(FLUX), Médecine, d' sang, et de fluer, couler. Ce terme, pris à la lettre, signifie en général un écoulement, une perte de sang, et se trouve par-là synonyme d'hémorrhagie : mais l'usage en a fixé le sens, pour exprimer en particulier la tuméfaction des veines de l'anus ou de l'extrémité de l'intestin rectum, devenue variqueuse (ce qu'Hippocrate designe par les mots de ) ou susceptibles par quelque cause que ce sait, d'être gorgées de sang, au point qu'elles s'ouvrent souvent, et qu'il en résulte effectivement un écoulement de sang, une hémorrhagie.

Les Anatomistes ont aussi appelé hémorrhoïdaux, les vaisseaux tant artériels que veineux, qui se distribuent au fondement, et qui portent le sang dans cette partie, où peuvent se former des tumeurs sanguines ou des flux de sang tels qu'il vient d'être dit.

Il y a deux artères, comme deux veines hémorrhoïdales : l'artère hémorrhoïdale interne est un rameau de la mesentérique inférieure, qui rampe le long de l'intestin droit, et se termine au fondement : l'artère hémorrhoïdale externe vient de l'hypogastrique. Les veines hémorrhoïdales, qui sont ordinairement le siège des symptômes des hémorrhoïdes, sont distinguées en deux rameaux, dont l'un qui est aussi dit interne ou supérieur, appartient à la branche mesentérique de la veine-porte, et communique avec la branche splénique ; circonstance qui avait donné lieu à l'erreur des anciens, qui croyaient que c'est par ces vaisseaux que se dégorge l'artère dans les flux hémorrhoïdaux ; erreur qui a été reconnue par la découverte de la circulation du sang, et par la connaissance de son véritable cours acquise en conséquence : d'où il résulte, qu'il n'y a aucune influence directe de ce viscère sur les vaisseaux de l'anus. L'autre rameau des veines hémorrhoïdales, dites externes ou inférieures, se joint à la veine hypogastrique, qui s'insere à la veine-cave ; en sorte que l'origine des vaisseaux qui se distribuent à l'intestin rectum, répond à ses différentes connexions, savoir au mesocolon et à l'os sacrum.

De cette distribution de vaisseaux il s'ensuit, qu'une partie de ceux de l'intestin rectum et du cou de la matrice ayant la même origine, communiquent entr'eux par ce moyen ; (voyez MATRICE) ce qui peut servir à rendre raison, pourquoi le flux hémorrhoïdal est souvent un supplément au flux menstruel, (voyez MENSTRUES) et pourquoi les douleurs hémorrhoïdales s'étendent souvent aux parties génitales.

Il y a différentes sortes d'hémorrhoïdes : on distingue principalement celles qui restent fermées, d'avec celles qui sont ouvertes. Celles-là sont aussi appelées aveugles, coecoe, parce que la tumeur hémorrhoïdale qui forme comme un oeil, n'est point ouverte ; et furentes, comme furieuses, lorsque dans ce cas elles sont accompagnées de beaucoup de douleur. On distingue encore les hémorrhoïdes en internes et en externes, selon qu'elles ont leur siège au-dehors ou au-dedans du fondement. Elles sont aussi dites critiques, lorsqu'elles sont l'effet des efforts salutaires de la nature, ce qu'on appelle vulgairement et assez à propos un bénéfice de nature, quand elles sont spontanées : on les nomme symptomatiques, lorsqu'elles naissent d'une manière pernicieuse, et qu'elles sont la suite de quelque vice dans les viscères du bas-ventre ou de la partie affectée.

Les hommes sont plus sujets que les femmes aux hémorrhoïdes, surtout considérées comme critiques ; parce que le besoin de ce flux de sang est suppléé dans celles-ci par les menstrues : c'est aussi comme critiques principalement, que l'on observe que les hémorrhoïdes sont plus fréquentes dans les climats chauds, que dans les froids. Il est encore à remarquer qu'elles surviennent plus communément aux adultes, entre la jeunesse et la vieillesse, que dans le bas âge, aux environs de celui de puberté et dans l'âge bien avancé.

