ou TALEPOIS, (Histoire moderne) c'est le nom que les Siamais et les habitants des royaumes de Laos et de Pégu donnent à leurs prêtres : cependant, dans les deux derniers royaumes, on les désigne sous le nom de Fé. Ces prêtres sont des espèces de moines qui vivent en communauté dans des couvens, où chacun, comme nos chartreux, a une petite habitation séparée des autres.

Le P. Marini, jésuite missionnaire, nous dépeint ces moines avec les couleurs les plus odieuses et les plus noires ; sous un extérieur de gravité qui en impose au peuple, ils se livrent aux débauches les plus honteuses ; leur orgueil et leur dureté sont poussées jusqu'à l'excès. Les talapoins ont une espèce de noviciat, ils ne sont admis dans l'ordre qu'à l'âge de vingt-trois ans ; alors ils choisissent un homme riche ou distingué qui leur sert, pour ainsi dire, de parrein lorsqu'ils sont reçus à la profession ; elle se fait avec toute la pompe imaginable. Malgré cette profession, il leur est permis de quitter leurs couvens et de se marier, ils peuvent ensuite y rentrer de nouveau si la fantaisie leur prend. Ils portent une tunique de toîle jaune qui ne Ve qu'aux genoux, et elle est liée par une ceinture rouge ; ils ont les bras et les jambes nuds, et portent dans leurs mains une espèce d'éventail pour marque de leur dignité ; ils se rasent la tête et même les sourcils, le premier jour de chaque nouvelle lune. Ils sont soumis à des chefs qu'ils choisissent entr'eux. Dès le grand matin ils sortent de leurs couvens en marchant d'abord deux à deux ; après quoi ils se répandent de divers côtés pour demander des aumônes, qu'ils exigent avec la dernière insolence. Quelques crimes qu'ils commettent, le roi de Laos n'ose les punir ; leur influence sur le peuple les met au-dessus des lois, le souverain même se fait honneur d'être leur chef. Les talapoins sont obligés de se confesser de leurs fautes dans leur couvent, cérémonie qui se fait tous les quinze jours. Ils consacrent de l'eau qu'ils envoyent aux malades, à qui ils la font payer très-chérement. Le culte qu'ils rendent aux idoles consiste à leur offrir des fleurs, des parfums, du riz qu'ils mettent sur les autels. Ils portent à leurs bras des chapelets composés de cent grains enfilés. Ces indignes prêtres sont servis par des esclaves qu'ils traitent avec la dernière dureté : les premiers de l'état ne font point difficulté de leur rendre les services les plus bas. Le respect qu'on a pour eux vient de ce qu'on les croit sorciers, au moyen de quelques secrets qu'ils ont pour en imposer au peuple, qui se dépouille volontairement de tout ce qu'il a pour satisfaire l'avarice, la gourmandise et la vanité d'une troupe de fainéans inutiles et nuisibles à l'état. La seule occupation des talapoins consiste à prêcher pendant les solennités dans les temples de Shaka ou Sommona-Kodom qui est leur législateur et leur dieu. Voyez cet article. Dans leurs sermons ils exhortent leurs auditeurs à dévouer leurs enfants à l'état monastique, et ils les entretiennent des vertus des prétendus saints de leur ordre. Quant à leur loi, elle se borne, 1°. à ne rien tuer de ce qui a vie ; 2°. à ne jamais mentir ; 3°. à ne point commettre l'adultère ; 4°. à ne point voler ; 5°. à ne point boire du vin. Ces commandements ne sont point obligatoires pour les talapoins, qui moyennant des présents en dispensent les autres, ainsi qu'eux-mêmes. Le précepte que l'on inculque avec le plus de soin, est de faire la charité et des présents aux moines. Tels sont les talapoins du royaume de Laos. Il y en a d'autres qui sont beaucoup plus estimés que les premiers ; ils vivent dans les bois ; le peuple, et les femmes surtout, vont leur rendre leurs hommages ; les visites de ces dernières leur sont fort agréables : elles contribuent, dit-on, beaucoup à la population du pays.

A Siam les talapoins ont des supérieurs nommés sancrats. Il y en a, comme à Laos, de deux espèces ; les uns habitent les villes, et les autres les forêts.

Il y a aussi les religieuses talapoines, qui sont vêtues de blanc, et qui, suivant la règle, devraient observer la continence, ainsi que les talapoins mâles. Les Siamais craient que la vertu véritable ne réside que dans les talapoins : ces derniers ne peuvent jamais pécher, mais ils sont faits pour absoudre les péchés des autres. Ces prêtres ont de très-grands privilèges à Siam ; cependant les rois ne leur sont point si dévoués qu'à Laos ; on ne peut pourtant pas les mettre à mort, à-moins qu'ils n'aient quitté l'habit de l'ordre. Ils sont chargés à Siam de l'éducation de la jeunesse, et d'expliquer au peuple la doctrine contenue dans leurs livres écrits en langue balli ou palli, qui est la langue des prêtres. Voyez Laloubere, description de Siam.