S. f. (Architecture) ce mot dans son sens primitif, s'applique à la construction de cette partie des édifices qui leur sert de base ou de fondement, et qui est plus ou moins enfoncée au-dessous du sol, suivant la hauteur de l'édifice, ou la solidité du terrain. Quoique le mot de fondation, suivant l'analogie grammaticale, ne doive signifier que l'action de poser les fondements d'un édifice, il a cependant passé en usage parmi les Architectes et les Maçons, de donner le nom de fondations aux fondements eux-mêmes : ainsi l'on dit, ce bâtiment a douze pieds de fondation. Malgré cet usage, je crois qu'on doit préférer en écrivant le mot de fondement, plus conforme à l'analogie. Voyez FONDEMENT. (Architecture)

FONDATION, (Politique et Droit naturel) Les mots fonder, fondement, fondation, s'appliquent à tout établissement durable et permanent, par une métaphore bien naturelle, puisque le nom même d'établissement est appuyé précisément sur la même métaphore. Dans ce sens on dit, la fondation d'un empire, d'une république. Mais nous ne parlerons point dans cet article de ces grands objets : ce que nous pourrions en dire, tient aux principes primitifs du Droit politique, à la première institution des gouvernements parmi les hommes. Voyez GOUVERNEMENT, CONQUETE, GISLATIONTION. On dit aussi fonder une secte. Voyez SECTE. Enfin on dit fonder une académie, un collège, un hôpital, un couvent, des messes, des prix à distribuer, des jeux publics, etc. Fonder dans ce sens, c'est assigner un fond ou une somme d'argent, pour être employée à perpétuité à remplir l'objet que le fondateur s'est proposé, soit que cet objet regarde le culte divin ou l'utilité publique, soit qu'il se borne à satisfaire la vanité du fondateur, motif souvent l'unique véritable, lors même que les deux autres lui servent de voile.

Les formalités nécessaires pour transporter à des personnes chargées de remplir les intentions du fondateur la propriété ou l'usage des fonds que celui-ci y a destinés ; les précautions à prendre pour assurer l'exécution perpétuelle de l'engagement contracté par ces personnes ; les dédommagements dû. à ceux que ce transport de propriété peut intéresser, comme, par exemple, au suzerain privé pour jamais des droits qu'il percevait sur le fond donné à chaque mutation de propriétaire ; les bornes que la politique a sagement voulu mettre à l'excessive multiplication de ces libéralités indiscrettes ; enfin différentes circonstances essentielles ou accessoires aux fondations, ont donné lieu à différentes lais, dont le détail n'appartient point à cet article, et sur lesquelles nous renvoyons aux articles FONDATION, (Jurisprudence) MAIN-MORTE, AMORTISSEMENT, etc. Notre but n'est dans celui-ci que d'examiner l'utilité des fondations en général par rapport au bien public, ou plutôt d'en montrer les inconvénients : puissent les considérations suivantes concourir avec l'esprit philosophique du siècle, à dégoûter des fondations nouvelles, et à détruire un reste de respect superstitieux pour les anciennes !

