S. f. (Architecture) du latin mansio, demeure ; c'est un bâtiment destiné pour l'habitation des hommes, et consiste en un ou plusieurs corps-de-logis.

MAISON ROYALE, tout château avec ses dépendances, appartenant au Roi, comme celui de Versailles, Marli, Saint-Germain-en-Laye, Fontainebleau, Chaisi, Chambor, Compiègne et autres.

MAISON-DE-VILLE, voyez HOTEL-DE-VILLE.

MAISON DE PLAISANCE, est un bâtiment à la campagne, qui est plutôt destiné au plaisir qu'au profit de celui qui le possede. On l'appelle en quelques endroits de France cassine, en Provence bastide, en Italie vigna, en Espagne et en Portugal quinta. C'est ce que les Latins nomment villa, et Vitruve aedes pseudo-urbanae.

MAISON RUSTIQUE. On appelle ainsi tous les bâtiments qui composent une ferme ou une métairie.

MAISON, (Histoire moderne) se dit des personnes et des domestiques qui composent la maison d'un prince ou d'un particulier. Voyez FAMILLE, DOMESTIQUE.

MAISON-DE-VILLE, est un lieu où s'assemblent les officiers et les magistrats d'une ville, pour y délibérer des affaires qui concernent les lois et la police. Voyez SALLE et HOTEL-DE-VILLE.

MAISON, se dit aussi d'un couvent, d'un monastère. Voyez COUVENT.

Ce chef d'ordre étant de maisons dépendantes de sa filiation ; on a ordonné la réforme de plusieurs maisons religieuses.

MAISON, se dit encore d'une race noble, d'une suite de personnes illustres venues de la même souche. Voyez GENEALOGIE.

MAISON, en terme d'Astrologie, est une douzième partie du ciel. Voyez DODECATEMORIE.

MAISONS de l'ancienne Rome, (Antiquité romaine) en latin domus ; mot qui se prend d'ordinaire pour toutes sortes de maisons, magnifiques ou non, mais qui signifie le plus souvent un hôtel de grand seigneur et le palais des princes ; tant en dehors qu'en dedans : c'est, par exemple, le nom que donne Virgile au palais de Didon.

At domus interior regali splendida luxu.

La ville de Rome ne fut qu'un amas de cabanes et de chaumières, sans en excepter le palais même de Romulus, jusqu'au temps qu'elle fut brulée par les Gaulois. Ce désastre lui devint avantageux, en ce qu'elle fut rebâtie d'une manière un peu plus solide, quoique fort irrégulière. Il parait même que jusqu'à l'arrivée de Pyrrhus en Italie, les maisons de cette ville ne furent couvertes que de planches ou de bardeaux ; les Romains ne connaissaient point le plâtre, dont on ne se sert pas encore à présent dans la plus grande partie de l'Italie. Ils employaient plus communément dans leurs édifices la brique que la pierre, et pour les liaisons et les enduits, la chaux avec le sable, ou avec une certaine terre rouge qui est toujours d'usage dans ce pays-là ; mais ils avaient le secret de faire un mortier qui devenait plus dû. que la pierre même, comme il parait par les fouilles des ruines de leurs édifices.

Ce fut du temps de Marius et de Sylla, qu'on commença d'embellir Rome de magnifiques bâtiments ; jusques-là, les Romains s'en étaient peu soucié, s'appliquant à des choses plus grandes et plus nécessaires ; ce ne fut même que vers l'an 580 de la fondation de cette ville, que les censeurs Flaccus et Albinus commencèrent de faire paver les rues. Lucius-Crassus l'orateur fut le premier qui décora le frontispice de sa maison de douze colonnes de marbre grec. Peu de temps après M. Scaurus, gendre de Sylla, en fit venir une prodigieuse quantité qu'il employa à la construction de sa superbe maison qu'il bâtit sur le mont-Palatin. Si ce qu'Auguste dit est vrai, qu'il avait trouvé Rome bâtie de briques, et qu'il la laissait revêtue de marbre, on pourrait juger par ce propos de la magnificence des maisons et des édifices qu'on éleva sous son règne.

