On entend quelquefois en Géométrie par application, ce que nous appelons en Arithmétique division. Ce mot est plus d'usage en latin qu'en français : applicare 6 ad 3, est la même chose que diviser 6 par 3. Voyez DIVISION.

Application, se dit encore de l'action de poser ou d'appliquer l'une sur l'autre deux figures planes égales ou inégales.

C'est par l'application ou superposition qu'on démontre plusieurs propositions fondamentales de la Géométrie élémentaire ; par exemple, que deux triangles qui ont une même base et les mêmes angles à la base, sont égaux en tout ; que le diamètre d'un cercle le divise en deux parties parfaitement égales ; qu'un carré est partagé par sa diagonale en deux triangles égaux et semblables, etc. Voyez SUPERPOSITION.

APPLICATION d'une science à une autre, en général, se dit de l'usage qu'on fait des principes et des vérités qui appartiennent à l'une pour perfectionner et augmenter l'autre.

En général, il n'est point de science ou d'art qui ne tiennent en partie à quelqu'autre. Le Discours préliminaire qui est à la tête de cet Ouvrage, et les grands articles de ce Dictionnaire, en fournissent par-tout la preuve.

APPLICATION de l'Algèbre ou de l'Analyse à la Géométrie. L'Algèbre étant, comme nous l'avons dit à son article, le calcul des grandeurs en général, et l'Analyse l'usage de l'Algèbre pour découvrir les quantités inconnues ; il était naturel qu'après avoir découvert l'Algèbre et l'Analyse, on songeât à appliquer ces deux sciences à la Géométrie, puisque les lignes, les surfaces, et les solides dont la Géométrie s'occupe, sont des grandeurs mesurables et comparables entr'elles, et dont on peut par conséquent assigner les rapports. Voyez ARITHMETIQUE UNIVERSELLE. Cependant jusqu'à M. Descartes, personne n'y avait pensé, quoique l'Algèbre eut déjà fait d'assez grands progrès, surtout entre les mains de Viete. Voyez ALGEBRE. C'est dans la Géométrie de M. Descartes que l'on trouve pour la première fois l'application de l'Algèbre à la Géométrie, ainsi que des méthodes excellentes pour perfectionner l'Algèbre même : ce grand génie a rendu par là un service immortel aux Mathématiques, et a donné la clé des plus grandes découvertes qu'on put espérer de faire dans cette science.

Il a le premier appris à exprimer par des équations la nature des courbes, à résoudre par le secours de ces mêmes courbes, les problèmes de Géométrie ; enfin à demontrer souvent les théorèmes de Géométrie par le secours du calcul algébrique, lorsqu'il serait trop pénible de les démontrer autrement en se servant des méthodes ordinaires. On verra aux articles CONSTRUCTION, EQUATION, COURBE, en quoi consiste cette application de l'Algèbre à la Géométrie. Nous ignorons si les anciens avaient quelque secours semblable dans leurs recherches : s'ils n'en ont pas eu, on ne peut que les admirer d'avoir été si loin sans ce secours. Nous avons le traité d'Archimède sur les spirales, et ses propres démonstrations ; il est difficîle de savoir si ces démonstrations exposent précisément la méthode par laquelle il est parvenu à découvrir les propriétés des spirales ; ou si après avoir trouvé ces propriétés par quelque méthode particulière, il a eu dessein de cacher cette méthode par des démonstrations embarrassées. Mais s'il n'a point en effet suivi d'autre méthode que celle qui est contenue dans ces démonstrations mêmes, il est étonnant qu'il ne se soit pas égaré ; et on ne peut donner une plus grande preuve de la profondeur et de l'étendue de son génie : car Bouillaud avoue qu'il n'a pas entendu les démonstrations d'Archimède, et Viete les a injustement accusées de parallogisme.

Quoi qu'il en sait, ces mêmes démonstrations qui ont couté tant de peine à Bouillaud et à Viete, et peut-être tant à Archimède, peuvent aujourd'hui être extrêmement facilitées par l'application de l'Algèbre à la Géométrie. On en peut dire autant de tous les ouvrages géométriques des anciens, que presque personne ne lit, par la facilité que donne l'Algèbre de réduire leurs démonstrations à quelques lignes de calcul.

