-à-dire corrompu par les bienfaits des princes. Ainsi Salluste et Cicéron étaient très-capables de bien écrire l'histoire de la conjuration de Catilina, ce fameux événement s'étant passé sous leurs yeux. De même Davila, Comines, Guichardin, Clarendon, etc. qui étaient présents à ceux qu'ils décrivent. Xénophon, qui fut employé dans les affaires publiques à Sparte, est un guide sur pour tout ce qui concerne cette république. Amelot de la Houssaye, qui a vécu longtemps à Venise, a été très-capable de nous découvrir les secrets de la politique de cet état. Cambden a écrit les annales de son temps. M. de Thou avait des correspondances avec les meilleurs écrivains de chaque pays. Puffendorf et Rapin Toyras ont eu communication des archives publiques. Ainsi dans la Théologie morale et pratique on doit considérer davantage ceux qui sont chargés des fonctions pastorales et de la direction des consciences, que les auteurs purement spéculatifs et sans expérience. Dans les matières de Littérature, on doit présumer en faveur des écrivains qui ont eu la direction de quelque bibliothèque.

7°. Il faut faire attention au temps et au siècle où vivait l'auteur, chaque âge, dit Barclai, ayant son génie particulier. Voyez Barthol. de lib. legend. dissert. pag. 45. Struv. lib. cit. c. Ve parag. 3. pag. 390. Budd. dissert. de crit. boni libri, parag. 7. p. 7. Heuman. comp. reip. litter. p. 152. Struv. lib. cit. parag. 4. pag. 393. Miscell. Lips. tom. 3. pag. 287. Struv. lib. cit. par. 5. pag. 396. et suiv. Baillet, ch. Xe pag. et ch. ix. pag. 378. Id. c. 1. pag. 121 et suiv. Barthol. dissert. 2. pag. 3. Struv. parag. 6. pag. 46. et parag. 15. pag. 404 et 430. Heuman. Via ad histor. litter. c. VIIe parag. 7. pag. 356.

Quelques-uns craient qu'on doit juger d'un livre d'après sa grosseur et son volume, suivant la règle du grammairien Callimaque ; que plus un livre est gros, et plus il est rempli de mauvaises choses, . Voyez Barthol. lib. cit. Dissert. 3. pag. 62 et suiv. et qu'une seule feuille des livres des sibylles était préférable aux vastes annales de Volusius. Cependant Pline est d'une opinion contraire, et qui souvent se trouve véritable ; savoir, qu'un bon livre est d'autant meilleur qu'il est plus gros, bonus liber melior est quisque, quo major. Plin. epist. 20. lib. I. Martial nous enseigne un remède fort aisé contre l'immensité d'un livre, c'est d'en lire peu.

Si nimius videar, serâque coronide longus

Esse liber, legito pauca, libellus ero.

Ainsi la briéveté d'un livre est une présomption de sa bonté. Il faut qu'un auteur soit ou bien ignorant, ou bien stérile, pour ne pouvoir pas produire une feuille, ni dire quelque chose de curieux, ni écrire si peu de lignes d'une manière intéressante. Mais il faut bien d'autres qualités pour se soutenir également, soit dans les choses, soit dans le style, dans le cours d'un gros volume : aussi dans ceux de cette dernière espèce un auteur est sujet à s'affoiblir, à sommeiller, à dire des choses vagues ou inutiles. Dans combien de livres rencontre-t-on d'abord un préambule assommant, et une longue fîle de mots superflus avant que d'en venir au sujet ? Ensuite, et dans le cours de l'ouvrage, que de longueurs et de choses uniquement placées pour le grossir ! C'est ce qui se rencontre plus rarement dans un ouvrage court où l'auteur doit entrer d'abord en matière, traiter chaque partie vivement, et attacher également le lecteur par la nouveauté des idées, et par l'énergie ou les grâces du style ; au lieu que les meilleurs auteurs mêmes qui composent de gros volumes, évitent rarement les détails inutiles, et qu'il est comme impossible de n'y pas rencontrer des expressions hazardées, des observations et des pensées rebattues et communes. Voyez le Spectateur d'Adisson, n. 124.

Voyez ce qui concerne les livres dans les auteurs qui ont écrit sur l'histoire littéraire, les bibliothèques, les Sciences, les Arts, etc. surtout dans Salden. Christ. Liberius, id est Guil. Saldenus, , sive de libr. scrib. et leg. Hutrecht 1681 in-12 et Amsterdam 1688 in-8°. Struvius, introd. ad hist. litter. c. Ve parag. 21. pag. 454. Barthol. de lib. legend. 1671. in-8°. et Francof. 1711. in-12. Hodannus, dissert. de lib. leg. Hanov. 1705. in-8°. Sacchinus, de ratione libros cum profectu legendi. Lips. 1711. Baillet, jugement des Savants sur les principaux ouvrages des auteurs, tome I. Buddeus, de criteriis boni libri. Jenae 1714. Saalbach, schediasma, de lib. veterum, griphis. 1705. in-4°. Fabricius, bibl. ant. c. xix. part. VII. p. 607. Reimman, idea system. antiq. litter. pag. 229 et suiv. Gab. Putherbeus, de tollendis et expurgandis malis libris, Paris. 1549. in-8°. Struvius, lib. cit. c. VIIIe p. 694 et suiv. Théophil. Raynaud, cromata de bonis et malis libris, Lyon 1683. in-4°. Morhof, poly-histor. litter. l. I. c. xxxvj. n. 28. p. 117. Schufner, dissert. acad. de multitud. libror. Jenae, 1702 in-4°. Lauffer, dissert. advers. nimiam libr. multitud. Voyez aussi le journal des savants, tome XV, pag. 572. chr. got. Schwartz, de or. lib. apud veter. Lips. 1705 et 1707. Reimm. idea system. ant. litter. p. 335. Crenius, de libr. scriptor. optimis et utilis. Lugd. Batav. 1704. in-8°, dont on a donné un extrait dans les acta erudit. Lips. ann. 1704. p. 526 et suiv. On peut aussi consulter divers autres auteurs qui ont écrit sur la même matière.

Censeur de livres. Voyez CENSEUR.

Privileges de livres. Voyez PRIVILEGE.

Le mot livres signifie particulièrement une division ou section de volume. Voyez SECTION. Ainsi l'on dit le livre de la genese, le premier livre des rais, les cinq livres de Moïse qui sont autant de parties de l'ancien testament. Le premier, le second, le vingtième, le trentième livre de l'histoire de M. de Thou. Le digeste contient cinquante livres, et le code en renferme douze. On divise ordinairement un livre en chapitres, et quelquefois en sections ou en paragraphes. Les écrivains exacts citent les chapitres et les livres. On se sert aussi du mot livre, pour exprimer un catalogue qui renferme le nom de plusieurs personnes. Tels étaient parmi les anciens les livres des censeurs, libri censorii. C'étaient des tables ou registres qui contenaient les noms des citoyens dont on avait fait le dénombrement, et particulièrement sous Auguste. Tertullien nous apprend que dans ce livre censorial d'Auguste, on trouvait le nom de Jesus-Christ. Voyez Tertull. contr. marcion. lib. IV. cap. VIIe de censu Augusti quem testem fidelissimum dominicae nativitatis romana archiva custodiunt. Voyez aussi Lomeier de bibliot. p. 104. Pitisc. l. ant. tom. 2. p. 84. et le mot DENOMBREMENT.

LIVRE, en terme de Commerce, signifie les différents registres dans lesquels les marchands tiennent leurs comptes. Voyez COMPTE. On dit, les livres d'un tel négociant sont en bon ordre. Effectivement les commerçans ne pourraient savoir l'état de leurs affaires, s'ils ne tenaient de pareils livres, et d'ailleurs ils y sont obligés par les lais. Mais ils en font plus ou moins d'usage, à proportion du détail plus ou moins grand de leur débit, ou selon la diverse exactitude que demande leur commerce. Voyez Savari, Dict. de Commerc. tom. II. p. 569. au mot LIVRE.