Il est du moins certain que sous les premiers empereurs, les marbres furent employés aux maisons plus communément qu'on n'avait encore employé les pierres ; et qu'on se servit pour les orner, de tout ce qu'il y avait de plus rare et de plus précieux ; les dorures, les peintures, les sculptures, l'ivoire, les bois de cédre, les pierres précieuses, rien de toutes ces magnificences ne fut épargné. Le pavé des appartements bas n'était que des mosaïques, ou des morceaux de marbre rapportés avec symétrie ; cependant cette ville ne fut jamais plus magnifique, qu'après que Néron y eut fait mettre le feu, qui en consuma les deux tiers. On prétend, que lorsqu'elle fut rebâtie, on y comptait quarante-huit mille maisons isolées, et dont l'élévation avait été fixée par l'empereur ; c'est Tacite qui nous apprend cette particularité. Nous savons aussi par Strabon, qu'il y avait déjà eu une ordonnance d'Auguste qui défendait de donner aux édifices plus de soixante-dix pieds de hauteur ; il voulut par cette loi remédier aux accidents fréquents qui arrivaient par la trop grande élévation des maisons, lesquelles succombant sous la charge, tombaient en ruine au moment qu'on s'y attendait le moins. Ce vice de construction s'était introduit à Rome à la fin de la dernière guerre punique ; cette ville étant alors devenue extrêmement peuplée par l'affluence des étrangers qui s'y rendaient de toutes parts, on éleva extraordinairement les maisons pour avoir plus de logement. Enfin, Trajan fixa cette hauteur à soixante pieds.

Dans la splendeur de la république, les maisons ou hôtels des personnes distinguées, étaient construites avec autant de magnificence que d'étendue. Elles contenaient plusieurs cours, avant-cours, appartements d'hiver et d'été, corps-de-logis, cabinets, bains, étuves et salles, soit pour manger, soit pour y conférer des matières d'état.

La porte formait en dehors une espèce de portique, soutenue par des colonnes, et destinée à mettre à l'abri des injures du temps, les cliens qui venaient dès le matin faire leur cour à leur patron. La cour était ordinairement entourée de plusieurs corps-de-logis, avec des portiques au rez-de-chaussée. On appelait cette seconde partie de la maison cavum aedium ou cavedium. Ensuite on trouvait une grande salle nommée atrium interius, et le portier de cet atrium s'appelait servus atriensis. Cette galerie était ornée de tableaux, de statues et de trophées de la famille ; on y voyait des batailles, peintes ou gravées, des haches, des faisceaux et autres marques de magistrature, que le maître de la maison ou ses ancêtres avaient exercée. On y voyait les statues de la famille en bas relief, de cire, d'argent, de bronze, ou de marbre, mises dans des niches d'un bois précieux ; c'est dans cet endroit que les gens d'un certain ordre s'assemblaient, en attendant que le maître du logis fût visible, ou de retour.

Polybe rapporte que c'était au haut de la maison qu'étaient placées les statues de la famille, qu'on découvrait, et qu'on parait de festons et de guirlandes, dans certains jours de fêtes et de solennités publiques. Lorsque quelque homme de considération de la famille venait à mourir, on faisait porter les mêmes figures à ses funérailles, et on y ajoutait le reste du corps, afin de leur donner plus de ressemblance ; on les habillait selon les dignités qu'avaient possédées ceux qu'elles représentaient ; de la robe consulaire, s'ils avaient été consuls ; de la robe triomphale, s'ils avaient eu les honneurs du triomphe, et ainsi du reste. Voilà, dit Pline, comment il arrivait que tous les morts d'une famille illustre assistaient aux funérailles, depuis le premier jusqu'au dernier.

