On distribue encore les aqueducs en doubles ou triples, c'est-à-dire portés sur deux ou trois rangs d'arcades : tel est celui du Pont-du-Gard en Languedoc, et celui qui fournit de l'eau à Constantinople ; auxquels on peut ajouter l'aqueduc que Procope dit avoir été construit par Cosroès roi de Perse, pour la ville de Petra en Mingrelie ; il avait trois conduits sur une même ligne, les uns élevés au-dessus des autres.

Souvent les aqueducs sont pavés ; quelquefois l'eau roule sur un lit de ciment fait avec art, ou sur un lit naturel de glaise : ordinairement elle passe dans des cuvettes de plomb, ou des auges de pierre de taille, auxquelles on donne une pente imperceptible pour faciliter son mouvement ; aux côtés de ces cuvettes sont ménagés deux petits sentiers où l'on peut marcher au besoin. Les aqueducs, les pierriers, les tranchées, etc. amènent les eaux dans un réservoir ; mais ne les élèvent point. Pour devenir jaillissantes, il faut qu'elles soient resserrées dans des tuyaux. (K)

* Les aqueducs de toute espèce étaient jadis une des merveilles de Rome : la grande quantité qu'il y en avait ; les frais immenses employés à faire venir des eaux d'endroits éloignés de trente, quarante, soixante, et même cent milles sur des arcades, ou continuées ou suppléées par d'autres travaux, comme des montagnes coupées et des roches percées ; tout cela doit surprendre : on n'entreprend rien de semblable aujourd'hui ; on n'oserait même penser à acheter si chèrement la commodité publique. On voit encore en divers endroits de la campagne de Rome de grands restes de ces aqueducs, des arcs continués dans un long espace, au-dessus desquels étaient les canaux qui portaient l'eau à la ville : ces arcs sont quelquefois bas, quelquefois d'une grande hauteur, selon les inégalités du terrain. Il y en a à deux arcades l'une sur l'autre ; et cela de crainte que la trop grande hauteur d'une seule arcade ne rendit la structure moins solide : ils sont communément de brique si bien cimentées, qu'on a peine à en détacher des morceaux. Quand l'élévation du terrain était énorme, on recourait aux aqueducs souterrains ; ces aqueducs portaient les eaux à ceux qu'on avait élevés sur terre, dans les fonds et les pentes des montagnes. Si l'eau ne pouvait avoir de la pente qu'en passant au-travers d'une roche, on la perçait à la hauteur de l'aqueduc supérieur : on en voit un semblable au-dessus de Tivoli, et au lieu nommé Vicovaro. Le canal qui formait la suite de l'aqueduc, est coupé dans la roche vive l'espace de plus d'un mille, sur environ cinq pieds de haut et quatre de large.

Une chose digne de remarque, c'est que ces aqueducs qu'on pouvait conduire en droite ligne à la ville, n'y parvenaient que par des sinuosités fréquentes. Les uns ont dit qu'on avait suivi ces obliquittés, pour éviter les frais d'arcades d'une hauteur extraordinaire : d'autres, qu'on s'était proposé de rompre la trop grande impétuosité de l'eau qui, coulant en ligne droite par un espace immense, aurait toujours augmenté de vitesse, endommagé les canaux, et donné une boisson peu nette et mal-saine. Mais on demande pourquoi y ayant une si grande pente de la cascade de Tivoli à Rome, on est allé prendre l'eau de la même rivière à vingt milles et davantage plus haut ; que dis-je vingt milles, à plus de trente, en y comptant les détours d'un pays plein de montagnes. On répond que la raison d'avoir des eaux meilleures et plus pures suffisait aux Romains pour croire leurs travaux nécessaires et leurs dépenses justifiées ; et si l'on considère d'ailleurs que l'eau du Teveron est chargée de parties minérales, et n'est pas saine, on sera content de cette réponse.

Si l'on jette les yeux sur la planche 128 du IV. volume des Antiquités du P. Montfaucon, on verra avec quels soins ces immenses ouvrages étaient construits. On y laissait d'espace en espace des soupiraux ; afin que si l'eau venait à être arrêtée par quelque accident, elle put se dégorger jusqu'à ce qu'on eut dégagé son passage. Il y avait encore dans le canal même de l'aqueduc des puits où l'eau se jetait, se reposait et déchargeait son limon, et des piscines où elle s'étendait et se purifiait.

L'aqueduc de l'Aqua-Marcia a l'arc de seize pieds d'ouverture : le tout est composé de trois différentes sortes de pierres ; l'une rougeâtre, l'autre brune, et l'autre de couleur de terre. On voit en haut deux canaux, dont le plus élevé était de l'eau nouvelle du Teveron, et celui de dessous était de l'eau appelée Claudienne ; l'édifice entier a soixante et dix pieds romains de hauteur.

A côté de cet aqueduc, on a dans le P. Montfaucon la coupe d'un autre à trois canaux ; le supérieur est d'eau Julia, celui du milieu d'eau Tepula, et l'inférieur d'eau Marcia.