On doit regarder comme constant, d'après les plus grands observateurs, que les congestions se font dans différentes parties du corps, selon les différents temps de la vie, par une disposition particulière dans l'économie animale ; en sorte que les enfants et les jeunes gens sont spécialement sujets aux hémorrhagies par le nez. A l'âge viril, jusqu'à trente-cinq ans environ, on devient sujet au crachement de sang, à l'hémophtysie, et dans la vieillesse au pissement de sang : les hémorrhoïdes semblent donc regarder plus particulièrement le moyen âge : pour la raison de ces différents effets, qui n'est pas facîle à déterminer, voyez NATURE, ÉCONOMIE ANIMALE, HEMORRHAGIE, SAIGNEMENT DE NEZ, HEMOPHTYSIE, etc. On se bornera à faire ici une application particulière de ce qui donne lieu aux hémorrhagies critiques.

Comme il est peu de personnes qui observent le régime convenable pour la conservation de la santé dans un état aussi parfait, qu'elle serait susceptible d'y être, et que dans tous les temps de la vie, l'intempérance, le défaut d'exercice, contribuent à faire surabonder les humeurs dont l'excédent est porté le plus souvent (par un principe véritablement actif, ou par la tendance générale à l'équilibre, dans le corps animal) vers les parties où il se trouve moins de résistance ; (Voyez NATURE, FACULTE, EQUILIBRE, Physiol.) il est ordinaire de voir que dans le moyen âge, un des effets le plus commun de la pléthore est la formation des hémorrhoïdes, qui doivent alors être regardées comme salutaires, surtout si elle est suivie de flux-de-sang, parce qu'elles sont l'effet des efforts critiques de la nature, par les spasmes qu'elle opere, qui resserrent, qui étranglent les veines vraisemblablement par le même mécanisme, que dans l'érection de la verge. (Voyez EFFORT, Physiol. ERECTION.) Ensorte que le sang y est arrêté, s'y accumule, sans qu'il cesse d'y en être porté de nouveau ; que la circulation s'y fait à-peu-près comme dans les corps caverneux dilatés ; que le sang dans les vaisseaux hémorrhoïdaux, forcés, relâchés, n'y est pas absolument croupissant ; et que l'excédent est rapporté par les veines dans la masse, (comme celui de la verge, à mesure que l'erection cesse) lorsque l'équilibre se rétablit par quelque cause que ce sait, interne ou externe, entre les vaisseaux hémorrhoïdaux et les autres vaisseaux du corps ; à moins que ceux-là ne se dégorgent auparavant en cédant à l'effort critique, en s'ouvrant pour former un flux-de-sang.

Ce flux hémorrhoïdal, par le renouvellement de la pléthore, devient souvent aussi régulier dans ses retours, que le flux menstruel ; ce que l'on a observé souvent dans un grand nombre d'hommes (voyez Horstius, lib. V. observ. 45.) ce qui arrive même aussi quelquefois dans les femmes, après la suppression naturelle des règles, selon Ettmuller de haemorrhoïd. et pendant la grossesse, selon Schenckius, dans ses œuvres, lib. III. et Amatus Lusitanus, cent. V. cur. 3. mais il est plus ordinaire que le flux hémorrhoïdal et les symptômes qui le précèdent, soient irréguliers dans leur apparition : ce qui fait encore distinguer les hémorrhoïdes en périodiques et en erratiques.

Il suit de ce qui vient d'être dit, que la cause immédiate des hémorrhoïdes est une sorte de pléthore particulière dans les vaisseaux de l'intestin rectum, qui engorge principalement les veines, attendu que leurs tuniques résistent moins, et que la surabondance du sang peut y être déposée comme dans les vaisseaux relâchés, par l'effet d'une ventouse : en effet, la position des veines hémorrhoïdales, qui sont d'un tissu faible dans la cavité du bassin, où elles ne sont point soutenues, où elles sont exposées à être relachées ultérieurement par l'humidité onctueuse de la graisse, dans laquelle elles sont ordinairement comme ensevelies ; exposées à la compression, au frottement des matières fécales, lorsqu'elles sont sous forme solide, dure ; et à l'action rongeante de ces mêmes matières, lorsqu'elles sont fluides et acrimonieuses ; sujettes à l'étranglement de leur canal, à la gêne dans le cours du sang, qu'y peut causer la situation fréquente d'être assis, d'aller à cheval, jointe à tout cela la difficulté dans le retour du sang, qui est le plus souvent dans le cas de remonter contre son propre poids, à cause de la direction parallèle de ces veines le long de l'intestin rectum ; toutes ces circonstances concourent à établir la disposition particulière, à ce que ces veines deviennent aisément variqueuses, et soient plus susceptibles, tout étant égal, des effets de la pléthore, qu'aucune autre partie du corps, excepté la matrice ; ce qui sert principalement à rendre raison pourquoi les hommes sont plus sujets aux hémorrhoïdes que les femmes, et pourquoi celles-ci éprouvent souvent que le flux hémorrhoïdal est le supplément le plus naturel du flux menstruel.

