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Catégorie parente: Beaux-arts
Catégorie : Architecture
S. m. (Architecture) les anciens appelaient ainsi un édifice public destiné aux spectacles, composé d'un amphithéâtre en demi-cercle, entouré de portiques et garni de sieges de pierre ; ces sieges environnaient un espace appelé orchestre, au-devant duquel était le proscenium ou pulpitum, c'est-à-dire le plancher du théâtre, avec la scène formée par une grande façade décorée de trois ordres d'architecture, et derrière laquelle était le lieu appelé proscenium, où les acteurs se préparaient. Chez les Grecs et chez les Romains, le théâtre avait trois sortes de scènes mobiles, la tragique, la comique et la satyrique. Le plus célèbre théâtre qui reste de l'antiquité est celui de Marcellus à Rome.


Nous avons défini le mot théâtre selon son étymologie, tirée du grec théâtron, spectacle, parce que l'usage qu'on fait aujourd'hui de ce terme dans l'art de bâtir, est abusif. Cependant, pour ne rien laisser en arrière, nous dirons qu'on entend aujourd'hui par théâtre, particulièrement chez les Italiens, l'ensemble de plusieurs bâtiments qui, par leur élévation et une disposition heureuse, présentent une agréable scène à ceux qui les regardent. Tels sont la plupart des bâtiments des vignes de Rome, mais principalement celui de monte Dragone, à Frescati, et en France le château de S. Germain-en-Laye, du côté de la rivière. (D.J.)

THEATRE des anciens, (Architecture et Littér.) les Grecs et les Romains étendaient plus loin que nous le sens du mot théâtre ; car nous n'entendons par ce terme qu'un lieu élevé où l'acteur parait, et où se passe l'action : au-lieu que les anciens y comprenaient toute l'enceinte du lieu commun aux acteurs et aux spectateurs.

Le théâtre chez eux était un lieu vaste et magnifique, accompagné de longs portiques, de galeries couvertes, et de belles allées plantées d'arbres, où le peuple se promenait en attendant les jeux.

Leur théâtre se divisait en trois principales parties, sous lesquelles toutes les autres étaient comprises, et qui formaient pour ainsi-dire, trois différents départements ; celui des acteurs, qu'ils appelaient en général la scène ; celui des spectateurs, qu'ils nommaient particulièrement le théâtre ; et l'orchestre, qui était chez les Grecs le département des mimes et des danseurs, mais qui servait chez les Romains à placer les sénateurs et les vestales.

Pour se former d'abord une idée générale de la situation de ces trois parties, et par conséquent de la disposition de tout le théâtre, il faut remarquer que son plan consistait d'une part en deux demi-cercles décrits d'un même centre, mais de différent diamètre ; et de l'autre en un carré long de toute leur étendue, et moins large de la moitié ; car c'était ce qui en établissait la forme, et ce qui en faisait en même temps la division. L'espace compris entre les deux demi-cercles, était la partie destinée aux spectateurs : le carré qui les terminait, celle qui appartenait aux autres ; et l'intervalle qui restait au milieu, ce qu'ils appelaient l'orchestre.

Ainsi l'enceinte des théâtres était circulaire d'un côté, et carrée de l'autre ; et comme elle était toujours composée de deux ou trois rangs de portiques, les théâtres qui n'avaient qu'un ou deux étages de degrés, n'avaient que deux rangs de portiques ; mais les grands théâtres en avaient toujours trois élevés les uns sur les autres ; de sorte qu'on peut dire que ces portiques formaient le corps de l'édifice : on entrait non-seulement par dessous leurs arcades de plain-pié dans l'orchestre, et l'on montait aux différents étages du théâtre, mais de plus les degrés où le peuple se plaçait étaient appuyés contre leur mur intérieur ; et le plus élevé de ces portiques faisait une des parties destinées aux spectateurs. De-là les femmes voyaient le spectacle à l'abri du soleil et des injures de l'air, car le reste du théâtre était découvert, et toutes les représentations se faisaient en plein jour.

Pour les degrés où le peuple se plaçait, ils commençaient au bas de ce dernier portique, et descendaient jusqu'au pied de l'orchestre ; et comme l'orchestre avait plus ou moins d'étendue suivant les théâtres, la circonférence des degrés (gradationes), était aussi plus ou moins grande à proportion ; mais elle allait toujours en augmentant à mesure que les degrés s'élevaient, parce qu'ils s'éloignaient toujours du centre en montant.

Il y avait dans les grands théâtres jusqu'à trois étages, et chaque étage était de neuf degrés, en comptant le pâlier qui en faisait la séparation, et qui servait à tourner autour ; mais comme ce pâlier tenait la place de deux degrés, il n'en restait plus que sept où l'on put s'asseoir, et chaque étage n'avait par conséquent que sept rangs de sieges. Ainsi quand on lit dans les auteurs que les chevaliers occupaient les quatorze premiers rangs du théâtre, il faut entendre le premier et le second étage de degrés, le troisième étant abandonné au peuple avec le portique supérieur, et l'orchestre était, comme nous avons dit, réservé pour les sénateurs et pour les vestales.

Il faut néanmoins prendre garde que ces distinctions de rangs ne commencèrent pas en même temps ; car ce fut, selon Tite-Live, l'an 568, que le sénat commença à être séparé du peuple aux spectacles, et ce ne fut que l'an 685, sous le consulat de L. Metellus et de Q. Marcius, que la loi Roscia assigna aux chevaliers les quatorze premiers rangs du théâtre. Ce ne fut même que sous Auguste, que les femmes commencèrent à être séparées des hommes, et à voir le spectacle du troisième portique.

Les portes par où le peuple se répandait sur les degrés, étaient tellement disposées entre les escaliers, que chacun d'eux répondait par en-haut à une de ces portes, et que toutes ces portes se trouvaient par en-bas, au milieu des amas de degrés dont ces escaliers faisaient la séparation. Ces portes et ces escaliers étaient au nombre de trente-neuf en tout ; et il y en avait alternativement six des uns et sept des autres à chaque étage, savoir sept portes et six escaliers au premier, sept escaliers et six portes au second, et sept portes et six escaliers au troisième.

Mais comme ces escaliers n'étaient, à proprement parler, que des espèces de gradins pour monter plus aisément sur les degrés où l'on s'asseyait, ils étaient pratiqués dans ces degrés mêmes, et n'avaient que la moitié de leur hauteur et de leur largeur. Les pâliers au contraire qui en séparaient les étages, avaient deux fois leur largeur, et laissaient la place d'un degré vide ; de manière que celui qui était au-dessus avait deux fois la hauteur des autres ; tous ces degrés devaient être tellement alignés qu'une corde tendue depuis le bas jusqu'en haut en touchât toutes les extrémités.

C'était sous ces degrés qu'étaient les passages par où l'on entrait dans l'orchestre, et les escaliers qui montaient aux différents étages du théâtre ; et comme une partie de ces escaliers montait aux degrés, et les autres aux portiques, il fallait qu'ils fussent différemment tournés ; mais ils étaient tous également larges, entièrement dégagés les uns des autres, et sans aucun détour, afin que le peuple y fût moins pressé en sortant.

Jusqu'ici le théâtre des Grecs et celui des Romains étaient entièrement semblables, et ce premier département avait non-seulement chez eux la même forme en général, mais encore les mêmes dimensions en particulier ; et il n'y avait de différence dans cette partie de leur théâtre, que par les vases d'airain que les Grecs y plaçaient, afin que tout ce qui se prononçait sur la scène fût distinctement entendu de tout le monde. Cet usage même s'introduisit ensuite chez les Romains dans leurs théâtres solides. Voyez VASE de théâtre.

Les Grecs établirent beaucoup d'ordre pour les places, et les Romains les imitèrent encore. Dans la Grèce les magistrats étaient, au théâtre, séparés du peuple, et le lieu qu'ils occupaient s'appelait : les jeunes gens y étaient aussi placés dans un endroit particulier, qu'on nommait ; et les femmes y voyaient de même le spectacle du troisième portique ; mais il y avait outre cela des places marquées où il n'était pas permis à tout le monde de s'asseoir, et qui appartenaient en propre à certaines personnes. Ces places étaient héréditaires dans les familles, et ne s'accordaient qu'aux particuliers qui avaient rendu de grands services à l'état. C'est ce que les Grecs nommaient , et il est aisé de juger par ce nom, que c'étaient les premières places du théâtre, c'est-à-dire les plus proches de l'orchestre ; car l'orchestre était, comme nous avons dit, une des parties destinées aux acteurs chez les Grecs, au-lieu que c'était chez les Romains la place des sénateurs et des vestales.

Mais quoique l'orchestre eut des usages différents chez ces deux nations, la forme en était cependant à-peu-près la même en général. Comme elle était située entre les deux autres parties du théâtre, dont l'une était circulaire, et l'autre carrée, elle tenait de la forme de l'une et de l'autre, et occupait tout l'espace qui était entr'elles. Sa grandeur variait par conséquent suivant l'étendue des théâtres ; mais sa largeur était toujours double de sa longueur, à cause de sa forme, et cette largeur était précisément le demi-diamètre de tout l'édifice.

La scène, chez les Romains, se divisait comme chez les Grecs, en trois parties, dont la situation, les proportions et les usages étaient les mêmes que dans les théâtres des Grecs.

La première et la plus considérable partie s'appelait proprement la scène, et donnait son nom à tout ce département. C'était une grande face de bâtiment qui s'étendait d'un côté du théâtre à l'autre, et sur laquelle se plaçaient les décorations. Cette façade avait à ses extrémités deux petites ailes en retour, qui terminaient cette partie ; de l'une à l'autre de ces ailes s'étendait une grande toîle à-peu-près semblable à celle de nos théâtres, et destinée aux mêmes usages, mais dont le mouvement était fort différent ; car au-lieu que la nôtre se lève au commencement de la pièce, et s'abaisse à la fin de la représentation, parce qu'elle se plie sur le ceintre, celle des anciens s'abaissait pour ouvrir la scène, et se levait dans les entr'actes, pour préparer le spectacle suivant, parce qu'elle se pliait sur le théâtre ; de manière que lever et baisser la toile, signifiait précisément chez eux le contraire de ce que nous entendons aujourd'hui par ces termes. Voyez TOILE de théâtre.

