(Géographie ancienne et Littérature) voilà le nom qui nous est si cher dans l'ancienne ville de Troie, dans l'Asie mineure.

Ilion, ton nom seul a des charmes pour moi !

Ne verrai je jamais rien de toi, ni la place

De ces murs élevés et détruits par les dieux,

Ni ces champs où couraient la fureur et l'audace,

Ni des temps fabuleux enfin la moindre trace

Qui put me présenter l'image de ces lieux !

Non, on ne verra rien de tous ces précieux restes de l'antiquité ! L'Ilion dont il s'agit, fut détruite 850 ans avant l'arrivée d'Alexandre en Troade ; il ne trouva qu'un village qui portait son nom, bâti à trente stades au-delà. Ce prince fit de riches présents à ce pauvre village, lui donna le titre de ville, et laissa des ordres pour l'agrandir.

Après la mort d'Alexandre, Lysimaque amplifia le nouvel Ilion, et l'environna d'un mur de quarante stades ; mais cette ville n'avait plus de murailles, quand les Gaulois y passèrent, l'an 477 de Rome ; et la première fois que les Romains entrèrent en Asie, c'est-à-dire l'an de Rome 564, Ilion avait plutôt l'air d'un bourg que d'une ville ; Fimbria, lieutenant de Sylla, acheva de la ruiner en 668, dans la guerre contre Mithridate.

Cependant Sylla consola les habitants de leur perte, et leur fit du bien. Jules-César qui se regardait comme un des descendants d'Enée, s'affectionna entiérement à cette petite ville, et la réédifia. Il donna non-seulement de nouvelles terres à ses habitants, mais la liberté et l'exemption des travaux publics. En un mot, il étendit si loin ses bienfaits sur Ilion, qu'au rapport de Suétone, on le soupçonna d'avoir voulu quitter Rome pour s'y établir, et y transporter les richesses de l'empire.

On eut encore la même frayeur sous Auguste, qui en qualité d'héritier de Jules-César, aurait pu exécuter ce grand projet. L'un et l'autre montrèrent en plusieurs occasions, un penchant très-marqué pour la ville d'Ilion. Nous venons de voir ce que le premier fit pour elle ; le second y établit une colonie avec de nouveaux privilèges, et rendit aux Troie.s la belle statue d'Ajax, qu'Antoine avait fait transporter en Egypte.

Enfin, M. le Fèvre, Dacier, et le P. Sanadon, sont persuadés que ce fut pour détourner adroitement Auguste du dessein qu'il pourrait avoir de relever l'éclat de l'ancienne Troie, qu'Horace composa cette ode admirable, chef-d'œuvre de la poésie lyrique, qui commence par justum et tenacem propositi virum, dans laquelle ode il fait tenir à Junon ce discours.

Ilion, Ilion !

Fatalis incestusque judex,

Et mulier peregrina vertit

In pulverem.

Ilion, la détestable Ilion ! c'est par cette répétition qu'il tâche d'imprimer des sentiments d'aversion pour cette ville ; par mépris encore, il ne daigne faire nommer à Junon, ni Paris, ni Hélene ; l'une est une femme étrangère, l'autre un juge fatal à sa patrie, un violateur de l'hospitalité ; Laomédon et les Troie.s sont des perfides, des parjures, livrés depuis longtemps à la colere des dieux. Voilà le sujet de cette pièce lyrique découvert ; et vraisemblablement Horace la fit de concert et par les conseils de Mécène et d'Agrippa : jamais le poète n'eut un sujet plus délicat à manier, et jamais il ne s'en tira avec tant d'art.

Ilion subsista encore sous les empereurs. On a des médailles frappées au nom de ses habitants. Il y en a une de Marc Aurele, qui représente Hector sur un char à deux chevaux, avec cette légende . Il y en a d'autres de Commode et d'Antonin fils de Sévère, sur lesquelles la légende est la même ; mais le char est à quatre chevaux. On en a aussi à deux chevaux frappées sous Sévère et sous Gordien.

C'est de l'Ilion dont il est ici question, que les voyageurs disent avoir Ve les ruines, et non pas de l'ancienne Troie, qu'Hector ne put défendre, et que les Grecs brulèrent impitoyablement dans une seule nuit. Voyez TROIE. (D.J.)