VINAIGRE et FERMENTATION ACÉTEUSE, (Chimie) on donne ce nom au vin lorsqu’il a été exposé à une seconde fermentation qui en développe les parties salines, et on peut l’étendre à toutes les autres liqueurs qui ont subi la fermentation acéteuse.

L'esprit ardent, qui dans une liqueur vineuse empêche par son interposition la réunion des parties grasses de cette liqueur, et qui les sépare des parties salines, est détaché en grande quantité de la mixtion de cette liqueur dans la fermentation acéteuse. Il se combine en partie avec un acide grossier, ou bien il laisse échapper l'huîle atténuée dont il avait été formé par la fermentation spiritueuse ; et cette huîle prenant une consistance épaisse, se lie avec la terre muqueuse, et tombe dans le sédiment, ou forme les feces du vinaigre ; enfin, si la fermentation se continue trop longtemps, il se fait de nouvelles transpositions de principes qui facilitent la destruction des parties salines, et leur résolution en terre, qui est le principal effet de la putréfaction.

La concentration du vinaigre par la gelée le rend plus durable en le déphlegmant, et en lui faisant déposer une grande quantité de substance épaisse et visqueuse. Cette substance est très-susceptible de diverses combinaisons qui hâteraient la putréfaction. La principale utilité de cette concentration est de déphlegmer le vinaigre, et de faire qu'il se conserve davantage : de même que le residu d'un bon vinaigre distillé par l'ébullition, demeure longtemps sans se corrompre, parce qu'on en a ôté le principe aqueux, qui est le principal instrument du mouvement de fermentation ; on peut consulter sur le vinaigre concentré par la glace un mémoire de M. Geoffroi l'apothicaire, dans les mémoires de l'académie des Sciences, année 1729. On a employé avec succès la même méthode pour séparer les huiles distillées de leur phlegme, et pour les obtenir parfaitement pures.

Beccher croit, avec raison, qu'on n'obtient qu'un vinaigre faible et imparfait, lorsque par une coction lente on fait évaporer l'esprit du vin qu'on veut changer en vinaigre. Il regarde les parties sulfureuses, comme essentielles dans le vinaigre, aussi-bien que les parties salines, et il pense que c'est par le défaut de la méthode ordinaire de faire le vinaigre, que nous n'observons point dans cette liqueur la même vertu détersive et modérément échauffante, que lui attribuent les anciens.

Beccher voulant prouver que du vin qui n'aurait rien perdu de sa partie spiritueuse par évaporation, peut se changer en vinaigre ; rapporte qu'ayant exposé à la digestion du vin mis dans une bouteille, dont il avait fait fondre le goulot, il en retira, quoique plus tard qu'il n'aurait fait, par le procédé ordinaire, un vinaigre très-fort et très-durable. Cela est confirmé par une expérience curieuse de M. Homberg. Celui-ci attacha au cliquet d'un moulin une bouteille pleine de vin exactement fermée. Le seul mouvement de ce cliquet changea dans trois jours ce vin en bon vinaigre. Voyez l'histoire de l'acad. des Sciences, année 1700, obs. phys. iv.

Si on expose à une chaleur qui n'aille pas jusqu'au degré de l'ébullition une bouteille d'un cou très-étroit remplie de bon vin, il ne s'en élevera pas la moindre vapeur. Si tout-à-coup on laisse ce vin se refroidir considérablement, la saveur austère qu'il acquiert, et son prompt changement en vinaigre, démontrent que la chaleur a dissous la mixtion intime de l'esprit ardent avec la substance grasse et tartareuse. C'est ce qu'on verra clairement, si l'on considère que le mélange de l'esprit-de-vin avec l'esprit de nitre acquiert une saveur vineuse austère et comme astringente, lorsqu'on le tient pendant quelques heures à une digestion très-douce : mais si on unit ces esprits par la distillation, cette saveur austère se dissipe : l'acidité qui reste n'est presque pas sensible, et est remplacée par une âcreté fort adoucie, quoique très-pénétrante.

On sait que le vinaigre le plus fort se fait des vins les plus spiritueux ; il se corrompt lorsqu'on le voiture par eau, suivant l'observation de Beccher, parce qu'il est fort affoibli par les exhalaisons aqueuses qui le pénétrent. Boerhaave nous apprend qu'on retire une liqueur inflammable par la distillation d'un vinaigre fait depuis peu ; mais que cette distillation ne donne plus qu'une vapeur aqueuse, lorsque ce même vinaigre a été gardé plus d'un an dans des vaisseaux bien fermés.