Cependant M. Newton, qui connaissait mieux qu'un autre tous les avantages de l'Analyse dans la Géométrie, se plaint en plusieurs endroits de ses ouvrages, de ce que la lecture des anciens Géomètres est abandonnée.

En effet, on regarde communément la méthode dont les anciens se sont servis dans leurs livres de Géométrie, comme plus rigoureuse que celle de l'Analyse ; et c'est principalement sur cela que sont fondées les plaintes de M. Newton, qui craignait que par l'usage trop fréquent de l'Analyse, la Géométrie ne perdit cette rigueur qui caractérise ses démonstrations. On ne peut nier que ce grand homme ne fût fondé, au moins en partie, à recommander jusqu'à un certain point, la lecture des anciens Géomètres. Leurs démonstrations étant plus difficiles, exercent davantage l'esprit, l'accoutument à une application plus grande, lui donnent plus d'étendue, et le forment à la patience et à l'opiniâtreté, si nécessaires pour les découvertes. Mais il ne faut rien outrer ; et si on s'en tenait à la seule méthode des anciens, il n'y a pas d'apparence que, même avec le plus grand génie, on put faire dans la Géométrie de grandes découvertes, ou du moins en aussi grand nombre qu'avec le secours de l'Analyse. A l'égard de l'avantage qu'on veut donner aux démonstrations faites à la manière des anciens, d'être plus rigoureuses que les démonstrations analytiques ; je doute que cette prétention soit bien fondée. J'ouvre les Principes de Newton : je vois que tout y est démontré à la manière des anciens ; mais en même temps je vois clairement que Newton a trouvé ses théoremes par une autre méthode que celle par laquelle il les démontre, et que ses démonstrations ne sont proprement que des calculs analytiques qu'il a traduits, et déguisés en substituant le nom des lignes à leur valeur algébrique. Si on prétend que les démonstrations de Newton sont rigoureuses, ce qui est vrai ; pourquoi les traductions de ces démonstrations en langage algébrique, ne seraient-elles pas rigoureuses aussi ? Que j'appelle une ligne A B, ou que je la désigne par l'expression algébrique a, quelle différence en peut-il résulter pour la certitude de la démonstration ? A la vérité la dernière dénomination a cela de particulier, que quand j'aurai désigné toutes les lignes par des caractères algébriques, je pourrai faire sur ces caractères beaucoup d'opérations, sans songer aux lignes ni à la figure ; mais cela même est un avantage ; l'esprit est soulagé, il n'a pas trop de toutes ses forces pour résoudre certains problèmes, et l'Analyse les épargne autant qu'il est possible. Il suffit de savoir que les principes du calcul sont certains ; la main calcule en toute sûreté, et arrive presque machinalement à un résultat qui donne le théorème ou le probleme que l'on cherchait, et auquel sans cela l'on ne serait point parvenu, ou l'on ne serait arrivé qu'avec beaucoup de peine. Il ne tiendra qu'à l'Analyste de donner à sa démonstration ou à sa solution la rigueur prétendue qu'on croit lui manquer ; il lui suffira pour cela de traduire la démonstration dans le langage des anciens, comme Newton a fait les siennes. Qu'on se contente donc de dire que l'usage trop fréquent et trop facîle de l'Analyse peut rendre l'esprit paresseux, et on aura raison, pourvu que l'on convienne en même temps de la nécessité absolue de l'Analyse pour un grand nombre de recherches ; mais je doute fort que cet usage rende les démonstrations mathématiques moins rigoureuses. On peut regarder la méthode des anciens comme une route difficile, tortueuse, embarrassée, dans laquelle le Géomètre guide ses lecteurs : l'Analyste placé à un point de vue plus élevé, voit, pour ainsi dire, cette route d'un coup-d'oeil ; il ne tient qu'à lui d'en parcourir tous les sentiers, d'y conduire les autres, et de les y arrêter aussi longtemps qu'il le veut.

