S. m. (Médecine) C'est une des fonctions secondaires des organes de la respiration, qui consiste dans une forte expiration excitée par un mouvement convulsif, qui determine l'air expiré à passer principalement par les narines, pour en emporter la cause de l'irritation, qui a mis en jeu les puissances qui servent à la respiration. Le mécanisme de l'éternument peut être plus particulièrement exposé, de la manière qui suit.

Immédiatement avant que d'éternuer, on sent une sorte de chatouillement leger sous l'os cribleux, qui distribue les nerfs olfactifs aux narines : il s'excite ensuite une espèce de mouvement convulsif des muscles qui servent à l'inspiration, qui dilatent le thorax beaucoup plus qu'à l'ordinaire ; en sorte que l'air entre dans les poumons en plus grande quantité : il y est retenu le plus longtemps qu'il se puisse, par l'action continuée des muscles inspirateurs. L'on parait dans cet état hésiter et suspendre l'expiration qui doit nécessairement suivre ; l'air retenu dans les poumons par la glotte, qui est fermée dans ce temps-là, se raréfie beaucoup plus que de coutume, à proportion de ce qu'il séjourne davantage dans la poitrine : il dilate par conséquent très-fortement les parties qui le renferment, il les applique contre les parois du thorax ; on sent une sorte de prurit au creux de l'estomac, vers le diaphragme. Cependant les cartilages des cotes, qui sont pliés et retenus dans une situation plus forcée qu'à l'ordinaire, tendent avec un effort proportionné à leur ressort trop bandé, à se remettre dans leur état naturel. En même temps, et par une sorte de convulsion, les muscles expirateurs se contractent très-fortement, et prévalent, par leur action prompte et subite, sur les organes expirateurs, et chassent l'air des poumons avec une grande impétuosité, qui force la glotte à s'ouvrir ; frappe ses bords et toutes les parties par où il passe : d'où se forme un bruit éclatant, souvent accompagné d'une espèce de cri. Les muscles qui servent à relever la racine de la langue, entrent aussi en contraction ; ce qui ferme presque le passage par la bouche, et détermine l'air à se porter presque tout vers la cavité des narines, où il se heurte fortement contre les membranes qui les tapissent, et entraîne avec lui toutes les matières mobiles qui sont attachées à leur surface. Tous ces effets sont causés par une irritation violente des nerfs qui se distribuent à ces membranes (voyez NEZ, NARINES, MEMBRANE PITUITAIRE) ; laquelle irritation se transmettant à la commune origine des nerfs, excite une convulsion générale dans tous ceux qui se distribuent aux muscles de la poitrine, du dos et de la tête, de même qu'il arrive un spasme universel en conséquence de la piqûre, de la blessure de tout autre nerf ou tendon, dans quelque partie du corps que ce sait.

Il n'est par conséquent pas nécessaire, pour expliquer le mécanisme de l'éternument, d'avoir recours à la communication particulière des nerfs, qui n'est pas bien prouvée, entre ceux de la membrane pituitaire et ceux de la poitrine ; car ce ne sont pas les seuls organes de la respiration qui sont mis en jeu dans l'éternument, mais encore les muscles du cou et de la tête. Les postérieurs la tirent en-arrière, et la retiennent dans cette situation pendant la grande inspiration qui précède l'éternument proprement dit ; et ensuite les antérieurs agissant à leur tour avec une grande promptitude, ramènent la tête, et la fléchissent en-avant.

Tels sont les mouvements combinés qui constituent l'éternument. Comme la toux sert à nettoyer les voies de l'air dans les poumons (voyez TOUX), de même l'éternument est produit pour nettoyer les narines.

L'irritation de la membrane pituitaire, causée par les humeurs dont elle est enduite, devenues acres, ou par toute autre matière de même nature (voyez STERNUTATOIRE, portée et appliquée sur les nerfs qui s'y distribuent, forcent la nature à employer tous les moyens possibles pour faire cesser cette irritation ; ce qu'elle fait par le moyen de l'air qu'elle pousse avec impétuosité contre ces matières irritantes, et qu'elle fait servir comme de balai pour les enlever et les chasser hors des narines. C'est pourquoi on éternue ordinairement le matin après le reveil, et surtout en s'exposant au grand jour, à cause de la mucosité qui s'est ramassée pendant la nuit, et qui est devenue acre, irritante. L'éternument qu'elle excite, sert à l'enlever et à découvrir les nerfs olfactifs, pour qu'ils soient plus sensibles à l'action des corps odoriférants.