La seconde partie de la scène, que les Grecs nommaient indifféremment , les Latins proscenium et pulpitum, en français l'avant - scène, était un grand espace libre au devant de la scène où les acteurs venaient jouer la pièce, et qui par le moyen des décorations, représentait une place publique, un simple carrefour, ou quelque endroit champêtre, mais toujours un lieu à découvert ; car toutes les pièces des anciens se passaient au-dehors, et non dans l'intérieur des maisons, comme la plupart des nôtres. La longueur et la largeur de cette partie variaient suivant l'étendue des théâtres, mais la hauteur en était toujours la même, savoir de dix pieds chez les Grecs, et de cinq chez les Romains.

La troisième et dernière partie était un espace ménagé derrière la scène, qui lui servait de dégagement, et que les Grecs appelaient . C'était où s'habillaient les acteurs, où l'on serrait les décorations, et où était placée une partie des machines, dont les anciens avaient de plusieurs sortes dans leurs théâtres, ainsi que nous le verrons dans la suite.

Comme ils avaient de trois sortes de pièces, des comiques, des tragiques et des satyriques, ils avaient aussi des décorations de ces trois différents genres. Les tragédies représentaient toujours de grands bâtiments avec des colonnes, des statues, et les autres ornements convenables ; les comiques représentaient des édifices particuliers, avec des toits et de simples croisées, comme on en voit communément dans les villes ; et les satyriques, quelque maison rustique, avec des arbres, des rochers, et les autres choses qu'on voit d'ordinaire à la campagne.

Ces trois scènes pouvaient se varier de bien des manières, quoique la disposition en dû. être toujours la même en général ; et il fallait qu'elles eussent chacune cinq différentes entrées, trois en face, et deux sur les ailes. L'entrée du milieu était toujours celle du principal acteur ; ainsi dans la scène tragique, c'était ordinairement la porte d'un palais ; celles qui étaient à droite et à gauche étaient destinées à ceux qui jouaient les seconds rôles ; et les deux autres qui étaient sur les ailes, servaient l'une à ceux qui arrivaient de la campagne, et l'autre à ceux qui venaient du port, ou de la place publique.

C'était à-peu-près la même chose dans la scène comique. Le bâtiment le plus considérable était au milieu ; celui du côté droit était un peu moins élevé, et celui qui était à gauche représentait ordinairement une hôtellerie. Mais dans la satyrique il y avait toujours un antre au milieu, quelque méchante cabane à droite et à gauche, un vieux temple ruiné, ou quelque bout de paysage.

On ne sait pas bien sur quoi ces décorations étaient peintes ; mais il est certain que la perspective y était observée ; car Vitruve remarque que les règles en furent inventées et mises en pratique dès le temps d'Eschyle par un peintre nommé Agatharcus, qui en laissa même un traité, d'où les philosophes Démocrite et Anaxagore tirèrent ce qu'ils écrivirent depuis sur ce sujet. Voyez PERSPECTIVE.

Parlons à-présent des machines, car, comme je l'ai dit, les anciens en avaient de plusieurs sortes dans leurs théâtres ; outre celles qui étaient sous les portes des retours, pour introduire d'un côté les dieux des bois et des campagnes, et de l'autre les divinités de la mer, il y en avait d'autres au-dessus de la scène pour les dieux célestes, et de troisiemes sous le théâtre pour les ombres, les furies et les autres divinités infernales. Ces dernières étaient à-peu-près semblables à celles dont nous nous servons pour ce sujet. Pollux nous apprend que c'étaient des espèces de trappes qui élevaient les acteurs au niveau de la scène, et qui redescendaient ensuite sous le théâtre par le relâchement des forces qui les avaient fait monter. Ces forces consistaient, comme celles de nos théâtres, en des cordes, des roues et des contrepoids. Celles qui étaient sur les portes des retours, étaient des machines tournantes sur elles-mêmes, qui avaient trois différentes faces, et qui se tournaient d'un ou d'autre côté, selon les dieux à qui elles servaient.

De toutes ces machines, il n'y en avait point dont l'usage fut plus ordinaire, que de celles qui descendaient du ciel dans les dénouements, et dans lesquelles les dieux venaient pour ainsi dire au secours du poète. Ces machines avaient assez de rapport avec celles de nos ceintres ; car aux mouvements près, les usages en étaient les mêmes, et les anciens en avaient comme nous de trois sortes en général ; les unes qui ne descendaient point jusqu'en bas, et qui ne faisaient que traverser le théâtre ; d'autres dans lesquelles les dieux descendaient jusque sur la scène, et de troisiemes qui servaient à élever ou à soutenir en l'air les personnes qui semblaient voler.

Comme ces dernières étaient toutes semblables à celles de nos vols, elles étaient sujettes aux mêmes accidents. Nous lisons dans Suétone qu'un acteur qui jouait le rôle d'Icare, et dont la machine eut malheureusement le même sort, alla tomber près de l'endroit où était placé Néron, et couvrit de sang ceux qui étaient autour de lui.

Mais quoique toutes ces machines eussent assez de rapport avec celles de nos ceintres, comme le théâtre des anciens avait toute son étendue en largeur, et que d'ailleurs il n'était point couvert, les mouvements en étaient fort différents ; car au-lieu d'être emportées comme les nôtres par des châssis courants dans des charpentes en plafonds, elles étaient guindées à une espèce de grue, dont le cou passait pardessus la scène, et qui tournant sur elle-même, pendant que les contre-poids faisaient monter ou descendre ces machines, leur faisait décrire des courbes composées de son mouvement circulaire, et de leur direction verticale ; c'est-à-dire, une ligne en forme de vis de bas en - haut, ou de - haut en-bas, à celles qui ne faisaient que monter ou descendre d'un côté du théâtre à l'autre.

Les contrepoids faisaient aussi décrire différentes demi - ellipses aux machines, qui après être descendues d'un côté jusqu'au milieu du théâtre, remontaient de l'autre jusqu'au dessus de la scène, d'où elles étaient toutes rappelées dans un endroit du postcénium, où leurs mouvements étaient placés. Toutes ces machines avaient différentes formes et différents noms, suivant leurs usages ; mais c'est un détail qui ne pourrait manquer d'ennuyer les lecteurs.

Quant aux changements des théâtres, Servius nous apprend qu'ils se faisaient ou par des feuilles tournantes, qui changeaient en un instant la face de la scène, ou par des châssis qui se tiraient de part et d'autre, comme ceux de nos théâtres. Mais comme il ajoute qu'on levait la toîle à chacun de ces changements, il y a bien de l'apparence qu'ils ne se faisaient pas promptement.

D'ailleurs, comme les ailes de la scène sur laquelle la toîle portait, n'avançaient que de la huitième partie de sa longueur, les décorations qui tournaient derrière la toile, ne pouvaient avoir au plus que cette largeur pour leur circonférence. Ainsi il fallait qu'il y en eut au moins dix feuilles sur la scène, huit de face, et deux en ailes ; et comme chacune de ces feuilles devait fournir trois changements, il fallait nécessairement qu'elles fussent doubles, et disposées de manière qu'en demeurant pliées, elles formassent une des trois scènes ; et qu'en se retournant ensuite les unes sur les autres, de droite à gauche, ou de gauche à droite, elles formassent les deux : ce qui ne peut se faire qu'en portant de deux en deux sur un point fixe commun, c'est-à-dire en tournant toutes les dix sur cinq pivots placés sous les trois portes de la scène, et dans les deux angles de ses retours.

Comme il n'y avait que les portiques et le bâtiment de la scène qui fussent couverts, on était obligé de tendre sur le reste du théâtre, des voiles soutenues par des mâts et par des cordages, pour défendre les spectateurs de l'ardeur du soleil. Mais comme ces voiles n'empêchaient pas la chaleur, causée par la transpiration et les haleines d'une si nombreuse assemblée, les anciens avaient soin de la tempérer par une espèce de pluie, dont ils faisaient monter l'eau jusqu'au dessus des portiques, et qui retombant en forme de rosée, par une infinité de tuyaux cachés dans les statues qui regnaient autour du théâtre, servait non seulement à y répandre une fraicheur agréable, mais encore à y exhaler des parfums les plus exquis ; car cette pluie était toujours d'eau de senteur. Ainsi ces statues qui semblaient n'être mises au haut des portiques que pour l'ornement, étaient encore une source de délices pour l'assemblée, et enchérissant par leur influence sur la température des plus beaux jours, mettaient le comble à la magnificence du théâtre, et servaient de toute manière à en faire le couronnement.

Je ne dois pas oublier d'ajouter un mot des portiques qui étaient derrière les théâtres, et où le peuple se retirait lorsque quelque orage en interrompait les représentations. Quoique ces portiques en fussent entièrement détachés, Vitruve prétend que c'était où les chœurs allaient se reposer dans les entre-actes, et où ils achevaient de préparer ce qui leur restait à représenter ; mais le principal usage de ces portiques consistait dans les deux sortes de promenades qu'on y avait menagées dans l'espace découvert qui était au milieu, et sous les galeries qui en formaient l'enceinte.

Comme ces portiques avaient quatre différentes faces, et que leurs arcades étaient ouvertes en dehors, on pouvait, quelque temps qu'il fit, se promener à l'abri de leur mur intérieur, et profiter de leur différente exposition suivant la saison ; et comme l'espace découvert qui était au milieu, était un jardin public, on ne manquait pas de l'orner de tout ce qui en pouvait rendre l'usage plus agréable ou plus utîle ; car les anciens avaient soin de joindre l'utîle à l'agréable, dans tous leurs ouvrages, et surtout dans ces monuments publics qui devaient transmettre leur goût à la postérité, et justifier à ses yeux ce qu'ils publieraient eux-mêmes de leur grandeur.