On peut aisément concilier la difference des récits qu'on trouve dans les autres auteurs, avec ce passage de Polybe, en faisant attention que ces autres auteurs lui sont postérieurs ; que de son temps le faste et le luxe n'avaient pas fait autant de progrès que sous les empereurs ; qu'alors les Romains ne mettant plus de bornes à leur magnificence, eurent des salles basses ou des vestibules dans leur maison, pour placer de grandes statues de marbre, ou de quelqu'autre matière précieuse, et que cela n'empêchait pas qu'ils ne conservassent dans un appartement du haut les bustes de ces mêmes ancêtres, pour s'en servir dans les cérémonies funébres, comme étant plus commodes à transporter que des statues de marbre.

On voyait dans ces maisons, diverses galeries soutenues par des colonnes, de grandes salles, des cabinets de conservation, des cabinets de peinture, et des basiliques. Les salles étaient ou corinthiennes ou égyptiennes, les premières n'avaient qu'un rang de colonnes posées sur un piédestal, ou même en bas sur le pavé, et ne soutenaient que leur architrave et leurs corniches de menuiserie ou de stuc, sur quoi était le plancher en voute surbaissée : mais les dernières avaient des architraves sur des colonnes, et sur les architraves des planchers d'assemblage, qui faisaient une terrasse découverte tournant tout au tour.

Ces hôtels, principalement depuis les règlements qui en fixaient la hauteur, n'avaient ordinairement que deux étages au-dessus de l'entre sol. Au premier étaient les chambres à coucher, qu'on appelait dormitoria ; au second étaient les appartements des femmes, et les salles à manger qu'on nommait triclinia.

Les Romains n'avaient point de cheminées faites comme les nôtres dans leurs appartements, parce qu'ils n'imaginèrent pas de tuyaux pour laisser passer la fumée. On faisait le feu au milieu d'une salle basse, sur laquelle il y avait une ouverture pratiquée au milieu du tait, par où sortait la fumée ; cette sorte de salle servait dans les commencements de la république à faire la cuisine, c'était encore le lieu où l'on mangeait ; mais dès que le luxe se fut glissé dans Rome, les salles basses furent seulement destinées pour les cuisines.

On mettait dans les appartements des fourneaux portatifs ou des brasiers, dans lesquels on brulait un certain bois, qui étant frotté avec du marc d'huile, ne fumait point. Séneque dit, que de son temps, on inventa des tuyaux, qui passant dans les murailles, échauffaient également toutes les chambres, jusqu'au haut de la maison, par le moyen du feu qu'on faisait dans les fourneaux placés le long du bas des murs. On rendait aussi les appartements d'été plus frais, en se servant pareillement de tuyaux qui s'élevaient des caves ; d'où ils tiraient la fraicheur qu'ils répandaient en passant dans les appartements.

On ignore ce qui servait à leurs fenêtres pour laisser entrer le jour dans leurs appartements, et pour se garantir des injures de l'air. C'était peut-être de la toile, de la gaze, de la mousseline ; car on est bien assuré, que quoique le verre ne leur fût pas inconnu, puisqu'ils en faisaient des vases à boire, ils ne l'employaient point comme nous à des vitres. Néron se servit d'une certaine pierre transparente comme l'albâtre, coupée par tables, au travers de laquelle le jour paraissait.

L'historien Josephe nous parle encore d'une autre matière qu'on employait pour cet usage, mais sans s'expliquer clairement. Il rapporte que l'empereur Caligula donnant audience à Philon, ambassadeur des juifs d'Alexandrie, dans une galerie d'un de ses palais proche Rome, fit fermer les fenêtres à cause du vent qui l'incommodait ; ensuite il ajoute que ce qui fermait ces fenêtres, empêchant le vent d'entrer, et laissant seulement passer la lumière, était si clair, et si éclatant, qu'on l'aurait pris pour du crystal de roche. Il n'aurait pas eu besoin de faire une description aussi vague, s'il s'agissait du verre, connu par les vases qu'on en faisait ; c'était peut-être du talc que Pline nomme une espèce de pierre qui se fendait en feuilles déliées comme l'ardoise, et aussi transparentes que le verre ; il y a bien des choses dans l'antiquité dont nous n'avons que des connaissances imparfaites.

