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Catégorie : Morale
S. m. (Morale) c'est un mouvement desagréable de l'âme, occasionné par l'attention qu'elle donne à l'absence d'un bien dont elle aurait pu jouir pendant plus longtemps, ou à la présence d'un mal dont elle désire l'absence. Si la perte du bien que vous regrettez était indépendante de vous, disaient les Stoïciens, le chagrin que vous en ressentez est une opposition extravagante au cours général des événements : si vous pouviez la prévenir, et que vous ne l'ayez pas fait, votre chagrin n'en est pas plus raisonnable, puisque toute la douleur possible ne réparera rien. En un mot, le bien qui vous manque, le mal qui vous est présent, sont-ils dans l'ordre physique ? cet ordre est antérieur à vous ; il est au-dessus de vous ; il est indépendant de vous ; il sera postérieur à vous : laissez-le donc aller sans vous en embarrasser : sont-ils dans l'ordre moral ? le passé n'étant plus, et le présent étant la seule chose qui soit en votre puissance, pourquoi vous affliger sur un temps où vous n'êtes plus, au lieu de vous rendre meilleur pour le temps où vous êtes, et pour celui où vous pourrez être ? Il n'y a aucune philosophie, disait Epictete, à accuser les autres d'un mal qu'on a fait ; c'est en être au premier pas de la philosophie, que de s'en accuser soi-même ; c'est avoir fait le dernier pas, que de ne s'en accuser ni soi-même ni les autres. Il faut convenir que cette insensibilité est assez conforme au bonheur d'une vie telle que nous sommes condamnés à la mener, où la somme des biens ne compense pas à beaucoup près celle des maux : mais dépend-elle beaucoup de nous ? et est-il permis au moraliste de supposer le cœur de l'homme tel qu'il n'est pas ? Ne nous arrive-t-il pas à tout moment de n'avoir rien à répondre à tous les arguments que nous opposons à nos peines même d'esprit ou de cœur, et de n'en souffrir ni plus ni moins ? Si c'est la perte d'un bien qu'on regrette,

Une si douce fantaisie

Toujours revient ;

En songeant qu'il faut qu'on l'oublie,

On s'en souvient. M. Mongrif.

S'il s'agit d'émousser la pointe d'un mal, c'est en vain que j'appelle à mon secours, dit Chaulieu,

Raison, philosophie ;

Je n'en conçais, hélas, aucun soulagement !

A leurs belles leçons, insensé qui se fie ;

Elles ne peuvent rien contre le sentiment.

Raison me dit que vainement

Je m'afflige d'un mal qui n'a point de remède :

Mais je verse des pleurs dans ce même moment,

Et sens qu'à ma douleur il vaut mieux que je cede.

* CHAGRIN, s. m. (Manuf. et Comm.) espèce de cuir grainé ou couvert de papilles rondes, serré, solide, qu'on tire de Constantinople, de Tauris, d'Alger, de Tripoli, de quelques endroits de la Syrie, et même de quelques cantons de la Pologne, et que les Gainiers particulièrement emploient à couvrir leurs ouvrages les plus précieux.

Il n'y a point d'animal appelé chagrin, comme quelques-uns l'ont cru : les cuirs qui portent ce nom se font avec les peaux de la croupe des chevaux et des mulets. On les tanne et passe bien ; on les rend le plus mince qu'il est possible ; on les expose à l'air ; on les amollit ensuite ; on les étend fortement ; puis on répand dessus de la graine de moutarde la plus fine ; on les laisse encore exposées à l'air pendant quelque temps ; et on finit par les tenir serrées fortement dans une presse : quand la graine prend bien, les peaux sont belles ; sinon il reste des endroits unis, qu'on appelle miroirs : ces miroirs sont un grand défaut. Voilà tout ce que nous savons de la fabrique du chagrin. Nous devons ce petit détail, selon toute apparence assez inexact, à M. Jaugeon. Voyez les mémoires de l'académie des Sciences, année 1709.

Le chagrin est très-dur, quand il est sec ; mais il s'amollit dans l'eau ; ce qui en facilite l'emploi aux ouvriers. On lui donne par la teinture toute sorte de couleur. On distingue le vrai chagrin de celui qui se contrefait avec le maroquin, en ce que celui-ci s'écorche, ce qui n'arrive pas à l'autre. Le gris passe pour le meilleur ; et le blanc ou sale, pour le moins bon.

* CHAGRIN, s. m. (Manuf. et Comm.) espèce de taffetas moucheté, appelé chagrin, parce que les mouches exécutées à la surface de ce chagrin taffetas ont une ressemblance éloignée avec les grains ou papilles du chagrin cuir. Voyez plus haut.




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