1°. Un fondateur est un homme qui veut éterniser l'effet de ses volontés : or quand on lui supposerait toujours les intentions les plus pures, combien n'a-t-on pas de raisons de se défier de ses lumières ? combien n'est-il pas aisé de faire le mal en voulant faire le bien ? Prévoir avec certitude si un établissement produira l'effet qu'on s'en est promis, et n'en aura pas un tout contraire ; démêler à-travers l'illusion d'un bien prochain et apparent, les maux réels qu'un long enchainement de causes ignorées amenera à sa suite ; connaître les véritables plaies de la société, remonter à leurs causes ; distinguer les remèdes des palliatifs ; se défendre enfin des prestiges de la séduction ; porter un regard sévère et tranquille sur un projet au milieu de cet atmosphère de gloire, dont les éloges d'un public aveugle et notre propre enthousiasme nous le montrent environné : ce serait l'effort du plus profond génie, et peut-être la politique n'est-elle pas encore assez avancée de nos jours pour y réussir. Souvent on présentera à quelques particuliers des secours contre un mal dont la cause est générale ; et quelquefois le remède même qu'on voudra opposer à l'effet, augmentera l'influence de la cause. Nous avons un exemple frappant de cette espèce de mal-adresse, dans quelques maisons destinées à servir d'asîle aux femmes repenties. Il faut faire preuve de débauche pour y entrer. Je sais bien que cette précaution a dû être imaginée pour empêcher que la fondation ne soit détournée à d'autres objets : mais cela seul ne prouve-t-il pas que ce n'était pas par de pareils établissements étrangers aux véritables causes du libertinage, qu'il fallait le combattre ? Ce que je dis du libertinage, est vrai de la pauvreté. Le pauvre a des droits incontestables sur l'abondance du riche ; l'humanité, la religion nous font également un devoir de soulager nos semblables dans le malheur : c'est pour accomplir ces devoirs indispensables, que tant d'établissements de charité ont été élevés dans le monde chrétien pour soulager des besoins de toute espèce ; que des pauvres sans nombre sont rassemblés dans des hôpitaux, nourris à la porte des couvens par des distributions journalières. Qu'est-il arrivé ? c'est que précisément dans les pays où ces ressources gratuites sont les plus abondantes, comme en Espagne et dans quelques parties de l'Italie, la misere est plus commune et plus générale qu'ailleurs. La raison en est bien simple, et mille voyageurs l'ont remarquée. Faire vivre gratuitement un grand nombre d'hommes, c'est soudoyer l'oisiveté et tous les désordres qui en sont la suite ; c'est rendre la condition du fainéant préférable à celle de l'homme qui travaille ; c'est par conséquent diminuer pour l'état la somme du travail et des productions de la terre, dont une partie devient nécessairement inculte : de-là les disettes fréquentes, l'augmentation de la misere, et la dépopulation qui en est la suite ; la race des citoyens industrieux est remplacée par une populace vile, composée de mendiants vagabonds et livrés à toutes sortes de crimes. Pour sentir l'abus de ces aumônes mal dirigées, qu'on suppose un état si bien administré, qu'il ne s'y trouve aucun pauvre (chose possible sans-doute, pour tout état qui a des colonies à peupler, voyez MENDICITE) ; l'établissement d'un secours gratuit pour un certain nombre d'hommes y créerait tout-aussi-tôt des pauvres, c'est-à-dire donnerait à autant d'hommes un intérêt de le devenir, en abandonnant leurs occupations : d'où résulteraient un vide dans le travail et la richesse de l'état, une augmentation du poids des charges publiques sur la tête de l'homme industrieux, et tous les désordres que nous remarquons dans la constitution présente des sociétés. C'est ainsi que les vertus les plus pures peuvent tromper ceux qui se livrent sans précaution à tout ce qu'elles leur inspirent : mais si des desseins pieux et respectables démentent toutes les espérances qu'on en avait conçues, que faudra-t-il penser de toutes ces fondations qui n'ont eu de motif et d'objet véritable que la satisfaction d'une vanité frivole, et qui sont sans-doute les plus nombreux ? Je ne craindrai point de dire que si on comparait les avantages et les inconvénients de toutes les fondations qui existent aujourd'hui en Europe, il n'y en aurait peut-être pas une qui soutint l'examen d'une politique éclairée.