Au reste il y a des cas où l'usage de l'Analyse, loin d'abréger les démonstrations, les rendrait au contraire plus embarrassées. De ce nombre sont entr'autres plusieurs problèmes ou théorèmes, où il s'agit de comparer des angles entr'eux. Ces angles ne sont exprimables analytiquement que par leurs sinus, et l'expression des sinus des angles est souvent compliquée ; ce qui rend les constructions et les démonstrations difficiles en se servant de l'Analyse. Au reste, c'est aux grands Géomètres à savoir quand ils doivent faire usage de la méthode des anciens, ou lui préférer l'Analyse. Il serait difficîle de donner sur cela des règles exactes et générales.

APPLICATION de la Géométrie à l'Algèbre. Quoiqu'il soit beaucoup plus ordinaire et plus commode d'appliquer l'Algèbre à la Géométrie, que la Géométrie à l'Algèbre, cependant cette dernière application a lieu en certains cas. Comme on représente les lignes géométriques par des lettres, on peut quelquefois représenter par des lignes les grandeurs numériques que des lettres expriment, et il peut même dans quelques occasions en résulter plus de facilité pour la démonstration de certains théorèmes, ou la résolution de certains problèmes. Pour en donner un exemple simple, je suppose que je veuille prendre le carré de a + b ; je puis par le calcul algébrique démontrer que ce carré contient le carré de a, plus celui de b, plus deux fois le produit de a par b. Mais je puis aussi démontrer cette proposition en me servant de la Géométrie. Pour cela je n'ai qu'à faire un carré, dont je partagerai la base et la hauteur chacune en deux parties, dont j'appellerai l'une a, et l'autre b ; ensuite tirant par les points de division des lignes parallèles aux côtés du carré, je diviserai ce carré en quatre surfaces, dont on verra au premier coup-d'oeil que l'une sera le carré de a, une autre celui de b, et les deux autres seront chacune un rectangle formé de a et de b ; d'où il s'ensuit que le carré du binome a + b contient le carré de chacune des deux parties, plus deux fois le produit de la première par la seconde. Cet exemple, très-simple et à la portée de tout le monde, peut servir à faire voir comment on applique la Géométrie à l'Algèbre, c'est-à-dire comment on peut se servir quelquefois de la Géométrie pour démontrer les théorèmes d'Algèbre.

Au reste, l'application de la Géométrie à l'Algèbre n'est pas si nécessaire dans l'exemple que nous venons de rapporter, que dans plusieurs autres, trop compliqués pour que nous en fassions ici une énumération fort étendue. Nous nous contenterons de dire que la considération, par exemple, des courbes de genre parabolique, et du cours de ces courbes par rapport à leur axe, est souvent utîle pour démontrer aisément plusieurs théorèmes sur les équations et sur leurs racines. Voyez entr'autres l'usage que M. l'abbé de Gua a fait de ces sortes de courbes, mém. acad. 1741, pour démontrer la fameuse règle de Descartes sur le nombre des racines des équations. Voyez PARABOLIQUE, CONSTRUCTION, etc.

On peut même quelquefois appliquer la Géométrie à l'Arithmétique, c'est-à-dire se servir de la Géométrie pour démontrer plus aisément sans Analyse et d'une manière générale, certains théorèmes d'Arithmétique ; par exemple, que la suite des nombres impairs 1, 3, 5, 7, 9, etc. ajoutés successivement, donne la suite des carrés 1, 4, 9, 16, 25, etc.

Pour cela, faites un triangle rectangle A B E (fig. 65. Mécan.) dont un côté soit horizontal et l'autre vertical (je les désigne par horizontal et vertical, pour fixer l'imagination) : divisez le côté vertical A B en tant de parties égales que vous voudrez, et par les points de division 1, 2, 3, 4, etc. menez les parallèles 1 f, 2 g, etc. à B E, vous aurez d'abord le petit triangle A 1 f, ensuite le trapeze 1 f g 2, qui vaudra trois fois ce triangle ; puis un troisième trapeze 2 g h 3, qui vaudra cinq fois le triangle : de sorte que les espaces terminés par ces parallèles 1 f, 2 g, etc. seront représentés par les nombres suivants, 1, 3, 5, 7, etc. en commençant par le triangle A 1 f, et désignant ce triangle par 1, 5.