Les anciens avaient aussi leurs livres de comptes, témoin le codex accepti et expensi, dont il est si souvent fait mention dans les écrivains romains ; et leurs livres patrimoniaux, libri patrimoniorum, qui contenaient le détail de leurs rentes, terres, esclaves, troupeaux, du produit qu'ils en retiraient, des mises et frais que tout cela exigeait.

Quant aux livres de compte des négociants, pour mieux concevoir la manière de tenir ce livre, il faut observer que quand une partie a un grand nombre d'articles, il faut en avoir un état séparé et distinct du grand livre. Il faut que cet état séparé soit conforme en tout à celui du grand livre, tant pour les dettes que pour les créances ; que tous les articles portés sur l'un, soient portés sur l'autre, et dans les mêmes termes ; et continuer par la suite, jusqu'à-ce que le compte soit soldé ; de porter toutes les semaines les nouveaux articles du petit état sur le grand livre, observant de dater tous les articles. Cette attention est nécessaire pour parvenir au balancé du compte total. Au moyen de quoi on trouve tous les articles concernant la même partie ; attendu qu'ils se trouvent tous portés de suite sur le grand livre, dont il est d'usage d'employer toujours le même folio au même compte, et de ne point passer au second, que ce premier ne soit rempli. Voyez Savar. liv. cit. p. 571. et seq. Malc. c. IIe sect. IIe p. 54.

Le livre d'envoi est celui qu'on tient séparément, pour éviter les ratures fréquentes qu'il faudrait faire sur le journal, si on y portait confusément tous les articles reçus, envoyés ou vendus. Ce registre particulier fait aussi qu'on trouve plus aisément qu'on ne ferait dans le grand livre. Or les envois qu'on porte sur ce registre, sont de marchandises achetées et envoyées pour le compte d'un autre, de marchandises vendues par commission, de marchandises envoyées pour être vendues pour notre compte, de marchandises vendues en société, dont nous avons la direction, ou dont d'autres l'ont.

Ce livre contient article par article, dans l'ordre qu'ils ont été fournis, un état de toutes les marchandises qu'un marchand embarque ou pour son compte, ou en qualité de commissionnaire pour celui d'un autre, conforme au connaissement, et de tous les frais faits jusqu'à l'embarquement.

En ce cas, le livre d'envoi n'est qu'une copie de ce qui est écrit sur le grand livre. Après avoir daté ou énoncé l'envoi de cette manière : embarqué sur tel vaisseau, partant pour tel endroit, les marchandises suivantes, consignées à N. pour notre compte ou par mon ordre, à N. ou bien on le commence par ces mots : envoi des marchandises embarquées, etc. Voyez Malc. loco suprà citato, cap. IIe sect. IIIe p. 62.

Le livre d'un facteur ou courtier est celui sur lequel il tient un état des marchandises qu'il a reçues d'autres personnes pour les vendre, et de l'emploi qu'il en a fait. Ce livre doit être chiffré et distingué par folio, comme le grand livre. A gauche est écrit dans un style énonciatif, simple, un état des marchandises reçues, et des charges et conditions ; et à droite, celui de la vente et de l'emploi desdites marchandises ; en sorte que ceci n'est qu'une copie du compte d'emploi des marchandises porté au grand livre. Si le marchand fait peu de commissions, il peut se passer d'avoir un livre exprès pour cette partie. Voyez Malc. loc. cit. p. 63. Savar. p. 575.

Livre de comptes courants, contient comme le grand livre, un état des dettes tant actives que passives, et sert pour régler avec ses correspondants, avant de porter la clôture de leurs comptes sur le grand livre. C'est proprement un duplicata des comptes courants, qu'on garde pour y avoir recours dans le besoin.

Livre d'acceptations est celui sur lequel sont enregistrées toutes les lettres de change dont on a été prévenu par des lettres d'avis de la part de ses correspondants, à l'effet de savoir lorsqu'il se présentera des lettres de change, si l'on a des ordres pour les accepter ou non. Quand on prend le parti de ne point accepter une lettre de change, on met à côté de l'article où elle est couchée, un P, qui veut dire protestée ; si au contraire on l'accepte, on met à côté de l'article un A, ajoutant la date du jour de l'acceptation ; et lorsqu'on a transporté cet article sur le livre des dettes, on l'efface sur celui-ci.

Livre de remise, est celui sur lequel on enregistre les lettres de change qu'on envoie à ses correspondants, pour en tirer le montant. Si elles ont été protestées faute d'acceptation, et qu'elles soient revenues à celui qui les avait envoyées, on en fait mention à côté de chaque article, en ajoutant un P en marge, et la date du jour qu'elles sont revenues. Dans la suite on les raye.

Les livres d'acceptation et de remise ont tant de rapport l'un à l'autre, que bien des marchands n'en font qu'un des deux qu'ils chargent en dettes et en remises, mettant les acceptations du côté des dettes, et les remises du côté des créances.

Livre de dépense, est un état des petites dépenses et achats pour les usages domestiques, dont on fait le total à la fin de chaque mois, pour le porter sur un livre consacré à cet usage. Voyez Savary, p. 577.

Ce livre joint aux différents livres particuliers de commerce, sert à marquer la perte ou le profit qu'on a fait. Il faut placer seuls les articles considérables ; mais pour les petits articles de dépense journalière, on peut n'en mettre que les montants, quoique dans le fond chacun détaille plus ou moins les articles selon qu'il lui plait. Ce qu'il faut seulement observer ici, qu'à mesure que les articles de ce livre sont soldés, il faut les porter sur un registre particulier, et ce qui en résulte de profit ou de perte sur le grand livre. Voyez Malc. loc. cit. p. 54.

Livre des marchandises. Ce livre est nécessaire pour savoir ce qui est entré dans le magasin, ce qui en est sorti, et ce qui y est encore. A gauche on détaille la quantité, la qualité, et le nombre ou la marque de chacune des marchandises qui y est entrée ; et à droite, vis-à-vis de chaque article, ce qui en est sorti de chacun, de cette manière :

Livre par mois. Ce livre est chiffré par folio, comme le grand livre, et partagé en plusieurs espaces, en tête de chacun desquels est le nom d'un des mois de l'année, en suivant l'ordre naturel, laissant pour chaque mois autant d'espace que vous jugerez nécessaire. A gauche vous mettrez les payements qui vous doivent être faits dans le mois, et à droite, ceux que vous avez à faire. Vous réserverez à gauche de chaque page une colonne où vous écrirez le jour du payement, et ensuite le nom du débiteur ou créancier, et vous mettrez la somme dans les colonnes à argent. Voyez Malc. p. 64.

Livre de vaisseaux. On en tient un particulier pour chaque vaisseau, qui contient un état des dettes et des créances. Dans la colonne des dettes on met l'avitaillement, l'équipement du vaisseau, et les gages des matelots. Du côté des créances, tout ce que le vaisseau a produit par le fret ou autrement. Ensuite après avoir fait un total de l'une et de l'autre, pour balancer le compte de chaque vaisseau, on le porte sur le journal.

Livre des ouvriers, est un livre que tiennent les directeurs de manufactures qui ont un grand nombre d'ouvrages dans les mains. On y tient un état de dettes et créances pour chaque ouvrier. Sous la colonne des dettes on met les matières qu'on lui a fournies, et sous celle des créances, les ouvrages qu'il a rendus.

Livre de cargaison, ou plus communément livre de bord, est celui qui est tenu par le secrétaire ou commis du vaisseau, et qui contient un état de toutes les marchandises que porte le vaisseau, pour transporter, vendre ou échanger ; le tout conforme à ce qui est porté sur les lettres de cargaison. Voyez Savar. D. Comm. suppl. p. 965. au mot LIVRE.

Livre de banque. Ce livre est nécessaire dans les villes où il y a banque, comme Venise, Amsterdam, Hambourg, et Londres. On y tient un état des sommes qui ont été payées à la banque, ou de celles qu'on en a reçues.

Livre, sans y ajouter rien de plus, signifie ordinairement le grand livre, quelquefois le journal. C'est en ce sens qu'il faut le prendre, lorsqu'on dit : J'ai porté cette somme sur mon livre ; je vous donnerai un extrait de mon livre, etc. Voyez Savary, Dict. de comm. tom. II. p. 569. au mot LIVRE.