2°. Mais de quelque utilité que puisse être une fondation, elle porte dans elle-même un vice irremédiable, et qu'elle tient de sa nature, l'impossibilité d'en maintenir l'exécution. Les fondateurs s'abusent bien grossièrement, s'ils imaginent que leur zèle se communiquera de siècle en siècle aux personnes chargées d'en perpétuer les effets. Quand elles en auraient été animées quelque temps, il n'est point de corps qui n'ait à la longue perdu l'esprit de sa première origine. Il n'est point de sentiment qui ne s'amortisse par l'habitude même et la familiarité avec les objets qui l'excitent. Quels mouvements confus d'horreur, de tristesse, d'attendrissement sur l'humanité, de pitié pour les malheureux qui souffrent, n'éprouve pas tout homme qui entre pour la première fois dans une salle d'hôpital ! Eh bien qu'il ouvre les yeux et qu'il voie : dans ce lieu même, au milieu de toutes les miseres humaines rassemblées, les ministres destinés à les secourir se promenent d'un air inattentif et distrait ; ils vont machinalement et sans intérêt distribuer de malade en malade des aliments et des remèdes prescrits quelquefois avec une négligence meurtrière ; leur âme se prête à des conversations indifférentes, et peut-être aux idées les plus gaies et les plus folles ; la vanité, l'envie, la haine, toutes les passions, règnent-là comme ailleurs, s'occupent de leur objet, le poursuivent ; et les gémissements, les cris aigus de la douleur ne les détournent pas davantage, que le murmure d'un ruisseau n'interromprait une conversation animée. On a peine à le concevoir ; mais on a Ve le même lit être à-la-fais le lit de la mort et le lit de la débauche. Voyez HOPITAL. Tels sont les effets de l'habitude par rapport aux objets les plus capables d'émouvoir le cœur humain. Voilà pourquoi aucun enthousiasme ne se soutient ; et comment sans enthousiasme, les ministres de la fondation la rempliront-ils toujours avec la même exactitude ? Quel intérêt balancera en eux la paresse, ce poids attaché à la nature humaine, qui tend sans-cesse à nous retenir dans l'inaction ! Les précautions même que le fondateur a prises pour leur assurer un revenu constant, les dispensent de le mériter. Fondera-t-il des surveillans, des inspecteurs, pour faire exécuter les conditions de la fondation ? Il en sera de ces inspecteurs comme de tous ceux qu'on établit pour maintenir quelque règle que ce sait. Si l'obstacle qui s'oppose à l'exécution de la règle vient de la paresse, la même paresse les empêchera d'y veiller ; si c'est un intérêt pécuniaire, ils pourront aisément en partager le profit. Voyez INSPECTEURS. Les surveillans eux-mêmes auraient donc besoin d'être surveillés, et où s'arrêterait cette progression ridicule ? il est vrai qu'on a obligé les chanoines à être assidus aux offices, en réduisant presque tout leur revenu à des distributions manuelles ; mais ce moyen ne peut obliger qu'à une assistance purement corporelle : et de quelle utilité peut-il être pour tous les autres objets bien plus importants des fondations ? Aussi presque toutes les fondations anciennes ont-elles dégénéré de leur institution primitive : alors le même esprit qui avait fait naître les premières, en a fait établir de nouvelles sur le même plan, ou sur un plan différent ; lesquelles, après avoir dégénéré à leur tour, sont aussi remplacées de la même manière. Les mesures sont ordinairement si bien prises par les fondateurs, pour mettre leurs établissements à l'abri des innovations extérieures, qu'on trouve ordinairement plus aisé, et sans-doute aussi plus honorable, de fonder de nouveaux établissements, que de réformer les anciens ; mais par ces doubles et triples emplois, le nombre des bouches inutiles dans la société, et la somme des fonds tirés de la circulation générale, s'augmentent continuellement.

Certaines fondations cessent encore d'être exécutées par une raison différente, et par le seul laps du temps : ce sont les fondations faites en argent et en rentes. On sait que toute espèce de rente a perdu à la longue presque toute sa valeur, par deux principes. Le premier est l'augmentation graduelle et successive de la valeur numéraire du marc d'argent, qui fait que celui qui recevait dans l'origine une livre valant douze onces d'argent, ne reçoit plus aujourd'hui, en vertu du même titre, qu'une de nos livres, qui ne vaut pas la soixante-treizième partie de ces douze onces. Le second principe est l'accroissement de la masse d'argent, qui fait qu'on ne peut aujourd'hui se procurer qu'avec trois onces d'argent, ce qu'on avait pour une once seule avant que l'Amérique fût découverte. Il n'y aurait pas grand inconvénient à cela, si ces fondations étaient entièrement anéanties ; mais le corps de la fondation n'en subsiste pas moins, seulement les conditions n'en sont plus remplies : par exemple, si les revenus d'un hôpital souffrent cette diminution, on supprimera les lits des malades, et l'on se contentera de pourvoir à l'entretien des chapelains.

