S. f. (Histoire naturelle) La Minéralogie prise dans toute son étendue, est la partie de l'Histoire naturelle qui s'occupe de la connaissance des substances du règne minéral, c'est-à-dire des terres, des pierres, des sels, des substances inflammables, des pétrifications, en un mot, des corps inanimés et non pourvus d'organes sensibles qui se trouvent dans le sein de la terre et à sa surface.

Dans un sens moins étendu, par Minéralogie l'on entend la suite des travaux que l'on fait pour l'exploitation des mines, et alors on comprend aussi sous ce nom la métallurgie. Voyez METALLURGIE. Cela est fondé sur la liaison intime de ces deux sciences, qui se prêtent des secours mutuels, et qui tendent toutes deux au même but. En effet, il est très-difficîle ou même impossible que le métallurgiste ait une connaissance parfaite de son art, s'il n'est aidé des lumières de la Minéralogie, c'est-à-dire, s'il ne connait parfaitement les substances qu'il doit travailler. Vainement prétendrait-il à l'une ou à l'autre de ces connaissances sans le secours de la Chimie, comme nous allons avoir occasion de le prouver.


Sous quelque point de vue que l'on envisage la Minéralogie, son objet est très-vaste, et ses branches très-étendues. Elle s'occupe des substances dont est composé le globe que nous habitons ; elle considère les différentes révolutions qui lui sont arrivées ; elle elle en suit les traces dans une antiquité souvent si reculée, qu'aucun monument historique ne nous en a conservé le souvenir ; elle examine quels ont pu être ces événements surprenans par lesquels tant de corps appartenans originairement à la mer ont été transportés dans les entrailles de la terre ; elle pese les causes qui ont déplacé tant de corps du règne animal et du règne végétal, pour les donner au règne minéral ; elle fournit des raisons sures et non hasardées de ces embrasements souterrains, de ces tremblements sensibles, qui semblent ébranler la terre jusques dans ses fondements ; de ces éruptions des volcans allumés dans presque toutes les parties du monde, dont les effets excitent le terreur et la surprise des hommes : elle médite sur la formation des montagnes, et sur leurs différences ; sur la manière dont se sont produites les couches qui semblent servir d'enveloppe à la terre ; sur la génération des roches, des pierres précieuses, des métaux, des sels, etc. Voyez FOSSILES, TREMBLEMENT DE TERRE, REVOLUTIONS DE LA TERRE, MONTAGNES, PIERRES, etc.

Les eaux qui se trouvent à la surface de la terre et dans son intérieur, sont aussi du ressort de la Minéralogie, en tant qu'elles contribuent à la formation des pierres, par les particules qu'elles ont ou dissoutes ou détrempées, par les couches qu'elles forment sur la terre, par les altérations continuelles qu'elles opèrent, et par les transpositions qu'elles font des corps qu'elles ont entrainées ; en un mot, la Minéralogie s'occupe des eaux, en tant qu'elles sont les agens les plus universels dont la nature se serve pour la production des substances minérales, voyez PIERRES, PETRIFICATION, LIMON, TUF, etc.

Quelques vastes que soient ces objets, quelques grands que soient les phénomènes de la nature qu'elle considère, la Minéralogie ne dédaigne point les détails les plus minucieux en apparence, tous les faits deviennent précieux pour elle ; elle le recueille avec soin, parce qu'elle sait que les plus petits détails peuvent quelquefois la mener à l'intelligence des plus grands mystères de la nature ; c'est toujours le flambeau de l'expérience qui la guide, et elle ne se permet des systèmes que lorsqu'ils sont appuyés sur des observations constantes et réitérées, et alors ce sont des enchainements de vérités.

Par la grandeur et la multiplicité des objets qu'embrasse la Minéralogie, on sent qu'elle ne peut être que très-difficîle à acquérir. Les spéculations tranquilles du cabinet, les connaissances acquises dans les livres ne peuvent point former un minéralogiste ; c'est dans le grand livre de la nature qu'il doit lire ; c'est en descendant dans les profondeurs de la terre pour épier ses travaux mystérieux ; c'est en gravissant contre le sommet des montagnes escarpées ; c'est en parcourant différentes contrées, qu'il parviendra à arracher à la nature quelques-uns des secrets qu'elle dérobe à nos regards. Mais pour atteindre à ces connaissances, il faut des yeux habitués et faits pour voir avec précision ; il faut des notions préliminaires ; il faut être dégagé des idées systématiques qui ne permettent d'apercevoir que ce qui favorise les préjugés qu'on s'est formés.

Pour reconnaître les différents objets dont s'occupe la Minéralogie, il est essentiel de s'être familiarisé avec les substances du règne minéral, il faut avoir accoutumé ses yeux à les distinguer et à reconnaître les signes extérieurs qui les caractérisent ; cette connaissance devient difficîle par la variété infinie des productions de la nature ; elle se plait surtout dans le règne minéral à éluder les règles qu'elle s'était imposée ; il faut de plus avoir des idées générales de la manière dont ces substances sont arrangées dans le sein de la terre ; il faut connaître les signes qui annoncent la présence des mines, les pierres qui les accompagnent le plus communément ; il est à propos d'examiner les bords des rivières, et les sables qu'elles charrient ; on ne doit point négliger les chemins creux, les ouvertures et les excavations de la terre, les carrières d'où l'on tire des pierres. Toutes ces choses fourniront à un observateur attentif des connaissances assez sures pour juger avec quelque certitude de ce qu'un terrain renferme. En effet, quoique la nature semble quelquefois déroger aux lois qu'elle s'est prescrites, elle ne laisse pas pour l'ordinaire de suivre une marche uniforme dans ses opérations, les observations qui auront été faites dans un pays, pourront être appliquées à d'autres pays où le terrain sera analogue ; à force de faire des observations dans ce gout, on pourra à la fin ramasser les matériaux nécessaires pour élever un système général de Minéralogie, fondé sur des faits certains et sur des remarques constantes.