On appelle en Angleterre, livre de tarif, un livre qui se garde au parlement, dans lequel on voit sur quel pied les différentes marchandises doivent être taxées à la douanne. Celui qui a force de loi, a été fait l'an 12 de Charles II. et est souscrit par messire Harbottle Grimstone, pour lors président de la chambre des communes. Il y en a cependant un second qu'on ne laisse pas de suivre dans l'usage, quoiqu'il ne soit pas expressément contenu dans le premier, souscrit l'an 11 du règne de Georges I. par le chevalier Spencer Compton, pour lors président de la chambre des communes.

LIVRES, (Commerce) au pluriel s'entend en termes de commerce, de tous les registres sur lesquels les négociants, marchands et banquiers écrivent par ordre, soit en gros, soit en détail, toutes les affaires de leur négoce, et même leurs affaires domestiques qui y ont rapport.

Les marchands ne peuvent absolument se passer de ces livres ; et en France, ils sont obligés par les ordonnances d'en avoir, mais ils en ont besoin de plus ou de moins, selon la qualité du négoce et la quantité des affaires qu'ils font, ou selon la manière dont ils veulent tenir leurs livres. On les tient ou en parties doubles, ou en parties simples. Presque tous les auteurs conviennent que ce sont les Italiens, et particuliérement les Vénitiens, les Génois et les Florentins qui ont enseignés aux autres nations la manière de tenir les livres en parties doubles.

Pour tenir les livres en parties simples, ce qui ne convient guère qu'à des merciers ou de petits marchands qui n'ont guère d'affaires ; il suffit d'un journal et d'un grand livre, pour écrire les articles de suite, et à mesure que les affaires fournissent. Mais pour les gros négociants qui tiennent leurs livres à parties doubles, il leur en faut plusieurs, dont nous allons rapporter le nombre, et expliquer l'usage.

Les trois principaux livres pour les parties doubles, sont le mémorial, que l'on nomme aussi brouillon et quelquefois brouillard, le journal, et le grand livre, qu'on appelle autrement livre d'extrait ou livre de raison.

Outre ces trois livres, dont un négociant ne peut se passer, il y en a encore jusqu'à treize autres, qu'on nomme livres d'aides ou livres auxiliaires, dont on ne se sert qu'à proportion des affaires qu'on fait, ou selon le commerce dont on se mêle. Ces treize livres sont :

Le livre de caisse et de bordereaux.

Le livre des échéances, qu'on nomme aussi livre des mois, livre des notes ou d'annotations, ou des payements ou quelquefois carnet.

Le livre des numeros.

Le livre des factures.

Le livre des comptes courants.

Le livre des commissions, ordres, ou avis.

Le livre des acceptations ou des traites.

Le livre des remises.

Le livre des dépenses.

Le livre des copies de lettres.

Le livre des ports-de-lettres.

Le livre des vaisseaux.

Le livre des ouvriers.

A ces treize qui pourtant peuvent suffire, on peut en ajouter d'autres, suivant la nature du commerce ou la multiplicité des affaires.

LIVRE MEMORIAL. Ce livre est ainsi nommé, à cause qu'il sert de mémoire ; on l'appelle aussi livre brouillon ou livre brouillard, parce que toutes les affaires du négoce s'y trouvent comme mêlées confusément, et pour ainsi dire, mêlées ensemble. Le livre mémorial est le premier de tous, et celui duquel se tire ensuite tout ce qui compose les autres, aussi ne peut-on le tenir avec trop d'exactitude et de netteté, surtout parce qu'on y a recours dans les contestations qui peuvent survenir pour cause de commerce.

Le livre mémorial peut se tenir en deux manières : la première, en écrivant simplement les affaires à mesure qu'elles se font, comme acheté d'un tel, vendu à un tel, payé à un tel, prêté telle somme, etc. La seconde manière de le tenir, est en débitant et créditant tout-d'un-coup chaque article : on estime celle-ci la meilleure, parce que formant d'abord une espèce de journal, elle épargne la peine d'en faire un autre.

Quelques-uns, pour plus d'exactitude, divisent le livre mémorial en quatre autres, qui sont le livre d'achat, le livre de vente, le livre de caisse et le livre de notes. Des négociants qui suivent cet ordre, les uns portent d'abord les articles de ces quatre livres sur le grand livre, sans faire de journal ; et les autres, en mettant ces quatre livres au net, en font leur journal, dont ils portent ensuite les articles sur le grand livre.

LIVRE JOURNAL. Le nom de ce livre fait assez entendre qu'on y écrit jour par jour toutes les affaires, à mesure qu'elles se font.

Chaque article qu'on porte sur ce livre, doit être composé de sept parties, qui sont la date, le débiteur, le créancier, la somme, la quantité et qualité, l'action ou comment payable, et le prix.

Ordinairement ce livre est un registre in-folio de cinq à six mains de papier, numeroté et réglé d'une ligne du côté de la marge, et de trois de l'autre pour y tirer les sommes.

C'est du livre journal dont l'ordonnance du mois de Mars 1673 entend parler, lorsqu'elle prescrit au tit. III. art. 1. 3. et 5. que les négociants et marchands, tant en gros qu'en détail, aient un livre qui contienne tout leur négoce, leurs lettres de change, leurs dettes actives et passives, etc. et c'est aussi faute de tenir ce livre et de le représenter, que les négociants, lors des faillites, peuvent être réputés banqueroutiers frauduleux, et en conséquence poursuivis extraordinairement, et condamnés aux peines portées au tit. XI. art. 11. et 12. de la même ordonnance.

Modele d'un article du livre journal.

LIVRE GRAND. Ce livre, outre ce nom qui lui vient de ce qu'il est le plus grand de tous les livres dont se servent les négociants, en a encore deux autres, savoir livre d'extrait et livre de raison. On l'appelle livre d'extrait, à cause qu'on y porte tous les articles extraits du livre journal ; et livre de raison, parce qu'il rend raison à celui qui le tient de toutes ses affaires.

Sa forme est d'un très-gros volume in-folio, composé de plusieurs mains plus ou moins de papier très-fort, très-large et très-grand ; chaque page se règle à six lignes, deux du côté de la marge, et quatre du côté des sommes.

C'est sur ce livre qu'on forme tous les comptes en débit et crédit, dont on trouve les sujets par le livre journal. Pour former chaque compte, il faut se servir de deux pages qui, au folio où l'on veut le mettre, se trouvent opposées l'une à l'autre. La page à gauche sert pour le débit, et la page à droite pour le crédit : le débit se marque par le mot doit, que l'on met après le nom du débiteur, et le crédit par le mot avoir.

Chaque article doit être composé de cinq parties ou membres, qui sont : 1°. la date : 2°. celui à qui on débite le compte, ou par qui on le crédite : 3°. le sujet, c'est-à-dire pourquoi on le débite, ou crédite : 4°. le folio de rencontre ; et enfin 5°. la somme ou le montant de l'article.

Deux exemples, l'un d'un article de débit, l'autre d'un article de crédit, feront mieux connaître la forme et l'usage de ce livre.

Exemple d'un article en débit.

Exemple d'un article en crédit.

Pour faciliter l'usage du grand livre, on fait aussi un livre d'alphabet, que l'on nomme aussi table, index et repertoire. Cette table se forme d'autant de feuillets de papier qu'il y a de lettres dans l'alphabet commun, c'est-à-dire vingt-quatre, sur l'extrémité de chaque feuillet découpé en diminuant, on met en gros caractères une des lettres dans leur ordre naturel, et sur chaque feuillet ainsi marqué l'on écrit, soit la première lettre du nom, soit celle du surnom des personnes avec qui l'on a compte ouvert, avec le folio du grand livre où le compte est débité et crédité, de sorte que l'on trouve avec beaucoup de facilité les endroits du grand livre dont on a besoin.

Cet alphabet n'est guère nécessaire que pour les gros marchands ; car, pour ceux qui ne font qu'un négoce médiocre, une simple table sur les deux premiers feuillets du grand livre leur suffit. Ce qui doit aussi s'observer dans tous les autres livres dont on se sert dans le commerce.

