S. m. (Grammaire) c'est la sixième lettre de l'alphabet latin, et de ceux des autres langues qui suivent l'ordre de cet alphabet. Le f est aussi la quatrième des consonnes qu'on appelle muettes, c'est-à-dire de celles qui ne rendent aucun son par elles-mêmes, qui, pour être entendues, ont besoin de quelques voyelles, ou au moins de l'e muet, et qui ne sont ni liquides comme l'r, ni sifflantes comme s, z. Il y a environ cent ans que la grammaire générale de Port-Royal a proposé aux maîtres qui montrent à lire, de faire prononcer fe plutôt que effe. Grammaire génér. ch. VIe pag. 23. sec. éd. 1664. Cette pratique, qui est la plus naturelle, comme quelques gens d'esprit l'ont remarqué avant nous, dit P. R. id. ibid. est aujourd'hui la plus suivie. Voyez CONSONNE.

Ces trois lettres F, V, et Ph, sont au fond la même lettre, c'est-à-dire qu'elles sont prononcées par une situation d'organes qui est à-peu-près la même. En effet Ve n'est que le fe prononcé faiblement ; fe est le Ve prononcé plus fortement ; et ph, ou plutôt fh, n'est que le fe, qui était prononcé avec aspiration. Quintilien nous apprend que les Grecs ne prononçaient le fe que de cette dernière manière (inst. orat. cap. jv.) ; et que Cicéron, dans une oraison qu'il fit pour Fundanius, se mocqua d'un témoin grec qui ne pouvait prononcer qu'avec aspiration la première lettre de Fundanius. Cette oraison de Cicéron est perdue. Voici le texte de Quintilien : Graeci aspirare solent , ut pro Fundanio, Cicero testem, qui primam ejus litteram dicère non posset, irridet. Quand les latins conservaient le mot grec dans leur langue, ils le prononçaient à la grecque, et l'écrivaient alors avec le signe d'aspiration : philosophus de , Philippus de , etc. mais quand ils n'aspiraient point le ils écrivaient simplement f : c'est ainsi qu'ils écrivaient fama, quoiqu'il vienne constamment de ; et de même fuga de , fur de , etc.

Pour nous qui prononçons sans aspiration le qui se trouve dans les mots latins ou dans les français, je ne vois pas pourquoi nous écrivons philosophe, Philippe, etc. Nous avons bien le bon esprit d'écrire feu, quoiqu'il vienne de ; front, de , etc. Voyez ORTOGRAPHE.

Les Eoliens n'aimaient pas l'esprit rude ou, pour parler à notre manière, le h aspiré : ainsi ils ne faisaient point usage du qui se prononçait avec aspiration ; et comme dans l'usage de la parole ils faisaient souvent entendre le son du fe sans aspiration, et qu'il n'y avait point dans l'alphabet grec de caractère pour désigner ce son simple, ils en inventèrent un ; ce fut de représenter deux gamma l'un sur l'autre F, ce qui fait précisément le F qu'ils appelèrent digamma ; et c'est de-là que les Latins ont pris leur grand F. Voyez la Méthode grecque de P. R. p. 42. Les Eoliens se servaient surtout de ce digamma, pour marquer le fe doux, ou, comme on dit abusivement, l'u consonne ; ils mettaient ce v à la place de l'esprit rude : ainsi on trouve , vinum, au lieu de , au lieu de , vesperus ; , au lieu de avec l'esprit rude, vestis, etc. et même, selon la méthode de P. R. (ibid.) on trouve serFus pour servus, DaFus pour Davus, etc. Dans la suite, quand on eut donné au digamma le son du fe, on se servit du ou digamma renversé pour marquer le ve.

Martinius, à l'article F, se plaint de ce que quelques grammairiens ont mis cette lettre au nombre des demi-voyelles ; elle n'a rien de la demi-voyelle, dit-il, à moins que ce ne soit par rapport au nom qu'on lui donne effe : Nihil aliud habet semivocalis nisi nominis prolationem. Pendant que d'un côté les Eoliens changeaient l'esprit rude en f, d'un autre les Espagnols changent le f en hé aspiré ; ils disent harina pour farina, hava pour faba, hervor pour fervor, hermoso pour formoso, humo au lieu de fumo, &c.

Le double f, ff, signifie par abréviation les pandectes, autrement digeste ; c'est le recueil des livres des jurisconsultes romains, qui fut fait par ordre de Justinien empereur de Constantinople : cet empereur appela également ce recueil digeste, mot latin, et pandectes, mot grec, quoique ce livre ne fût écrit qu'en latin. Quand on appelle ce recueil digeste, on le cite en abrégé par la première lettre de ce mot d. Quand dans les pays latins on voulut se servir de l'autre dénomination, et surtout dans un temps où le grec était peu connu, et où les Imprimeurs n'avaient point encore de caractères grecs, on se servit du double f, ff, c'est le signe dont la partie inférieure approche le plus du grec, première lettre de , c'est-à-dire livres qui contiennent toutes les décisions des jurisconsultes. Telle est la raison de l'usage du double f, ff, employé pour signifier les pandectes ou digeste dont on cite tel ou tel livre.

Le dictionnaire de Trévoux, article F, fait les observations suivantes :

1°. En Musique, F-ut-fa est la troisième des clés qu'on met sur la tablature.

2°. F, sur les pièces de monnaie, est la marque de la ville d'Angers.

3°. Dans le calendrier ecclésiastique, elle est la sixième lettre dominicale. (F)