Or les sommes de ces espaces seront les triangles A 1 f, A 2 g, A 3 h, etc. qui sont comme les carrés des côtés A 1, A 2, A 3, c'est-à-dire comme 1, 4, 9, etc. donc la somme des nombres impairs donne la somme des nombres carrés. On peut sans doute démontrer cette proposition algébriquement ; mais la démonstration précédente peut satisfaire ceux qui ignorent l'Algèbre. Voyez ACCELERATION.

APPLICATION de la Géométrie et de l'Algèbre à la Mécanique. Elle est fondée sur les mêmes principes que l'application de l'Algèbre à la Géométrie. Elle consiste principalement à représenter par des équations les courbes que décrivent les corps dans leur mouvement, à déterminer l'équation entre les espaces que les corps décrivent (lorsqu'ils sont animés par des forces quelconques), et le temps qu'ils emploient à parcourir ces espaces, etc. On ne peut à la vérité comparer ensemble deux choses d'une nature différente, telles que l'espace et le temps ; mais on peut comparer le rapport des parties du temps avec celui des parties de l'espace parcouru. Le temps par sa nature coule uniformément, et la mécanique suppose cette uniformité. Du reste, sans connaître le temps en lui-même, et sans en avoir de mesure précise, nous ne pouvons représenter plus clairement le rapport de ses parties, que par celui des parties d'une ligne droite indéfinie. Or l'analogie qu'il y a entre le rapport des parties d'une telle ligne, et celui des parties de l'espace parcouru par un corps qui se meut d'une manière quelconque, peut toujours être exprimé par une équation. On peut donc imaginer une courbe dont les abscisses représentent les portions du temps écoulé depuis le commencement du mouvement ; les ordonnées correspondantes désignant les espaces parcourus durant ces portions de temps. L'équation de cette courbe exprimera, non le rapport des temps aux espaces, mais, si on peut parler ainsi, le rapport du rapport que les parties de temps ont à leur unité, à celui que les parties de l'espace parcouru ont à la leur ; car l'équation d'une courbe peut être considérée ou comme exprimant le rapport des ordonnées aux abscisses, ou comme l'équation entre le rapport que les ordonnées ont à leur unité, et celui que les abscisses correspondantes ont à la leur.

Il est donc évident que par l'application seule de la Géométrie et du calcul, on peut, sans le secours d'aucun autre principe, trouver les propriétés générales du mouvement, varié suivant une loi quelconque. On peut voir à l'article ACCELERATION, un exemple de l'application de la Géométrie à la Mécanique ; les temps de la descente d'un corps pesant y sont représentés par l'abscisse d'un triangle, les vitesses par les ordonnées (voyez ABSCISSE et ORDONNEE), et les espaces parcourus par l'aire des parties du triangle. Voyez TRAJECTOIRE, MOUVEMENT, TEMS, etc.

APPLICATION de la Mécanique à la Géométrie. Elle consiste principalement dans l'usage qu'on fait quelquefois du centre de gravité des figures, pour déterminer les solides qu'elles forment. Voyez CENTRE DE GRAVITE.

APPLICATION de la Géométrie et de l'Astronomie à la Géographie. Elle consiste en trois choses. 1° A déterminer par les opérations géométriques et astronomiques la figure du globe que nous habitons. Voyez FIGURE DE LA TERRE, DEGRE, etc. 2°. A trouver par l'observation des longitudes et des latitudes la position des lieux. Voyez LONGITUDE et LATITUDE. 3°. A déterminer par des opérations géométriques la position des lieux peu éloignés l'un de l'autre. Voyez CARTE.

L'Astronomie et la Géométrie sont aussi d'un grand usage dans la navigation. Voyez NAVIGATION, etc.