LIVRE DE CAISSE ET DE BORDEREAUX. C'est le premier et le plus important des treize livres, qu'on nomme livres d'aide, ou livres auxiliaires. On l'appelle livre de caisse, parce qu'il contient en débit et crédit tout ce qui entre d'argent dans la caisse d'un négociant, et tout ce qui en sort ; et livre de bordereaux, à cause que les espèces de monnaie qui sont entrées dans la caisse, ou qui en sont sorties, y sont détaillées par bordereaux. Voyez BORDEREAU.

Sur ce livre que le marchand tient ou par lui même, ou par un caissier ou commis, s'écrivent toutes les sommes qui se reçoivent et se paient journellement ; la recette du côté du débit, en marquant de qui on a reçu, pour quoi, pour qui, et en quelles espèces, et la dépense du côté du crédit, en faisant aussi mention des espèces, des raisons du payement, et de ceux pour qui et à qui on l'a fait.

Le titre de ce livre se met en la manière qui suit. Tous les autres livres, en changeant seulement le nom, ont aussi leur titre de même.

Livre de Caisse et de Bordereaux.

Les articles du débit et crédit se forment suivant les modèles ci-après.

Article en débit qui doit être à la page à gauche.

Article en crédit qui doit être vis-à-vis de celui ci-dessus, à la page à droite.

LIVRE DES ECHEANCES, que l'on nomme aussi livre des mois ou payements, carnet ou bilan, et quelquefois livre d'annotation ou de notes.

C'est un livre dans lequel on écrit le jour de l'échéance de toutes les sommes que l'on a à payer ou à recevoir, soit par lettres de change, billets, marchandises, ou autrement, afin qu'en comparant les recettes et les payements, on puisse pourvoir à temps aux fonds pour les payements, en faisant recevoir les billets et les lettres échues, ou en prenant d'ailleurs ses précautions de bonne heure. Deux modèles suffiront pour faire comprendre toute la forme et tout l'usage de ce livre : il faut seulement observer qu'il se dresse de la même manière que le grand livre, c'est-à-dire sur deux pages qui sont opposées l'une à l'autre ; que ce qui est à recevoir se met à la page à gauche, et ce qui est à payer s'écrit à la page à droite.

Modele de la page à gauche, pour ce qui est à recevoir.

Modele de la page à droite, pour ce qui est à payer.

LIVRE DES NUMEROS. Ce livre se tient pour connaître facilement toutes les marchandises qui entrent dans un magasin, qui en sortent ou qui y restent. Sa forme est ordinairement longue et étroite comme d'une demi-feuille de papier pliée en deux dans sa longueur : chaque page est divisée par des lignes transversales et parallèles, éloignées les unes des autres d'environ un pouce, et réglées de deux autres lignes de haut en-bas, l'une à la marge et l'autre du côté des sommes.

Pour chaque intervalle des carrés longs que forment ces lignes, on écrit dans la page à gauche le volume des marchandises ; c'est-à-dire, si c'est une balle, une caisse ou un tonneau, ou leur qualité, comme poivre, gérofle, miel, savon, etc. et leur poids ou leur quantité ; et vis-à-vis du côté de la marge, les numeros qui sont marqués sur les balles, caisses ou tonneaux qu'on a reçus dans le magasin.

A la page droite, on suit le même ordre pour la décharge des marchandises qui sortent du magasin, en mettant vis-à-vis de chaque article de la gauche d'abord à la marge la date des jours que les marchandises sont sorties du magasin, et dans le carré long le nom de ceux à qui elles ont été vendues ou envoyées. En voici deux modèles, l'un de la page gauche, l'autre de la page à droite.

LIVRE DES FACTURES. On tient ce livre pour ne pas embarrasser le livre journal de quantité de factures, qui sont inévitables en dressant les comptes ou factures de diverses marchandises reçues, envoyées ou vendues, où l'on est obligé d'entrer dans un grand détail. Les factures qu'on doit porter sur ce livre, sont les factures des marchandises que l'on achète, et que l'on envoie pour le compte d'autrui.

Celle des marchandises que l'on vend par commission.

Les factures des marchandises que l'on envoie en quelque lieu pour être vendues pour notre compte.

Celles des marchandises qui sont en société, dont nous avons la direction.

Les factures des marchandises qui sont en société, dont d'autres ont la direction.

Enfin, tous les comptes qu'on ne termine pas sur le champ, et qu'on ne veut pas ouvrir sur le grand livre.

LIVRE DES COMPTES COURANS. Ce livre se tient en débit et crédit de même que le grand livre. Il sert à dresser les comptes qui sont envoyés aux correspondants pour les régler de concert avec eux, avant que de les solder sur le grand livre ; et c'est proprement un double des comptes courants qu'on garde pour y avoir recours en cas de multiplicité.

LIVRE DES COMMISSIONS, ordres ou avis. On écrit sur ce livre toutes les commissions, ordres ou avis que l'on reçoit de ses correspondants.

Les marges de ce livre doivent être très-larges pour y pouvoir mettre vis-à-vis de chaque article les notes nécessaires concernant leur exécution. Quelques-uns se contentent de rayer les articles quand ils ont été exécutés.

LIVRE DES ACCEPTATIONS ou DES TRAITES. Ce livre est destiné à enregistrer toutes les lettres de change que les correspondants marquent par leurs lettres missives ou d'avis qu'ils ont tirées sur nous, et cet enregistrement se fait afin que l'on puisse être en état de connaître à la présentation des lettres, si l'on a ordre de les accepter ou non. Si on les accepte, on met sur le livre des acceptations, à côté de l'article, un A qui veut dire accepté ; si au contraire on ne les accepte pas, on met un A et un P, qui signifie à protester. Voyez ACCEPTATION et PROTEST.

LIVRE DES REMISES. C'est un livre qui sert à enregistrer toutes les lettres de change à mesure que les correspondants les remettent pour en exiger le payement. Si elles sont protestées faute d'acceptation, et renvoyées à ceux qui en ont fait les remises, il en faut faire mention à côté des articles, en mettant un P en marge et la date du jour qu'elles ont été renvoyées, puis les barrer ; mais si ces lettres sont acceptées, on met un A à côté des articles et la date des acceptations, si elles sont à quelques jours de vue.

LIVRE DE DEPENSE. C'est le livre où se mettent en détail toutes les menues dépenses qu'on sait, soit pour son ménage, soit pour son commerce, et dont au bout de chaque mois on fait un total, pour en former un article sur le mémorial ou journal.

LIVRE DES COPIES DE LETTRES. Ce livre sert à conserver des copies de toutes les lettres d'affaires qu'on écrit à ses correspondants, afin de pouvoir savoir avec exactitude, et lorsqu'on en a besoin, ce qu'on leur a écrit, et les ordres qu'on leur a donnés.

LIVRES DE PORTS DE LETTRES. C'est un petit registre long et étroit, sur lequel on ouvre des comptes particuliers à chacun de ses correspondants pour les ports de lettres qu'on a payés pour eux, et que l'on solde ensuite quand on le juge à propos, afin d'en porter le total à leur débit.

LIVRE DES VAISSEAUX. Ce livre se tient en débit et crédit, en donnant un compte à chaque vaisseau. Dans le débit se mettent les frais d'avitaillement, mises hors, gages, etc. et dans le crédit tout ce que le vaisseau a produit, soit pour fret, soit autrement, et ensuite le total de l'un et de l'autre se porte sur le journal en débitant et créditant le vaisseau.

LIVRE DES OUVRIERS. Ce livre est particulièrement en usage chez les marchands qui font fabriquer des étoffes et autres marchandises. Il se tient en débit et en crédit pour chaque ouvrier qu'on fait travailler. Dans le débit, on met les matières qu'on leur donne à fabriquer, et dans le crédit, les ouvrages qu'ils rapportent après les avoir fabriquées.

Outre tous ces livres, il y a des villes, comme Venise, Hambourg, Amsterdam, dont les marchands, à cause des banques publiques qui y sont ouvertes, ont encore besoin d'un livre de banque, qui se tient en débit et en crédit, et sur lequel ils mettent les sommes que leur paye ou que leur doit la banque ; et c'est par ce secours qu'il leur est facîle en très-peu de temps de savoir en quel état ils sont avec la banque, c'est-à-dire quel fonds ils peuvent y avoir.

