Imprimer
Catégorie parente: Beaux-arts
Catégorie : Architecture
terme d'Architecture, du grec , composé de , grand, et , oeil, c'est-à-dire grand à la vue. On entend sous ce nom un bâtiment d'une grandeur considérable, tels qu'étaient les pyramides en Egypte, les amphithéâtres en Grèce et en Italie. Colosse, se dit aussi d'une figure dont la proportion est fort au-dessus de la naturelle, telle qu'était celle du soleil à Rhodes et les statues des empereurs Néron et Commode, dont il reste encore quelques fragments dans la cour du capitole à Rome. On dit aussi qu'une colonne est colossale, lorsqu'elle surpasse deux ou trois pieds de diamètre. Voyez COLONNE. (P)

COLOSSE DE RHODES, (Histoire ancienne) statue d'airain d'une grandeur prodigieuse, située à l'entrée du port de Rhodes, et qui passait pour une des sept merveilles du monde.

En voici l'histoire tirée principalement de M. Prideaux, part. II. liv. II.

Cette statue était dédiée au soleil ; elle avait 70 coudées, ou 105 pieds de haut, et le reste à proportion ; peu de gens pouvaient embrasser son pouce ; les navires passaient à pleines voiles entre ses jambes.

Démétrius, après avoir assiégé vivement la ville de Rhodes pendant un an sans pouvoir la prendre, las d'un si long siège, fit la paix avec les Rhodiens, et en s'en retournant il leur donna en présent toutes les machines de guerre qu'il avait envoyées à ce siège. Ils les vendirent dans la suite pour trois cent talents (un million 200 mille livres ou environ), dont ils se servirent, avec l'argent qu'on y ajouta, pour faire ce colosse. Ce fut l'ouvrage de Charès de Lindo, disciple du fameux Lysippe, qui y employa douze ans. Mais soixante-six ans après l'exécution de son entreprise, le colosse fut abattu par un grand tremblement de terre qui se fit sentir en Orient, et qui causa des désolations prodigieuses, surtout dans la Carie et dans l'île de Rhodes. On commença à travailler à ce fameux colosse l'an 300 avant Jesus-Christ ; il fut achevé l'an 288, et renversé l'an 222.

Les Rhodiens, pour réparer le dommage que cet accident leur avait causé, quêtèrent chez tous les princes et les états grecs de nom ou d'origine, et exagérèrent tellement leurs pertes, que la collecte qui se fit pour eux, surtout chez les rois d'Egypte, de Macédoine, de Syrie, du Pont, et de Bithynie, alla pour le moins à cinq fois autant que la véritable somme à laquelle ces pertes se montaient.

En effet, l'émulation qui regna entre les princes pour soulager cette ville désolée, est sans exemple dans l'histoire : Ptolomée roi d'Egypte fournit seul trois cent talents, que nous n'évaluerons ici que trois cent cinquante mille écus, un million de mesures de froment, des matériaux pour bâtir vingt galeres tant à cinq rames qu'à trois rames, une quantité infinie de bois pour d'autres bâtiments, et en particulier pour rétablir le colosse trois mille talents, c'est-à-dire neuf millions suivant M. Rollin, et plus de dix millions suivant le docteur Bernard. Outre les rais, toutes les villes signalèrent leurs libéralités : les particuliers voulurent aussi entrer en part de cette gloire ; et l'on cite une dame appelée Chryseïs, véritablement digne de son nom, qui fournit seule cent mille mesures de froment. Que les princes d'à-présent, dit Polybe, et nous pouvons dire deux mille ans après lui, que les princes de nos jours comprennent combien ils sont éloignés de ceux dont on vient de parler. En assez peu d'années Rhodes fut rétablie dans un état plus magnifique qu'elle n'avait jamais été, à l'exception du colosse ; car les Rhodiens au lieu d'employer une partie de cet argent, comme c'était la principale intention de ceux qui l'avaient donné, à relever le colosse, prétendirent fort sagement que l'oracle de Delphes le leur avait défendu, et gardèrent toutes ces sommes, dont ils s'enrichirent.

Le colosse demeura abattu comme il était, sans qu'on y touchât pendant 894 ans, au bout desquels, l'an de Jesus-Christ 672, Moawias, le sixième calife ou empereur des Sarrasins, ayant pris Rhodes, le vendit à un marchand juif qui en eut la charge de neuf cent chameaux ; c'est-à-dire qu'en comptant huit quintaux pour une charge, l'airain de cette statue, après le déchet de tant d'années par la rouille, etc. et ce qui vraisemblablement en avait été volé, se montait encore à sept cent vingt mille livres, ou à sept mille deux cent quintaux.

Ces faits presque tous rapportés par M. Prideaux, sont appuyés des témoignages d'Eusebe, chron. d'Orose, lib. IV. cap. XIIIe de Polybe, liv. V. de Pline, lib. XXXIV. cap. VIIe de Strabon, liv. XVI. de Zonare, annal. sub regno Constant. imper. Heraclii nepot. de Cedrenus, annal. et de Scaliger, animadv. in Euseb. chron. n. 1794.

Le colosse de Rhodes n'est pas le seul dont il soit fait mention dans les antiquités. Il y avait à Memphis en Egypte plusieurs statues colossales de Sésostris et de sa famille ; à Apollonie dans le Pont, une statue d'Apollon de trente coudées, que Lucullus fit transporter à Rome ; dans cette ville, sept colosses, deux d'Apollon, deux de Jupiter, un de Néron, un de Domitien, un du Soleil. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.




Affichages : 1642