Il faut noter que le sang n'est pas toujours la seule matière du flux hémorrhoïdal ; il y a plusieurs exemples d'écoulement de différentes humeurs excrémenticielles, corrompues, qui se fait par les vaisseaux hémorrhoïdaux, comme dans les fleurs blanches. Schneider, lib. III. de catharris, rapporte plusieurs observations à ce sujet.

La déjection sans tranchées, sans douleurs qui la précèdent, sans ténesme, distinguent le flux hémorrhoïdal du flux dissentérique ; et d'ailleurs dans celui-ci le sang est mêlé avec les matières fécales, et ressemble à de la raclure de boyaux, au lieu que dans celui-là, le sang est ordinairement séparé des matières, qui sont ordinairement sous forme solide ; d'ailleurs, il est d'une couleur plus foncée, et quelquefois même il est rendu en caillots, lorsqu'il sort de l'intérieur du boyau où il a sejourné après son épanchement. Ces dernières circonstances suffisent pour distinguer aussi le flux hémorrhoïdal du flux hépatique. L'hémorrhagie scorbutique, par la voie des selles, se fait sans dépendre des déjections, les précède souvent ou les suit sans conséquence (Voyez SCORBUT) ; au lieu que les hémorrhoïdes ne produisent un flux-de-sang considérable que par l'effet des déjections, sans quoi, ou elles fluent peu, ou elles ne fluent point du tout.

L'écoulement de sang qu'elles produisent parait n'être jamais dépendant de la volonté ; cependant il n'est pas sans exemple que la nature ait pu se faire une habitude de lui obéir, relativement à cet effet. Panarole, Pentecost. 2. obs. 47. fait mention d'un vieillard, qui ayant été sujet dans sa jeunesse à un flux hémorrhoïdal salutaire, se l'était rendu si familier, et tellement à sa disposition, que lorsque, dans un âge plus avancé, il se sentait quelque indisposition, à la guérison de laquelle il jugeait qu'une évacuation hémorrhoïdale pouvait contribuer, il se la procurait, et de telle quantité qu'il croyait nécessaire ; ce qui ne laisse aucun doute que dans bien des cas, le flux hémorrhoïdal ne soit l'effet d'une puissance active, indépendamment d'aucune détermination mécanique, quoique la chose se fasse d'une manière moins sensible, que dans le cas de ce vieillard.

Lorsque les tumeurs hémorrhoïdales ne s'ouvrent point, c'est-à-dire, qu'elles ne forment point de flux-de-sang, elles sont ce qu'on appelle hémorrhoïdes fermées, coecoe ; elles ne sont incommodes qu'autant qu'elles deviennent douloureuses, avec ardeur, tension, dureté, comme de vrais furoncles ; on peut les regarder alors comme une sorte d'inflammation de l'anus, et quelquefois d'une bonne partie de l'intestin rectum ; car l'engorgement des veines comprimant dans ce cas les artères, y gêne le cours du sang, et y établit une véritable disposition inflammatoire, qui rend les parties très-douloureuses, surtout dans les hémorrhoïdes internes, et lorsque la déjection des matières fécales durcies par la constipation, qui accompagne ordinairement cet état, se fait avec efforts, qui causent quelquefois une irritation si considérable, qu'elle Ve jusqu'à procurer des défaillances, et quelquefois des mouvements convulsifs, avec désordre dans toute l'économie animale, ce qui cesse aussitôt que la déjection est finie.

Les hémorrhoïdes fermées s'enflent quelquefois si considérablement, qu'on en a vu, selon Lindanus, in colleg. super Hartman. qui formaient des tumeurs grosses comme le poing, qui sortaient hors de l'anus ; mais alors il est rare qu'elles soient douloureuses.

