* HUITRE. Pêche des huitres au Bourgneuf, dans l'amirauté de Nantes, à la drague et au bateau. Cette manœuvre est particulière. Il y a deux pêcheurs dans un bateau ; ils jettent une ancre à l'arrière et une autre à l'avant de leur chaloupe, larguant quelques brasses de cablot d'une ancre ou grappin à l'autre. Quand ils se sont établis ainsi, ils mettent leur drague à la mer, soit à l'avant, soit à l'arrière du bateau. Les dragues sont fort petites. Elles ont un sac où les huitres sont reçues. Ils halent ensuite à force de bras sur le petit funin frappé sur l'organeau de la drague, en sorte que le cablot se roidissant, leur donne lieu de tirer avec plus de force sur leur drague. Ils continuent la même manœuvre de l'autre bord, en portant leur drague près d'une des ancres ; ils l'éloignent ensuite, et halent la drague, soit avant, soit arrière, car ils n'ont pas l'esprit de pêcher, soit à la rame, soit à la voile, comme font les autres pêcheurs.

Pêche des huitres au rateau, comme elle se fait dans le fond de la baie de Vanne. Les pêcheurs se mettent deux dans un petit bateau. Ils ont chacun un rateau sans sac, tel que ceux qu'on emploie à la pêche des moules sur les fonds qui ne découvrent pas, et ils entraînent les huitres avec ce rateau.

Pêche des huitres à la drague, comme elle se fait dans le ressort de l'amirauté de Marennes. Cette drague n'est armée que d'un seul couteau. On pêche depuis la fin de Septembre jusqu'à la fin d'Avril. Il faut donc publier la déclaration pour défendre la pêche en Mai, Juin, Juillet et Aout, afin que les parcs ou fosses d'huitres que l'on fait vider de bord et d'autre soient garnis.

Il se ramasse aussi beaucoup d'huitres à la basse eau de chaque marée, surtout des vives eaux.

Les pêcheurs et les sauniers qui sont autour de cette baie font des fosses vers le rivage, profondes d'environ dix-huit à vingt-quatre pouces ; ces fosses, qu'ils appellent étangs, sont contigus, et même font partie des parcs des salines. Les pêcheurs y jettent leurs huitres pêle-mêle sans aucune précaution ; elles y sont couvertes de vase noire pendant le séjour qu'elles y font, s'engraissent et se verdissent, mais après y avoir demeuré environ une ou deux années au moins. L'eau salée qui monte toutes les marées dans la baie n'entre point dans ces fosses que le pêcheur ne le juge à-propos. Les pluies d'eau douce avancent fort la préparation des huitres vertes. Le transport ne s'en fait que depuis le commencement d'Octobre jusqu'à la fin de Mars ; mais elles ne sont d'excellente qualité qu'au bout de deux à trois ans. Voyez toutes ces pêches d'huitres dans nos Planches, où l'on a aussi représenté les étangs ou parcs aux huitres vertes. Voyez aussi l'article SALINES.

HUITRE, (Diète et Matière médicale) Les huitres excitent le sommeil ; elles donnent de l'appétit ; elles provoquent les ardeurs de Vénus ; elles poussent par les urines et lachent un peu le ventre ; elles nourrissent peu. Leur usage est estimé par quelques-uns salutaire aux scorbutiques et à ceux qui sont attaqués de la goutte. Je ne conçais pas bien par quel endroit ils les croient si convenables à ces sortes de maladies. L'opinion commune est que l'huitre se digère difficilement, et qu'elle cause des obstructions quand on en fait un usage fréquent ; cependant l'expérience n'est pas bien d'accord avec cette opinion, car on voit tous les jours des gens en manger soir et matin, et en assez grande quantité, sans en être incommodés. On remarque même qu'elles passent assez vite, et plusieurs gens assurent qu'aucun aliment ne leur fortifie davantage l'estomac. Lémery, traité des aliments.

