S. f. (Ordre encyclopédique, Entendement, Raison, Philosophie ou Science, Science de la nature, Mathématiques, Mathématiques mixtes, Astronomie, Gnomonique) c'est l'art de tracer des cadrants au soleil, à la lune, et aux étoiles, mais principalement des cadrants solaires, sur un plan donné ou sur la surface d'un corps donné quelconque. Voyez CADRAN.

Les Grecs et les Latins donnaient à cet art les noms de Gnomonica et Sciaterica, dont le premier vient de , gnomon, et le second de , ombre, à cause qu'ils distinguaient les heures par l'ombre d'un gnomon. Voyez GNOMON. Quelques-uns l'appellent Photosciaterica, de , lumière, et , ombre, parce que c'est quelquefois la lumière même du soleil qui marque les heures ; comme quand le cadran au lieu d'un stîle porte une plaque percée d'un trou. Enfin il est appelé par d'autres horographia, parce que c'est proprement l'art d'écrire sur un plan donné, l'heure qu'il est. D'autres enfin le nomment Horologio-graphia, parce que les cadrants s'appelaient autrefois horologium ; nom que nous avons depuis transporté aux pendules d'Horlogerie.


On ne saurait douter de l'antiquité des cadrants ; quelques-uns en attribuent l'invention à Anaximene de Milet et d'autres à Thalès. Vitruve fait mention d'un cadran que l'ancien historien Berose de Chaldée, construisit sur un plan réclinant, presque parallèle à l'équinoctial ou équateur. Le disque d'Aristarque était un cadran horizontal avec son limbe relevé tout autour, afin d'empêcher les ombres de s'étendre trop loin.

Les cadrants ne furent connus des Romains que fort tard : le premier cadran solaire qui parut à Rome, fut, suivant Pline, construit par Papirius Cursor, vers l'an 400 de la fondation de cette ville. Pline dit qu'avant cette époque il n'est fait mention d'autre calcul de temps que de celui qui se tirait du lever et du coucher du soleil : ce cadran, selon quelques-uns, fut placé au temple de Quirinus, ou près de ce temple ; selon d'autres, dans le capitole ; selon d'autres enfin, près le temple de Diane sur le mont Aventin ; mais il allait mal. Trente ans après, Valérius Messala étant consul, apporta de Sicîle un autre cadran, qu'il éleva sur un pilier proche les rostra, ou tribune aux harangues : mais comme il n'était pas fait pour la latitude de ce lieu, il n'était pas possible qu'il marquât l'heure véritable. On s'en servit pendant 99 ans, jusqu'à-ce que le censeur L. Philippus en fit construire un autre plus exact.

Il parait qu'il y a eu des cadrants chez les Juifs beaucoup plus tôt que chez les nations dont nous venons de parler ; témoin le cadran d'Achaz, qui commença à régner 400 ans avant Alexandre, et 12 ans après la fondation de Rome : Isaïe en parle au chap. xxxviij. Ve 8. peut-être, au reste, ce cadran n'était-il qu'un simple méridien. Quoiqu'il en sait, la rétrogradation de l'ombre du soleil sur ce cadran d'Achaz, est un miracle bien surprenant, qu'il faut croire sans l'expliquer.

On a trouvé dans les ruines d'Herculanum un cadran solaire portatif. Ce cadran est rond et garni d'un manche, au bout duquel est un anneau qui servait sans-doute à suspendre le cadran par-tout où l'on voulait. Tout l'instrument est de metal et un peu convexe par ses deux surfaces : il y a d'un côté un stylet un peu long et dentelé, qui fait environ la quatrième partie du diamètre de cet instrument. L'une des deux superficies, qu'on peut regarder comme la surface supérieure, est toute couverte d'argent, et divisée par douze lignes parallèles qui forment autant de petits carrés un peu creux ; les six derniers carrés, qui sont terminés par la partie inférieure de la circonférence du cercle, sont disposés comme on Ve voir, et contiennent les caractères suivants, qui sont les lettres initiales du nom de chaque mois.

