S. m. et f. (Mythologie) monstre fabuleux, auquel les anciens donnaient ordinairement un visage de femme, avec un corps de lion couché.

Le sphinx, célèbre dans la fable, est celui de Thèbes qu'Hésiode fait naître d'Echidne et de Typhon. Junon irritée contre les Thébains, envoya ce monstre dans le territoire de Thèbes pour le désoler.

On représente le sphinx de Thèbes avec la tête et le sein d'une jeune fille, les griffes d'un lion, le corps d'un chien, la queue d'un dragon, et des ailes. Elle exerçait ses ravages sur le mont Phycée, d'où se jetant sur les passants, elle leur proposait des énigmes difficiles, et mettait en pièces ceux qui ne pouvaient les déchiffrer. Oedipe qui fut assez heureux pour expliquer l'énigme qu'elle lui proposa, a fait lui-même la peinture suivante de cette cruelle sphinx.

Né parmi les rochers aux pieds du Cythéron,

Ce monstre à voix humaine, aigle, femme et lion,

De la nature entière exécrable assemblage,

Vomissait contre nous l'artifice et la rage.

Enfin cette sphinx barbare, outrée de dépit de se voir devinée, se cassa la tête contre un rocher.

Il y en a, dit Pausanias, qui prétendent que la Sphinx était une fille naturelle de Laïus, et que, comme son père l'aimait fort, il lui avait donné connaissance de l'oracle que Cadmus avait apporté de Delphes. Après la mort de Laïus, ses enfants s'entre-disputèrent le royaume ; car outre ses fils légitimes, il en avait laissé plusieurs de diverses concubines ; mais le royaume, suivant l'oracle de Delphes, ne devait appartenir qu'à un des enfants de Jocaste. Tous s'en rapportèrent à Sphinx, qui, pour éprouver celui de ses frères qui avait le secret de Laïus, leur faisait à tous des questions captieuses : et ceux qui n'avaient point connaissance de l'oracle, elle les condamnait à mort, comme n'étant pas habiles à succéder. Oedipe instruit de l'oracle par un songe s'étant présenté à Sphinx, fut déclaré successeur de Laïus.

D'autres ont dit que Sphinx, fille de Laïus, peu contente de n'avoir aucune part au gouvernement, s'était mise à la tête d'une troupe de bandits, qui commettaient mille désordres aux environs de Thèbes ; ce qui la fit regarder comme un monstre. On lui donnait pour mère Echidne, et pour père Typhon ; c'étaient toujours les pères et mères de ce qu'il y avait de plus monstrueux. Les griffes de lion marquaient sa cruauté ; son corps de chien, les désordres dont une fille de ce caractère est capable ; ses ailes désignaient l'agilité, avec laquelle elle se transportait d'un lieu à un autre, pour éviter les poursuites des Thébains ; ses énigmes signifiaient les embuches qu'elle dressait aux passants, les attirant dans les rochers et dans les brossailles du mont Phycée où elle habitait, et dont il leur était impossible de se dégager, faute d'en savoir les issues qu'elle connaissait parfaitement. Oedipe la força dans ses retranchements, et la fit mourir. Sphinx vient de , embarrasser.

Rien de plus commun que la figure de sphinx avec des ailes ou sans ailes, dans les monuments égyptiens. Plutarque dit qu'on mettait des sphinx dans leurs temples, pour marquer que la religion égyptienne était toute énigmatique. Les oracles que les Egyptiens faisaient rendre à leur célèbre sphinx, étaient une frauduleuse invention de leurs prêtres, qui ayant creusé sous terre un canal aboutissant au ventre et à la tête de cette prétendue divinité, entraient aisément dans son corps, d'où ils faisaient entendre d'une voix sépulcrale des paroles superstitieuses en réponse aux voyageurs qui venaient consulter l'oracle.

Pline dit que la tête du sphinx, dont nous parlons, avait quarante-trois pieds de longueur, douze de circuit, et qu'il en avait cent soixante-douze du sommet de la tête jusqu'au ventre. On lit dans les observations curieuses, qu'à trois cent pas de la grande pyramide et presque vis-à-vis du vieux Caire, proche le rivage du Nil, on voit encore la tête de ce fameux sphinx, et que le reste du corps est enterré sous le sable ; mais ce récit est un nouveau conte à ajouter aux autres. (D.J.)

SPHINX, (Sculpture) ouvrage de sculpture imitant les sphinx de la fable ; on les représente d'ordinaire avec la tête et le sein d'une fille, et le corps d'un lion ; tel est le sphinx de l'escalier qui porte ce nom à Fontainebleau ; tels sont les deux sphinx de marbre blanc, devant le parterre de la dauphine à Versailles. On en voit plusieurs autres semblables qui ornent des rampes de terrasse dans les jardins ; mais il n'y a point de sphinx modernes, qui égalent les anciens en goût et en travail exquis.

C'est dommage que le sphinx de bronze qui a été déterré à Rome, se soit trouvé dans un si grand désordre qu'on a eu beaucoup de peine à le restaurer. On ne peut nier qu'il n'ait été grec. L'assemblage des morceaux met les connaisseurs en état de juger combien les Grecs avaient altéré la première forme de ces animaux. Il est vrai qu'ils n'y attachaient pas les mêmes idées, et qu'ils étaient éloignés de l'allégorie des signes célestes, qui avaient donné naissance à cet objet fantastique. Le sphinx n'était en quelque façon connu dans la Grèce que par l'histoire d'Oedipe ; on le voit même sur quelques pierres gravées, lorsqu'il propose à ce prince une énigme qui ne mérite guère d'être si célebrée. Le sphinx est encore traité de la même façon sur le revers des médailles des Antiochus, et sur un poids de plomb trouvé dans l'île de Chio. Ces différents emplois du même objet méritent d'être présentés ; ils sont capables de piquer la curiosité, et font naître l'envie de chercher pourquoi les Grecs ont adopté le sphinx ; pourquoi ils ne l'ont point représenté accroupi ; enfin, pourquoi ils lui ont donné des ailes, de l'arrondissement desquelles il y a lieu d'être surpris ? Toutes ces réflexions sont de M. de Caylus. (D.J.)