ou VITRY, (Géographie moderne) en latin du moyen âge Vitriacum, Victriacum, mot qui vient de quelque verrerie, de quelque victoire, ou peut être de ce que la légion romaine dite victrix, a demeuré en garnison dans les endroits des Gaules nommés depuis Vitri. Quoi qu'il en sait, ces divers lieux sont ou des villes, ou des bourgades, ou des villages, ou des châteaux.

Vitry-le-Français est aujourd'hui la seule ville du nom de Vitry.

Vitry-le-Brulé, dont nous parlerons, n'est plus qu'un village.

Vitry-sur-la-Scarpe, est une bourgade à deux lieues de Douai, connue pour avoir été le séjour de quelques princes de la première race des rois de France. Il y a deux châteaux du nom de Vitry, l'un dans la forêt d'Orléans, dont quelques anciens monuments de l'histoire de France font mention ; l'autre est dans la forêt de Bière en Gâtinais ; et c'est ici que mourut Henri I. roi de France, en 1060, âgé de 55 ans, sans avoir rien fait de mémorable. On sait que c'est sous son règne que commença la première maison de Bourgogne, la maison de Lorraine d'aujourd'hui dans la personne de Gérard d'Alsace, et la maison de Savoye dans Humbert aux blanches mains, comte de Maurienne. Le château de Fontainebleau est vraisemblablement élevé sur les ruines de celui de Vitry dont nous parlons. (D.J.)

VITRI-LE-BRULE, (Géographie moderne) ancienne ville, et à présent village de France dans la Champagne, situé sur la rivière de Saulx, à demi-lieue de Vitry-le-Français. Elle portait le titre de comté, et les comtes du Pertais y faisaient leur résidence. L'église paroissiale a été bâtie, selon les uns, par le roi Robert, et selon les autres par les comtes de Champagne, qui furent vassaux des archevêques de Rheims pour Vitry, ainsi que pour d'autres lieux.

Louis le Jeune étant en guerre contre Thibaud, prit Vitry ; ses soldats mirent le feu à l'église, qui fut consumée, et dans laquelle treize cent personnes innocentes périrent d'une manière affreuse, dit Mezerai ; c'est à cause de cette désolation que Vitri fut nommé le Brulé. Louis le Jeune en ayant eu la conscience bourrelée, S. Bernard lui prescrivit une croisade pour pénitence, tantum religio....

La ville de Vitri était destinée à périr cruellement par le feu. Elle fut en partie incendiée par Jean de Luxembourg, et totalement brulée par Charles-quint, en 1544. François I. la fit rebâtir à une demi-lieue plus loin sur la Marne, au village de Montcontour, et cette nouvelle ville prit le nom de Vitri-le-Français. Voyez en l'article. (D.J.)

VITRI LE-FRANÇOIS, (Géographie moderne) ville de France, dans la Champagne, sur la droite de la Marne, à 6 lieues au sud est de Châlons, à 12 au couchant de Bar-le-Duc, et à 46 au levant de Paris. Long. 22. 16. lat. 48. 39.

On appelle cette ville Vitri le-Français, en latin barbare Victoriacum Francisci I. parce que François I. la fit bâtir, et lui donna son nom et sa devise, après le saccagement de Vitri-le-Brulé, ou Vitri en Pertais, par les troupes de Charles-quint, en 1544. François I. y transfera les juridictions qui étaient dans l'autre. Henri II. y fit élever sur la grande place le palais dans lequel lesdites juridictions tiennent leurs séances.

Cette ville est aujourd'hui très-peuplée, et fait un gros commerce en grains ; ses places sont assez belles, quoique les maisons n'y soient que de bois. Elle a pour sa défense huit bastions sans maçonnerie, mais entourés de fossés d'eau vive.

Il y a à Vitri un chapitre de fondation royale, un collège des pères de la doctrine chrétienne, deux hôpitaux, un couvent de minimes, un autre de récollets, et des religieuses de la congrégation.

Cette ville a aussi un bailliage, un présidial créé en 1551, et régi par sa coutume particulière, un maître des eaux et forêts, un grenier à sel, et une châtellenie pour les domaines du roi.

Mais la principale gloire de Vitri-le-Français est d'avoir donné naissance, en 1667, à M. Moivre (Abraham.) Il entrevit de bonne heure les charmes des mathématiques, et en fit son étude favorite. Il eut pour maître à Paris le célèbre Ozannam, avec lequel il lut non-seulement les livres d'Euclide, qui lui parurent trop difficiles à entendre sans le secours d'un maître, mais encore les sphériques de Théodose.

La révocation de l'édit de Nantes obligea M. Moivre à changer de religion ou de pays. Il opta sans balancer pour ce dernier parti, et passa en Angleterre, comptant, avec raison, sur ses talents, et croyant cependant encore trop légèrement avoir atteint le sommet des mathématiques. Il en fut bien-tôt et bien singulièrement désabusé.