Tous ces livres ou écritures se tiennent presque de la même manière pour le fond dans les principales villes de commerce de l'Europe, mais non pas par rapport aux monnaies, chacun se réglant à cet égard sur celles qui ont cours dans les états où il se trouve établi.

En France, les livres de marchands et banquiers se tiennent par livres, sols et deniers tournois, la livre valant vingt sols, et le sol douze deniers

En Hollande, Flandre, Zélande et Brabant, ils se tiennent par livres, sols et deniers de gros, que l'on somme par vingt et par douze, parce que la livre vaut vingt sols, et le sol douze deniers.

On les tient encore dans ces mêmes pays par florins, patars et penings, que l'on somme par vingt et par seize, à cause que le florin vaut vingt patars, et le patar seize penings. La livre de gros vaut six florins, et le sol de gros vaut six patars, en sorte que le florin vaut quarante deniers de gros, et le patar deux deniers de gros.

A Bergame les livres des banquiers, marchands, etc. se tiennent par livres, sols et deniers, qui se somment par vingt et par douze, parce que la livre vaut vingt sols, et le sol douze deniers, que l'on réduit ensuite en ducats de sept livres de Bergame.

A Boulogne en Italie, ils se tiennent de même par livres, sols et deniers, que l'on somme de même, et dont on fait la réduction en écus de quatre-vingt-cinq sols de Boulogne.

A Dantzic et dans toute la Pologne, ils se tiennent par richedales, gros ou grochs et deniers, qu'on somme par quatre-vingt-dix et par douze, parce que la richedale vaut quatre-vingt-dix gros, et le gros douze deniers.

On les tient aussi dans les mêmes pays par florins, gros et deniers, qui se somment par soixante et par douze, le florin valant soixante gros, et le gros douze deniers. Ils s'y tiennent encore par livres, gros et deniers, que l'on somme par trente et par douze, attendu que la livre vaut trente gros, et le gros douze deniers.

A Francfort, à Nuremberg, et presque dans toute l'Allemagne, ils se tiennent par florins, creutzer et penings ou phenings courants, que l'on somme par soixante et par huit, parce que le florin vaut soixante creutzers, et le creutzer huit penings.

On les tient encore à Francfort par florins de change, qui se somment par soixante et cinq et par huit, parce que le florin vaut soixante-cinq creutzers, et le creutzer huit penings.

A Gènes, ils se tiennent par livres, sols et deniers, qui se somment comme en France, et qui se réduisent ensuite en piastres de quatre-vingt-seize sols.

A Hambourg, on les tient par marcs, sols et deniers lubs, que l'on somme par seize et par douze, le marc valant seize sols, et le sol douze deniers lubs. On les y tient encore de la même manière qu'en Hollande.

A Lisbonne, ils se tiennent par raies, qui se distinguent par des virgules de centaine en centaine de droite à gauche, que l'on réduit en mille raies, dont chacune de ces mille font une demi-pistole d'Espagne.

A Florence en écus, sols et deniers d'or, l'écu valant sept livres dix sols, et le sol douze deniers.

A Livourne, on les tient par livres, sols et deniers, que l'on somme par vingt et par douze, la livre y valant vingt sols, et le sol douze deniers, qu'on réduit en piastres de six livres.

En Angleterre, Ecosse et Irlande, la manière de tenir les livres est par livres, sols et deniers sterlings, qu'on somme par vingt et par douze, la livre valant vingt sols, et le sol douze deniers sterlings.

A Madrid, à Cadix, à Séville et dans toute l'Espagne, ils se tiennent par maravedis, dont les 375 font le ducat, qui se distinguent par des virgules de gauche à droite, ou par réaux de plate et pièces de huit, dont trente-quatre maravedis font la réale, et huit réaux valent une pièce de huit, ou piastre, ou réale de deux cent soixante et douze maravedis.

A Messine, à Palerme et dans toute la Sicile, on tient les livres par onces, tarins, grains et picolis, que l'on somme par trente, par vingt et par six, parce que trente tarins font une once, vingt grains un tarin, et six picolis font un grain.

A Milan, ils se tiennent par livres, sols et deniers, qu'on somme par vingt et par douze, la livre valant vingt sols, et le sol douze deniers.

A Rome, on les tient par livres, sols et deniers d'or d'estampe, que l'on somme par vingt et par douze, parce que la livre vaut vingt sols, et le sol douze deniers d'estampe.

A Venise, par ducats et gros de banque, dont les vingt-quatre gros font un ducat, ce qui se pratique particulièrement pour la banque. On les y tient aussi par livres, sols et deniers de gros, qui se somment par vingt et par douze, parce que vingt sols font la livre, et douze gros le sol. Il faut remarquer que de cette seconde manière la livre de gros vaut dix ducats. Dans la même ville, on tient encore les livres par ducats courants, qui diffèrent de vingt pour cent des ducats de banque.

A Augsbourg, en talers et en creutzers ; le taler de quatrevingt dix creutzers, et le creutzer de huit penings.

A Bolzam comme à Augsbourg, et encore en florins et en creutzers, le florin de soixante creutzers.

A Naumbourg, en richedales, gros et fenins, la richedale de vingt-quatre gros, le gros de douze fenins.

A Genève, en livres, sols et deniers, et aussi en florins. En Savoie comme à Genève.

A Raconis, en florins et en gros.

En Suisse, en florins, creutzers et penings.

A Ancone, en écus, sols, et deniers, l'écu valant vingt sols et le sol douze deniers.

A Luques, en livres, sols et deniers : on les y tient aussi en écus de 7 livres 10 sols.

A Nove, en écus, sols et deniers d'or de marc, l'écu d'or de marc valant vingt sols.

A Malte, en tarins, carlins et grains ; ils s'y tiennent encore en sequins ou, comme parlent les Maltais, en dieli-tarini.

Dans les échelles du Levant et dans tous les états du grand-seigneur, en piastres, abouquels et en aspres.

En Hongrie, en hongres et demi-hongres d'or.

A Strasbourg, en florins, creutzers et penings monnaie d'Alsace.

A Berlin et dans une partie des états du roi de Prusse, en richedales, en grochs et aussi en florins.

En Suède, en dalles d'argent et en dalles de cuivre.

En Danemark, en richedales, en ors et en schellings.

Enfin en Moscovie, en roubles, en altins et en grifs ou grives. Voyez toutes ces différentes monnaies, leur valeur et leur rapport avec les nôtres, ou sous leur titre particulier, ou à l'article MONNOIE.

LIVRE DE BORD, ce sont les registres que les capitaines ou les maîtres des vaisseaux marchands doivent tenir ou faire tenir par leur écrivain, sur lesquels ils sont obligés d'enregistrer le chargement de leurs vaisseaux, c'est-à-dire la quantité, la qualité, la destination et autres circonstances des marchandises qui composent leur cargaison.

Ces livres, avec les connaissements, chartes parties et autres semblables papiers et expéditions, sont ce qu'on appelle les écritures d'un navire marchand, que les capitaines ou maîtres des vaisseaux sont tenus, par l'ordonnance de Février 1687, de communiquer aux commis du bureau le plus prochain du lieu où ils ont relâché, pour y justifier de la destination de leurs marchandises. Voyez CONNOISSEMENT ; CHARTE-PARTIE, ÉCRITURES.

LIVRE DE SOUBORD, terme de commerce de mer, c'est un des livres que tient l'écrivain d'un navire marchand, dans lequel il enregistre toutes les marchandises qui composent le chargement du bâtiment, soit pour le simple fret, soit pour être vendues ou troquées à mesure que la vente s'en fait dans les lieux de leur destination, ou qu'on les délivre à leur adresse : le tout suivant ce qu'il est spécifié dans le connaissement du capitaine ou du maître de navire.

L'ordre de ce livre est de mettre à part toutes les marchandises qui doivent être vendues, chacune suivant les endroits où la traite s'en doit faire, et pareillement à part toutes celles qu'on ne prend qu'à fret, aussi chacunes suivant les personnes et les lieux à qui elles sont adressées.