Il n'en est pas de même des citernes ; on est certain qu'il y en avait de publiques et de particulières dans les grandes maisons. La cour intérieure qu'on nommait impluvium, était pratiquée de manière qu'elle recevait les eaux de pluie de tout le bâtiment, qui allaient se rassembler dans la citerne.

Dans le temps de la grandeur de Rome, les maisons de gens de considération, avaient toujours des appartements de réserve pour les étrangers avec lesquels ils étaient unis par les liens d'hospitalité. Enfin, on trouvait dans plusieurs maisons des personnes aisées, des bibliothèques nombreuses et ornées ; et dans toutes les maisons des personnes riches, il y avait des bains qu'on plaçait toujours près des salles à manger, parce qu'on était dans l'habitude de se baigner avant que se mettre à table(D.J.)

MAISONS de plaisance des Romains, (Antiquité romaine) Les maisons de plaisance des Romains étaient des maisons de campagne, situées dans des endroits choisis, qu'ils prenaient plaisir d'orner et d'embellir, pour aller s'y divertir ou s'y reposer du soin des affaires. Horace les appelle tantôt nitidae villae, à cause de leur propreté, et tantôt villae candentes, parce qu'elles étaient ordinairement bâties de marbre blanc qui jetait le plus grand éclat.

Le mot de villa chez les premiers Romains, signifiait une maison de campagne qui avait un revenu ; mais dans la suite, ce même nom fut donné aux maisons de plaisance, soit qu'elles eussent du revenu, ou qu'elles n'en eussent point.

Ce fut bien autre chose sur la fin de la république, lorsque les Romains se furent enrichis des dépouilles de tant de nations vaincues ; chaque grand seigneur ne songea plus qu'à employer dans l'Italie, en tout genre de luxe, ce qu'il avait amassé de bien par toutes sortes de brigandages dans les provinces ; alors ils firent bâtir de grandes maisons de plaisance, accompagnées de tout ce qui pouvait les rendre plus magnifiques et plus délicieuses. Dans cette vue, ils choisirent les endroits les plus commodes, les plus sains et les plus agréables.

Les côtes de la Campanie le long de la mer de Toscane, et en particulier les bords du golfe de Bayes, eurent la préférence dans la comparaison. Les historiens et les poètes parlent si souvent des délices de ce pays, qu'il faut nous y arrêter avec M. l'abbé Couture, pour connaître les plus belles maisons de plaisance des Romains. Toute la côte voisine du golfe était poissonneuse, et la campagne aussi belle que fertîle en grains et en vins. Il y avait dans les environs une multitude de fontaines minérales, également propres pour le plaisir et pour la santé. Les promenades y étaient charmantes et en très-grand nombre, les unes sur l'eau, les autres dans des prairies, que le plus affreux hiver semblait toujours respecter.

Cette image du golfe de Bayes, et de toute cette contrée de la Campanie, n'est qu'un léger crayon du tableau qu'en sont Pline et Strabon. Le dernier de ces auteurs qui vivait sous Auguste, ajoute que les riches qui aimaient la vie luxurieuse, soit qu'ils fussent las des affaires, soit qu'ils fussent rebutés par la difficulté de parvenir aux grands emplois, ou que leur propre inclination les entrainât du côté des plaisirs, cherchèrent à s'établir dans un lieu délicieux, qui n'était qu'à une distance raisonnable de Rome, et où l'on pouvait impunément vivre à sa fantaisie. Pompée, César, Védius Pollion, Hortensius, Pison, Servilius Vatia, Pollius, y firent élever de superbes maisons de plaisance. Cicéron en avait au-moins trois le long de la mer de Toscane, et Lucullus autant.