Mais ce serait en vain qu'on se flatterait que le coup d'oeil extérieur put donner des connaissances suffisantes en Minéralogie ; l'on n'aurait que des notions très-imparfaites des corps, si on n'en jugeait que par leur aspect et par leurs surfaces : aussi la Minéralogie ne se contente-t-elle point de ces notions superficielles, que Beccher a comparées à celles que prennent les animaux, sicut asini et boves ; on ne peut donc point s'en rapporter à la simple vue, et c'est très-légèrement que quelques auteurs ont avancé que les caractères extérieurs des fossiles suffiraient pour nous les faire connaître : ce sont les analyses et les expériences de la Chimie qui seules peuvent guider dans ce labyrinthe : c'est faute de l'avoir appelée à leur secours, que les premiers naturalistes ont confondu à tout moment des substances très-différentes, leur ont donné des dénominations impropres, et leur ont souvent assigné des caractères qui leur sont entièrement étrangers. Comment se fera-t-on une idée de la formation des crystaux, si la Chimie n'a point appris comment se fait la crystallisation des sels, qui nous fait connaître par analogie les crystallisations que la nature opère dans son grand laboratoire ? Comment concevoir clairement ce qu'on entend par sucs lapidifiques, si l'on n'a point des idées nettes de la dissolution des corps, et si on ne la distingue point de leur division mécanique, ou de leur détrempement dans les eaux ? Est-il possible sans la Chimie, de se faire des notions distinctes de la minéralisation, c'est-à-dire de l'opération par laquelle la nature masque les métaux sous tant de formes différentes dans les mines ? L'analyse et la récomposition ne nous donnent-elles pas sur ce point des lumières auxquelles il est impossible de se refuser ? Voyez l'article MINERALISATION. Comment s'assurer de la nature des pierres, si l'on n'a éprouvé leurs effets dans différents degrés du feu, et si l'on ne les a essayées à l'aide des dissolvants que fournit la Chimie ? Sans ces précautions, on risquera toujours de confondre des substances, entre lesquelles la Chimie fait trouver les différences les plus frappantes, quoique le coup d'oeil séduit les eut décidées de la même nature. Voyez MINERAUX.

C'est surtout dans les travaux des mines que la Minéralogie a le plus grand besoin des lumières de la Chimie ; dans les autres objets dont elle s'occupe, elle peut errer plus impunément ; mais dans cette partie l'on est exposé à donner inconsidérément dans des entreprises ruineuses, si l'on s'en tient à des connaissances superficielles, et si une étude profonde de la Chimie métallurgique ne met en état de s'assurer de ce qu'on peut attendre de ses travaux.

Cela n'est point encore suffisant. Il faut outre cela des connaissances dans la Géométrie souterraine ; par son moyen on juge de la direction des couches et des veines métalliques, de leur inclinaison, de leur marche, des endroits où l'on pourra les retrouver lorsque quelque obstacle imprévu aura interrompu leur cours. Voyez FILONS et GEOMETRIE SOUTERREINE. La Minéralogie emprunte aussi des secours de la Mécanique et de l'Hydraulique, tant pour le renouvellement de l'air au fond des souterrains, que pour l'épuisement des eaux, et pour élever des poids immenses qu'on a tirés du sein de la terre. Elle a besoin de l'Architecture pour empêcher les éboulements des terres, et les affaissements des roches et des montagnes qui ont été excavées. Voyez MINES. Toutes ces choses demandent un grand nombre de connaissances, et surtout beaucoup d'habitude et d'expérience, sans lesquelles on risque de se jeter dans des dépenses ruineuses et inutiles.

C'est surtout en Allemagne et en Suède que la Minéralogie a été cultivée avec le plus de soin. Ceux qui se sont livrés à l'étude de cette science, ont bien-tôt senti qu'une Physique systématique n'était propre qu'à retarder ses progrès ; dès-lors ils ont porté leurs vues du côté de la Chimie, de qui seule ils pouvaient attendre les lumières dont ils avaient besoin. Ils ne furent point trompés dans leurs espérances, et ils ne tardèrent point à recueillir les fruits de leurs travaux. Agricola fut un des premiers qui défricha un champ si vaste : le célèbre Beccher, dans sa Physique souterraine, répandit encore plus de jour sur cette matière. Henckel nous a donné, dans sa Pyritologie, et dans plusieurs autres ouvrages, des idées claires et distinctes de la Minéralogie ; il a prouvé que cette science avait besoin à chaque pas des secours de la Chimie. MM. Linnaeus, Wallerius, Woltersdorf, Cartheuser ont tâché de nos jours de donner un ordre systématique aux substances du règne minéral : leurs différentes méthodes sont exposées à l'article MINERAUX. Enfin M. Pott et Lehman, l'un dans sa Lithogeognosie, et l'autre dans ses Oeuvres physiques et minéralogiques, nous ont donné un grand nombre d'expériences et d'observations propres à répandre de la lumière sur cette science difficile. (-)