Il y a ordinairement à chaque page de ce livre deux colonnes à gauche et trois à droite. Dans la première à gauche on met la marque du ballot ou de la caisse, et dans la seconde, son numéro : vis-à-vis, on écrit le lieu où se doit faire la traite, avec les marchandises qui y sont contenues, en observant la même chose pour celles qu'on a à fret : ensuite on porte dans les trois colonnes qui sont à droite les sommes qui ont été reçues, soit pour la vente, soit pour le fret.

On observe pour l'ordinaire de mettre les premières celles qui sont pour la traite, et ensuite celles qui sont pour le fret. Un exemple de quelques articles d'un livre de soubord fera encore mieux connaître la manière de le tenir.

Modele d'un livre de soubord. Livre de soubord des marchandises chargées à la Rochelle le 6 Mars 1724, dans la frégate l'hirondelle, capitaine le sieur Coral, pour, Dieu aidant, les mener et délivrer aux lieux et personnes de leur destination.

Les livres de soubord ne sont proprement regardés que comme des écritures particulières, et ne peuvent avoir la même autorité que les connaissements, chartes-parties, factures, et autres semblables écritures pour justifier du chargement d'un vaisseau, ainsi qu'il a été jugé par un arrêt du conseil d'état du roi du 21 Février 1693. Dictionnaire de Commerce, tome III. p. 167 et suiv.

LIVRE NUMERAIRE, (Monn. Comm.) monnaie fictive de compte reçue chez plusieurs peuples de l'Europe, pour la facilité du calcul et du Commerce.

Les Juifs et les Grecs ont eu, comme nos nations modernes, des monnaies imaginaires, lesquelles ne sont, à proprement parler, que des noms collectifs qui comprennent sous eux un certain nombre de monnaies réelles : c'est ainsi qu'ils se sont servis de la mine et du talent. Les Romains ont inventé le sesterce, et les François se servent de la livre, en quoi ils ont été imités par les Anglais et les Hollandais. Notre livre de compte est composée de vingt sols, qui se divisent chacun par douze deniers, mais nous n'avons point d'espèce qui soit précisément de cette valeur.

Je n'ignore pas qu'il y a eu des monnaies d'or et d'argent réelles, qui ont valu justement une livre ou vingt sols, comme les francs d'or des rois Jean I. et de Charles V. ainsi que les francs d'argent de Henri III. mais ce n'a été que par hasard que ces monnaies ont été de la valeur d'une livre : car dans la suite leur prix est augmenté considérablement, ce qui n'arrive point à la livre numéraire ou fictive : elle ne change jamais de valeur. Depuis le temps de Charlemagne, c'est-à-dire depuis 780 ou environ que nous nous en servons, elle a toujours valu vingt sols et le sol douze deniers ; le prix au contraire de toutes les autres monnaies réelles ne change que trop souvent.

Il est donc vrai de dire que la livre de compte est une monnaie imaginaire, puisque nous n'avons jamais eu d'espèce qui ait toujours valu constamment vingt sols ni douze deniers. Cependant si nous remontons au temps où l'on a commencé en France à compter par livres, nous trouverons que cette monnaie imaginaire doit son origine à une chose réelle.

Il faut savoir à ce sujet que pendant la première et la seconde race de nos rais, on ne se servait point pour peser l'or et l'argent du poids de marc composé de huit onces, mais de la livre romaine qui en pesait douze. Pepin ordonna qu'on taillerait vingt-deux sols dans cette livre de poids d'argent : ce métal étant devenu plus abondant en France par les conquêtes de Charlemagne, ce prince fit faire des sols d'argent plus pesans, et on n'en tailla plus que vingt dans une livre d'argent, c'est-à-dire qu'alors vingt sols pesaient une livre de douze onces, et ce sol se divisait comme le nôtre en douze deniers.

Depuis Charlemagne jusqu'à Philippe I. les sols ont été d'argent, et les vingt pesaient presque toujours une livre de douze onces ou approchant : de sorte qu'alors le sol d'argent pesait 345 grains. Ainsi pendant environ deux siècles, les monnaies de France restèrent sur le pied ou Charlemagne les avait mises ; petit à petit nos rois dans leurs besoins tantôt chargèrent les sols d'alliage, et tantôt en diminuèrent le poids : néanmoins on ne laissa pas de se servir toujours du terme de livre pour exprimer une somme de vingt sols, quoiqu'ils ne pesassent plus à beaucoup près une livre d'argent, ou qu'ils fussent chargés d'alliage. En un mot, par un changement qui est presque la honte des gouvernements de l'Europe, ce sol qui était autrefois ce qu'est à-peu-près un écu d'argent, n'est plus en France qu'une légère pièce de cuivre, avec un douzième d'argent ; et la livre, qui est le signe représentatif de douze onces d'argent, n'est plus que le signe représentatif de vingt de nos sols de cuivre. Le denier qui était la deux cent quarantième partie d'une livre d'argent, n'est plus que le tiers de cette vîle monnaie qu'on appelle un liard. Le marc d'argent, qui sous Philippe Auguste valait cinquante sols, vaut aujourd'hui près de cinquante livres. La même chose est arrivée au prix du marc d'or.

Si donc une ville de France devait à une autre 120 livres de rente, c'est-à-dire 1440 onces d'argent du temps de Charlemagne, elle s'acquitterait présentement de sa dette (supposé que cette manière de s'acquitter ne fit pas un procès) en payant ce que nous appelons un gros écu ou un écu de six livres, qui pese une once d'argent.

La livre numéraire des Anglais et des Hollandais, a moins varié. Une livre sterling d'Angleterre vaut 22 livres de France ; et une livre de gros chez les Hollandais vaut environ 12 livres de France. Ainsi les Hollandais se sont moins écartés que les François de la loi primitive, et les Anglais encore moins.

M. de Voltaire a bien raison d'observer que toutes les fois que l'Histoire nous parle de monnaie sous le nom de livres, nous devons examiner ce que valait la livre au temps et dans le pays dont on parle, et la comparer à la valeur de la nôtre.

Nous devons avoir la même attention en lisant l'histoire grecque et romaine, et ne pas copier nos auteurs qui, pour exprimer en monnaie de France les talents, les mines, les sesterces, se servent toujours de l'évaluation que quelques savants ont faite avant la mort de M. Colbert. " Mais le marc de huit onces qui valait alors 26 livres et 10 sols, vaut aujourd'hui 49 livres 10 sols, ce qui fait une différence de près du double : cette différence, qui a été quelquefois beaucoup plus grande, pourra augmenter ou être réduite. Il faut songer à ces variations, sans quoi on aurait une idée très-fausse des forces des anciens états, de leur commerce, de la paie de leurs troupes, et de toute leur économie ". (D.J.)

LIVRE ROMAINE, libra, (Poids et Mesure) poids d'usage chez les Romains.

Ses parties étaient l'once, qui en faisait la douzième partie ; le sextants, qui pesait deux onces, était la sixième partie de la livre ; le quadrants en pesait trois, et en était le quart : le triens en pesait quatre, et en était le tiers ; le quincunx en pesait cinq ; le semis six, et faisait une demi-livre, le septunx en pesait sept, le bes huit ; le dodrants neuf, le dextants dix, le deunx onze ; enfin l'as pesait douze onces ou une livre.

On ne dispute point sur le sens de tous ces mots latins ; mais ce dont on n'est point assuré, c'est de la valeur de la livre romaine. Les uns y ont compté cent deniers ou cent drachmes, d'autres quatre-vingt-seize, et d'autres enfin quatre-vingt-quatre. Voilà les trois chefs auxquels on peut rapporter les principales évaluations que nos savants ont faites de la livre romaine.

Budé, dans son traité de cette livre romaine (de asse), est le premier qui a cru qu'elle pesait cent drachmes. Cet habîle homme ne manqua pas de graves autorités pour appuyer son sentiment ; et comme les deniers qu'il pesa se trouvèrent la plupart du poids d'un gros, il conclut que la livre qu'il cherchait était égale à douze onces et demie de la livre de Paris ; mais son hypothèse n'a point eu de progrès, parce qu'elle s'est trouvée fondée sur des observations ou peu exactes, ou manifestement contraires à la vérité.

