Litradas, (Littérature) nom que les Chinois donnent à ceux qui savent lire et écrire leur langue. Voyez CHINOIS.

Il n'y a que les lettrés qui puissent être élevés à la qualité de mandarins. Voyez MANDARINS. Lettrés est aussi dans le même pays le nom d'une secte qu'on distingue par ses sentiments sur la religion, la Philosophie, la politique. Elle est principalement composée de gens de lettres du pays, qui lui donnent le nom de jukiao, c'est-à-dire les savants ou gens de lettres.

Elle s'est élevée l'an 1400 de J. C. lorsque l'empereur, pour réveiller la passion de son peuple pour les Sciences, dont le goût avait été entièrement émoussé par les dernières guerres civiles, et pour exciter l'émulation parmi les mandarins, choisit quarante-deux des plus habiles docteurs, qu'il chargea de composer un corps de doctrine conforme à celle des anciens, pour servir désormais de règle du savoir, et de marque pour reconnaître les gens de lettres. Les savants préposés à cet ouvrage, s'y appliquèrent avec beaucoup d'attention ; mais quelques personnes s'imaginèrent qu'ils donnèrent la torture à la doctrine des anciens pour la faire accorder avec la leur, plutôt qu'ils ne formèrent leurs sentiments sur le modèle des anciens. Ils parlent de la divinité comme si ce n'était rien de plus qu'une pure nature, ou bien le pouvoir et la vertu naturelle qui produit, arrange et conserve toutes les parties de l'univers. C'est, disent-ils, un pur et parfait principe, sans commencement ni fin ; c'est la source de toutes choses, l'espérance de tout être, et ce qui se détermine soi-même à être ce qu'il est. Ils font de Dieu l'âme du monde ; il est, selon leurs principes, répandu dans toute la matière, et il y produit tous les changements qui lui arrivent. En un mot, il n'est pas aisé de décider s'ils réduisent l'idée de Dieu à celle de la nature, ou s'ils élèvent plutôt l'idée de la nature à celle de Dieu : car ils attribuent à la nature une infinité de ces choses que nous attribuons à Dieu.

Cette doctrine introduisit à la Chine une espèce d'athéïsme raffiné, à la place de l'idolatrie qui y avait régné auparavant. Comme l'ouvrage avait été composé par tant de personnes réputées savantes et versées en tant de parties, que l'empereur lui-même lui avait donné son approbation, le corps de doctrine fut reçu du peuple non seulement sans contradiction, mais même avec applaudissement. Plusieurs le goutèrent, parce qu'il leur paraissait détruire toutes les religions ; d'autres en furent satisfaits, parce que la grande liberté de penser qu'il leur laissait en matière de religion, ne leur pouvait pas donner beaucoup d'inquiétude. C'est ainsi que se forma la secte des lettres, qui est composée de ceux des Chinois qui soutiennent les sentiments que nous venons de rapporter, et qui y adhèrent. La cour, les mandarins, les gens de qualité, les riches, etc. adoptent presque généralement cette façon de penser ; mais une grande partie du menu peuple est encore attachée au culte des idoles.

Les lettrés tolèrent sans peine les Mahométans, parce que ceux-ci adorent comme eux le roi des cieux et l'auteur de la nature ; mais ils ont une parfaite aversion pour toutes les sectes idolâtres qui se trouvent dans leur nation. Ils résolurent même une fois de les extirper, mais le désordre que cette entreprise aurait produit dans l'empire les empêcha ; ils se contentent maintenant de les condamner en général comme autant d'hérétiques, et renouvellent solennellement tous les ans à Pékin cette condamnation.