Wallerius assure qu'en distillant le vinaigre au bain-marie, il passe une liqueur spiritueuse, que l'acide le plus concentré parait ensuite, et qu'il reste au fond de la cornue une liqueur épaisse, brune, et inflammable ; mais rien ne prouve mieux la présence d'une liqueur inflammable dans le vinaigre, que ce qu'on observe dans la zone torride, où le suc exprimé des cannes à sucre s'aigrit dans 24 heures, si on en diffère la coction, et lorsqu'on le cuit après ce temps, il en sort un esprit ardent qui, s'il est trop abondant s'enflamme, et met le feu aux maisons où on prépare le sucre.

M. Pott pense que le vinaigre distillé ne contient point d'esprit-de-vin, surtout lorsqu'on l'a déphlegmé. Il reconnait que lorsqu'on a dissout quelque corps dans l'acide du vinaigre, ne fût-ce qu'une terre alkaline, on retire à la fin une portion de liqueur inflammable ; mais, dit-il, ce n'est point un esprit-de-vin qui existât dans le vinaigre, c'est plutôt une portion de la matière grasse du vinaigre, qui étant atténuée par son acide, devient avec lui dissoluble dans l'eau. M. Pott prouve que cet esprit-de-vin est un nouveau produit, parce que dans la distillation des matières qui le produisent, il passe après le phlegme. Mais en général le phlegme passe toujours avant l'esprit dans la distillation du vinaigre. Il est probable que cela vient, comme le dit Beccher, de la surcharge des parties salines qui adhèrent à cet esprit. Beccher croit, avec beaucoup de vraisemblance, que dans la fermentation qui donne au vin l'acidité qui lui est propre, les parties sulfureuses de la liqueur raréfient les parties salines les plus subtiles, auxquelles elles s'unissent ; mais qu'un nouveau degré de chaleur venant à raréfier aussi les autres parties salines, celles-ci étant en plus grande quantité que les sulfureuses, les enveloppent et forment le vinaigre. Il est bon de remarquer avec Boerhaave, que la fermentation acéteuse demande un degré de chaleur particulier, et très-supérieur à celui de la fermentation du mout et de la bière.

Beccher explique très-bien comment on retire par la distillation un esprit ardent du sucre de Saturne, dans lequel l'enveloppe saline de cet esprit demeure retenue.

Cependant l'hypothèse de M. Pott peut être recevable, puisqu'il est certain que dans le sel des coraux préparé avec du vinaigre distillé ; le vinaigre se sépare non-seulement de sa partie huileuse, mais que ces parties inflammables peuvent encore devenir volatiles, et prendre par la concentration une couleur rouge. Voyez Mender, traité sur les teintures d'antimoine, n°. 47. 48.

Nous n'avons rien à ajouter sur la nature et les propriétés du vinaigre, et nous renvoyons là-dessus à ce qui a été dit dans l'article VEGETAL, acide.

Les chymistes appellent vinaigre radical, celui dont on vient de parler ; savoir, celui qui est retiré par la distillation exécutée à la seule violence du feu, et sans intermède, des sels neutres acéteux, soit à base terreuse, soit à base alkaline fixe, soit à base métallique. Celui qu'on retire par ce moyen du sel de Saturne, est connu dans l'art sous le nom d'esprit de Saturne ; et celui qu'on retire du verdet, sous celui d'esprit de Vénus.

Le vinaigre concentré par ce moyen, qui est le plus efficace qu'il soit possible d'employer, est appelé radical, parce que cette concentration est regardée comme absolue. On peut assurer qu'au-moins est-elle très-considérable, car le phlegme qui noie l'acide dans le vinaigre, même le plus fort ou le plus concentré, n'est point admis dans la formation des sels acéteux ; et que leur eau de crystallisation pouvant être d'ailleurs facilement dissipée, avant qu'on procede à la diécrise réelle de ces sels, il est clair qu'il est possible d'obtenir par ce procédé un acide de vinaigre très-concentré.

VINAIGRE, (Art mécanique) la manière de faire le vinaigre a été longtemps un secret parmi les marchands qui font profession de le faire et de le vendre : on dit que ceux qui étaient reçus dans ce corps s'obligeaient par serment de ne point révéler le secret : ce qui n'a point empêché que les Transactions philosophiques, et d'autres écrits modernes n'en aient parlé très-savamment.

Manière de faire le vinaigre de cidre. Le cidre qu'on destine à cette opération, pour laquelle on peut prendre le plus mauvais, doit être tiré d'abord au clair dans un autre vaisseau sur lequel on jette ensuite une certaine quantité de mout.