Agricola renversa cette opinion de fond en comble, en prouvant qu'au lieu de cent drachmes il n'en fallait compter que 96 à la livre, ce qu'il établit par une foule d'autorités précises, auprès desquelles celles que Budé avait produites ne purent se soutenir. Tout le monde sentit que la commodité d'employer un nombre entier, peu éloigné du nombre vrai, avait fait négliger aux écrivains allégués par ce savant, une exactitude qui ne leur avait pas paru nécessaire.

Après la chute du système de Budé, les deux autres ont régné successivement dans l'empire littéraire. Pendant près d'un siècle, presque tout le monde a supposé la livre romaine du poids de 96 drachmes ; enfin on s'est persuadé qu'il n'y avait que 84 deniers dans cette livre, et c'est l'hypothèse la plus commune aujourd'hui.

La première preuve qu'on en donne, c'est que Pline et Scribonius Largus ont assuré que la livre romaine était composée de 84 deniers. Celse a dit aussi qu'il y avait 7 deniers à l'once, et l'on apprend de Galien que la même chose avait été avancée par d'anciens médecins, dont il avait Ve les ouvrages. La seconde preuve est qu'on s'est assuré de ce que le conge, mesure d'un demi-pié cubique, pouvait contenir d'eau. Ce vaisseau qui contenait à ce qu'on croit 10 livres ou 120 onces romaines d'eau ou de vin, ne contient que 108 ou 109 onces de la livre de Paris : ainsi l'once de Paris est bien plus forte que celle de Rome n'a pu être, et cela sera vrai si vous ne comptez à la livre romaine que 84 deniers ; mais vous serez obligé de supposer tout le contraire, si vous donnez 96 deniers à cette livre, et 8 deniers à chacune de ses 12 onces ; car les deniers qu'on doit employer ici, et qui ont été frappés au temps de la république, pesent chacun 74 ou 75 grains, c'est-à-dire deux ou trois grains de plus que nous n'en comptons pour un gros.

M. Eisenschmid qui publia en 1708 un traité des poids et des mesures des anciens, est peut-être celui qui a mis ces preuves dans un plus grand jour ; car après avoir déterminé la valeur de l'once romaine à 423 grains de Paris, conformément à l'expérience faite à Rome par M. Auzout pour connaître le poids d'eau que contenait le conge, il a montré qu'en conséquence il était absolument nécessaire de ne compter que 7 deniers consulaires pour une once, puisque chacun de ces deniers était du poids de 74 à 75 grains ; et comme il aurait été un peu dur de contredire ce grand nombre d'anciens qui ont écrit qu'il y avait 8 drachmes ou 8 deniers à l'once, il a remarqué que depuis Néron jusqu'à Septime Sevère, le denier affoibli d'un huitième ne pesa plus que 63 grains qui, multipliés par 8, en donnent 520 : de sorte qu'alors on a pu et même on a dû dire, comme on a fait, qu'il y avait 96 deniers à la livre romaine.

Une autre observation non moins importante du même auteur, c'est qu'encore que tous les anciens aient supposé que la drachme attique et le denier romain étaient du même poids, il y a néanmoins toujours eu une différence assez considérable entre ces deux monnaies, puisque la drachme attique avait un peu plus de 83 grains.

Cependant M. de la Barre, qui présente lui-même cette hypothèse dans toute la force qu'elle peut avoir, la combat savamment dans les mémoires des Inscriptions, et soutient que la livre romaine était composée de 96 deniers, et son once de 8 deniers.

1°. Parce que le conge, qui rempli d'eau contient environ 109 onces de la livre de Paris, ne contenait en poids romains que 100 onces de vin, ce qui montre que l'once romaine était plus forte que la nôtre. Or il y a 8 gros à notre once, et le gros est de trois grains plus faible que n'était le denier romain.

2°. Parce que divers auteurs, qui vivaient avant qu'on eut affoibli à Rome les deniers d'un huitième, ont assuré en termes exprès qu'il y en avait 96 à la livre, et qu'ils n'en ont dit que ce que tout le monde en disait de leur temps.

3°. Parce qu'il y en a d'autres qui ont évalué le talent en livres, après avoir comparé le poids des deniers avec celui des drachmes, et que leur évaluation se trouve vraie en donnant 96 deniers à la livre.

Il faut pourtant convenir que les autorités qu'on rapporte pour donner 84 deniers à la livre romaine au lieu de 96, sont très-fortes. Pline dit positivement que la livre avait 84 deniers ; mais on peut répondre avec M. de la Barre, qu'il parlait de ce qu'on en délivrait à la monnaie pour une livre ; car les officiers des monnaies n'étaient pas tenus de donner une livre pesant de deniers pour une livre de matière : il s'en fallait un huitième, dont sans doute une partie tournait au profit de l'état, et l'autre au profit des monnoyeurs. De plus, Pline vivait dans un temps où l'on affoiblit les deniers d'un huitième, et cependant il marque 8 deniers pour une once, comme on faisait avant lui, et comme font tous nos auteurs quand ils parlent de nos monnaies.

Pour moi voici mon raisonnement sur cette matière : je le tire des faits mêmes, qu'aucune opinion ne peut contester.

Le poids des deniers a varié chez les Romains : le poids de leurs drachmes n'a pas toujours été uniforme à celui de leurs deniers, quoique ces deux mots soient synonymes dans les auteurs : les drachmes ni les deniers n'ont pas toujours été de poids. Tel des anciens a compté sept deniers à l'once, tel autre sept deniers et demi, et tel autre huit. Plusieurs d'entr'eux ont souvent confondu dans leurs ouvrages la livre poids et la livre mesure sans nous en avertir, attendu qu'ils parlaient des choses connues de leur temps, et qu'il ne s'agissait pas d'expliquer aux Boizards à venir. Toutes ces raisons contribuent donc à nous confondre sur l'évaluation des monnaies romaines, parce qu'on ne peut établir aucun système que sur des autorités qui se contredisent. Voilà pourquoi parmi nos savants les uns comptent 100 deniers, d'autres 96, et d'autres 84 à la livre romaine.

Enfin, non-seulement les deniers, les drachmes, les onces, en un mot toutes les parties de la livre en or, en argent et en cuivre, qu'ils ont pris pour base de leurs évaluations en les pesant, n'ont pas toujours eu le même poids sous la république, ni depuis Néron jusqu'à Septime Sevère ; mais dans les pièces mêmes contemporaines et du même consulat, il est arrivé que par l'user ou autres causes, les unes d'un même temps pesent plus et les autres moins. Après cela croyez que vous trouverez fixement ce que la livre romaine contenait de deniers, et allez ensuite déterminer la valeur de cette livre en la comparant avec la livre de Paris. Hélas, nous ne perdons nos plus beaux jours, faute de judiciaire, qu'à de pénibles et de vaines recherches ! (D.J.)

LIVRE, (Commerce) c'est un poids d'un certain rapport, qui sert fort souvent d'étalon, ou de modèle d'évaluation pour déterminer les pesanteurs ou la quantité des corps. Voyez POIDS.

En Angleterre on a deux différentes livres ; le pound-troy, c'est-à-dire, un poids à 12 onces la livre, et le pound-avoir du poids ou la livre avoir du poids.

Le pound troy ou la livre troy consiste en 12 onces, chaque once de 20 deniers pesant, et chaque denier de 24 grains pesant ; de sorte que 480 grains font une once ; et 5760 grains une livre. Voyez ONCE, etc.

On fait usage de ce poids pour peser l'argent, l'or, les pierres précieuses, toutes sortes de grains, etc.

Les apoticaires s'en servent aussi ; mais la division en est différente. Chez eux 24 grains font un scrupule, trois scrupules une dragme, 8 dragmes une once, et 12 onces une livre. Voyez SCRUPULE, etc.

Le pound avoir du poids ou la livre avoir du poids pese 16 onces ; mais alors l'once avoir du poids est plus petite de 42 grains que l'once troy ; ce qui fait à peu près la douzième partie du tout ; de sorte que l'once avoir du poids ne contient que 438 grains, et l'once troy 480.