3°. Je veux supposer qu'une fondation ait eu dans son origine une utilité incontestable ; qu'on ait pris des précautions suffisantes pour empêcher que la paresse et la négligence ne la fassent dégénérer ; que la nature des fonds les mette à l'abri des révolutions du temps sur les richesses publiques ; l'immutabilité que les fondateurs ont cherché à lui donner est encore un inconvénient considérable, parce que le temps amène de nouvelles révolutions, qui font disparaitre l'utilité dont elle pouvait être dans son origine, et qui peuvent même la rendre nuisible. La société n'a pas toujours les mêmes besoins ; la nature et la distribution des propriétés, la division entre les différents ordres du peuple, les opinions, les mœurs, les occupations générales de la nation ou de ses différentes portions, le climat même, les maladies, et les autres accidents de la vie humaine, éprouvent une variation continuelle : de nouveaux besoins naissent ; d'autres cessent de se faire sentir ; la proportion de ceux qui demeurent change de jour en jour dans la société, et avec eux disparait ou diminue l'utilité des fondations destinées à y subvenir. Les guerres de Palestine ont donné lieu à des fondations sans nombre, dont l'utilité a cessé avec ces guerres. Sans parler des ordres de religieux militaires, l'Europe est encore couverte de maladreries, quoique depuis longtemps l'on n'y connaisse plus la lepre. La plupart de ces établissements survivent longtemps à leur utilité : premièrement, parce qu'il y a toujours des hommes qui en profitent, et qui sont intéressés à les maintenir : secondement, parce que lors même qu'on est bien convaincu de leur inutilité, on est très-longtemps à prendre le parti de les détruire, à se décider soit sur les mesures et les formalités nécessaires pour abattre ces grands édifices affermis depuis tant de siècles, et qui souvent tiennent à d'autres bâtiments qu'on craint d'ébranler, soit sur l'usage ou sur le partage qu'on fera de leurs débris : troisiemement parce qu'on est très-longtemps à se convaincre de leur inutilité, en sorte qu'ils ont quelquefois le temps de devenir nuisibles avant qu'on ait soupçonné qu'ils sont inutiles.

Il y a tout à présumer qu'une fondation, quelque utîle qu'elle paraisse, deviendra un jour au-moins inutile, peut-être nuisible, et le sera longtemps : n'en est-ce pas assez pour arrêter tout fondateur qui se propose un autre but que celui de satisfaire sa vanité ?

4°. Je n'ai rien dit encore du luxe, des édifices, et du faste qui environne les grandes fondations : ce serait quelquefois évaluer bien favorablement leur utilité, que de l'estimer la centième partie de la dépense.