On expose le tout au soleil, si le temps le permet, et au bout de sept ou de neuf jours on peut l'ôter du soleil. Voyez CIDRE.

Manière de faire le vinaigre de bière. Prenez une sorte de bière moyenne, bien ou mal houblonnée, et après qu'elle a bien fermenté, et qu'elle s'est éclaircie, mettez-y un peu de rapé, ou de calottes de raisins, que l'on garde ordinairement pour cette opération ; mêlez le tout ensemble dans une cuve, attendez que le rapé soit au fond ; tirez la liqueur au clair ; versez-la dans un tonneau, et exposez-le au plus fort du soleil, en couvrant seulement le trou du bondon d'une tuîle ou pierre platte ; au bout de trente ou quarante jours vous aurez de bon vinaigre, dont on pourra se servir aussi-bien que de celui qui est fait du vin, pourvu qu'il soit bien raffiné, et qu'il ne sente point le relent.

Autre manière. Sur chaque gallon d'eau de source mettez trois livres de raisin de Malaga, jetez le tout dans une jarre, que vous exposerez à la plus forte chaleur du soleil depuis le mois de Mai jusqu'à la saint Michel. Ensuite pressurez bien le tout, et versez la liqueur dans un tonneau relié de cerceaux de fer, pour empêcher qu'il ne crève : immédiatement après le pressurage, la liqueur paraitra extrêmement épaisse et trouble ; mais elle s'éclaircira dans le tonneau, et deviendra aussi transparente que le vin : laissez-la dans cet état pendant trois mois, avant de la soutirer, et vous aurez un vinaigre excellent.

Manière de faire le vinaigre de vin. Mettez dans une liqueur vineuse une certaine quantité de ses propres lies, fleurs, ou levures, avec le tartre réduit auparavant en poudre, ou bien avec les rafles ou tiges du corps végétable dont on a tiré le vin ; lesquels ont presque la même vertu que son tartre ; mettez, et remuez souvent, le tout dans un vaisseau qui a renfermé auparavant du vinaigre, ou qui a été du temps dans une place chaude et remplie de l'odeur du vinaigre ; la liqueur commencera à fermenter de nouveau, concevra de la chaleur, s'aigrira par degrés, et tournera bientôt après en vinaigre.

Les sujets éloignés de la fermentation acétique, sont les mêmes que ceux de la fermentation vineuse ; mais ses sujets immédiats sont toutes sortes de jus végétables, après qu'ils ont une fois subi la fermentation qui les a réduits en vin : car il est absolument impossible de faire du vinaigre de la plupart des jus cruds de raisins ou d'autres fruits mûrs, sans qu'ils aient passé auparavant par la fermentation vineuse.

Les levains propres à faire du vinaigre, sont 1°. les lies de tous les vins acides ; 2°. les lies de vinaigre ; 3°. du tartre pulvérisé, et surtout celui de vin du Rhin, ou sa crême ou son crystal ; 4°. le vinaigre lui-même ; 5°. un vaisseau de bois que l'on a bien rincé avec du vinaigre, ou qui en a renfermé pendant longtemps ; 6°. du vin qui a été souvent mêlé avec sa propre lie ; 7°. les rejetons des vignes, et les rafles des grappes de raisins, de groseilles, de cerises, ou d'autres fruits d'un goût piquant et acide ; 8°. du levain de boulanger, après qu'il s'est aigri ; 9°. toutes sortes de levures composées de celles ci-dessus mentionnées.

Le vinaigre n'est point une production de la nature, mais une créature de l'art ; car le verjus, les jus de citrons, limons, et autres semblables acides naturels, ne s'appellent que fort improprement des vinaigres naturels, puisqu'en les distillant, on n'en tire que de l'eau insipide ; au-lieu qu'en distillant le vinaigre, on en tire un esprit acide.