On distingue les tumeurs causées par les hémorrhoïdes, des tumeurs qui viennent à l'anus par d'autres causes, en ce que les premières sont noirâtres ordinairement, par l'effet du sang veineux dont elles sont formées, et qu'elles sont compressibles, à moins que la douleur ne l'empêche, qualités que n'ont pas les condylomes, les fics, qui sont de couleur de la peau, comme charnus, et ont par conséquent plus de consistance sans la devoir à l'inflammation, comme les furoncles hémorrhoïdaux.

Les mauvais effets que causent les hémorrhoïdes, proviennent donc principalement de leur inflammation, ou du flux-de-sang trop considérable. Les suites de l'inflammation sont la fièvre souvent très-aiguè, l'insomnie et tous les effets de la douleur ; si les hémorrhoïdes ne s'ouvrent pas pour former une hémorrhagie, ce qui se fait difficilement, dans ce cas il succede quelquefois une simple transudation sanieuse, ichoreuse, fétide, qui ne laisse pas de procurer du soulagement ; c'est comme une espèce de résolution de l'humeur qui forme l'embarras inflammatoire, mais souvent au lieu d'une terminaison aussi peu fâcheuse, il suit des symptômes de bien plus grande conséquence, tels que des abscès et ses suites, ainsi qu'il a été dit des dispositions à la gangrene, au sphacele, qui se communiquent aux parties voisines à mesure qu'ils se forment dans la partie affectée, où ils font en peu de temps les progrès les plus rapides. Voyez INFLAMMATION, ABSCES.

La trop grande perte de sang cause l'abattement des forces, dispose à des défaillances qui peuvent être funestes ; et si cette perte excessive est habituelle, elle peut jeter les malades dans la cachexie, l'hydropisie, etc. Voyez HEMORRHAGIE.

Les hémorrhoïdes invétérées, qui rendent trop fréquent l'engorgement des vaisseaux qui en sont le siège, changent tellement le tissu de la partie, qu'il en résulte des obstructions dans les vaisseaux lymphatiques, nourriciers, qui disposent les membranes, les tuniques de l'intestin droit, à devenir skirrheuses, calleuses, dans une étendue considérable, ainsi que Rivière, Sanchez, rapportent l'avoir observé ; et s'il s'y forme des abscès en même temps, ils dégénèrent en ulcères fistuleux, carcinomateux (Voyez FISTULE A L'ANUS) ; ou il s'ensuit des solutions de continuité, des hémorrhagies, que l'on ne peut supprimer que très-difficilement ; ainsi qu'il arrive souvent à l'égard de celles qui sont causées indépendamment du vice de la partie, par une suite des obstructions du foie et des autres viscères du bas-ventre, avec lesquels il y a du rapport : ces obstructions forment un si grand embarras pour le retour du sang dans les vaisseaux qui forment la veine-porte, qu'il s'arrête aisément dans les veines hémorrhoïdales, attendu le plus de disposition qui s'y trouve, les engorge, les dilate, les force à s'ouvrir, et se porte obstinément où il trouve moins de résistance, conséquemment vers les ouvertures de ces veines ; d'où vient que les hypocondriaques, dont la maladie dépend principalement de ces obstructions, sont si sujets aux hémorrhoïdes et à tous leurs inconvéniens.

On a observé que la plupart des personnes qui sont habituellement affectées des hémorrhoïdes, ont la couleur de la peau, surtout du visage, d'un jaune tirant sur le verd ; ce qui n'a lieu vraisemblablement, que lorsque les embarras du foie contribuent aux hémorrhoïdes : ce qui est assez commun.