La façon dont sont disposés ces mois, est remarquable en ce qu'elle est en boustrophédon. Voyez ce mot. On pourrait croire que cette disposition des mois sur le cadran vient de ce que dans les mois qui sont l'un au-dessus de l'autre, par exemple, en Avril et Septembre, le soleil se trouve à-peu-près à la même hauteur dans certains jours correspondants : mais en ce cas, le cadran ne serait pas fort exact à cet égard ; car cette correspondance n'a guère lieu que dans les deux premières moitiés de chacun de ces mois : dans les quinze derniers jours d'Avril, le soleil est beaucoup plus haut que dans les quinze derniers de Septembre ; il en est ainsi des autres mois.

La Gnomonique est entièrement fondée sur le mouvement des corps célestes, et principalement sur celui du soleil, ou plutôt sur le mouvement journalier de la terre : de sorte qu'il est nécessaire d'avoir appris les éléments des sphériques et l'astronomie sphérique, avant que de s'appliquer à la théorie de la Gnomonique.

Clavius est le premier parmi les modernes, qui ait fait un traité exprès sur la Gnomonique ; il en démontre toutes les opérations suivant la méthode rigoureuse des anciens géomètres, mais d'une manière assez compliquée. Déchales et Ozannam ont donné des méthodes beaucoup plus aisées dans leur cours de Mathématiques, aussi-bien que Wolf dans ses éléments. M. Picard a donné une nouvelle méthode de faire de grands cadrants, en calculant les angles qui doivent former entr'elles les lignes horaires ; et M. de la Hire, dans sa Gnomonique imprimée en 1683, donne une méthode géométrique de tracer des lignes horaires au moyen de certains points déterminés par observation. Welperus en 1625, publia sa Gnomonique, dans laquelle il expose une manière de tracer les cadrants de la première espèce, c'est-à-dire qui ne sont ni inclinans ni réclinans : cette méthode était fondée sur un principe fort aisé. Ce même principe est expliqué au long par Sébastien Munster, dans ses rudimenta mathematica, publiés en 1651. Sturmius en 1672, publia une nouvelle édition de la Gnomonique de Welperus, à laquelle il ajouta une seconde partie en entier sur les cadrants inclinans et réclinans, etc. En 1708 on réimprima ce même ouvrage avec les additions de Sturmius ; et on y ajouta une quatrième partie qui contient les méthodes de MM. Picard et de la Hire, pour tracer de grands cadrants ; ce qui compose un des meilleurs ouvrages et des plus complets que nous ayons sur cette matière. Wolf et Chambers.

M. Rivard, professeur de philosophie en l'université de Paris, et M. Deparcieux, membre des académies royales des Sciences de Paris, de Berlin, et de Montpellier, nous ont donné chacun presque dans le même temps, 1741, un traité de Gnomonique : ces deux ouvrages peuvent être fort utiles à ceux qui voudront apprendre facilement les principes de cette science. On peut aussi consulter Bion, dans ses usages des instruments de Mathématique.

Comme nous avons donné au mot CADRAN la méthode de tracer les cadrants, qui est le principal objet de la Gnomonique, nous n'en dirons pas ici davantage : nous nous contenterons d'observer que de tous les cadrants, le cadran horizontal est celui qu'on peut tracer le plus facilement et le plus exactement, mais que le cadran vertical a un avantage, c'est que les lignes y sont moins sujettes à être effacées par les pluies, à cause de la position verticale du mur du cadran ; quoique d'un autre côté la déclinaison du mur rende la construction de ces sortes de cadrants plus difficîle que celle des cadrants horizontaux. Voyez DECLINAISON. Les cadrants équinoctiaux ou parallèles à l'équateur, peuvent aussi avoir leur utilité, et sont d'une description plus simple que tous les autres ; toute la difficulté se réduit à bien placer le plan du cadran. A l'égard des autres cadrants, ils sont plus curieux qu'utiles.

GNOMONIQUE, pris adjectivement, se dit de tout ce qui appartient à la Gnomonique et aux gnomons. Voyez ces mots.

Ainsi on dit colonne gnomonique, pour signifier les gnomons ou obélisques des anciens, voyez MERIDIEN ; polyhedre gnomonique, pour signifier un polyhedre sur les différentes surfaces duquel on a tracé des cadrants, etc. (O)