Manière de faire le vinaigre en France, qui est différente de celle ci-dessus. On prend deux tonneaux de bois de chêne, les plus grands sont les meilleurs : on les ouvre par le fond d'en-haut, et on place dans l'un et dans l'autre une grille de bois, environ à un pied de distance du fond d'en-bas : sur ces grilles on met d'abord des rejetons ou des coupures de vignes, et ensuite les tiges des branches sans grappes ni pepins, jusqu'à-ce que la pîle vienne à un pied de distance du bord supérieur du tonneau : alors on emplit de vin un des deux tonneaux jusqu'au bord, et on n'emplit l'autre qu'à moitié : ensuite on puise de la liqueur dans le tonneau plein, pour remplir celui qui n'était plein qu'à moitié : on repete tous les jours la même opération, en versant la liqueur d'un tonneau dans l'autre, de sorte que chacun se trouve alternativement plein jusqu'au bout, et plein à moitié ; après avoir continué cette opération pendant deux ou trois jours, il s'élève un degré de chaleur dans le tonneau qui pour lors n'est plein qu'à moitié, et cette chaleur s'augmente successivement pendant plusieurs jours, sans que dans tout cet intervalle, la même chose arrive dans le tonneau qui est plein, et dont la liqueur reste toujours froide : dès que la chaleur vient à cesser dans le tonneau qui n'est plein qu'à moitié, c'est une marque que le vinaigre est fait ; ce qui dans l'été arrive au bout de quatorze ou quinze jours, à compter de celui que l'on a commencé l'opération ; mais en hiver la fermentation est plus lente, de sorte qu'on est obligé de l'avancer par les poêles, ou par d'autres chaleurs artificielles.

Quand le temps est excessivement chaud, il faut verser la liqueur du tonneau plein, dans l'autre deux fois par jour, autrement elle s'échaufferait trop, et la fermentation serait trop violente, de sorte que ses parties spiritueuses viendraient à s'évaporer, et qu'au lieu de vinaigre, on ne trouverait que du vin éventé.

Il faut que le vaisseau plein demeure toujours ouvert, mais on doit mettre sur l'autre un couvercle de bois, afin de mieux arrêter et fixer les parties spiritueuses dans le corps de la liqueur ; car autrement elles s'échapperaient aisément dans la chaleur de la fermentation. Le tonneau qui n'est qu'à moitié plein parait s'échauffer plus tôt que l'autre, parce que la liqueur y étant en plus petite quantité ; elle participe davantage à l'effet ou fermentation que produisent les tiges et rejetons de vigne, outre que la pîle étant montée fort haut, et se trouvant à sec, elle conçoit plus aisément de la chaleur que celle qui trempe, et communique cette chaleur au vin qui est au fond du tonneau.

VINAIGRE, (Médecine) le vinaigre est très-utile, il résiste à la putréfaction, il ne peut nuire par son âcreté qui est émoussée par les huiles ; c'est une liqueur si pénétrante qu'elle se fraie un passage à travers les corps les plus épais, il agit avec efficacité sur nos humeurs et nos vaisseaux, surtout lorsqu'il est aidé par la chaleur naturelle et par le mouvement vital ; en se mêlant avec nos humeurs, il y produit différents effets merveilleux.

Il rafraichit efficacement dans les fièvres produites par une bîle âcre, par les sels trop exaltés, par la putréfaction des humeurs, ou par des piquures ou morsures de bêtes vénimeuses ; il apaise la soif qui accompagne ces maladies ; de-là vient que Dioscoride et Hippocrate recommandent si fort le vinaigre dans le cas dont nous parlons, surtout lorsqu'on l'adoucit avec le miel. Le vinaigre est un remède contre l'ivresse ; l'oxycrat est excellent dans les maladies externes, dans l'érésipele, les démangeaisons, les ardeurs de la peau ; on en a Ve de bons effets dans les syncopes, dans les vomissements, soit en le flairant, soit en le prenant intérieurement ; il convient dans les mouvements convulsifs ; Hippocrate et Galien l'ordonnent aux hypochondriaques ; rien n'est meilleur contre la pourriture et la corruption des humeurs, et pour arrêter le progrès de la gangrene.

On voit qu'il conserve fort bien les substances animales, au-milieu des chaleurs excessives de l'été ; il atténue le sang et ses concrétions polypeuses si on le fait chauffer avec lui, il est dès-lors un grand remède dans les fièvres aiguës, ardentes, malignes, dans la peste, la petite vérole, la lepre, et autres maladies semblables ; il est plus salutaire et moins nuisible dans ces cas, que les alkalis volatils, qui augmentent le mouvement et la raréfaction du sang ; de-là vient que le vinaigre est un grand préservatif contre la peste. Sylvius Deléboé, s'en servait avec succès dans ces cas, comme d'un sel volatil huileux. On ne connait pas de sudorifique plus puissant pour occasionner des sueurs abondantes dans la peste, et dans les autres maladies malignes ; cependant il fait plus de bien aux personnes d'un tempérament chaud et bilieux, qu'à celles dont la constitution est atrabilaire ; et il est très-nuisible aux mélancoliques, mais il soulage spécialement dans le hoquet, et dans les maladies spasmodiques il l'emporte sur les alkalis volatils.

