succession linéale, (Droit politique) sorte de succession à la couronne.

Il y a deux principales sortes de successions linéales à la couronne, savoir la cognatique et l'agnatique ; ces noms viennent des mots latins cognati et agnati, qui dans le droit romain signifient, le premier, les parents du côté des femmes ; l'autre, ceux qui sont du côté des mâles.

La succession linéale cognatique est celle qui n'exclut point les femmes de la succession à la couronne, mais qui les appelle seulement après les mâles dans la même ligne ; en sorte que lorsqu'il ne reste que les femmes, on ne passe pas pour cette raison à une autre ligne, mais on retourne à elles, lorsque les mâles les plus proches, ou d'ailleurs égaux, viennent à manquer avec toute leur descendance. Il résulte de-là que la fille du fils du dernier roi est préférée au fils de la fille du même prince, et la fille d'un de ses frères au fils d'une de ses sœurs.

On appelle aussi cette sorte de succession, castillanne, parce qu'elle avait lieu dans le royaume de Castille. Pour savoir si on doit suivre cette sorte de succession au défaut de loi et d'exemple, on peut voir quel ordre s'observe dans la succession des corps ou conseils publics dont les places sont héréditaires.

Le fondement de cette succession, en tant qu'elle est différente de la succession purement héréditaire, c'est que les peuples ont cru que ceux qui espèrent le plus justement de parvenir à la couronne, tels que sont les enfants dont les pères auraient succédé s'ils eussent vécu, seront le mieux élevés.

La succession linéale agnatique, est celle dans laquelle il n'y a que des mâles issus des mâles qui succedent, en sorte que les femmes, et tous ceux qui sortent d'elles, sont exclus à perpétuité.

Elle s'appelle aussi française, parce qu'elle est en usage dans notre royaume. Cette exclusion des femmes et de leurs descendants a été établie principalement pour empêcher que la couronne ne parvienne à une race étrangère, par les mariages des princesses du sang royal.

Ainsi selon ce principe, n'eut-il pas été plus avantageux dans la dernière révolution des Provinces-Unies, de borner la succession du stathouderat à la ligne agnatique ? Et n'est-il pas à craindre que la république l'ayant étendue à la ligne cognatique, le gouvernement ne puisse tomber dans la suite à une race étrangère, dont les intérêts seraient bien différents de ceux qui conviennent au bien de cet état ?

Je renvoie le lecteur aux ouvrages des célèbres jurisconsultes, d'Hottoman, de Tiraqueau, de Grotius, etc. pour la décision d'un grand nombre de questions qu'on peut faire sur cette importante matière, et je me contenterai de ne traiter ici que la principale.

On demande si dans un royaume indivisible, un fils né avant que son père parvienne à la couronne, doit être préféré à celui qui est né depuis, quelle que soit la succession établie cognatique ou agnatique. Grotius décide avec raison pour l'affirmative, parce que, dit-il, du moment que quelqu'un a acquis la couronne dans la succession linéale, les enfants nés auparavant ont quelque espérance d'y parvenir ; car supposé qu'il ne nâquit plus d'enfants à leur père, personne n'oserait dire que ceux qui étaient nés déjà doivent être exclus de la succession. Or, dans ce cas, pour avoir droit de succéder, il suffit qu'on en ait eu l'espérance, et ce droit ne se perd point par quelque chose arrivée depuis ; tout ce qu'il y a, c'est que dans la succession cognatique, l'acquisition prochaine en est suspendue par le privilège du sexe, ou en ce qu'il peut naître des enfants mâles.

Par la même raison, dans la succession cognatique le fils de l'ainé doit l'emporter sans aucun égard à l'âge, et la fille même de l'ainé a la préférence, parce que l'âge ni le sexe n'autorisent pas à passer d'une ligne à l'autre. Ainsi en Angleterre, où la succession est linéale cognatique, Richard II. petit-fils d'Edouard III. monta sur le trône âgé de 12 ans, en 1377, et l'emporta sur ses trois oncles.

Convenons cependant que la succession linéale, tant cognatique qu'agnatique, a souffert dans plusieurs états les changements et les vicissitudes de ce monde : et pour n'en citer qu'un exemple, en Espagne, où la succession linéale cognatique a lieu, les rais, qui plus d'un siècle avant Richard II. roi d'Angleterre, avaient possédé la couronne de Castille, étaient descendus d'un prince qui l'avait obtenue au préjudice de ses neveux, fils de son frère ainé. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.