On peut ajouter à ces éloges l'observation très-connue des excès qu'on voit pratiquer impunément dans l'usage des huitres. Il n'est pas rare de trouver des personnes qui avalent cent, et même cent cinquante huitres à peine machées : ce qui ne sert que de prélude à un diner très-copieux, et qui leur réussit à merveille.

Mais d'un autre côté les huitres sont un de ces aliments pour qui plusieurs personnes ont un dégoût invincible. Ce dégoût est naturel chez quelques-unes, mais il est dû chez quelques autres à une espèce d'empreinte laissée dans leur estomac par une indigestion d'huitres ; ainsi sur ce point, comme sur la plupart des sujets de diete, le bien ou le mal dépendent d'une certaine disposition inconnue des organes de la digestion et de l'habitude.

Les écailles d'huitres fournissent à la Pharmacie un alkali terreux, absolument analogue à la mère des perles, au corail, aux yeux d'écrevisse, aux coquilles d'œuf, et à celles d'escargot, etc. Voyez TERREUX, (Matière médicale)

L'esprit de nitre et l'esprit de sel dissolvent une plus grande quantité de poudre de coquilles d'huitres, que des autres alkalis de la même nature, savoir des perles, des coraux et de la nacre de perles.

La facilité de leur dissolution semble dépendre en partie de ce que la substance de la coquille d'huitre est remplie d'un sel salin, qui parait manifestement sur la langue ; ce sel tient déjà la coquille à demi-dissoute, laquelle étant d'ailleurs fort tendre et fort friable, admet aisément les pointes des acides pour en achever la dissolution ; au lieu que la substance des perles et de la nacre de perle n'étant pas entremêlée d'un sel salin, au contraire étant un corps sec et très-dur, leur dissolution est plus difficile.

Peut-être que la facilité de la dissolution des coquilles d'huitres est une des raisons de ses bons effets dans les estomacs gâtés par des acides, indépendamment de la quantité de sel salin qu'elles contiennent, lequel ne parait pas un simple sel marin, mais un sel qui a reçu un grand changement par l'animal ; ce qui est confirmé par la forte odeur et par le goût pénétrant (outre le salin) de cette eau qui se trouve dans les interstices des feuilles qui composent la coquille lorsqu'on la casse avant qu'elle soit fort seche.

On prépare les coquilles d'huitres différemment ; mais comme la préparation les peut altérer et gâter, particulièrement lorsqu'on les calcine par le feu, M. Homberg a communiqué dans les mém. de l'acad. des Scienc. ann. 1700, la manière dont il se servait pour les préparer.

" Prenez, dit-il, cette partie de la coquille de l'huitre qui est creuse, en jetant l'autre moitié qui est plate ; lavez-les bien des ordures extérieures, et faites-les secher pendant quelques jours au soleil ; étant seches, pilez-les dans un mortier de marbre, elles se mettront en bouillie ; exposez-les de nouveau au soleil pour les sécher ; puis achevez de les piler, et passez la poudre par un tamis fin ".

Les coquilles d'huitres entrent dans le remède de mademoiselle Stephens pour la pierre.

Les Romains donnèrent longtemps la préférence aux huitres du lac Lucrin, qu'Horace appelle Lucrina conchylia ; ensuite ils aimèrent mieux celles de Brindes et de Tarente ; et finalement ils ne purent plus souffrir que celles de l'océan Atlantique. Nous sommes devenus aussi délicats que les Romains ; nous ne goutons aujourd'hui que les huitres vertes. Voyez à l'article PECHE DES HUITRES, comment on les verdit.

Mais le secret que les Romains avaient de conserver les huitres ne nous est pas parvenu. Apicius l'a gardé pour lui. Il vivait sous Trajan, et lui fit parvenir des huitres très-fraiches au pays des Parthes. C'est ce même Apicius, selon quelques critiques, qui composa le fameux traité de re culinaria. Torinus trouva, dit-on, cet ouvrage dans l'île de Maguelone, près de Montpellier, et le fit imprimer à Basle en 1541 in-4°. (D.J.)