Le vinaigre appliqué extérieurement est atténuant, discussif, répercussif, antiphlogistique, et bon dans les inflammations, les érésypeles ; la vapeur du vinaigre jeté sur un caillou calciné jusqu'à rougeur, est excellente contre le skirrhe.

Dioscoride fait de grands éloges du vinaigre, qui selon lui, rafraichit et resserre, fortifie l'estomac, excite l'appétit, arrête le flux de sang, soulage dans le gonflement des glandes, les érésypeles et les démangeaisons de la peau ; il guérit les catarrhes, et l'asthme, étant mêlé avec le miel et pris chaudement : on l'emploie dans l'esquinancie, le relâchement de la luette, et contre le mal de dents qu'il apaise étant gardé chaud dans la bouche.

Tous les effets du vinaigre ci-dessus décrits viennent de ce qu'il agit comme un sel volatil huileux, et non comme un acide pur, d'ailleurs son action est différente de celle des acides minéraux, car il contient beaucoup moins d'acide.

Un fait des plus singuliers, qui parait d'abord prouver l'action de coaguler, que l'on attribue au vinaigre, est l'usage habituel qu'en font certaines filles qui ont les pâles couleurs ; mais si on examine attentivement l'effet qu'il produit chez elles, on se désabusera du préjugé que l'on avait conçu : car il devient stomachique, stimulant, et atténuant chez elles, d'autant que l'on en voit en qui l'usage habituel du vinaigre est d'une grande utilité pour les ranimer parmi les faiblesses fréquentes que la chlorose leur attire ; il ne faut pas non plus s'étonner si dans la plupart des maladies pestilentielles, et dans la malignité de l'air, on éprouve de si grands avantages des vinaigres médicinaux, dont nos anciens, plus attentifs aux faits et à l'expérience que nous, faisaient tant d'usage.

VINAIGRE des quatre voleurs, c'est ainsi qu'il est décrit dans la pharmacopée de Paris. Prenez sommités récentes de grande absynthe, de petite absynthe, de romarin, de sauge, de rue, de chacun une once et demie ; fleurs de lavande seche, deux onces ; ail, deux onces ; acorus vrai, canelle, gérofle, noix muscade, deux gros ; bon vinaigre, huit livres ; macerez à la chaleur du soleil, ou au feu de sable, dans un matras bien bouché, pendant deux jours, exprimez fortement et filtrez, et alors ajoutez camphre dissous dans l'esprit de vin, demi-once.

Le nom de cette composition lui vient de ce qu'on prétend que quatre voleurs se préservèrent de la contagion pendant la dernière peste de Marseille, quoiqu'ils s'exposassent sans ménagement, en usant de ce vinaigre tant intérieurement qu'extérieurement ; et beaucoup de gens craient encore que c'est une bonne ressource contre l'influence de l'air infecté des hôpitaux, etc. que de tenir assidument sous le nez un flacon de ce vinaigre. (b)

VINAIGRE, sel du, (Science microscop.) le microscope fait voir que le vinaigre doit son acrimonie à une multitude de sels oblongs, quadrangulaires, qui y flottent ; chacun de ces sels s'appétissant depuis le milieu, et terminé par deux pointes extrêmement fines ; ces sels étant d'une petitesse singulière, ne peuvent guère se découvrir, à moins qu'on n'expose pendant quelques heures à l'air, une ou deux gouttes de vinaigre, afin d'en évaporer les parties les plus aqueuses. Si l'on infuse des yeux d'écrevisse dans le vinaigre, il se fait une effervescence qui, quand elle est finie, se trouve avoir changé totalement la figure des sels ; car pour lors leurs pointes aiguës paraissent rompues, et on les voit en différentes formes carrées.

Les sels des vins présentent différentes figures dans les vins de différentes espèces ; ceux-là même qui approchent du vinaigre, ont leurs pointes plus émoussées ; quelques-uns ont la figure d'un bateau, d'autres ressemblent à un fuseau, d'autres à une navette de tisserand, et d'autres sont carrés ; enfin ils offrent au microscope une grande variété de différentes formes. (D.J.)

VINAIGRE, (Critique sacrée) le vin aigri de soi-même, ou que l'on fait aigrir à dessein, était d'usage chez les orientaux pour se rafraichir dans les grandes chaleurs ; c'est pour cela que Booz dit à Ruth, " versez dans votre boisson quelques gouttes de vinaigre " ; mais ce terme se prend quelquefois métaphoriquement pour affliction, et c'est assez la coutume des prophetes de peindre les maux de la vie, soit par quelque breuvage, soit par quelque aliment amer, ou piquant. (D.J.)