Je dois ces détails à un excellent mémoire de M. Boindin, inseré dans le recueil de l'académie des Inscriptions ; et c'est tout ce que j'en pouvais tirer sans joindre des figures aux descriptions. Mais les théâtres de Rome en particulier, m'offrent encore quelques particularités qu'il ne convient pas de supprimer.

Si nous remontons aux Grecs mêmes, nous trouverons d'abord que jusqu'à Cratinus, leurs théâtres, ainsi que leurs amphithéâtres, n'étaient que de charpente ; mais un jour que ce poète faisait jouer une de ses pièces, l'amphithéâtre trop chargé se rompit et fondit tout-à-coup. Cet accident engagea les Athéniens à élever des théâtres plus solides ; et comme vers ce temps-là la tragédie s'accrédita beaucoup à Athènes, et que cette république avait depuis peu extrêmement augmenté sa puissance et ses richesses, les Athéniens firent construire des théâtres qui ne le cédaient en magnificence à aucun édifice public, pas même aux temples des dieux.

Ainsi la scène née de la simplicité des premiers acteurs, qui se contentaient de l'ombre des arbres pour amuser le public, ne fut d'abord composée que d'arbres assemblés, et de verdures appropriées. On vint ensuite à charpenter des ais informes qu'on couvrit de toiles. Enfin l'Architecture éleva la scène en bâtiment ; le luxe l'embellit de tapisserie, et la Sculpture et la Peinture y prodiguèrent leurs plus beaux ouvrages.

Les théâtres à Rome ne se bâtissaient anciennement que de bois, et ne servaient que pendant quelques jours, de même que les échaffauds que nous faisons pour les cérémonies. L. Mummius fut le premier qui rendit ces théâtres de bois plus splendides, en enrichissant les jeux qu'on fit à son triomphe, des débris du théâtre de Corinthe. Ensuite Scaurus éleva le sien avec une telle magnificence, que la description de ce théâtre parait appartenir à l'histoire des Fées. Le théâtre suspendu et brisé de Curion, fit voir une machine merveilleuse, quoique d'un autre genre. Pompée bâtit le premier un magnifique théâtre de pierre et de marbre. Marcellus en construisit un autre dans la neuvième région de Rome, et ce fut Auguste qui le consacra. Voyez THEATRE de Scaurus, THEATRE de Curion, THEATRE de Pompée, THEATRE de Marcellus.

Les théâtres de pierre se multiplièrent bientôt ; on en comptait jusqu'à quatre dans le seul camp de Flaminius. Trajan en éleva un des plus superbes, qu'Adrien fit ruiner.

Caius Pulcher fut un des premiers qui à la diversité des colonnes et des statues, joignit les peintures pour en orner la scène. Catullus la fit revêtir d'ébene ; Antoine enchérissant, la fit argenter ; et Néron pour régaler Tiridate, fit dorer tout le théâtre.

Entre les rideaux, tapisseries, ou voiles du théâtre des Romains, les uns servaient à orner la scène, d'autres à la spécifier, et d'autres à la commodité des spectateurs. Ceux qui servaient d'ornement, étaient les plus riches ; et ceux qui spécifiaient la scène, représentaient toujours quelque chose de la pièce qu'on jouait. La décoration versatîle était un triangle suspendu, facîle à tourner, et portant des rideaux où étaient peintes différentes choses qui se trouvaient avoir du rapport au sujet de la fable, ou du chœur, ou des intermèdes.

Les voiles tenaient lieu de couverture, et on s'en servait pour la seule commodité des spectateurs, afin de les garantir des ardeurs du soleil. Catullus imagina le premier cette commodité, car il fit couvrir tout l'espace du théâtre et de l'amphithéâtre de voiles étendues sur des cordages, qui étaient attachés à des mâts de navires, ou à des troncs d'arbres fichés dans les murs. Lentulus Spinther en fit de lin d'une finesse jusqu'alors inconnue. Néron non seulement les fit teindre en pourpre, mais y ajouta encore des étoiles d'or, au milieu desquelles il était peint monté sur un char ; le tout travaillé à l'aiguille, avec tant d'adresse et d'intelligence, qu'il paraissait comme un Phoebus qui modérant ses rayons dans un jour sérein, ne laissait briller que le jour agréable d'une belle nuit.

Ce n'est pas tout, les anciens par la forme de leurs théâtres donnaient plus d'étendue, et avec plus de vraisemblance à l'unité du lieu, que ne le peuvent les modernes. La scène, qui parmi ces derniers ne représente qu'une salle, un vestibule, où tout se dit en secret, d'où rien ne transpire au dehors, que ce que les acteurs y répètent ; la scène, dis-je, si resserrée parmi les modernes, fut immense chez les Grecs et les Romains. Elle représentait des places publiques ; on y voyait des palais, des obélisques, des temples, et surtout le lieu de l'action.

Le peu d'étendue de la scène théâtrale moderne, a mis des entraves aux productions dramatiques. L'exposition doit être faite avec art, pour amener à-propos des circonstances qui réunissent dans un seul point de vue, ce qui demanderait une étendue de lieu que l'on n'a pas. Il faut que les confidents inutiles soient rendus nécessaires, qu'on leur fasse de longs détails de ce qu'ils devraient savoir, et que les catastrophes soient ramenées sur la scène par des narrations exactes. Les anciens par les illusions de la perspective, et par la vérité des reliefs, donnaient à la scène toute la vraisemblance, et toute l'étendue qu'elle pouvait admettre. Il y avait à Athènes une partie considérable de fonds publics destinée pour l'ornement et l'entretien du théâtre. On dit même que les décorations des Bacchantes, des Phéniciennes, de la Médée d'Euripide, d'Oedipe, d'Antigone, d'Electre et de Sophocle, coutèrent prodigieusement à la république.

La vérité du lieu qui était observée sur le théâtre ancien, facilitait l'illusion ; mais des toiles grossièrement peintes, peuvent-elles représenter le péristîle du Louvre ? et la masure d'un bon villageais, pourrait-elle donner à des spectateurs le sentiment du palais magnifique d'un roi fastueux ? Ce qui était autrefois l'objet des premiers magistrats ; ce qui faisait la gloire d'un archonte grec, et d'un édîle romain, j'entens de présider à des pièces dramatiques avec l'assemblée de tous les ordres de l'état, n'est plus que l'occupation lucrative de quelques citoyens aisifs. Alors le philosophe Socrate et le savetier Mycicle, allaient également jouir des plaisirs innocens de la scène.

Comme le spectacle chez les anciens, se donnait dans des occasions de fêtes et de triomphes, il demandait un théâtre immense, et des cirques ouverts ; mais comme parmi les modernes, la foule des spectateurs est médiocre, leur théâtre a peu d'étendue, et n'offre qu'un édifice mesquin, dont les portes ressemblent parmi nous, aux portes d'une prison, devant laquelle on a mis des gardes. En un mot, nos théâtres sont si mal bâtis, si mal placés, si négligés, qu'il parait assez que le gouvernement les protège moins qu'il ne les tolere. Le théâtre des anciens était au contraire un de ces monuments que les ans auraient eu de la peine à détruire, si l'ignorance et la barbarie ne s'en fussent mêlées. Mais que ne peut le temps avec un tel secours ? Il ne lui est échappé de ces vastes ouvrages, que quelques restes assez considérables pour intéresser la curiosité, mais trop mutilés pour la satisfaire. (D.J.)

THEATRE DE SCAURUS, (Architecture Décorat. des Rom.) théâtre de charpente élevé à Rome pour servir à l'usage des spectacles pendant le cours d'un seul mois, quoique ce théâtre ait surpassé en magnificence des édifices bâtis pour l'éternité. Celui-ci fut le fruit de la prodigalité incroyable d'un édîle de la noble famille des Emiles.

L'histoire nomme deux Marcus Aemilius Scaurus, l'un père, l'autre fils. Le premier se trouva si pauvre, qu'il fut obligé de vendre du charbon pour pouvoir subsister. Il se consola de sa mauvaise fortune avec des livres, et se distingua dans le barreau. Il entra de bonne heure dans le sénat, en devint le prince, exerça plusieurs fois le consulat, et triompha des Liguriens. Etant censeur, il fit bâtir le pont Milvius, et paver un des plus grands chemins d'Italie, qui fut appelé de son nom la voie émilienne. Il mit au jour l'histoire de sa vie, et publia d'autres ouvrages dont les anciens ont parlé avec éloge.

M. Aemilius Scaurus son fils ne fut point consul, ne triompha point, n'écrivit point, mais il donna aux Romains le plus superbe spectacle qu'ils aient jamais Ve dans aucun temps. Voici la traduction du passage de Pline, l. XXXVI. c. XVe où il décrit la grande magnificence dont je veux parler.

" Je ne sais, dit cet historien, si l'édilité de Scaurus ne contribua pas plus que toute autre chose, à corrompre les mœurs, et si les proscriptions de Sylla ont fait autant de mal à la république, que les richesses immenses de son beau-fils. Ce dernier étant édile, fit bâtir un théâtre auquel on ne peut comparer aucun des ouvrages qui aient jamais été faits, non-seulement pour une durée de quelques jours, mais pour les siècles à venir. Cette scène composée de trois ordres, était soutenue par trois cent soixante colonnes, et cela dans une ville où l'on avait fait un crime à un citoyen des plus recommandables d'avoir placé dans sa maison six colonnes du mont Hymette.

Le premier ordre était de marbre ; celui du milieu était de verre, espèce de luxe que l'on n'a pas renouvellé depuis ; et l'ordre le plus élevé était de bois doré. Les colonnes du premier ordre avaient trente-huit pieds de haut, et les statues de bronze distribuées dans les intervalles des colonnes, étaient au nombre de trois mille ; le théâtre pouvait contenir quatre-vingt mille personnes ; tandis que celui de Pompée, qui n'en contient que quarante mille, suffit à un peuple beaucoup plus nombreux, par les diverses augmentations que la ville de Rome a reçues depuis Scaurus.