L'éternument produit encore plusieurs autres bons effets, entant que les secousses qui en résultent, se communiquent à toutes les parties du corps, et particulièrement au cerveau. Hippocrate faisait exciter l'éternument pour faire sortir l'arriere-faix. Aphor. xlvj. sect. 11. L'éternument qui se fait deux ou trois fois après le sommeil, rend le corps agile, dispos, et ranime les fonctions de l'âme ; mais s'il est répeté un plus grand nombre de fois de suite, il affoiblit considérablement, à cause de la convulsion des nerfs ; et il fait naître une douleur dans le centre nerveux du diaphragme, par le trop grand tiraillement qu'il y excite. Il peut produire bien d'autres mauvais effets, dont il est fait mention en parlant des remèdes et autres choses propres à faire éternuer Voyez STERNUTATOIRE et ERRHINS.

L'éternument est aussi produit, mais rarement, par d'autres causes que cette irritation des narines. Hoadly, of the respiration, p. 96. fait mention d'un éternument habituel, causé par un vice de l'abdomen, et peut-être aussi du diaphragme, puisque la respiration ne se faisait que par le moyen des côtes. Hildanus, cent. I. obs. xxjv. fait mention d'un homme qui éternuait à volonté, et qui faisait cent éternuments de suite ; exemple bien singulier, et peut-être unique. On a Ve des femmes hystériques faire des éternuments énormes, et pendant plusieurs jours par intervalles. Le père Strada a fait un traité de l'éternument, dans lequel il donne la raison de l'usage établi de saluer ceux qui éternuent. C'est, selon lui, une coutume des Payens, qui était cependant reçue chez les Juifs comme chez les Romains. Voyez l'ouvrage cité et l'article suivant.

L'éternument excessif est une affection convulsive trop longtemps continuée, ou trop violente. L'indication qui se présente, est d'emporter la cause de l'irritation qui produit la convulsion ; il faut conséquemment employer des remèdes adoucissants et mucilagineux, qui émoussent l'acreté des matières attachées à la membrane pituitaire, et qui relâchent les nerfs trop tendus et trop sensibles. On conseille pour cet effet le lait chaud, l'huîle d'amandes douces, attirés par le nez. On prétend aussi que l'on peut arrêter l'éternument, en comprimant fortement avec le doigt le grand angle de l'oeil ; sans-doute parce qu'on engourdit par-là une branche du nerf de la cinquième paire, qui entre dans l'orbite avant que de se répandre dans le tissu de la membrane pituitaire. Lorsque l'éternument dépend d'une fluxion considérable d'humeurs acres sur les narines, on doit travailler à les détourner du siège qu'elles occupent, et où elles produisent un symptôme si fatiguant, par le moyen des purgatifs hydragogues ; et dans le cas où l'éternument dépend de quelqu'autre maladie, il faut s'appliquer à en emporter la cause par les remèdes qui lui sont appropriés pour que l'effet cesse. Cet article est tiré en partie du commentaire et des notes sur les institutions de Boerhaave, par M. Haller. (d)

ETERNUMENT, (Littérature) L'ancienneté et l'étendue de la coutume de faire des souhaits en faveur de ceux qui éternuent, a engagé les Littérateurs à rechercher curieusement, d'après l'exemple d'Aristote, si cet usage tirait son origine de la religion, de la superstition, des raisons de morale ou de physique. Voyez là-dessus, pour couper court, les écrits de Strada, de Schootérius, et le mémoire de M. Morin ; qui est dans l'histoire de l'académie des Inscriptions.

Mais toutes les recherches qu'on a faites à ce sujet, ne laissent à désirer que la vérité ou la vraisemblance. Il faudrait être aujourd'hui bien habîle pour deviner si dans les commencements l'on a regardé les éternuments comme dangereux, ou comme amis de la nature ; chaque peuple a pu s'en former des idées différentes, puisque les anciens médecins même ont été partagés : cependant aucun d'eux n'a adopté le système de Clément d'Alexandrie, qui ne considérait les sternutations que comme une marque d'intempérance et de mollesse : c'est un système à lui tout seul.