D'abord on fut un peu retenu par la pudeur des mœurs antiques, à laquelle la vie qu'on menait à Bayes était directement opposée ; il fallait au-moins une ordonnance de médecin pour passeport. Scipion l'Africain fatigué des bruits injurieux que les tribuns du peuple répandaient tous les jours contre lui, choisit Literne pour le lieu de son exil et de sa mort, préférablement à Bayes, de peur de déshonorer les derniers jours de sa vie, par une retraite si peu convenable à ses commencements.

Marius, Pompée, et Jules César ne furent pas tout à fait si réservés que Scipion, ils firent bâtir dans le voisinage, mais ils bâtirent leurs maisons sur la croupe de quelques collines, pour leur donner un air de châteaux et de places de guerre, plutôt que de maisons de plaisance. Illi quidem ad quos primos fortuna populi romani publicas opes transtulit, C. Marius, et Cn. Pompeius et Caesar extruxerunt quidem villas in regione Baïanâ ; sed illas imposuerunt summis jugis montium : videbatur hoc magis militare, ex edito speculari longè latèque subjecta : scias non villas fuisse sed castra. Croyez-vous, dit Sénéque, car c'est de lui qu'on a tiré ces exemples, croyez-vous que Caton eut pu se résoudre à habiter dans un lieu aussi contraire à la bonne discipline, que l'est aujourd'hui Bayes ? Et qu'y aurait-il fait ? Quoi ? Compter les femmes galantes qui auraient passé tous les jours sous ses fenêtres dans des gondoles de toutes sortes de couleurs, etc. Putas tu habitaturum fuisse in mica Catonem ? (Mica était un salon sur le bord du golfe) ut praeter-navigantes adulteras dinumeraret, et adipisceret tot genera cymbarum, et fluitantem toto lacu rosam, et audiret canentium nocturna convicia. Voilà une peinture de la vie licencieuse de Bayes.

Cicéron en avait parlé avant Séneque dans des termes moins étudiés, mais pas moins significatifs, dans son oraison pour Caelius. Ce jeune homme avait fait à Bayes divers voyages avec des personnes d'une réputation assez équivoque, et s'y était comporté avec une liberté que la présence des censeurs aurait pu gêner dans Rome : ses accusateurs en prirent occasion de le décrier comme un débauché, et par conséquent capable du crime pour lequel ils le poursuivaient. Cicéron qui parle pour lui, convient de ce qu'il ne saurait nier, que Bayes était un lieu dangereux. Il dit seulement que tous ceux qui y vont, ne se perdent pas pour cela ; que d'ailleurs il ne faut pas tenir les jeunes gens en brassières, mais leur permettre quelques plaisirs, pourvu que ces plaisirs ne portent préjudice à personne, etc. mais ceux qui se piquaient de régularité, avaient beau déclamer contre la dissolution qui regnait à Bayes et dans les environs, le goût nouveau l'emportait dans le cœur des Romains ; et ce qui dans ces commencements ne s'était fait qu'avec quelque retenue, se pratiqua publiquement dans la suite.

Quand une fois on a passé les premières barrières de la pudeur, la dépravation Ve tous les jours en augmentant. Bayes devint le lieu de l'Italie le plus fréquenté et le plus peuplé. Les Romains s'y rendaient en foule du temps d'Horace, et y élevaient des bâtiments superbes à l'envi des uns des autres, en sorte qu'il s'y forma en peu de temps au rapport de Strabon, une ville aussi grande que Pouzzole, quoique celle-ci fût alors le port le plus considérable de toute l'Italie, et l'abord de toutes les nations.