Si l'on veut avoir une juste idée des tapisseries superbes, des tableaux précieux, en un mot, des décorations en tout genre dont le premier de ces théâtres fut orné, il suffira de remarquer que Scaurus après la célébration de ses jeux, ayant fait porter à sa maison de Tusculum ce qu'il avait de trop, pour l'employer à différents usages, ses esclaves y mirent le feu par méchanceté, et l'on estima le dommage de cet incendie cent millions de sesterces, environ douze millions de notre monnaie ".

Ce passage est fort connu ; car il se trouve transcrit dans plus de mille ouvrages des modernes ; mais les idées de ces magnificences sont à tel point éloignées des nôtres, qu'on en relit toujours la description avec un étonnement nouveau.

Un historien ajoute au récit de Pline, que l'entrepreneur chargé de l'entretien des égouts de Rome se crut obligé d'exiger de Scaurus qu'il s'engageât à payer le dommage que le transport de tant de colonnes si pesantes pourrait causer aux voutes, qui depuis Tarquin l'ancien, c'est-à-dire, depuis près de sept cent ans, étaient toujours demeurées immobiles ; et elles soutinrent encore une si violente secousse sans s'ébranler. (D.J.)

THEATRE DE CURION, (Architecture Décorat. des Rom.) ce théâtre en contenait deux construits de bois près l'un de l'autre, et si également suspendus chacun sur son pivot, qu'on pouvait les faire tourner, en réunir les extrémités, et former par ce moyen une enceinte pour des combats de gladiateurs.

M. le comte de Caylus a donné dans le recueil de Littérature, tom. XXIII. un mémoire plein de lumières sur cette étonnante machine, et il a le premier démontré la mécanique de ce prodigieux ouvrage. Quoique je ne puisse le suivre dans cette partie faute de planches, son discours renferme d'ailleurs assez de choses curieuses pour en régaler les lecteurs qui n'ont pas sous les yeux le vaste recueil de l'acad. des Inscriptions.

Les anciens, dit-il, ont eu plusieurs connaissances que nous n'avons pas, et ils ont poussé beaucoup plus loin que nous, quelques - unes de celles dont nous faisons usage. Les moyens qu'ils employaient pour remuer des masses d'un poids énorme, sont de ce nombre, et doivent nous causer d'autant plus d'admiration, que nous ne savons comment ils sont parvenus à exécuter des choses qui nous paraissent aujourd'hui tenir du prodige. Nous en sommes étonnés avec raison, dans le temps même que nous croyons être arrivés à une grande profondeur dans les mathématiques, et que nous nous flattons de laisser les anciens fort loin derrière nous dans plusieurs parties de cette science ; cependant ces anciens savaient allier une grande simplicité aux plus grands efforts de la mécanique ; ils attachaient même si peu de mérite à ces sortes d'opérations, que leurs historiens, et ce qui est plus fort encore, leurs poètes n'en paraissent nullement occupés. L'étalage pompeux que les modernes ont fait de l'élévation des corps qui leur ont paru considérables, est tout le contraire de la conduite des anciens, le livre in-fol. de Fontana sur l'obélisque que Sixte V. fit relever dans Rome, et la planche gravée par le Clerc pour célébrer la pose des pierres du fronton du louvre, justifient bien la médiocrité des modernes en comparaison des anciens.

La machine de Curion, sans parler des autres bâtiments des anciens, est une nouvelle preuve de la supériorité des anciens dans la mécanique, mais avant que de parler de cette prodigieuse machine de Curion, et de la singularité du spectacle qu'il fit voir aux Romains, il faut dire un mot du personnage dont il est tant parlé dans les lettres de Cicéron à Atticus, dans Dion Cassius, liv. LX. dans Velleius Paterculus, l. II. et dans les vies d'Antoine, de Pompée, de Caton d'Utique, de César et de Brutus, par Plutarque.

C. Scribonius Curion était de famille patricienne ; son père avait été consul, et avait eu les honneurs du triomphe. Le fils se fit connaître de bonne heure par son esprit, ses talents, son éloquence, ses intrigues dans les factions de César et de Pompée, ainsi que par ses débauches et ses dissipations. Il se lia avec Antoine, et le plongea dans des dépenses si folles, qu'il l'avait endetté dans sa jeunesse de deux cent cinquante talents, ce qui revient à plus d'un million de notre monnaie. Il vendit sa foi à la fortune de César, et pour le servir plus utilement, il avait l'art de dissimuler leurs engagements secrets, et affectait, quand il fut tribun du peuple, de n'agir que pour les intérêts de la république. Velleius Paterculus l'a peint d'après nature : vir nobilis, eloquents, audax, suae alienaeque fortunae, et pudicitiae prodigus ; homo ingeniosissimè nequam, et facundus malo publico.

Il eut différents succès dans les brigues qu'il fit pour César ; il fut un jour couronné de fleurs comme un athlete qui a remporté le prix ; cependant le consul Lentulus le chassa honteusement du sénat avec Antoine, et ils furent obligés de sortir de Rome déguisés en esclaves dans des voitures de louage. Mais le service qu'il avait rendu à César longtemps auparavant, était du nombre de ceux qu'un homme généreux ne saurait oublier ; il couvrit César de sa robe, et l'empêcha d'être tué par les jeunes gens armés qui suivaient Cicéron. César plein de reconnaissance ne cessa de lui prodiguer ses largesses par millions, et après lui avoir fait obtenir plusieurs grands emplois contre les lois et les usages, il lui donna le gouvernement de la Sicile. On sait qu'il obtint la questure l'an de Rome 698, et qu'il fut tué l'an 706 dans la guerre d'Afrique.

C. Scribonius Curion, tel que nous venons de le représenter, tout vendu à César, ne construisit apparemment son théâtre que dans l'intention d'attirer de nouvelles créatures à son protecteur, et par conséquent l'argent des Gaules y fut employé. Il donna ces spectacles au peuple romain, vraisemblablement l'an de Rome 703, sur un prétexte pareil à celui de M. Aemilius Scaurus, c'est-à-dire, pour les funérailles de son père, mort l'an 701 ; mais ne pouvant égaler la magnificence du théâtre de Scaurus que nous avons décrit dans l'article précédent, ni rien faire voir au peuple qui ne parut pauvre et misérable en comparaison, il voulut, sinon le faire oublier, du moins se distinguer d'une manière singulière.

Pour y parvenir, il eut recours à l'imagination d'un théâtre dont Pline seul nous a donné la connaissance, l. XXXVI. c. XVe Voici la traduction de ce qu'il en dit à la suite de la description du magnifique spectacle de Scaurus.

" L'idée d'une profusion si extraordinaire emporte mon esprit, et le force à s'éloigner de son objet pour s'occuper d'une autre folie plus grande encore, et dans laquelle on n'employa que le bois. C. Curion, qui mourut dans les guerres civiles, attaché au parti de César, voulant donner des jeux pour les funérailles de son père, comprit bientôt qu'il n'était pas assez riche pour surpasser la magnificence de Scaurus. En effet il n'avait pas comme lui, un Sylla pour beau-pere, et pour mère une Metella, cette femme avide de s'enrichir des dépouilles des proscrits ; il n'était pas fils de ce M. Scaurus, qui fut tant de fois à la tête de la république, et qui, associé à toutes les rapines des partisans de Marius, fit de sa maison un gouffre, où s'engloutit le pillage d'un si grand nombre de provinces ; cependant Scaurus avouait, après l'incendie de sa maison, qu'il ne pouvait faire une seconde dépense pareille à la première. Ainsi les flammes, en détruisant des richesses rassemblées de tous les coins du monde, lui laissèrent du moins l'avantage de ne pouvoir être imité dans sa folie.

Curion fut donc obligé de suppléer au luxe par l'esprit, et de chercher une nouvelle route pour se distinguer. Voyons le parti qu'il prit ; applaudissons-nous de la perfection de nos mœurs, et de cette supériorité que nous aimons si fort à nous attribuer.

Curion fit construire deux très-grands théâtres de bois assez près l'un de l'autre ; ils étaient si également suspendus chacun sur son pivot, qu'on pouvait les faire tourner. On représentait le matin des pièces sur la scène de chacun de ces théâtres ; alors ils étaient adossés pour empêcher que le bruit de l'un ne fût entendu de l'autre ; et l'après - midi, quelques planches étant retirées, on faisait tourner subitement les théâtres, et leurs quatre extrémités réunies formaient un amphithéâtre où se donnaient des combats de gladiateurs ; Curion faisant ainsi mouvoir tout-à-la-fais et la scène, et les magistrats, et le peuple romain. Que doit-on ici admirer le plus, l'inventeur ou la chose inventée, celui qui fut assez hardi pour former le projet, ou celui qui fut assez téméraire pour l'exécuter ?

Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est l'extravagance du peuple romain ; elle a été assez grande pour l'engager à s'asseoir sur une machine si mobîle et si peu solide. Ce peuple vainqueur et maître de toute la terre ; ce peuple qui, à l'exemple des dieux dont il est l'image, dispose des royaumes et des nations, le voilà suspendu dans une machine, applaudissant au danger dont il est menacé. Pourquoi faire si peu de cas de la vie des hommes ? pourquoi se plaindre des pertes que nous avons faites à Cannes ? Une ville abimée dans un gouffre de la terre entr'ouverte remplit l'univers de deuil et d'effroi ; et voilà tout le peuple romain renfermé, pour ainsi dire, en deux vaisseaux, et qui soutenu seulement par deux pivots, regarde, tranquille spectateur, le combat qu'il livre lui-même, en danger de périr au premier effort qui dérangera quelques pièces de ces vastes machines. Est-ce donc en élevant les tribus dans les airs qu'on vient à bout de plaire aux dieux, et de mériter leur faveur ? Que ne fera pas dans la tribune aux harangues, que n'osera entreprendre sur un peuple, celui qui avait pu lui persuader de s'exposer à un danger pareil ? Il le faut avouer ; ce fut le peuple tout entier qui combattit sur le tombeau du père de Curion dans la pompe de ses funérailles.