5°. Malheur à moi, si mon objet pouvait être, en présentant ces considérations, de concentrer l'homme dans son seul intérêt, de le rendre insensible au malheur et au bien-être de ses semblables ; d'éteindre en lui l'esprit de citoyen ; et de substituer une prudence oisive et basse à la noble passion d'être utîle aux hommes ! Je veux que l'humanité, que la passion du bien public, procurent aux hommes les mêmes biens que la vanité des fondateurs, mais plus surement, plus complete ment, à moins de frais, et sans le mélange des inconvénients dont je me suis plaint. Parmi les différents besoins de la société qu'on voudrait remplir par la voie des établissements durables ou des fondations, distinguons-en deux sortes ; les uns appartiennent à la société entière, et ne seront que le résultat des intérêts de chacune de ses parties en particulier : tels sont les besoins généraux de l'humanité, la nourriture pour tous les hommes ; les bonnes mœurs et l'éducation des enfants, pour toutes les familles ; et cet intérêt est plus ou moins pressant pour les différents besoins : car un homme sent plus vivement le besoin de nourriture, que l'intérêt qu'il a de donner à ses enfants une bonne éducation. Il ne faut pas beaucoup de réflexion pour se convaincre que cette première espèce de besoins de la société n'est point de nature à être remplie par des fondations, ni par aucun autre moyen gratuit ; et qu'à cet égard, le bien général doit être le résultat des efforts de chaque particulier pour son propre intérêt. Tout homme sain doit se procurer sa subsistance par son travail ; parce que s'il était nourri sans travailler, il le serait aux dépens de ceux qui travaillent. Ce que l'état doit à chacun de ses membres, c'est la destruction des obstacles qui les gêneraient dans leur industrie, ou qui les troubleraient dans la jouissance des produits qui en sont la récompense. Si ces obstacles subsistent, les bienfaits particuliers ne diminueront point la pauvreté générale, parce que la cause restera toute entière. De même, toutes les familles doivent l'éducation aux enfants qui y naissent : elles y sont toutes intéressées immédiatement ; et ce n'est que des efforts de chacune en particulier que peut naître la perfection générale de l'éducation. Si vous vous amusez à fonder des maîtres et des bourses dans des colléges, l'utilité ne s'en fera sentir qu'à un petit nombre d'hommes favorisés au hasard, et qui peut-être n'auront point les talents nécessaires pour en profiter : ce ne sera pour toute la nation qu'une goutte d'eau répandue sur une vaste mer ; et vous aurez fait à très-grands frais de très-petites choses. Et puis faut-il accoutumer les hommes à tout demander, à tout recevoir, à ne rien devoir à eux-mêmes ? Cette espèce de mendicité qui s'étend dans toutes les conditions, dégrade un peuple, et substitue à toutes les passions hautes un caractère de bassesse et d'intrigue. Les hommes sont-ils puissamment intéressés au bien que vous voulez leur procurer ? laissez-les faire : voilà le grand, l'unique principe. Vous paraissent-ils s'y porter avec moins d'ardeur que vous ne le désireriez ? augmentez leur intérêt. Vous voulez perfectionner l'éducation ; proposez des prix à l'émulation des pères et des enfants : mais que ces prix soient offerts à quiconque peut les mériter, du-moins dans chaque ordre de citoyens : que les emplois et les places en tout genre deviennent la récompense du mérite, et la perspective assurée du travail ; et vous verrez l'émulation s'allumer à-la-fais dans le sein de toutes les familles : bien-tôt votre nation s'élevera au-dessus d'elle-même, vous aurez éclairé son esprit ; vous lui aurez donné des mœurs ; vous aurez fait de grandes choses ; et il ne vous en aura pas tant couté que pour fonder un collège.

L'autre classe de besoins publics auxquels on a voulu subvenir par des fondations, comprend ceux qu'on peut regarder comme accidentels ; qui bornés à certains lieux et à certains temps, entrent moins immédiatement dans le système de l'administration générale, et peuvent demander des secours particuliers. Il s'agira de remédier aux maux d'une disette, d'une épidémie ; de pourvoir à l'entretien de quelques vieillards, de quelques orphelins, à la conservation des enfants exposés ; de faire ou d'entretenir des travaux utiles à la commodité ou à la salubrité d'une ville ; de perfectionner l'agriculture ou quelques arts languissants dans un canton ; de récompenser des services rendus par un citoyen à la ville dont il est membre ; d'y attirer des hommes célèbres par leurs talents, etc. Or il s'en faut beaucoup que la voie des établissements publics et des fondations soit la meilleure pour procurer aux hommes tous ces biens dans la plus grande étendue possible. L'emploi libre des revenus d'une communauté, ou la contribution de tous ses membres dans les cas où le besoin serait pressant et général ; une association libre et des souscriptions volontaires de quelques citoyens généreux, dans les cas où l'intérêt sera moins prochain et moins universellement senti ; voilà de quoi remplir parfaitement toute sorte de vues vraiment utiles ; et cette méthode aura sur celle des fondations cet avantage inestimable, qu'elle n'est sujette à aucun abus important. Comme la contribution de chacun est entièrement volontaire, il est impossible que les fonds soient détournés de leur destination : s'ils l'étaient, la source en tarirait aussi-tôt : il n'y a point d'argent perdu en frais inutiles, en luxe, et en bâtiments. C'est une société du même genre que celles qui se font dans le commerce, avec cette différence qu'elle n'a pour objet que le bien public ; et comme les fonds ne sont employés que sous les yeux des actionnaires, ils sont à portée de veiller à ce qu'ils soient employés de la manière la plus avantageuse. Les ressources ne sont point éternelles pour des besoins passagers : le secours n'est jamais appliqué qu'à la partie de la société qui souffre, à la branche du Commerce qui languit. Le besoin cesse-t-il ? la libéralité cesse ; et son cours se tourne vers d'autres besoins. Il n'y a jamais de doubles ni de triples emplois ; parce que l'utilité actuelle reconnue est toujours ce qui détermine la générosité des bienfaiteurs publics : enfin cette méthode ne retire aucun fond de la circulation générale ; les terres ne sont point irrévocablement possédées par des mains paresseuses ; et leurs productions, sous la main d'un propriétaire actif, n'ont de bornes que celles de leur propre fécondité. Qu'on ne dise point que ce sont-là des idées chimériques : l'Angleterre, l'Ecosse, et l'Irlande sont remplies de pareilles sociétés, et en ressentent depuis plusieurs années les heureux effets. Ce qui a lieu en Angleterre peut avoir lieu en France : et quoi qu'on en dise, les Anglais n'ont pas le droit exclusif d'être citoyens. Nous avons même déjà dans quelques provinces des exemples de ces associations qui en prouvent la possibilité. Je citerai en particulier la ville de Bayeux, dont les habitants se sont cottisés librement, pour bannir entièrement de leur ville la mendicité ; et y ont réussi, en fournissant du travail à tous les mendiants valides, et des aumônes à ceux qui ne le sont pas. Ce bel exemple mérite d'être proposé à l'émulation de toutes nos villes : rien ne sera si aisé, quand on le voudra bien, que de tourner vers des objets d'une utilité générale et certaine, l'émulation et le goût d'une nation aussi sensible à l'honneur que la nôtre, et aussi facîle à se plier à toutes les impressions que le gouvernement voudra et saura lui donner.