Laissant donc à part la cause inconnue qui a pu porter les divers peuples à saluer un mouvement convulsif de la respiration, qui n'a rien de plus singulier que la toux ou le hoquet, il suffira de remarquer que les Grecs et les Romains, qui ont donné comme les autres dans cet usage, avaient la même formule de compliment à cette occasion ; car le des uns, vivez, et le salve des autres, portez-vous bien, sont absolument synonymes.

Les Romains faisaient de ce compliment, du temps de Pline le naturaliste, un des devoirs de la vie civîle ; c'est lui qui nous l'apprend. Chacun, dit-il, salue quand quelqu'un éternue, sternutamentis salutamur ; et il ajoute, comme une chose singulière, que l'empereur Tibere exigeait cette marque d'attention et de respect de tous ceux de sa suite, même en voyage et dans sa litière : ce qui semble supposer que la vie libre de la campagne ou les embarras du voyage, les dispensaient ordinairement de certaines formalités attachées à la vie citadine.

Dans Pétrone, Giton qui s'était caché sous un lit, s'étant découvert par un éternument, Eumolpus lui adresse aussi-tôt son compliment, salvère Gitona jubet. Et dans Apulée semblable contre-temps étant arrivé plusieurs fois au galant d'une femme, qui avait été obligé de se retirer dans la garde-robe, le mari, dans sa simplicité, supposant que c'était sa femme, solito sermone salutem ei precatus est, fit des vœux pour sa santé, suivant l'usage.

La superstition qui se glisse par-tout, ne manqua pas de s'introduire dans ce phénomène naturel, et d'y trouver de grands mystères. C'était chez les Egyptiens, chez les Grecs, chez les Romains, une espèce de divinité familière, un oracle ambulant, qui dans leur prévention les avertissait en plusieurs rencontres du parti qu'ils devaient prendre, du bien ou du mal qui devait leur arriver. Les auteurs sont remplis de faits qui justifient clairement la vaine crédulité des peuples à cet égard.

Mais l'éternument passait pour être particulièrement décisif dans le commerce des amants. Nous lisons dans Aristénete (epist. Ve lib. II.) que Parthénis, jeune folle entêtée de l'objet de sa passion, se détermine enfin à expliquer ses sentiments par écrit à son cher Sarpédon : elle éternue dans l'endroit de sa lettre le plus vif et le plus tendre ; c'en est assez pour elle, cet incident lui tient lieu de réponse, et lui fait juger qu'au même instant son cher amant répondait à ses vœux : comme si cette opération de la nature, en concours avec l'idée des désirs, était une marque certaine de l'union que la sympathie établie entre les cœurs. Par la même raison les poètes grecs et latins disaient des jolies personnes, que les amours avaient éternué à leur naissance.

Après cela l'on comprend bien qu'on avait des observations qui distinguaient les bons éternuments d'avec les mauvais. Quand la lune était dans les signes du taureau, du lion, de la balance, du capricorne, ou des poissons, l'éternument passait pour être un bon augure ; dans les autres constellations, pour un mauvais présage. Le matin, depuis minuit jusqu'à midi, fâcheux pronostic ; favorable au contraire depuis midi jusqu'à minuit : pernicieux en sortant du lit ou de la table : il fallait s'y remettre, et tâcher ou de dormir, ou de boire, ou de manger quelque chose, pour rompre les lois du mauvais quart-d'heure.

On tirait aussi de semblables inductions des éternuments simples ou redoublés, de ceux qui se faisaient à droite ou à gauche, au commencement ou au milieu de l'ouvrage, et de plusieurs autres circonstances qui exerçaient la crédulité populaire, et dont les gens sensés se moquaient, comme on le peut voir dans Cicéron, dans Séneque, et dans les pièces des auteurs comiques.

Enfin tous les présages tirés des éternuments ont fini, même parmi le peuple ; mais on a conservé religieusement jusqu'à ce jour dans les cours des princes, ainsi que dans les maisons des particuliers, quelque marque d'attention et de respect pour les supérieurs qui viennent à éternuer. C'est un de ces devoirs de civilité de l'éducation, qu'on remplit machinalement sans y penser, par habitude, par un salut qui ne coute rien, et qui ne signifie rien, comme tant d'autres puérilités dont les hommes sont et dont ils seront toujours esclaves. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.