L'arc de l'aqueduc d'eau Claudienne est de très-belle pierre de taille ; celui de l'aqueduc d'eau Néronnienne est de brique ; ils ont l'un et l'autre soixante-douze pieds romains de hauteur.

Le canal de l'aqueduc qu'on appelait Aqua-Appia mérite bien que nous en fassions mention par une singularité qu'on y remarque ; c'est de n'être pas uni comme les autres, d'aller comme par degrés, en sorte qu'il est beaucoup plus étroit en-bas qu'en-haut.

Le consul Frontin, qui avait la direction des aqueducs sous l'empereur Nerva, parle de neuf aqueducs qui avaient 13594 tuyaux d'un pouce de diamètre. Vigerus observe que dans l'espace de 24 heures, Rome recevait 500000 muids d'eau.

Nous pourrions encore faire mention de l'aqueduc de Drusus et de celui de Rimini : mais nous nous contenterons d'observer ici qu'Auguste fit réparer tous les aqueducs ; et nous passerons ensuite à d'autres monuments dans le même genre, et plus importants encore, de la magnificence romaine.

Un de ces monuments est l'aqueduc de Metz, dont il reste encore aujourd'hui un grand nombre d'arcades ; ces arcades traversaient la Moselle, rivière grande et large en cet endroit. Les sources abondantes de Gorze fournissaient l'eau à la Naumachie ; ces eaux s'assemblaient dans un réservoir ; de-là elles étaient conduites par des canaux souterrains faits de pierre de taille, et si spacieux qu'un homme y pouvait marcher droit : elles passaient la Moselle sur ces hautes et superbes arcades qu'on voit encore à deux lieues de Metz, si bien maçonnées et si bien cimentées, qu'excepté la partie du milieu, que les glaces ont emportées, elles ont résisté et résistent aux injures les plus violentes des saisons. De ces arcades, d'autres aqueducs conduisaient les eaux aux bains et au lieu de la Naumachie.

Si l'on en croit Colmenarès, l'aqueduc de Ségovie peut être comparé aux plus beaux ouvrages de l'antiquité. Il en reste cent cinquante-neuf arcades, toutes de grandes pierres sans ciment. Ces arcades avec le reste de l'édifice ont cent deux pieds de haut ; il y a deux rangs d'arcades l'un sur l'autre ; l'aqueduc traverse la ville et passe par-dessus la plus grande partie des maisons qui sont dans le fond.

Après ces énormes édifices, on peut parler de l'aqueduc que Louis XIV. a fait bâtir proche Maintenon, pour porter les eaux de la rivière de Bucq à Versailles ; c'est peut-être le plus grand aqueduc qui soit à présent dans l'univers ; il est de 7000 brasses de long sur 2560 de haut, et a 242 arcades.

Les cloaques de Rome, ou ses aqueducs souterrains, étaient aussi comptés parmi ses merveilles ; ils s'étendaient sous toute la ville, et se subdivisaient en plusieurs branches qui se déchargeaient dans la rivière : c'étaient de grandes et hautes voutes bâties solidement, sous lesquelles on allait en bateau ; ce qui faisait dire à Pline que la ville était suspendue en l'air, et qu'on navigeait sous les maisons ; c'est ce qu'il appelle le plus grand ouvrage qu'on ait jamais entrepris. Il y avait sous ces voutes des endroits où des charretes chargées de foin pouvaient passer ; ces voutes soutenaient le pavé des rues. Il y avait d'espace en espace des trous où les immondices de la ville étaient précipitées dans les cloaques. La quantité incroyable d'eau que les aqueducs apportaient à Rome y était aussi déchargée. On y avait encore détourné des ruisseaux, d'où il arrivait que la ville était toujours nette, et que les ordures ne séjournaient point dans les cloaques, et étaient promptement rejetées, dans la rivière.

Ces édifices sont capables de frapper de l'admiration la plus forte : mais ce serait avoir la vue bien courte que de ne pas la porter au-delà, et que de n'être pas tenté de remonter aux causes de la grandeur et de la décadence du peuple qui les a construits. Cela n'est point de notre objet. Mais le lecteur peut consulter là-dessus les Considérations de M. le président de Montesquieu, et celles de M. l'abbé de Mably, il verra dans ces ouvrages, que les édifices ont toujours été et seront toujours comme les hommes, excepté peut-être à Sparte, où l'on trouvait de grands hommes dans des maisons petites et chétives : mais cet exemple est trop singulier pour tirer à conséquence.

AQUEDUC, s. m. les Anatomistes s'en servent pour désigner certains conduits qu'ils ont trouvé avoir du rapport avec les aqueducs.

L'aqueduc de Fallope est un trou situé entre les apophyses styloïde et mastoïde ; on a aussi nommé ce trou stylo-mastoïdien. Voyez STYLOÏDE et MASTOÏDE.

L'aqueduc de Sylvius est un petit canal du cerveau dont l'anus est l'orifice postérieur ; et la fente qui Ve à l'infundibulum, est l'intérieur, Voyez CERVEAU, ANUS, FUNDIBULUMULUM.