6°. Ces réflexions doivent faire applaudir aux sages restrictions que le Roi a mises par son édit de 1749 à la liberté de faire des fondations nouvelles. Ajoutons qu'elles ne doivent laisser aucun doute sur le droit incontestable qu'ont le gouvernement dans l'ordre civil ; le gouvernement et l'Eglise dans l'ordre de la religion, de disposer des fondations anciennes, d'en diriger les fonds à de nouveaux objets, ou mieux encore de les supprimer tout à fait. L'utilité publique est la loi suprême, et ne doit être balancée ni par un respect superstitieux pour ce qu'on appelle l'intention des fondateurs, comme si des particuliers ignorants et bornés avaient eu le droit d'enchainer à leurs volontés capricieuses les générations qui n'étaient point encore ; ni par la crainte de blesser les droits prétendus de certains corps, comme si les corps particuliers avaient quelques droits vis-à-vis l'état. Les citoyens ont des droits, et des droits sacrés pour le corps même de la société ; ils existent indépendamment d'elle ; ils en sont les éléments nécessaires, et ils n'y entrent que pour se mettre, avec tous leurs droits, sous la protection de ces mêmes lois auxquelles ils sacrifient leur liberté. Mais les corps particuliers n'existent point par eux-mêmes, ni pour eux ; ils ont été formés pour la société ; et ils doivent cesser d'être au moment qu'ils cessent d'être utiles. Concluons qu'aucun ouvrage des hommes n'est fait pour l'immortalité ; puisque les fondations toujours multipliées par la vanité, absorberaient à la longue tous les fonds et toutes les propriétés particulières, il faut bien qu'on puisse à la fin les détruire. Si tous les hommes qui ont vécu avaient eu un tombeau, il aurait bien fallu pour trouver des terres à cultiver, renverser ces monuments stériles, et remuer les cendres des morts pour nourrir les vivants.

FONDATION, (Jurisprudence) les nouveaux établissements que l'on considère dans cette matière, sont ceux des évêchés, abbayes, et autres monastères, églises, chapelles, hôpitaux, colléges ; les fondations des messes, obits, services, et autres prières.

Aucune fondation ecclésiastique, telle que celle d'un évêché, monastère, paraisse, chapelle, etc. ne peut être faite sans l'autorité du supérieur ecclésiastique ; il faut aussi des lettres patentes du roi, dû.ment enregistrées au parlement, ce qui est toujours précédé d'une information de commodo et incommodo.

Il faut aussi des lettres patentes pour autoriser les fondations séculières, telles que sont les hôpitaux, colléges, et autres communautés séculières.