Mais ce qui a le plus de part à les rendre nuisibles à la santé, c'est l'imprudence d'employer des moyens pour s'en délivrer mal-à-propos, tels que les répercussifs, ou tout autre, qui peut les faire rentrer, comme on dit, et les faire disparaitre presque subitement, surtout lorsqu'elles sont véritablement critiques ; d'où s'ensuit que, lorsque la répercussion empêche le sang hémorrhoïdal de se faire place dans ses veines, en les dilatant de plus en plus, ou en se faisant une issue par leur rupture, il se porte d'autant plus dans les vaisseaux voisins, qui sont susceptibles de céder et de le recevoir ; il les force, les engorge, y forme des embarras inflammatoires, des distentions douloureuses, qui font des coliques violentes, souvent même convulsives, dans la région hypogastrique, accompagnées de ventosités, effet du spasme qui se fait dans différentes portions des intestins où il se trouve de l'air renfermé : il faut cependant alors bien se garder de confondre ces coliques avec les coliques venteuses proprement dites, et de les traiter en conséquence ; parce que les remèdes chauds qui conviennent à celles-ci, ne font qu'augmenter le mal à l'égard des premières, qui ne demandent que des adoucissants, des émolliens différemment employés, selon l'art, tant extérieurement qu'intérieurement, pour relâcher, étendre les parties irritées, où il serait avantageux de rappeler le sang détourné dans d'autres, où il ne peut que produire de mauvais effets : les anodins antispasmodiques conviennent aussi très-bien dans ce cas, pour faire cesser le trop grand érétisme dans le genre nerveux.

Et comme, lorsque les hémorrhoïdes ont de la peine à se former, elles sont souvent précédées de douleurs dans les entrailles, et à la région lombaire surtout, que l'on prend quelquefois d'abord pour une colique néphrétique, ces symptômes doivent être attribués à la même cause que ceux dont il vient d'être fait mention, qui ont rapport avec la colique venteuse ; ils demandent les mêmes secours, que l'on ne doit cependant pas se presser d'employer jusqu'à ce que l'on se soit assuré, que les efforts pour la formation des hémorrhoïdes ne peuvent pas avoir leur effet, sans que l'on aide la nature.

Si ces efforts ne sont point accompagnés de douleurs, d'irritation, et qu'il ne se forme que des boutons d'hémorrhoïdes dans les cas où le flux-de-sang est nécessaire, les purgatifs âcres, irritants, les aloètiques particuliérement, et les suppositoires de même qualité, qui peuvent par l'abus qu'on en fait, contribuer à exciter mal-à-propos les hémorrhoïdes, par le relâchement, l'atonie, qui succedent aux irritations, aux spasmes qui sont l'effet de ces médicaments, peuvent aussi être employés utilement pour rendre les hémorrhoïdes fluentes, lorsqu'il peut être salutaire de faire couler du sang par cette voie ; ce qui ne peut guère avoir lieu que dans les personnes d'un tempérament sanguin, à l'égard desquelles la disposition aux hémorrhoïdes est si naturelle, qu'il en est plusieurs en qui elle est ou devient héréditaire. Voyez TEMPERAMENT.

En effet, Hippocrate, Galien, Celse, Hildanus, Forestus, Alpinus, et presque tous les plus grands observateurs praticiens, s'accordent à regarder le flux hémorrhoïdal comme très-avantageux dans bien des circonstances, et très-efficace pour délivrer de bien des maladies chroniques, telles que la mélancolie, les vapeurs, les vertiges, la manie même, et la folie habituelle, la jaunisse, la gravelle, la goutte, le scorbut ; il y a une infinité de faits qui établissent incontestablement la propriété des hémorrhoïdes, pour contribuer à la guérison de ces différentes maladies, et de plusieurs autres qui y ont rapport : elles ont aussi souvent fait cesser le pissement de sang, l'hémopthysie, le saignement de nez, la disposition à l'apoplexie, et ont contribué à procurer la guérison des attaques de cette dernière maladie ; ce qui a engagé par analogie, à y employer l'application des sangsues avec beaucoup de succès.

Ce qui confirme davantage le bon effet du flux hémorrhoïdal dans tous ces cas, c'est qu'on a Ve la plupart de ces maladies avoir lieu par une suite de la suppression de ce flux-de-sang, et cesser par son rétablissement survenu naturellement, ou procuré à cet effet. Voyez les observations des auteurs qui viennent d'être cités : elles sont en grand nombre sur ce sujet. Hippocrate entr'autres, lib. VI. aph. 12. juge qu'il est si dangereux de fermer d'anciennes hémorrhoïdes fluentes ; que si entre plusieurs boutons, on n'en laisse pas un d'ouvert, on exposera le sujet à tomber dans l'hydropisie ou dans l'atrophie.