Mais comme le terrain était fort serré d'un côté par la mer, et de l'autre par plusieurs montagnes, rien ne leur couta pour vaincre ces deux obstacles. Ils rasèrent les coteaux qui les incommodaient, et comblèrent la plus grande partie du golfe, pour trouver des emplacements que la diligence des premiers venus avait enlevé aux paresseux. C'est précisément ce que dans Salluste, Catilina entend par ces mots de la harangue qu'il fait à ses conjurés pour allumer leur rage contre les grands de Rome, leurs ennemis communs. Quis ferat illis superare divitias quas profundant in extruendo mari, coaequandisque montibus ? Nobis larem familiarem deesse ? Qui est l'homme de cœur qui puisse souffrir que des gens qui ne sont pas d'une autre condition que nous, aient plus de bien qu'il ne leur en faut pour applanir des montagnes, et bâtir des palais dans la mer, pendant que nous manquons du nécessaire ?

C'est à quoi l'on doit rapporter ces vers de l'Enéide, dans lesquels Virgile, pour mieux représenter la chute du géant Bitias, la compare à ces masses de pierre qu'on jette dans le golfe de Bayes pour servir de fondations.

Qualis in Euboico Baiarum littore quondam, &c.

Aenéid. l. IX. Ve 708.

Qu'un de nos Romains ou Horace se mette en tête qu'il n'y a pas au monde une plus belle situation que celle de Bayes, aussi-tôt le lac Lucrin et la mer de Toscane sentent l'empressement de ce nouveau maître pour y bâtir.

Nullus in orbe sinus Bajis praelucet amaenis,

Si dixit dives, lacus et mare sentit amorem

Festinantis heri.

Ep. j. liv. I. Ve 83.

Un grand seigneur, observe ailleurs le même poète, dédaignant la terre ferme, veut étendre ses maisons de plaisance sur la mer ; il borde les rivages d'une foule d'entrepreneurs et de manœuvres ; il y roule des masses énormes de pierre ; il comble les abîmes d'une prodigieuse quantité de matériaux. Les poissons surpris se trouvent à l'étroit dans ce vaste élément.

Contracta pisces aequora sentiunt

Jactis in altum molibus.

Ode j. liv. III.

Mais ce ne furent pas les seuls poissons de Toscane qui souffrirent de ce luxe ; les laboureurs, les cultivateurs de tous les beaux endroits de l'Italie virent avec douleur leurs coteaux changés en maisons de plaisance, leurs champs en parterres, et leurs prairies en promenades. L'étendue de la campagne depuis Rome jusqu'à Naples, était couverte de palais de gens riches. On peut bien le croire, puisque Cicéron pour sa part en avait dix-huit dans cet espace de terrain, outre plusieurs maisons de repos sur la route. Il parle souvent avec complaisance de celle du rivage de Bayes, qu'il nomme son puteolum. Elle tomba peu de temps après sa mort entre les mains d'Antistius Verus, et devint ensuite le palais de l'empereur Hadrien qui y finit ses jours, et y fut enterré. C'est-là qu'on suppose qu'il a fait son dernier adieu si célèbre par les vers suivants :

Animula, vagula, blandula,

Hospes, comesque corporis,

Quae nunc abibis in loca

Pallidula, rigida, nudula,

Nec, ut soles, dabis jocos.

(D.J.)

MAISONS DES GRECS, (Architec. gréq.) Les maisons des Grecs dont nous voulons parler, c'est-à-dire les palais des grands et des gens riches, brillaient par le goût de l'architecture, les statues, et les peintures dont ils étaient ornés. Ces maisons n'avaient point de vestibules comme celles des Romains, mais de la première porte on traversait un passage où d'un côté étaient les écuries, et de l'autre la loge du portier, avec quelques logements de domestiques. Ce passage conduisait à une grande porte, d'où l'on entrait dans une galerie soutenue par des colonnes avec des portiques. Cette galerie menait à des appartements où les mères de famille travaillaient en broderie, en tapisserie, et autres ouvrages, avec leurs femmes ou leurs amies. Le principal de ces appartements se nommait thalamus, et l'autre qui lui était opposé, anti-thalamus. Autour des portiques il y avait d'autres chambres et des gardes-robes destinés aux usages domestiques.