On appelle fondateur celui qui a fait la fondation, soit qu'il ait donné le fond ou terrain pour y construire une église ou autre édifice, soit qu'il y ait fait construire l'édifice de l'église, monastère, hôpital ou collège, ou que l'édifice ayant déjà été construit, et depuis tombé en ruine, il l'ait fait relever ; ou bien qu'il ait doté l'église ou maison de deniers et revenus destinés à l'entretenement d'icelle : chacune de ces différentes manières de fonder une église acquiert au fondateur le droit de patronage.

Il faut néanmoins l'avoir réservé spécialement par la fondation ; autrement le fondateur n'a simplement que la préséance, l'encens, la recommandation aux prières nominales, et autres droits honorifiques ; mais non pas la collation, présentation ou nomination des bénéfices : pour ce qui est des droits honorifiques, le fondateur en jouit dans les églises conventuelles comme dans les paroissiales.

Un fondateur peut être contraint de redoter l'église par lui fondée, lorsqu'elle devient pauvre, à moins qu'il ne renonce à son droit de patronage.

S'il était prouvé par le titre de la fondation que le fondateur eut renoncé au droit de patronage, la possession même immémoriale de présenter aux bénéfices, ne lui acquerrait pas ce droit.

Les héritiers ou successeurs des fondateurs étant tombés dans l'indigence, sans que ce soit par leur mauvaise conduite, doivent être nourris aux dépens de la fondation.

L'évêque ne peut pas autoriser une fondation ecclésiastique, à moins que l'église ne soit dotée suffisamment par le fondateur, tant pour l'entretien des bâtiments, que pour la subsistance des clercs qui doivent desservir cette église ; c'est ce qu'enseignent plusieurs conciles et autres règlements rapportés par Ducange, en son glossaire, au mot dot.

La surintendance des fondations ecclésiastiques appartient à l'évêque diocésain, en sorte qu'il a droit d'examiner si elles sont exécutées suivant l'intention des fondateurs ; il peut aussi en changer l'usage, les unir et transférer lorsqu'il y a utilité ou nécessité.

Le concîle de Trente ne permet à l'évêque de réduire les fondations que dans les synodes de son diocèse, mais il y a des arrêts qui ont autorisé ces réductions, quoique faites par l'évêque seul ; quand il n'y a point d'opposition, c'est un acte qui dépend de la juridiction volontaire ; s'il y a des opposans, on fait juger leurs moyens à l'officialité avant que l'évêque fasse son decret.

Mais ils ne peuvent changer les fondations séculières faites pour l'instruction de la jeunesse, et les rendre ecclésiastiques.

On ne peut pas non plus appliquer une fondation faite pour une ville à une autre ville.

Le grand vicaire de l'évêque ne peut pas homologuer une fondation sans un pouvoir spécial.

Philon, juif, enseignait que le gain fait par une courtisanne ne pouvait être reçu pour la fondation d'un lieu saint ; on n'a cependant pas toujours eu la même délicatesse ; et M. de Salve, part. II. tract. quaest. 5. n. soutient au contraire que la fondation d'une église est valable, quoiqu'elle ait été faite par une femme publique, des deniers provenans de sa débauche.

Une église ne peut prétendre avoir acquis une possession contraire à sa fondation.

Elle n'est point non plus présumée avoir les biens qu'elle possede, sans qu'il y ait eu quelque charge portée par la fondation ; c'est pourquoi Henri II. en 1556, voulant amplifier le service divin et procurer l'accomplissement des fondations, c'est-à-dire des messes ; services, et prières fondées dans les églises, ordonna que tous héritages et biens, immeubles tenus sans charge de service divin ou d'office égal, ou revenu d'iceux, par les églises, prélats, et bénéficiers, à quelque titre que ce fût, seraient censés vacans et réunis à son domaine.

Les biens d'église ne peuvent être aliénés même par decret, si ce n'est à la charge de la fondation, quand même on ne se serait pas opposé au decret.

Pour accepter une fondation faite dans une église paroissiale, il faut le concours du curé et des marguilliers.

Dans les fondations faites par testament ou codicille, c'est aux héritiers à payer les droits d'amortissement et d'indemnité, parce que l'on présume que l'intention du défunt a été de faire jouir l'église pleinement de l'effet de ses libéralités, au lieu que dans les fondations faites par actes entre-vifs, les héritiers ne sont pas obligés de payer ces droits, parce que ces sortes de donations ne reçoivent point d'extension ; et l'on présume que si le fondateur avait voulu payer les droits d'amortissement et d'indemnité, il l'aurait fait lui-même, ou l'aurait dit dans l'acte.