Ainsi on ne saurait apporter trop d'attention à bien distinguer les hémorrhoïdes critiques, d'avec les symptomatiques, pour en tirer un pronostic juste, et ne pas s'exposer à des erreurs de la plus grande conséquence, dans le traitement d'un concours d'accidents, qui souvent ne demandent point à être traités, mais à être laissés à eux-mêmes et aux soins de la nature, lorsque les effets qui s'ensuivent ne peuvent ni ne doivent pas être regardés comme morbifiques ; ce qui est marqué principalement lorsque la perte de sang se fait sans diminution de forces, et que l'exercice des fonctions essentielles à la santé, n'éprouve aucun changement essentiellement désavantageux : si le contraire arrive, en général il y a lieu alors de regarder le flux hémorrhoïdal comme une vraie maladie, comme une hémorrhagie pernicieuse par ses effets et par ses suites, qui demande les secours de l'art, de la manière indiquée par les accidents qui l'accompagnent. Voyez HEMORRHAGIE.

S'il survient un flux hémorrhoïdal excessif, dans les maladies causées par les obstructions, par le skirrhe au foie, c'est un signe qui annonce le plus grand danger, et qui est très-souvent mortel.

Il suit de tout ce qui vient d'être dit des hémorrhoïdes, qu'il ne faut pas employer des remèdes à leur égard, sans être bien assuré de la nature du mal réel ou apparent : si elles sont caractérisées de manière à devoir être regardées comme critiques, et qu'elles ne se fassent sentir que par des tumeurs au fondement ou au-dedans de l'anus, qui y donnent le sentiment d'une matière au passage, dont on ne peut pas faire la déjection ; si elles sont sans douleur, sans aucune incommodité considérable, le meilleur parti est de n'y rien faire : Expecta ; (c'est le conseil de Stahl, qui n'a point le ridicule qu'on a voulu trouver. Voyez EXPECTATION). Il ne faut pas même se presser de les rendre fluentes, lorsqu'elles ne le sont pas, à moins qu'il n'y ait d'ailleurs des indications pour procurer un flux-de-sang révulsif : si elles deviennent fluentes d'elles-mêmes, sans excès et sans autre incommodité, il faut les laisser couler et ne pas plus penser à les supprimer, qu'on le fait à l'égard des menstrues, qui ont leur cours ordinaire ; on doit seulement observer le régime convenable, pour que le flux-de-sang ne devienne pas immodéré ; ainsi on doit éviter tout ce qui peut échauffer, agiter le sang extraordinairement, soit à l'égard des aliments et de la boisson, soit pour l'usage des autres choses qu'on appelle non naturelles. Voyez HYGIENE. On peut utilement faire usage dans ce cas de ptisanes tempérantes, nitreuses, pour faciliter l'évacuation de la surabondance du sang, qui donne lieu aux hémorrhoïdes critiques ; lorsqu'elles fluent moins qu'il n'est nécessaire, on a recours aux eaux minérales de toute espèce, dont on fait choix selon les tempéraments, aux ptisanes diaphorétiques, sudorifiques, apéritives, incisantes, pour disposer la masse du sang à fournir la matière du flux hémorrhoïdal de la manière convenable : on peut aussi faciliter cette évacuation, en appliquant au fondement une éponge chargée de décoction émolliente tiede, en recevant la vapeur d'une pareille décoction bien chaude, ou par tout autre moyen propre à relâcher ultérieurement les vaisseaux par lesquels se fait le flux-de-sang.

Si l'on ne peut pas réussir par ces différents moyens, à rendre ce flux aussi considérable qu'il est nécessaire, on ne doit pas cependant recourir aux applications irritantes, pour ne pas s'exposer à rendre les hémorrhoïdes douloureuses, qui peuvent par-là devenir très-fâcheuses, comme il a été dit ; ainsi dans le cas où le flux n'est pas suffisant, et que l'on a à craindre une métastase, c'est-à-dire un transport du sang hémorrhoïdal dans quelque autre partie où il pourrait produire de funestes effets, on doit avoir recours à l'application des sangsues autour du fondement ; et si elle ne suffit pas, ou qu'on n'ait pas de ces insectes de qualité convenable (Voyez SANGSUE), ou pour en faire usage à temps, à propos, on peut y suppléer par l'application des ventouses à l'anus, aux cuisses, aux lombes, et par des scarifications à ces différentes parties ; mais la saignée au pied suffit souvent, et assez promptement, pour que l'on y ait recours avant d'employer ces derniers moyens.