Curion changea l'ordre de sa fête magnifique : car les pivots se trouvant fatigués et dérangés, il conserva le dernier jour la forme de l'amphithéâtre, et ayant placé et adossé les scènes (c'est-à-dire ce que nous nommons aujourd'hui théâtre), dans tout le diamètre de ce même amphithéâtre, il donna des combats d'athletes. Enfin, il fit enlever tout-d'un-coup ces mêmes scènes, et fit paraitre dans l'arene, tous ceux de ses gladiateurs qui avaient été couronnés les jours précédents. "

Voici quelques réflexions sur ce passage, plein de grandeur et d'éloquence.

Premièrement, ces théâtres que Pline fait construire à Curion, étaient les portions circulaires ou gradins, sur lesquels le peuple était assis ; les anciens ne donnaient point d'autre nom à cette partie. Il n'est pas douteux qu'il n'y eut deux scènes, comme ils les nommaient encore, où les acteurs représentaient, et qui devaient se démonter et se déplacer, pour laisser le passage au théâtre dans son mouvement circulaire ; on sait que ces portions circulaires se terminaient dans tous les théâtres au proscenium, qui faisait la base du demi-cercle, en même temps qu'il formait un des côtés du carré long, destiné pour la scène et les décorations.

2°. Les théâtres de bois aussi souvent répétés que nous le voyons dans l'histoire Romaine, rendirent l'exécution de ceux de Curion plus facile, et donnèrent sans-doute la hardiesse de les entreprendre.

3°. Comme ces sortes de théâtres étaient fort grands, et que celui de Marcellus le plus petit de tous, contenait, dit-on, vingt-deux mille personnes : nous pouvons raisonnablement supposer que ceux de Curion en pouvaient contenir chacun trente mille ; ce qui est assez pour autoriser le discours de Pline, qui regarde les spectateurs, comme le peuple romain tout entier.

4°. Les deux théâtres de Curion étaient si également suspendus chacun sur son pivot, qu'on pouvait les faire tourner, dit Pline ; or pour cela, il fallait que la fondation fût extrêmement solide et bien de niveau, parce qu'elle devait porter un poids des plus considérables, et que les plus petites irrégularités de plan auraient interrompu les mouvements, à l'égard du pivot ; il a dû être composé d'une forte colonne de bronze, bien fondue, bien retenue, et bien fondée dans le massif.

5°. Quant au détail de la charpente du théâtre, on peut s'en éclaircir par plusieurs livres de l'antiquité, où l'on en a donné les desseins ; et M. Boindin en a décrit la forme dans les mém. de l'acad. des Inscriptions.

6°. Pline ajoute, qu'on faisait tourner subitement chaque théâtre de Curion pour les mettre vis-à-vis l'un de l'autre. Pour cet effet, il est vraisemblable que le peuple sortait des théâtres après les spectacles du matin. En effet, indépendamment de l'augmentation du poids et du malheur que l'écroulement de quelques parties de la charpente aurait pu causer, malheur auquel ces sortes de fabriques sont d'autant plus sujettes, qu'elles sont fort composées, et malheur dont les Romains avaient des exemples, quoique les constructions ne fussent pas mobiles ; le peuple, disje, ne pouvait avoir d'autre objet, en demeurant en place, que le plaisir bien médiocre de se voir tourner. Il est du moins certain que les sénateurs, les chevaliers romains, les vestales, les prêtres ; enfin, tous les gens considérables dont les places étaient marquées, se trouvaient obligées d'en sortir le matin, parce qu'elles étaient changées pour le soir.

7°. Enfin, il faut remarquer que Pline ne parle du théâtre de Curion que sur des oui-dire ; il ne l'avait point Ve ; il écrivait cent trente ans ou environ après que le spectacle avait été donné. Il semble même que cette machine théâtrale s'était encore plus tournée dans les esprits à jeter un ridicule sur le peuple Romain, qu'à la gloire et à la réputation de Curion.

Il y a là-dessus un passage de Plutarque, qui est trop singulier pour n'être pas rapporté. " Favonius, dit-il, ayant été fait édîle par le crédit de Caton, celui-ci l'aida à se bien acquitter des fonctions de sa charge, et régla toute la dépense des jeux. Il voulut qu'au lieu de couronnes d'or que les autres donnaient aux acteurs, aux musiciens et aux joueurs d'instruments, etc. on leur donnât des branches d'olivier, comme on faisait dans les jeux olympiques ; et au lieu de riches présents que les autres distribuaient, il fit donner aux Grecs quantité de poireaux, de laitues, de raves et de céleri, et aux Romains, des pots de vin, de la chair de pourceau, des figues, des concombres et des brassées de bois.

Enfin, Favonius lui-même alla s'asseoir parmi les spectateurs, où il battit des mains, en applaudissant à Caton, et en le priant de gratifier les acteurs qui faisaient bien, et de les récompenser honorablement. Pendant que cela se passait dans ce théâtre de Favonius, poursuit Plutarque, Curion l'autre édîle donnait dans un autre théâtre des jeux magnifiques ; mais le peuple quitta les jeux de Curion, pour venir à ceux de Favonius. "

Quoi, le peuple Romain, épris des spectacles raffinés, quitte dans un temps de luxe des fêtes magnifiques, pour se rendre à des jeux ridicules, où il ne recevait que des figues ou des concombres, au lieu des riches présents qui lui étaient destinés au théâtre de Curion ? Ce trait d'histoire est fort étrange ! mais Caton présidait aux jeux de Favonius ; et les Romains ne pouvaient se lasser de rendre des hommages à ce grand homme et de marquer la joie qu'ils avaient de voir que leur divin Caton daignait se relâcher de son austérité, et se prêter pendant quelques jours à leurs jeux et à leurs passe-temps. (D.J.)

THEATRE DE POMPEE, (Architecture décorat. des Rom.) théâtre magnifique bâti de pierres sur des fondements si solides, qu'il semblait être bâti pour l'éternité. Il y avait une espèce d'aqueduc pour porter de l'eau dans tous les rangs du théâtre, tant pour rafraichir le lieu, que pour remédier à la soif des spectateurs.

Pompée revenant de Grèce, apporta le plan du théâtre de Mytilene, et fit construire celui-ci tout semblable. Il pouvait contenir quarante mille personnes, et était orné de tableaux, de statues de bronze et de marbre, transportées de Corinthe, d'Athènes et de Syracuse. Mais une particularité remarquable, c'est que Pompée pour prévenir les caprices du peuple et des magistrats, fit bâtir dans l'enceinte de son théâtre un temple magnifique, qu'il dédia à Vénus la victorieuse ; de sorte qu'ayant mis ingénieusement son édifice sous la protection d'une grande déesse, il le fit toujours respecter.

Avant lui, on élevait des théâtres toutes les fois qu'il fallait représenter des jeux ; ils n'existaient que pendant la durée de ces jeux, et le peuple y assistait toujours de-bout. Pompée fit un théâtre à demeure et y mit des siéges, nouveau genre de mollesse, inconnu jusqu'alors, et dont les gens sages lui surent mauvais gré, à ce que nous apprend Tacite dans le liv. XIV. de ses annales : Quippè erant qui Cn. quoque Pompeium incusatum à senioribus ferrent, quod mansuram theatri sedem posuisset ; nam anteà subitariis gradibus, et scenâ in tempus structâ ludos edi solitos ; vel si vetustiora repetas stantem populum spectavisse ; si sedeat, theatro dies totos ignaviâ continuabit. (D.J.)

THEATRE DE MARCELLUS, (Architecture décorat. des Rom.) théâtre consacré par Auguste, à la mémoire du jeune Marcellus, son neveu, son fils adoptif, et son gendre, qui, selon Properce, mourut l'an de Rome 731 à l'âge de vingt ans. C'était un jeune prince d'un si grand mérite, qu'il faut rappeler au lecteur, les hommages que lui a rendus toute l'antiquité ; et je le ferai d'autant plus volontiers, que j'ai peu de choses à dire du théâtre qui porta son nom.

Horace a loué bien dignement ce jeune héros dans le temps qu'il vivait encore. " La gloire du vieux Marcellus, dit ce poète, loin de s'obscurcir, prend un nouveau lustre dans un de ses rejetons, et s'augmente de jour en jour, comme on voit un jeune arbre se fortifier peu-à-peu par des accroissements insensibles : cette nouvelle lumière de la maison des Jules, brille entre les premières familles de Rome, comme l'astre de la nuit brille entre les étoiles. "

Crescit occulto velut arbor aevo

Fama Marcelli : micat inter omnes

Julium sidus, velut inter ignes

Luna minores. L. I. Ode 12.

Tant que le goût des belles choses subsistera dans le monde, on ne cessera de lire sans des transports d'admiration, et sans être ému, l'éloge que Virgile a fait de ce jeune Marcellus ; c'est sans-doute le plus beau morceau du sixième livre de l'Enéide ; nous avons peut-être déjà dit ailleurs, combien cet endroit attendrit Auguste et Octavie, et combien de larmes il leur fit répandre ; mais quand cette tendre mère entendit ces mots, tu Marcellus eris, elle s'évanouit, et l'on eut bien de la peine à la faire revenir. Auguste fut extrêmement touché de la perte de son gendre, et les Romains dont il était les délices, en témoignèrent la plus vive douleur à ses funérailles qui se firent dans le champ de Mars. Virgile n'a pas oublié cette anecdote dans son éloge.

Quantos ille virum magnam Mavortis ad urbem

Campus ages gemitus ! vel quae, Tiberine, videbis

Funera, cùm tumulum praeterlabere recentem !

De combien de gémissements, et de quels cris sa mort fera retentir le champ de Mars ! Dieu du Tibre, quelle pompe funèbre tu verras sur tes bords, lorsqu'on lui élevera un tombeau que tu baigneras de tes ondes !