APPLICATION de la Géométrie et de l'Analyse à la Physique. C'est à M. Newton qu'on la doit, comme on doit à M. Descartes l'application de l'Algèbre à la Géométrie. Elle est fondée sur les mêmes principes que l'application de l'Algèbre à la Géométrie. La plupart des propriétés des corps ont entr'elles des rapports plus ou moins marqués que nous pouvons comparer, et c'est à quoi nous parvenons par la Géométrie, et par l'Analyse ou Algèbre. C'est sur cette application que sont fondées toutes les sciences physico-mathématiques. Une seule observation ou expérience donne souvent toute une science. Supposez, comme on le sait par l'expérience, que les rayons de lumière se réfléchissent en faisant l'angle d'incidence égal à l'angle de réflexion, vous aurez toute la Catoptrique. Voyez CATOPTRIQUE. Cette expérience une fois admise, la Catoptrique devient une science purement géométrique, puisqu'elle se réduit à comparer des angles et des lignes données de position. Il en est de même d'une infinité d'autres. En général, c'est par le secours de la Géométrie et de l'Analyse que l'on parvient à déterminer la quantité d'un effet qui dépend d'un autre effet mieux connu. Donc cette science nous est presque toujours nécessaire dans la comparaison et l'examen des faits que l'expérience nous découvre. Il faut avouer cependant que les différents sujets de Physique ne sont pas également susceptibles de l'application de la Géométrie. Plusieurs expériences, telles que celles de l'aimant, de l'électricité, et une infinité d'autres, ne donnent aucune prise au calcul ; en ce cas il faut s'abstenir de l'y appliquer. Les Géomètres tombent quelquefois dans ce défaut, en substituant des hypothèses aux expériences, et calculant en conséquence ; mais ces calculs ne doivent avoir de force qu'autant que les hypothèses sur lesquelles ils sont appuyés, sont conformes à la nature, et il faut pour cela que les observations les confirment, ce qui par malheur n'arrive pas toujours. D'ailleurs quand les hypothèses seraient vraies, elles ne sont pas toujours suffisantes. S'il y a dans un effet un grand nombre de circonstances dû.s à plusieurs causes qui agissent à-la-fais, et qu'on se contente de considérer quelques-unes de ces causes, parce qu'étant plus simples, leur effet peut être calculé plus aisément : on pourra bien par cette méthode avoir l'effet partiel de ces causes ; mais cet effet sera fort différent de l'effet total, qui résulte de la réunion de toutes les causes.

APPLICATION de la Méthode géométrique à la Métaphysique. On a quelquefois abusé de la Géométrie dans la Physique, en appliquant le calcul des propriétés des corps à des hypothèses arbitraires. Dans les Sciences qui ne peuvent par leur nature être soumises à aucun calcul, on a abusé de la méthode des Géomètres, parce qu'on ne pouvait abuser que de la méthode. Plusieurs ouvrages méthaphysiques, qui ne contiennent souvent rien moins que des vérités certaines, ont été exécutés à la manière des Géomètres ; et on y voit à toutes les pages les grands mots d'axiome, de théorème, de corollaire, &c.

Les auteurs de ces ouvrages se sont apparemment imaginés que de tels mots faisaient par quelque vertu secrète l'essence d'une démonstration, et qu'en écrivant à la fin d'une proposition, ce qu'il fallait démontrer, ils rendraient démontré ce qui ne l'était pas. Mais ce n'est point à cette méthode que la Géométrie doit sa certitude, c'est à l'évidence et à la simplicité de son objet ; et comme un livre de Géométrie pourrait être très-bon en s'écartant de la forme ordinaire, un livre de Métaphysique ou de Morale peut souvent être mauvais en suivant la méthode des Géomètres. Il faut même se défier de ces sortes d'ouvrages ; car la plupart des prétendues démonstrations n'y sont fondées que sur l'abus des mots. Ceux qui ont réfléchi sur cette matière, savent combien l'abus des mots est facîle et ordinaire, surtout dans les matières métaphysiques. C'est en quoi on peut dire que les Scholastiques ont excellé, et on ne saurait trop regretter qu'ils n'aient pas fait de leur sagacité un meilleur usage.