Mais dans le cas contraire où le flux hémorrhoïdal est excessif, c'est la saignée au bras qui convient, comme un moyen de révulsion qui est à employer et à répéter autant que les forces le permettent ; et si cela ne suffit pas pour modérer le flux-de-sang, et qu'il y ait même indication de l'arrêter totalement, on doit alors faire usage des applications astringentes, avec des linges, des éponges, imbus de décoctions appropriées, de bon vinaigre même, ou du coton trempé dans des liqueurs styptiques ; on peut même appliquer un bouton de vitriol, ou un morceau de l'agaric styptique, si l'on peut atteindre au vaisseau ouvert, et même en tenter la ligature, si l'on peut saisir le bouton hémorrhoïdal ; et enfin, si l'on ne peut pas user de ces différents moyens, ou qu'on ne le fasse pas avec succès, on peut à l'extrémité, en venir à employer le cautère actuel, comme l'astringent le plus sur ; mais on doit éviter le plus qu'il est possible, de faire des plaies à l'anus, parce qu'elles guérissent difficilement, et dégénèrent souvent en ulcères de mauvaise qualité, qui s'étendent beaucoup, deviennent calleux, forment ainsi des fistules ; et après avoir donné bien de l'embarras, ont souvent des suites funestes. Voyez FISTULE.

Dans les cas où les hémorrhoïdes ne peuvent pas s'ouvrir, et qu'elles sont accompagnées de beaucoup d'irritation, de douleur, il faut les traiter comme les tumeurs inflammatoires, par le moyen des saignées convenables, des émolliens résolutifs, anodins, des antiphlogistiques nitreux, tant intérieurement qu'extérieurement, c'est-à-dire sous forme de ptisane, d'aposeme, de bouillon, de julep, de clystère, de cataplasme, de fomentation, de vaporation, différemment employés selon les différentes indications. L'application des sangsues peut aussi être mise en usage avec succès ; mais seulement lorsque la douleur est bien diminuée, pour en prévenir le retour, en dégorgeant les vaisseaux, s'ils ne sont pas disposés à s'ouvrir d'eux-mêmes ; ainsi lorsque cette disposition manque habituellement, et qu'il ne se forme pas de flux hémorrhoïdal spontané, comme il ne peut paraitre dans ce cas que des tumeurs hémorrhoïdales, qui ne peuvent produire que des effets fâcheux lorsqu'elles sont sujettes à devenir douloureuses, on doit s'appliquer à en empêcher la cause, en évitant qu'il ne se forme de pléthore, ou au moins à détourner lorsqu'elle est formée, les efforts que la nature est portée à faire pour la dissiper par la voie des vaisseaux hémorrhoïdaux, ou pour y déposer l'excédent de la masse du sang. Voyez PLETHORE.

On propose dans tous les ouvrages de pratique, une infinité de remèdes comme spécifiques, pour la guérison ou pour le soulagement des hémorrhoïdes douloureuses ; mais de ce qu'on varie si fort sur ceux auxquels on doit attribuer cette qualité, qui ne peut convenir qu'à un très-petit nombre, sinon à un seul, pour avoir égard aux différentes circonstances ; il s'ensuit qu'elle n'est reconnue dans aucun, que l'expérience et même le raisonnement puisse faire regarder comme un vrai spécifique. Voyez REMEDE, SPECIFIQUE.

Au reste, pour le détail des remèdes et médicaments indiqués dans les différents états des hémorrhoïdes, il faut consulter les auteurs célèbres qui ont recueilli ce qui a été proposé de mieux par les anciens, et qui y ont ajouté ce qu'une expérience éclairée a pu leur apprendre à cet égard ; tels sont entr'autres, Pison, Sennert, Rivière, Ettmuller, Baglivi, Hoffman, et le Trésor de Pratique de Burnet, qui réunit un grand nombre de curations faites par différents médecins de réputation : pour les observations, Forestus, Baillou, le Sepulchretum anatomicum de Bonnet, etc. pour la théorie en général, Stahl, qui en a traité ex professo d'une manière particulière, avec des observations intéressantes ; Nenter, la dissertation de Santorinus sur ce sujet, Hoffman déjà cité, etc. et pour la partie chirurgicale, les institutions d'Heister, etc.