Sa mort fut un si rude coup pour Octavie, qu'elle ne s'en put jamais consoler. Elle fit donner à Virgile un talent (4700 l.) pour chaque vers de l'éloge de son fils, mais ils réveillèrent tellement sa douleur, qu'elle défendit qu'on lui en lut d'autres à l'avenir. Dès ce moment, elle se plongea dans la solitude, et dans une affreuse mélancolie qui dura le reste de ses jours. Pour encourir son indignation, c'était assez que d'être mère. Elle ne garda aucun portrait de son fils, et ne voulut plus qu'on lui en parlât. Séneque peint si bien toutes ces choses, en y joignant un tableau si parfait des vertus de Marcellus, que je n'en puis rien supprimer, parce que ce sont des morceaux uniques dans l'histoire.

Octavia Marcellum, cui et avunculus et socer incumbere caeperat, in quem onus imperii reclinare : adolescentem animo alacrem, ingenio potentem ; sed et frugalitatis, continentiaeque in illis aut annis, aut opibus, non mediocriter admirandum ; patientem laborum, voluptatibus alienum ; quantum cùmque imponere illi avunculus, et (ut ità dicam) inaedificare voluisset, laturum. Benè legerat nulli cessura ponderi fundamenta.

Nullum finem, per omne vitae suae tempus, flendi gemendique fecit ; nec ullas admisit voces, salutare aliquid afferentes : ne avocari quidem se passa est. Intenta in unam rem, et toto animo affixa, talis per omnem vitam fuit, qualis in funere : non dico non ausa consurgère, sed allevari recusans : secundam orbitatem judicans, lacrimas omittère. Nullam habere imaginem filii carissimi voluit, nullam sibi fieri de illo mentionem. Oderat omnes matres, et in Liviam maximè furebat ; quia videbatur ad illius filium transiisse sibi promissa felicitas.

Tenebris et solitudini familiarissima, ne ad fratrem quidem respiciens, carmina celebrandae Marcelli memoriae composita, aliosque studiorum honores rejecit, et aures suas adversus omne solatium clausit, à solennibus officiis seducta, et ipsam magnitudine fraternae nimis circumlucentem fortunam exosa, defodit se, et abdidit. Assidentibus liberis, nepotibus lugubrem vestem non deposuit ; non sine contumeliâ omnium suorum, quibus salvis orba sibi videbatur. Senec. consol. ad Mariam, cap. ij.

Pour revenir au théâtre qu'Auguste consacra à la mémoire du jeune Marcellus ; il contenait, dit-on, 22 mille personnes, et c'est le plus petit des théâtres qui se voyaient à Rome. Le diamètre intérieur du demi cercle de ce théâtre, était de 194 pieds antiques, et le diamètre extérieur de 417. Il était situé dans la neuvième région ; l'on en voit aujourd'hui les ruines dans la place Montanara, où est le palais Savelli au quartier Ripae de Rome moderne. (D.J.)

THEATRE DES GRECS, (Architecture grecq.) de toutes les matières dont les auteurs anciens ont traité, celle de la construction de leurs théâtres est la plus obscure et la plus tronquée. Vitruve lui-même y laisse les gens à moitié chemin, et ne donne ni les dimensions, ni la situation, ni le nombre des principales parties qu'il supposait être assez connues, ne s'imaginant pas qu'elles dussent jamais périr ; par exemple, il ne détermine point la quantité des diazoma ou praecinctiones, que nous appelons indifféremment corridors, retraites ou paliers. En même temps dans les choses qu'il a spécifiées il établit des règles, que nous voyons actuellement n'avoir pas été observées, comme quand il donne de deux sortes de hauteurs à la construction de ses degrés, et cependant ni l'une ni l'autre ne s'accorde aucunement à ce qui nous reste des amphithéâtres et des théâtres de l'antiquité.

Entre les modernes, le jésuite Gallutius Sabienus et le docte Scaliger ont négligé le plus essentiel ; tandis que l'amas informe des citations de Bulengerus épouvante ceux qui le veulent déchiffrer. On aurait beau consulter les auteurs qu'il a cités, Athénée, Hésychius, Pollux, Eustathius, Suidas et les autres, toutes les lumières qu'ils donnent sont si faibles, qu'elles ne peuvent servir de rien sans l'inspection du terrain. Ainsi la curiosité de M. de la Guilletière l'ayant mis en tête d'en faire un plan exact, il eut recours aux mesures actuelles des parties qui subsistent encore à Athènes, et aux présomptions convaincantes prises de ces auteurs qui ayant marqué à quel usage étaient destinées les parties qui ne subsistent plus, fournissent des préjugés infaillibles de l'étendue qu'elles avaient.

Pour cet effet, il se servit d'une mesure divisée selon le pied commun des Athéniens, et selon le pied de roi qui surpasse l'athénien de huit à neuf lignes ; de sorte que trois de nos pieds français gagnent un peu plus de deux pouces sur trois pieds athéniens, et parlà cent de leurs pieds répondent à 94 pieds, et environ 6 pouces de notre mesure française, rejetant les petites fractions pour éviter ici les minuties du calcul.

Par le mot de théâtre, les anciens entendaient tout le corps d'un édifice où l'on s'assemblait pour voir les représentations publiques. Le fameux architecte Philon fit bâtir à Athènes celui de Bacchus du temps de Périclès, il y a plus de deux mille ans, et le dessein de Philon fut encore suivi par Ariobarsane, roi de Cappadoce, qui le rétablit, et par l'empereur Adrien qui le répara ; son dehors était composé de trois rangs de portiques élevés l'un sur l'autre ; et à l'égard du dedans, comme il avait des lieux principaux, le lieu des spectateurs et le lieu des spectacles, chacun des deux était composé de ses parties différentes. Les parties qui composaient le lieu des spectateurs s'appelaient le conistra ou parterre ; les rangs des degrés, le diazoma ou corridor ; les gradins ou petits escaliers, le cercys et les échos. Les autres parties qui appartenaient au lieu des spectacles s'appelaient l'orchestre, l'hyposcénion, le logéon ou thimélé, le proscénion, le parascénion et la scène.

Pour tracer le plan de l'édifice, on avait donc décrit un cercle d'un demi-diamètre de 47 pieds et 3 pouces ; et du même cercle, on avait retranché le quart en tirant la corde de quatre-vingt-dix degrés. Cette corde déterminait le front de la scène ou la face des décorations, car proprement le mot de scène ne signifiait autre chose.

La petite partie du diamètre que la corde de quatre-vingt-dix degrés avait retranchée au derrière de la scène, était d'environ quatorze pieds ; et à dix-huit pieds de cette corde, allant vers le centre du cercle, on avait tiré une ligne parallèle à la face ou au-devant du proscénion, c'est ainsi qu'ils appelaient un exhaussement ou plate-forme qui servait de poste aux comédiens, de sorte que l'enfoncement ou la largeur de ce poste était de dix-huit pieds ; et la face ou devant du proscénion retranchait cent quarante-deux degrés, quarante-six minutes, de la circonférence du cercle : le reste, à savoir deux cent dix-sept degrés, quatorze minutes, déterminait l'enceinte intérieure de l'édifice, dont le trait surpassait le demi-cercle contre l'opinion de beaucoup de gens qui ont écrit que la figure du théâtre grec était un hémicicle.

C'est le terrain de toute cette enceinte, que les Athéniens appelaient conistra, c'est-à-dire le parterre ; les Romains le nommaient l'arène. A Athènes, l'orchestre occupait une partie du conistra, d'où vient que quelques-uns, prenant la partie pour le tout, l'appelèrent aussi l'orchestre. Cette usurpation de mots est particulièrement venue des Romains, sur quoi l'on remarquera qu'encore que le théâtre romain eut à-peu-près les mêmes parties que celui d'Athènes, et que ces parties eussent presque les mêmes noms, il y avait une notable différence dans leurs proportions, dans leurs situations et dans leurs usages ; mais il n'est ici question que du théâtre des Grecs.

La structure intérieure du théâtre regnait donc en arc-de-cercle jusqu'aux deux encoignures de la face du proscénion ; sur cette portion de circonférence s'élevaient vingt-quatre rangs de sieges par étages qui régnaient circulairement autour du conistra ou parterre, pour placer les spectateurs.

Toute la hauteur de ces rangs était divisée de huit en huit rangs, par trois corridors, retraites ou palliers, que les Athéniens appelaient diazoma. Ils suivaient la courbure des rangs, et servaient à faire passer les spectateurs d'un rang à l'autre, sans incommoder ceux qui étaient déjà placés. Et, pour la même commodité, il y avait de petits escaliers ou gradins, qui allaient de haut en-bas d'un corridor à l'autre au-travers des rangs, pour monter et descendre sans embarrasser. Il y avait auprès de ces gradins des passages qui donnaient dans les portiques de l'enceinte extérieure, et c'était par ces passages qu'entraient les spectateurs pour se venir placer sur les rangs.

Les meilleures places étaient sur les huit rangs, compris entre le huitième et le dix-septième ; c'est ce qu'ils appelaient bouleuticon, destiné particulièrement pour les officiers de judicature. Les autres rangs s'appelaient éphébicon, où se plaçaient les citoyens, dès qu'ils entraient dans leur dix-neuvième année.

La hauteur de chacun de ces rangs de degrés était de treize à quatorze pouces, la largeur environ de vingt-deux. On ne laissait pas d'y être assis fort commodément. Théophraste dit que les plus riches y portaient chacun un petit carreau. Le plus bas rang avait presque quatre pieds de hauteur sur le niveau de la campagne. Chaque marche des petits escaliers ou gradins n'avait que la moitié de la hauteur, et la moitié de la largeur d'un des rangs de degrés. Pour les corridors, la largeur et la hauteur de chacun d'eux était double de la hauteur et de la largeur des mêmes rangs ; mais les escaliers n'étaient point parallèles l'un à l'autre, car si on eut prolongé le trait de leur alignement depuis la plus haute de leurs marches jusqu'à la plus basse, toutes ces lignes produites se seraient venues couper du côté du parterre. Ainsi les degrés compris entre deux escaliers ou gradins, faisaient la figure d'un coin étroit par en-bas, et large par en-haut : d'où vient que les Romains les appelaient cunei. Pour empêcher que la pluie gâtât rien à toutes ces marches, on leur avait donné une petite pente, par où les eaux s'écoulaient.