APPLICATION de la Métaphysique à la Géométrie. On abuse quelquefois de la Métaphysique en Géométrie, comme on abuse de la méthode des Géomètres en Métaphysique. Ce n'est pas que la Géométrie n'ait, comme toutes les autres Sciences, une métaphysique qui lui est propre ; cette métaphysique est même certaine et incontestable, puisque les propositions géométriques qui en résultent, sont d'une évidence à laquelle on ne saurait se refuser. Mais comme la certitude des Mathématiques vient de la simplicité de son objet, la métaphysique n'en saurait être trop simple et trop lumineuse : elle doit toujours se réduire à des notions claires, précises et sans aucune obscurité. En effet, comment les conséquences pourraient-elles être certaines et évidentes, si les principes ne l'étaient pas ? Cependant quelques auteurs ont cru pouvoir introduire dans la Géométrie une métaphysique souvent assez obscure, et qui pis est, démontrer par cette métaphysique des vérités dont on était déjà certain par d'autres principes. C'était le moyen de rendre ces vérités douteuses, si elles avaient pu le devenir. La Géométrie nouvelle a principalement donné occasion à cette mauvaise méthode. On a cru que les infiniment petits qu'elle considère étaient des quantités réelles ; on a voulu admettre des infinis plus grands les uns que les autres ; on a reconnu des infiniment petits de différents ordres, en regardant tout cela comme des réalités ; au lieu de chercher à réduire ces suppositions et ces calculs à des notions simples. Voyez DIFFERENTIEL, INFINI et INFINIMENT PETIT.

Un autre abus de la Métaphysique en Géométrie, consiste à vouloir se borner dans certains cas à la Métaphysique pour des démonstrations géométriques. En supposant même que les principes métaphysiques dont on part soient certains et évidents, il n'y a guère de propositions géométriques qu'on puisse démontrer rigoureusement avec ce seul secours ; presque toutes demandent, pour ainsi dire, la taise et le calcul. Cette manière de démontrer est bien matérielle, si l'on veut : mais enfin c'est presque toujours la seule qui soit sure, c'est la plume à la main, et non pas avec des raisonnements métaphysiques, qu'on peut faire des combinaisons et des calculs exacts.

Au reste, cette dernière métaphysique dont nous parlons, est bonne jusqu'à un certain point, pourvu qu'on ne s'y borne pas : elle fait entrevoir les principes des découvertes ; elle nous fournit des vues ; elle nous met dans le chemin : mais nous ne sommes bien surs d'y être, si on peut s'exprimer de la sorte, qu'après nous être aidés du bâton du calcul, pour connaître les objets que nous n'entrevoyons auparavant que confusément.

Il semble que les grands Géomètres devraient être toujours excellents Métaphysiciens, au moins sur les objets de leur science : cela n'est pourtant pas toujours. Quelques Géomètres ressemblent à des personnes qui auraient le sens de la vue contraire à celui du toucher : mais cela ne prouve que mieux combien le calcul est nécessaire pour les vérités géométriques. Au reste je crois qu'on peut du moins assurer qu'un Géomètre qui est mauvais Métaphysicien sur les objets dont il s'occupe, sera à coup sur Métaphysicien détestable sur le reste. Ainsi la Géométrie qui mesure les corps, peut servir en certains cas à mesurer les esprits même.

APPLICATION d'une chose à une autre, en général se dit, en matière de Science ou d'Art, pour désigner l'usage dont la première est, pour connaître ou perfectionner la seconde. Ainsi l'application de la cycloïde aux pendules, signifie l'usage qu'on a fait de la cycloïde pour perfectionner les pendules. Voyez PENDULE, CYCLOÏDE, etc. et ainsi d'une infinité d'autres exemples. (O)

APPLICATION, se dit particulièrement, en Theologie, de l'action par laquelle notre Sauveur nous transfère ce qu'il a mérité par sa vie et par sa mort. Voyez IMPUTATION.

C'est par cette application des mérites de Jesus-Christ que nous devons être justifiés, et que nous pouvons prétendre à la grâce et à la gloire éternelle. Les Sacrements sont les voies ou les instruments ordinaires par lesquels se fait cette application, pourvu qu'on les reçoive avec les dispositions qu'exige le saint concîle de Trente dans la VIe session. (G)