Leur différence est à peu près celle de 73 à 80, c'est-à-dire, que 73 onces troy font 80 onces avoir du poids, 112 avoir du poids font un cent pesant ou un quintal. Voyez QUINTAL.

On pese avec ce poids toutes les grandes et grosses marchandises, la viande, le beurre, le fromage, le chanvre, le plomb, l'acier, etc.

Une livre avoir du poids vaut 14 onces 5/8 d'une livre de Paris ; de sorte que cent des premières livres n'en font que 91 des secondes.

La livre de France contient 16 onces ; mais une livre de France vaut une livre une once 3/8 d'une livre avoir du poids ; tellement que 100 livres de Paris font 109 livres avoir du poids.

On divise la livre de Paris de deux manières : la première division se fait en deux marcs, le marc en 8 onces, l'once en 8 gros, le gros en 3 deniers, le denier en 24 grains pesant chacun un grain de froment : ainsi la livre a 9216 grains.

La seconde division de la livre se fait en deux demi- livres, la demi- livre en deux quarts, le quart en deux onces, l'once en deux demi-onces, etc.

On se sert ordinairement de la première division, c'est-à-dire, de la division en marcs, etc. pour peser l'or, l'argent et d'autres marchandises précieuses, et l'on fait usage de la seconde pour celles d'une moindre valeur.

A Lyon, la livre est de 14 onces. Cent livres de Paris font 116 livres de Lyon. A Venise, la livre vaut 8 onces 3/4 de la livre de France, etc.

Quant aux différentes livres des différentes villes et pays, leur proportion, leur réduction, leur division : voici ce qu'en a recueilli de plus intéressant M. Savary dans son Dictionnaire de commerce.

A Amsterdam, à Strasbourg et à Besançon, la livre est égale à celle de Paris. A Genève, la livre est de 18 onces, les 100 livres de Genève font à Paris 112 livres 1/2, et les 110 livres de Paris n'en font à Genève que 89. La livre d'Anvers est à Paris 14 onces 1/8, et une livre de Paris est à Anvers une livre 2 onces et 1/8 ; de manière que cent livres d'Anvers font à Paris 88 livres, et que 100 livres de Paris font à Anvers 113 livres 1/2. La livre de Milan est à Paris neuf onces 3/8 ; ainsi 100 livres de Milan font à Paris 65 livres, et 100 livres de Paris font à Milan 169 livres 1/2. Une livre de Messine est à Paris neuf onces 3/4, et une livre de Paris est à Messine une livre 10 onces 1/4, de sorte que 100 livres de Messine font à Paris 61 livres, et que 100 livres de Paris font à Messine 163 livres 3/4. La livre de Boulogne, de Turin, de Modene, de Raconis, de Reggio est à Paris 10 onces 1/2, et une livre de Paris est à Boulogne, etc. une livre 8 onces 1/4 ; de manière que 100 livres de Boulogne, etc. font à Paris 66 livres, et que 100 livres de Paris font à Boulogne, etc. 151 livres 1/2. Une livre de Naples et de Bergame est à Paris 8 onces 3/4, et une livre de Paris est à Naples et à Bergame une livre 11 onces 1/8 ; en sorte que 100 livres de Naples et de Bergame ne font à Paris que 59 livres, et que 100 livres de Paris font à Naples et à Bergame 169 livres 1/2. La livre de Valence et de Saragosse est à Paris 10 onces, et la livre de Paris est à Valence et à Saragosse une livre 9 onces 3/8 ; de façon que 100 livres de Valence et de Saragosse font à Paris 63 livres, et que 100 livres de Paris font à Valence et à Saragosse 158 livres 1/2. Une livre de Gènes et de Tortose est à Paris 9 onces 7/8, et la livre de Paris est à Gènes et à Tortose une livre 9 onces 3/4 ; de manière que 100 livres de Gènes et de Tortose font à Paris 62 livres, et 100 livres de Paris font à Gènes et à Tortose 161 livres 1/4. La livre de Francfort, de Nuremberg, de Bâle, de Berne est à Paris une livre 1/4, et celle de Paris est à Francfort, etc. 15 onces 5/8 ; ainsi 100 livres de Francfort, etc. font à Paris 102 livres, et 110 livres de Paris font à Francfort, etc. 98 livres. Cent livres de Lisbonne font à Paris 87 livres 8 onces un peu plus, et 100 livres de Paris font à Lisbonne 114 livres 8 onces un peu moins ; en sorte que sur ce pied une livre de Lisbonne doit être à Paris 14 onces, et une livre de Paris doit être à Lisbonne une livre 2 onces.

La livre varie ainsi dans la plupart des grandes villes de l'Europe, et dans le Levant : on en peut voir l'évaluation dans le Dictionnaire de comm.

LIVRE signifie aussi une monnaie imaginaire dont on fait usage dans les comptes, qui contient plus ou moins suivant ses différents surnoms et les différents pays où l'on s'en sert. Voyez MONNOIE.

Ainsi l'on dit en Angleterre une livre sterling ; en France une livre tournois et parisis ; en Hollande et en Flandre une livre ou une livre de gros, &c.

Ce mot vient de ce que l'ancienne livre sterling, quoiqu'elle ne contint que 240 sols comme celle d'à-present ; néanmoins chaque sol valant 5 sols d'Angleterre, la livre d'argent pesait une livre-troy. Voyez SOU.

La livre-sterling ou la livre d'Angleterre contient 20 schillings, le schilling 12 sols, le sol 4 liards. Voyez CHELING, SOL, etc. Voyez aussi MONNOIE.

On avait anciennement trois moyens de payer une livre d'argent à l'échiquier. 1°. Le payement d'une livre de numero qui faisait justement le nombre de 20 chelings. 2°. Ad scalum, qui faisait 6 d. plus que 20 chelings. 3°. Ad pensam, ce qui donnait juste le poids de 12 onces.

La livre de France ou la livre tournois contient 20 sols ou chelins, et le sol 12 deniers aussi tournois ; ce qui était la valeur d'une ancienne monnaie de France appelée franc, terme qui est encore synonyme, ou qui signifie la même chose que le mot livre. Voyez FRANC.

La livre ou la livre tournois contient pareillement 20 sols ou chelings, le sol 12 deniers ou sols parisis. Chaque sol parisis vaut 15 deniers tournois ; de sorte qu'une livre parisis vaut 25 sols tournois. Voyez LIVRE.

La livre ou la livre de gros d'Hollande se divise en 20 chelings de gros, le cheling en 12 sols de gros. La livre de gros vaut 6 florins, le florin évalué à 24 sols tournois, supposant le change sur le pied de 100 sols de gros pour un écu de France de 3 livres tournois ; de sorte que la livre de gros revient à 10 chelings et 11 sols et 1 liard sterling. La livre de gros de Flandre et de Brabant a la même division que celle d'Hollande, et contient comme elle 6 florins ; mais le florin vaut 25 sols tournois ; de sorte que la livre de Flandre vaut 7 livres 10 sols tournois, ou 11 chelings 3 deniers sterling ; en supposant le change à 96 deniers de gros pour un an de livres tournois, ce qui est le pair du change : car lorsqu'il augmente ou qu'il diminue, la livre de gros hausse ou baisse suivant l'augmentation ou la diminution du change. Dictionnaire de Commerce. Voyez CHANGE.

Les marchands, les facteurs, les banquiers, etc. se servent de caractères ou de lettres initiales, pour exprimer les différentes sortes de livres de compte, comme L ou L St livres sterling. L G livres de gros, et L ou lt livres tournois.

En Hollande une tonne d'or est estimée 100000 livres. Un million de livres est le tiers d'un million d'écus. On dit que des créanciers sont payés au marc la livre, lorsqu'ils sont colloqués à proportion de ce qui leur est dû. sur des effets mobiliaires, ce qu'on nomme par contribution ; ou lorsqu'en matière hypothécaire ils sont en concurrence ou égalité de privilège, et qu'il y a manque de fonds, ou encore lorsqu'en matière de banqueroute et de déconfiture, il faut qu'ils supportent et partagent la perte totale, chacun en particulier aussi à proportion de son dû. En termes de commerce de mer, on dit livre à livre, au lieu de dire au sol la livre. Dictionnaire de Comm.