Le long de chaque corridor, il y avait de distance en distance dans l'épaisseur du bâtiment des petits réduits ou cellules, appelées echaea, qui étaient occupés par des vaisseaux d'airain en façon de tonneaux, chaque vaisseau était ouvert par un de ses fonds ; ce fond-là était tourné vers la scène, et y regardait par de petites ouvertures qu'avait chaque réduit pour un usage admirable que je dirai dans la suite, la répercussion de la voix.

Au-dessus du troisième corridor s'élevait une galerie ou portique, qui s'appelait cercys. C'était-là que les Athéniens plaçaient leurs femmes : celles d'une vie déréglée avaient un lieu séparé. On mettait aussi dans le cercys les étrangers et les amis de province ; car il fallait nécessairement avoir le droit de bourgeoisie, pour être placé sur les degrés ; il y avait même des places qui appartenaient en propre à des particuliers ; et c'était un bien de succession, qui allait aux ainés de la maison.

Le théâtre des Grecs n'était pas de la capacité de celui que l'édîle Marcus Scaurus fit bâtir à Rome, où il y avait place pour soixante-dix-neuf mille hommes. Il sera facîle aux Géomètres de savoir, par exemple, le nombre des spectateurs que contenait le théâtre de Bacchus à Athènes. L'arc d'un pied et demi est ce qu'on donne ordinairement pour la place qu'un homme peut occuper ; mais on remarquera que, comme les assemblées du peuple s'y faisaient quelquefois pour régler les affaires d'état, il fallait du-moins qu'il put contenir six mille hommes ; car les lois attiques voulaient positivement qu'il y eut au-moins six mille suffrages pour autoriser un decret du peuple.

Voilà ce qui regarde le lieu des spectateurs. Quant au-lieu des spectacles, l'orchestre, qui était une estrade, une élévation dans le conistra ou parterre, commençait à-peu-près à cinquante-quatre pieds de la face du proscénion ou poste des comédiens, et venait finir sur le trait du même proscénion ; la hauteur de l'orchestre était environ de quatre pieds, autant qu'en avait le premier rang des degrés sur le rez-de-chaussée. La figure de son plan était un carré long, détaché des sieges des spectateurs ; c'était dans un endroit de l'orchestre que nous allons décrire, que se mettaient les musiciens, le chœur et les mimes. Chez les Romains, elle avait un plus noble usage, car l'empereur, le sénat, les vestales et les autres personnes de qualité y avaient leurs sieges.

Sur le plan de l'orchestre d'Athènes, tirant vers le poste des comédiens, il y avait un autre exhaussement ou petite plate-forme, nommée logéon ou thimélé. Les Romains l'appelaient pulpitum. Le logéon était élevé environ neuf pieds sur le rez-de-chaussée, et cinq sur le plan de l'orchestre. Sa figure était un carré de vingt-quatre pieds à chaque face. C'était-là que venaient les mimes pour marquer les entre-actes de la pièce, et c'était-là que le chœur faisait ses récits.

Au pied du logéon sur le même plan de l'orchestre, il y avait une enceinte de colonnes qui enfermait un espace de l'orchestre, appelé hyposcénion. Voilà la partie du théâtre grec, que les écrivains modernes ont le plus mal entendue. Les uns l'ont confondue avec le podion ou balustrade, qui était entre le proscénion et la scène du théâtre romain, ce qu'on peut convaincre d'absurdité par la différence de leurs situations et de leurs usages. Quelques autres disent que l'hyposcénion était la face du proscénion, comprise depuis le niveau de l'orchestre jusqu'à l'esplanade du proscénion ; cette dernière opinion n'est pas mieux fondée.

L'hyposcénien était un lieu particulier pratiqué sur l'orchestre, comme un réduit dégagé pour la commodité des joueurs d'instruments et des personnages du logéon ; car le chœur et les mimes se tenaient dans l'hyposcénion, jusqu'à ce que les nécessités de la représentation les obligeassent à monter sur le logéon pour l'exécution de leurs rôles. Les poètes mêmes venaient dans l'hyposcénion, et c'est ce qui est justifié par Athénée, quand il raconte qu'Asopodore Phliasien se mocqua plaisamment des injustes acclamations du théâtre, où bien souvent les mauvaises choses sont applaudies ; il observe que cet Asopodore étant encore dans l'hyposcénion, et entendant l'approbation éclatante que le peuple donnait à un joueur de flute, " qu'est-ceci, s'écria-t-il, vous verrez qu'on vient d'admirer quelque nouvelle sottise " ? Il parait de-là qu'Athénée ne considère pas l'hyposcénion comme une simple façade, mais comme un lieu et espace où était Asopodore, soit qu'il y fût pour y demeurer tout le long du spectacle, soit qu'il n'y fut qu'en passant.

Pollux est d'accord avec Athénée touchant l'hyposcénion, et confirme la véritable définition de cette partie du théâtre. Je ne rapporterai pas le grec de Pollux, qu'on peut lire dans le xix. chapitre de son IV. livre ; mais voici le latin de Seberus : hyposcenium autem columnis et imaginibus ornatum erat, ad theatrum conversum, pulpito subjacens. Et vous remarquerez que, dans le grec, il y a formellement le mot de logéon, que Seberus a rendu par le mot de pulpitum.

L'enceinte de l'hyposcénion était parallèle à celle du logéon. Sa largeur pouvait être de six à sept pieds ; mais enfin le logéon, l'hyposcénion, l'orchestre et le conistra sont les quatre endroits que beaucoup de gens ont confondus sous le mot d'orchestre, comme les endroits suivants ont été compris sous le mot de scène.

Le proscénion ou poste des comédiens s'élevait de deux pieds au-dessus du logéon ; de sorte qu'il avait environ sept pieds de hauteur sur l'orchestre, et onze sur le rez-de-chaussée ; et il ne faut pas s'imaginer qu'un aussi grand architecte que Philon eut donné sans raison toutes ses diverses élévations aux différents postes de ses théâtres. Outre les égards de la vue, il les avait ainsi ménagés, afin que le son des instruments et la voix des acteurs se pussent porter avec une distribution égale aux oreilles des spectateurs, selon les diverses hauteurs des degrés qu'ils occupaient. Sur le proscénion, il y avait un autel, que les Athéniens appelaient agyéus, consacré à Apollon.

La scène, selon ce que nous avons déjà remarqué, n'était autre chose que les colonnes et les ornements d'architecture qui étaient élevés dans le fond et sur les ailes du proscénion, et qui en faisaient la décoration. Quand il y avait trois rangs de colonnes l'un sur l'autre, le plus haut s'appelait episcénion. Agatarchus a été le premier décorateur qui a travaillé aux embellissements de la scène, selon les règles de la perspective ; Eschyle l'avait instruit.

On appelait en général parascénion l'espace qui était devant et derrière la scène, et on donnait aussi ce nom à toutes les avenues et escaliers, par où l'on passait des postes de la musique aux postes de la comédie. Voilà comment, sous le nom de scène, on a confondu le proscénion, le parascénion et la scène.

Les Athéniens employaient souvent des machines ; la principale s'appelait théologéon. Elle était élevée en l'air, et portait les dieux que le poète introduisait. C'est de celle-là que les savants de l'antiquité ont tant condamné l'usage, parce qu'elle servait de garant à la stérilité du mauvais poète ; et quand il avait embarrassé l'intrigue de son sujet, aulieu d'en sortir par des moyens ingénieux et par un dénouement naturel, il s'en tirait d'affaire en introduisant sur le théologéon un dieu qui, de pure autorité et par un contre-temps ridicule, ramenait des pays éloignés un homme absent de sa patrie, rendait tout-à-coup la santé à un malade, ou la liberté à un prisonnier. Aussi les Athéniens en avaient fait un mot de raillerie ; et quand ils voyaient un homme déconcerté, ils s'écriaient en se mocquant, apo micanis. A leur exemple, les critiques de Rome disaient en pareille occasion, deus è machinâ.

Cependant il ne fallait pas que la comédie des anciens fût toujours aussi ridicule qu'on l'imagine à cet égard. Quand les dieux paraissaient sur le théologéon on n'entendait rien que de bon : voici ce que le plus éloquent des Romains a dit de cette machine, ex eâ dii effata saepè fabantur, homines ad virtutem excitabant, à vitio deterrebant.

L'enceinte extérieure de l'édifice était toute de marbre, et composée de trois portiques l'un au-dessus de l'autre, dont le cercys était le plus élevé.

Il n'y avait point de tait qui couvrit ce spectacle. Pour le théâtre de Regilla, qui était auprès du temple de Thésée, il était couvert magnifiquement, et avait une charpente de cèdre. L'odéon ou théâtre de musique avait aussi un tait, et Plutarque vous dira comment sa couverture donna lieu au poète comique Cratinus, de railler ingénieusement Periclès qui en avait pris soin. Au théâtre de Bacchus il n'y avait rien de découvert que le proscénion et le cercys : aussi comme les Athéniens y étaient exposés aux injures de l'air, ils y venaient d'ordinaire avec de grands manteaux pour se garantir du froid et de la pluie ; et pour se défendre du soleil, ils avaient un sciadion qui est notre parasol. Les Romains en portaient aussi au théâtre, et l'appelaient umbella : de cette manière, s'il arrivait quelque orage inopiné, la représentation était interrompue, et les spectateurs se sauvaient, ou sous les portiques de l'enceinte extérieure, ou sous le portique d'Eumenicus qui joignait au théâtre. Quoique le temple de Bacchus en fût proche, il n'était pas possible de s'y retirer, car on ne l'ouvrait qu'une fois l'année. Cependant quand la comédie se donnait dans le fort de l'été, la magnificence des Athéniens enchérissait par mille artifices, sur la non-température des beaux jours : ils faisaient exhaler par-tout le théâtre des odeurs agréables, et le plus souvent on y voyait tomber une petite pluie de liqueurs odoriférantes ; car le troisième corridor, et le cercys, étaient ornés d'une infinité de riches statues, qui par des tuyaux cachés, jetaient une grande rosée sur le spectacle, et tempéraient ainsi les chaleurs du temps et d'une si nombreuse assemblée.