Le hazard le conduisit chez le lord Devonshire, dans le moment où M. Newton venait de laisser à ce seigneur un exemplaire de ses principes. Le jeune mathématicien ouvrit le livre, et séduit par la simplicité apparente de l'ouvrage, se persuada qu'il allait l'entendre sans difficulté ; mais il fut bien surpris de le trouver hors de la portée de ses connaissances, et de se voir obligé de convenir, que ce qu'il avait pris pour le faite des mathématiques, n'était que l'entrée d'une longue et pénible carrière qui lui restait à parcourir. Il se procura promptement ce beau livre, et comme les leçons qu'il était obligé de donner l'engageaient à des courses presque continuelles, il en déchira les feuillets pour les porter dans sa poche, et les étudier dans les intervalles de ses travaux. De quelque façon qu'il s'y fût pris, il n'aurait jamais pu offrir à Newton un hommage plus digne, ni plus flatteur, que celui qu'il lui rendait en déchirant ainsi ses ouvrages.

M. Moivre parcourut toute la géométrie de l'infini avec la même facilité et la même rapidité, qu'il avait parcouru la géométrie élémentaire ; il fut bien-tôt en état de figurer avec les plus illustres mathématiciens de l'Europe ; et par un grand bonheur, il devint ami de M. Newton même.

En 1697, il communiqua à la Société royale, une méthode pour élever ou pour abaisser un multinome infini à quelque puissance que ce sait, d'où il tira depuis une méthode de retourner les suites, c'est-à-dire d'exprimer la valeur d'une des inconnues par une nouvelle suite, composée des puissances de la première. Ces ouvrages lui procurèrent sur le champ une place dans la Société.

Il avait donné en 1707 différentes formules pour résoudre, à la manière de Cardan, un grand nombre d'équations, où l'inconnue n'a que des puissances impaires ; ces formules étaient déduites de la considération des secteurs hyperboliques, et comme l'équation de l'hyperbole ne diffère que par les signes de celle du cercle, il appliqua les mêmes formules aux arcs du cercle ; par ce secours, et celui de certaines suites, il résolut des problèmes qu'il n'eut osé tenter sans cela. Ces succès lui attirèrent les plus grands éloges de la part de M. Bernoulli et de M. Leibnitz.

M. de Montmort ayant publié son analyse des jeux de hazard, on proposa à M. Moivre quelques problèmes plus difficiles et plus généraux, qu'aucun de ceux qui s'y rencontrent : comme il était depuis longtemps au fait de la doctrine, des suites et des combinaisons, il n'eut aucune peine à les résoudre ; mais il fit plus, il multiplia ses recherches, et trouva ses solutions et la route qu'il avait prise si différentes de celles de M. de Montmort, qu'il ne craignit point qu'on put l'accuser de plagiat ; aussi de l'aveu de la Société royale qui en porta le même jugement, son ouvrage fut imprimé dans les transactions Philosophiques, sous le titre de mensura sortis.

M. Moivre donna depuis deux éditions anglaises de son ouvrage, dans lesquelles il renchérit beaucoup sur les précédentes ; la seconde surtout qui parut en 1738, est précédée d'une introduction qui contient les principes généraux de la manière d'appliquer le calcul au hazard ; il y indique le fondement de ses méthodes, et la nature des suites qu'il nomme récurrentes, dans lesquelles chacun des termes a un rapport fixe avec quelques-uns des précédents ; et comme elles se divisent toujours en un certain nombre de progressions géométriques, elles sont toujours aussi facilement sommables.

Les recherches de M. Moivre sur les jeux de hazard, l'avaient tourné du côté des probabilités : il continua de travailler sur ce sujet, et résolut la question suivante : " si le nombre des observations sur les événements fortuits peut être assez multiplié, pour que la probabilité se change en certitude ". Il trouve qu'il y a effectivement un nombre de faits, ou d'observations assignables, mais très-grand, après lequel la probabilité ne diffère plus de la certitude ; d'où il suit qu'à la longue le hazard ne change rien aux effets de l'ordre, et que par conséquent, où l'on observe l'ordre et la constante uniformité, on doit reconnaître aussi l'intelligence et le choix ; raisonnement bien fort contre ceux qui osent attribuer la création au hazard et au concours fortuit des atomes.

L'âge de M. Moivre commençant à s'avancer, il se trouva successivement privé de la vue et de l'ouie ; mais ce qu'il y eut de plus singulier, c'est que le besoin de dormir augmenta chez lui à un tel point, que vingt heures de sommeil par jour, lui devinrent habituelles. Enfin, en 1754 il cessa de s'éveiller, étant âgé de quatre-vingt-sept ans. L'académie des Sciences de Paris, l'avait nommé cinq mois auparavant à la place d'associé étranger, et il se flattait même alors, de pouvoir payer cet honneur par quelque tribut académique. (D.J.)