A cette partie de la maison était jointe une autre partie plus grande, et décorée de galeries spacieuses, dont les quatre portiques étaient d'égale hauteur. Cette partie de la maison avait de grandes salles carrées, si vastes qu'elles pouvaient contenir, sans être embarrassées, quatre lits de table à trois siéges, avec la place suffisante pour le service, la musique et les jeux. C'était dans ces salles que se faisaient les festins où l'on sait que les femmes n'étaient point admises à table avec les hommes.

A droite et à gauche étaient d'autres petits bâtiments dégagés, contenant des chambres ornées et commodes, uniquement destinées pour recevoir les étrangers avec lesquels on entretenait les droits d'hospitalité. Les étrangers pouvaient vivre dans cette partie de la maison en particulier et en liberté. Les pavés de tous les appartements étaient de mosaïque ou de marqueterie. Telles étaient les maisons des Grecs, que les Romains imitèrent, et qu'ils portèrent au plus haut point de magnificence. Voyez MAISONS de l'ancienne Rome. (D.J.)

MAISON DOREE, la, (Antiquité romaine) C'est ainsi qu'on nommait par excellence le palais de Néron. Il suffira pour en donner une idée, de dire que c'était un édifice décoré de trois galeries, chacune de demi-lieue de longueur, dorées d'un bout à l'autre. Les salles, les chambres et les murailles étaient enrichies d'or, de pierres précieuses, et de nacre de perles par compartiments, avec des planchers mobiles et tournoyans, incrustés d'or et d'ivoire, qui pouvaient changer de plusieurs faces, et verser des fleurs et des parfums sur les convives. Néron appela lui-même ce palais domum auream, cujus tanta laxitas, ut porticus triplices milliarias haberet. In caeteris partibus cuncta auro lita, distincta gemmis unionumque conchis ; erant caenationes laqueatae tabulis eburneis versatilibus, ut flores, fistulatis, et unguenta desuper spargerentur.

Domitien ne voulut rien céder à Néron dans ses folles dépenses : du-moins Plutarque ayant décrit la dorure somptueuse du capitole, ajoute qu'on sera bien autrement surpris si on vient à considérer les galeries, les basiliques, les bains, ou les serrails des concubines de Domitien. En effet c'était une chose bien étonnante, qu'un temple si superbe et si richement orné que celui du capitole, ne parut rien en comparaison d'une partie du palais d'un seul empereur. (D.J.)

MAISON MILITAIRE DU ROI, c'est en France les compagnies des gardes-du-corps, les gendarmes de la garde, les chevaux-légers, et les mousquetaires. On y ajoute aussi ordinairement les grenadiers à cheval, qui campent en campagne à-côté des gardes-du-corps ; mais ils ne sont pas du corps de la maison du roi. Les compagnies forment la cavalerie de la maison du roi. Elle a pour infanterie le régiment des gardes françaises, et celui des gardes suisses. Voyez GARDES-DU-CORPS, GENDARMES, CHEVAUX-LEGERS, MOUSQUETAIRES, etc.

MAISON, (Commerce) lieu de correspondance que les gros négociants établissent quelquefois dans diverses villes de grand commerce, pour la facilité et sûreté de leur négoce. On dit en ce sens qu'un marchand ou banquier résidant dans une ville, tient maison dans une autre, lorsqu'il a dans cette dernière une maison louée en son nom, où il tient un facteur ou associé pour accepter et payer les lettres-de-change qu'il tire sur eux, vendre, acheter en son nom des marchandises, etc. Plusieurs gros banquiers ou négociants de Lyon, Bordeaux, etc. tiennent de ces maisons dans les principales villes du royaume, et même chez l'étranger qui à son tour en a parmi nous. Dictionnaire de comm. (G)