Mais on ne sait pas si les Athéniens pratiquaient au théâtre une chose assez curieuse que Varron remarque des Romains. A Rome, quand on croyait être retenu trop longtemps au théâtre par les charmes de la représentation, les pères de famille portaient dans leur sein des colombes domestiques, qui leur servaient à envoyer des nouvelles à leur maison : ils attachaient un billet à la colombe, lui donnaient l'essor, et elle ne manquait pas d'aller porter au logis les ordres de son maître.

Les représentations ne se faisaient que de jour. A Rome, quand Lentulus Spinther se fut avisé de couvrir les théâtres de toile, on y jouait quelquefois la nuit. Le droit d'entrer au théâtre de Bacchus coutait à chaque citoyen, tantôt deux oboles, tantôt trois ; l'obole valait environ deux ou trois sols de notre monnaie de France. Cet argent n'était employé qu'aux petites réparations du bâtiment ; car les personnes de la première qualité faisaient les frais du pompeux appareil des représentations, et l'on tirait au sort un homme de chaque tribu, qui était obligé de faire cette dépense. A la création des archontes ou premiers magistrats, on donnait au public cinq ou six différentes comédies, où l'émulation des concurrents pour le prix de la poésie et de la musique les transportait de telle sorte, que les poètes, Alexis et Cléodeme, moururent publiquement de joie sur la scène de ce théâtre, au milieu des applaudissements du prix qu'ils venaient de gagner. La brigue et la cabale dérobaient quelquefois la victoire au mérite ; on sait le bon mot de Ménandre, qui voyant le poète Philémon triompher à son préjudice par la corruption des suffrages, le vint trouver au milieu de la multitude, et lui dit froidement : N'as-tu pas honte de m'avoir vaincu ? Ménandre, en cinquante ans qu'il a vécu, a composé cent et cinq comédies, et n'en a eu que huit qui aient été favorisées du triomphe : pour Euripide, qui a fait autant de tragédies qu'il a vécu d'années, savoir soixante et quinze, il n'a remporté le prix que de cinq.

Voilà quel était le théâtre de Bacchus, qui ne servait pas seulement aux jeux publics et aux assemblées de l'état, puisque les philosophes les plus fameux y venaient encore expliquer leur doctrine à leurs écoliers ; et en général les théâtres n'étaient pas si fort décriés parmi les premiers chrétiens, que l'on veut nous le faire croire ; les premières prédications du christianisme y ont été prononcées ; Gaius et Aristarchus furent enlevés du théâtre d'Ephese comme ils y expliquaient l'Evangile, et S. Paul fut prié par ses disciples de ne s'y pas présenter, de peur d'une pareille violence.

Mais avant que d'avoir examiné la construction de celui d'Athènes, M. de la Guilletière n'aurait pas cru, que de tous les ouvrages de la belle et curieuse architecture, ce fut celui-là qui demanda les plus grands efforts de l'art. Ce n'avait pas été assez à Philon d'y employer un excellent architecte, une agréable symétrie par le juste rapport des parties de main droite aux parties de main gauche, et par l'ingénieuse convenance des parties supérieures aux inférieures, il affecta d'y travailler en musicien et en médecin. Comme la voix se serait perdue dans un lieu vaste et découvert, et que le bâtiment étant de marbre, il ne se faisait point de repercussion pour la soutenir, Philon pratiqua des réduits ou cellules dans l'épaisseur des corridors, où il plaça les vaisseaux d'airain dont j'ai parlé, echaea ; ils étaient soutenus dans leurs petites cellules par des coins de fer, ne touchaient point à la muraille, et on les avait disposés de sorte que la voix sortant de la bouche des acteurs comme d'un centre, se portait circulairement vers les corridors ou paliers, et venait frapper la concavité des vaisseaux, qui renvoyaient le son plus fort et plus clair. Mais les instruments des musiciens qui étaient placés dans l'hyposcénion, y avaient encore de plus grands avantages ; car on avait situé ces vaisseaux d'airain avec une telle proportion mathématique, que leur distance s'accordait aux intervalles et à la modulation de la musique ; chaque ton différent était soutenu par la repercussion de quelqu'un de ces vaisseaux placé méthodiquement pour cela : il y en avait vingt-huit.

C'est ici qu'il faut que je justifie ce que j'ai avancé ci-dessus, quand j'ai dit que Vitruve avait mal déterminé le nombre des diazoma ou paliers : de prétendre qu'il ait justifié ce nombre, quand il a dit que les echaea étaient sur ces paliers, et qu'il y avait trois rangs d'echaea dans les grands théâtres, deux rangs dans les moyens, et un rang dans les petits, ce serait trop prétendre. En effet, comment distinguerons-nous ce qui est grand, médiocre et petit, à-moins qu'on ne nous donne les mesures actuelles de l'un ou de l'autre ? Vitruve ne nous en a rien déterminé par des déterminations de l'usage, lui qui nous a marqué en mesures romaines l'étendue de quelques-autres parties du théâtre beaucoup moins importantes ; car pour les proportions fondées sur les parties du diamètre de l'orchestre, elles sont semblables dans ces trois ordres de théâtres, et ne distinguent pas le grand du petit : ainsi cette expression vague de Vitruve n'a pas déterminé véritablement le nombre des paliers.

A ces soins de l'harmonie du théâtre grec on avait ajouté les soins de la médecine. L'excellent architecte étant toujours garant de la santé de ceux qu'il loge et de ceux qu'il place, Philon n'avait pas cru indigne de ses réflexions, de considérer que sans le secours de son art, la joie des spectacles agitant extraordinairement les corps, pouvait causer de l'altération dans les esprits. Il y pourvut par la disposition du bâtiment, par la judicieuse ouverture des jours ou entre-colonnes, et par l'économie des vents salutaires et des rayons du soleil, dont il sut ménager le cours et le passage : surtout il eut égard au vent d'occident, parce qu'il a une force particulière sur l'ouïe, et qu'il porte à l'oreille les sons de plus loin et plus distinctement que les autres ; et comme ce vent est ordinairement chargé de vapeurs, ce fut un chef-d'œuvre de l'art, de tourner les jours des portiques avec tant de justesse, que l'intempérie de l'ouest ne causât point de rhumes en interceptant la transpiration ; ainsi dans son théâtre la scène regardait la montagne de la citadelle, et avait à dos la colline de Cynosargue ; celle du Muséon était à main droite, et le chemin ou la rue du Pyrée était à gauche.

Il ne reste rien aujourd'hui du portique d'Eumenicus qui était derrière la scène ; mais c'était un double portique, composé de deux allées, divisées l'une de l'autre par des colonnes. Le plan du portique était élevé sur le rez-de-chaussée, de-sorte que de la rue on n'y entrait pas de plain-pié, mais on y montait par des perrons : il formait un carré long, et l'espace de terre qu'il renfermait était embelli de palissades et de verdure, pour réjouir la vue de ceux qui se promenaient dans le portique ; on y faisait les répétitions des ouvrages de théâtre, comme les répétitions de la symphonie se faisaient dans l'odéon.

Il serait à souhaiter qu'il y eut dans nos villes un portique d'Eumenicus, non pas pour régler l'économie des ouvrages de théâtre, comme à Athènes, mais pour en réformer la morale, et condamner au silence les auteurs du bas ordre qui déshonorent la scène, en blessant la pudeur par de grossières équivoques. (D.J.)

THEATRE ANATOMIQUE, (Architecture) c'est dans une école de médecine ou de chirurgie, une salle avec plusieurs sièges en amphithéâtre circulaire, et une table posée sur un pivot, au milieu, pour la dissection et la démonstration des cadavres : tel est le théâtre anatomique du Jardin-royal des plantes à Paris. (D.J.)

THEATRE D'EAU, (Architecture hydraul. Décorat.) c'est une disposition d'une ou plusieurs allées d'eau, ornées de rocailles, de figures, etc. pour former divers changements dans une décoration perspective, et pour y représenter des spectacles : tel est le théâtre d'eau de Versailles. (D.J.)

THEATRE, (Marine) on appelle ainsi sur la Méditerranée un château d'avant. Voyez CHATEAU.

THEATRE DE JARDIN, (Décorat. de Jardins) espèce de terrasse élevée sur laquelle est une décoration perspective d'allées d'arbres, ou de charmille, pour jouer des pastorales. L'amphithéâtre qui lui est opposé, a plusieurs degrés de gazon ou de pierre ; et l'espace le plus bas entre le théâtre et l'amphithéâtre ; tient lieu de parterre.

On met encore au nombre des théâtres de jardin, les théâtres de fleurs. Ceux-ci consistent dans le mélange des pots avec les caisses, ou dans l'arrangement que l'on fait par symétrie sur des gradins et estrades de pierre, de bois, ou de gazon. Les fleurs propres pour cela sont l'oeillet, la tubéreuse, l'amarante, la hyacinthe, l'oreille d'ours, la balsamine, le tricolor et la giroflée. (D.J.)

THEATRE, (Fabrique de poudre à canon) on nomme théâtre dans les moulins à poudre, de grands échafauds de bois élevés de terre de quelques pieds, sur lesquels, après que la poudre a été grenée, on l'expose au soleil le plus ardent, pour être entièrement séchée, l'humidité étant ce qu'il y a de plus pernicieux à cette sorte de marchandise ; ces théâtres sont couverts de grandes toiles, ou espèces de draps, sur lesquels on étend la poudre. C'est au sortir de-là qu'elle se met en barrils. (D.J.)

THEATRE, terme de rivière, pîle de bois flotté ou neuf.




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