Le docteur Rochus dit que les fondations doivent être accomplies au moins dans l'année du décès du fondateur ; que si ce qu'il a donné n'est pas suffisant pour accomplir les charges de la fondation, les héritiers ne sont pas tenus de fournir le surplus, mais la fondation est convertie en quelqu'autre œuvre pie, du consentement de l'évêque.

Lorsque les fondations sont exorbitantes, et qu'il y a contestation sur l'exécution du testament où elles sont portées, le juge peut les réduire ad legitimum modum, eu égard aux biens du défunt, à la qualité et à la fortune du défunt, et autres circonstances.

Les arrérages des fondations pour obits, services, et prières, se peuvent demander depuis 29 années, en affirmant par les ecclésiastiques qu'ils ont acquitté les charges, et qu'ils n'ont pas été payés.

Pour ce qui est du fond, si c'est une somme à une fois payer, qui est donnée à l'église, elle est sujette à prescription ; mais les fondations qui consistent en prestations annuelles, sont imprescriptibles quant au fond ; la prescription ne peut avoir lieu que pour les arrérages antérieurs aux 29 dernières années. (A)

FONDATION ECCLESIASTIQUE, est celle qui a pour objet l'utilité de quelque ecclésiastique : comme la fondation d'un canonicat, ou autre bénéfice. (A)

FONDATION LAÏCALE, est celle qui est en faveur de personnes laïques, comme des bourses dans un collège, lorsqu'elles sont affectées à des écoliers laïques. (A)

FONDATION OBITUAIRE, est celle qui est faite pour un obit, c'est-à-dire qui a pour objet des messes, services, et prières, qui doivent être dites pour le repos de l'âme de quelqu'un qui est décédé. (A)

FONDATION PIE ou PIEUSE, est celle qui s'applique à quelques œuvres de piété, comme de faire dire des messes, services, et prières ; de faire des aumônes, de soulager les malades, etc. (A)

FONDATION ROYALE, est celle qui provient de la libéralité de nos rais. Les évêchés et la plupart des abbayes sont de fondation royale ; dans le doute à l'égard des abbayes, on présume en faveur du Roi. Il y a aussi des collégiales et autres églises de fondation royale ; pour la fondation des chapelles et autres bénéfices simples, le Roi n'a pas besoin de recourir à la juridiction ecclésiastique pour les autoriser ; il en serait autrement s'il s'agissait d'établir des bénéfices ayant charge d'ame ou juridiction spirituelle : il faudrait en ce cas l'autorité de l'église et l'institution de l'évêque. Bibliot. can. tom. I. p. 280.

Il y a aussi des colléges et autres établissements séculiers qui sont de fondation royale. (A)

FONDATION SACERDOTALE, se dit en matière bénéficiale, de celle qui est affectée à des ecclésiastiques ayant l'ordre de prêtrise. Un bénéfice peut être sacerdotal à lege, comme un curé, ou sacerdotal à fundatione, lorsque le fondateur a voulu que le bénéfice ne put être possédé que par des prêtres, quoique la nature du bénéfice ne le demandât pas. (A)

FONDATION SECULIERE, est celle qui est affectée à des séculiers. On entend aussi quelquefois par-là une fondation qui n'est point applicable à aucune église ni au service divin, quoique des ecclésiastiques puissent être l'objet de la fondation, aussi-bien que des laïcs ; par exemple, les bourses des colléges ne sont point des bénéfices, et sont considérées comme des fondations séculières, lors même qu'elles sont affectées à des ecclésiastiques.

Les fondations séculières sont opposées aux fondations ecclésiastiques.

Les colléges, les académies, les hôpitaux, sont des fondations séculières. (A)

FONDATION, se dit aussi figurément du commencement d'une ville, d'un empire, etc.

Les Romains comptaient leurs années depuis la fondation de Rome, ab urbe conditâ, que les écrivains expriment quelquefois par ab u. c. Les Chronologues comptent 779 ans depuis la sortie de l'Egypte jusqu'à la fondation de Rome. Voyez EPOQUE. Chambers.