L'aspe de tors dans les moulins achevant tous ses tours en temps égaux, moins il aura de diamètre, moins sera grande la quantité de fil ou de soie dévidée dans un de ses tours de dessus les bobines sur sa circonférence, et plus par conséquent elle sera torse : au contraire, plus son diamètre sera grand, plus sera grande la quantité de soie qui passera dans un de ses tours de dessus les bobines sur sa circonférence, moins elle sera torse. Mais il y a deux inconvénients qui rendent le tors variable : le premier, c'est qu'à mesure que l'écheveau se forme sur l'aspe, l'épaisseur de cet écheveau s'ajoutant au diamètre de l'aspe, il y a plus de soie portée de dessus les bobines sur sa circonférence dans un instant, que dans un autre instant égal ; d'où il s'ensuit que la soie est moins torse à la fin qu'au commencement, et dans tout le temps de la formation de l'écheveau : le second, c'est que les bobines mues sur elles-mêmes par le frottement n'ayant aucun mouvement régulier, tordent irrégulièrement.

Pour remédier au premier inconvénient, les Piémontais font des écheveaux très-legers : en effet, ce qu'ils appellent un matteau de soie, pese environ huit onces, et le matteau contient huit écheveaux : quant au second, peut-être ne l'avaient-ils pas même soupçonné.

Le célèbre M. Vaucanson, fait pour imaginer et perfectionner les machines les plus délicates, outre la précaution de faire des écheveaux legers, a trouvé le moyen d'en répandre encore les fils sur une zone de l'aspe plus large, et il a anéanti l'irrégularité du mouvement des bobines, en armant de pignons les fuseaux, et en substituant au frottement d'une courroie l'engrenage de ces pignons dans les pas d'une chaîne. Quand les aspes ont achevé 2400 révolutions, et que chaque écheveau se trouve avoir 2400 tours, une détente alors, sans qu'on touche au moulin, recule subitement les tringles où sont attachés les guides ; tous les fils de soie changent de place sur l'aspe, et forment un nouvel écheveau à côté du premier, et ainsi de suite. Après chaque 2400 révolutions, et lorsque tous les aspes sont couverts d'écheveaux, incontinent après le dernier tour du dernier écheveau, le moulin s'arrête de lui-même, et avertit l'ouvrier par une sonnette de lever les aspes qui sont pleins, et d'en remettre de vides. Mais M. Vaucanson n'a point appliqué cette sonnette à chaque bobine de son moulin, pour avertir quand elles sont vides, comme on l'a dit dans ce même article de notre premier volume.

Telles sont en partie les découvertes de M. Vaucanson : elles sont trop bien à lui, pour que qui que ce soit ose y donner atteinte ; et c'est autant pour désavouer ce qui pourrait en avoir l'air dans l'article ASPE, tel que nous l'avons d'abord publié, que pour en réformer les inexactitudes, que nous le restituons tel que le voici.